C'est vraiment toi? ─ Pv Eden

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C’est vraiment toi ?

Le droit. Un domaine qui fascinait bien des gens, avec autant de règles et pourtant une capacité à l’appliquer en justice qui différait au cas par cas. Un concept que seules les civilisations pouvaient connaitre, mettre en place, faire appliquer, exécuter. C’était certainement cet intérêt que dégageait cette matière, qui faisait que l’amphithéâtre était toujours bondé. Et c’était bien entendu, un milieu qui passionnait Eden au plus haut point. Toujours le premier entré dans l’amphi, ponctuel, assidu, curieux de tout et surtout, brillant, le jeune homme était certain d’obtenir sa licence avec brio. Après tout ses notes du premier semestre étaient proches de l’excellence, il était donc en cours quasiment en vacances. Mais il travaillait pourtant toujours aussi dur, questionnait ses professeurs, faisait ses devoirs. Un élève comme on n’en trouve plus.

Bien entendu, une fois sorti de l’amphi, Eden redevenait un adolescent de dix-huit ans normal, avec une bande de copains, des délires, des sourires, de la camaraderie. Mais pas vraiment d’amitié très intense. Même si Eden était quelqu’un de très sociable et souvent entouré de sympathie, il accordait une réelle importance à ce qu’était vraiment un « ami » et n’accordait pas ce statut à n’importe qui. Il y avait ses copains, et il y avait ses amis. Alors que sa bande annonçait qu’ils allaient trainer un peu dans la cour, Eden lui préféra se rendre en étude terminer son exposé. Il les rejoindrait plus tard et savait que les autres ne lui en tiendraient pas rigueur. Après tout ils le connaissaient et connaissaient l’importance qu’il accordait au travail. Camouflé dans son sac à dos, Evoli zippa la fermeture éclair, sa frimousse et ses grandes oreilles sortant du sac pour lécher la joue de son maitre. Le gratifiant d’une caresse, il prit alors le chemin pour se rendre en étude.

- Eden, c’est bien toi ?

Une voix féminine prononça alors son prénom. Intrigué, il se stoppa et se tourna pour observer son interlocutrice. Une jeune femme d’une vingtaine d’années, blonde, les yeux verts et qui avait vraisemblablement été plutôt gâtée par Dame Nature. Curieusement son visage lui dit quelque chose. Il la fixa longuement sans ciller, farfouillant au fin fond de sa mémoire où il avait bien pu la voir, la croiser, la rencontrer. Mais les mots qui suivirent le troublèrent encore plus.

- Si tu savais comme cela fait plaisir de te revoir. J'espère que je ne te dérange pas d'ailleurs, je devrais pas empiéter sur le temps de travail de mes collègues. En tout cas, ça fait plaisir. Si tu as du temps, on pourra parler à nouveau.

De plus en plus stupéfait, Eden écarquilla les yeux. Non seulement elle lui disait quelque chose mais en plus, elle semblait bien le connaitre. C’était aberrant, Eden n’arrivait pas à se souvenir. Elle s’était peut-être trompée de personne ? Mais si ce fut le cas, elle ne l’aurait pas appelé par son prénom. En plus le jeune garçon ne savait absolument pas comment parler aux femmes. Comment lui dire clairement qu’il ne la connaissait pas sans lui faire de mal, elle qui semblait être si proche de lui ? Il avait du se passer quelque chose, enfin on n’oublie pas les gens comme ça !

- Excusez-moi, mais… Qui êtes-vous ?

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C’est vraiment toi ?

A la vue de sa colère si soudaine, Eden baissa les yeux, et se pinça les lèvres. On lui avait toujours dit qu’il ne savait pas du tout parler aux femmes, et il venait d’en avoir une preuve incontestable. Lui qui avait essayé de se montrer désolé de ne pas se souvenir d’elle, il l’avait fichue dans une rogne pas possible. Et sincèrement, elle lui faisait un peu peur. Allait-elle se mettre à le frapper, pour avoir posé cette question ? Mais faire semblant de se souvenir aurait été un manque de respect encore plus méprisable que de lui demander, qui elle était. Le jeune homme se frotta l’arrière de la nuque en la regardant, avant de secouer doucement les mains.

- Non, attendez ! Ruth, c’est ça ? Euh… Je ne voulais pas vous faire de mal, je suis désolé.

Poli et galant, le jeune fée s’inclina en avant par respect, afin de lui présenter ses excuses. C’était bien la première fois qu’il faisait du mal à une fille. En vrai, à part Emma et son amie Elise, il n’était pas tellement habitué à fréquenter les filles et ne savait donc pas tellement comment se comporter avec elles. Elles étaient un mystère pour lui, une des plus grandes énigmes de son existence. Alors il tenta de parler, marquant une pause entre presque chacun de ses mots, pour savoir quoi lui dire sans la blesser encore.

- Disons que… Quand j’avais douze ans, j’ai eu, une sorte de… Traumatisme ?

Tout doucement, il glissa ses doigts à l’endroit où il s’était fait mordre. Aujourd’hui il n’y avait plus ni cicatrice ni marque, mais il lui arrivait que l’incision des canines lui fasse encore mal, quand il faisait froid ou humide par exemple. Eden se mit à taper la pointe de son pied sur le sol, geste qu’il faisait souvent lorsqu’il était embarrassé. D’ailleurs, il avait du faire le même, le jour où il avait rencontré Ruth. Mais ça, il était incapable de le dire. Le voilà replongé l’état d’un gamin penaud qui savait qu’il avait fait une bêtise, et qui cherchait à se faire pardonner sans savoir comment. Il prit une grande inspiration, et poursuivit son explication, tout en espérant qu’elle le croirait, et surtout qu’il ne la blesserait pas plus.

- Alors, si vous m’avez connu avant, ou juste avant, il est possible que ma mémoire ait… Comment dire, fait une espèce de blocage, ou je ne sais pas quoi… Mais il y a certaines choses dont je ne me souviens pas avant que ce soit arrivé, vous n’êtes pas la seule, alors…

A nouveau, il frotta sa tignasse rousse avec embarras, en fixant le sol. Au moins il avait réussi à ce qu’elle l’écoute, sans partir. Un exploit qu’il avait commit là, il fallait qu’il prenne des notes, que quelqu’un immortalise ce moment où il avait réussi à tenir un argument face à une demoiselle sans prendre peur.

- Mais si vous me dites que nous étions amis autrefois, je vous crois et je veux bien… Réapprendre à vous connaitre et être à nouveau… Votre ami ?

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C’est vraiment toi ?

En l’entendant souffler, Eden ne put que baisser un peu plus la tête, totalement désolé. Que faire ? Il n’avait vraiment pas envie de lui faire du mal, en plus elle semblait si gentille et véritablement attachée à lui. Faire souffrir les filles, voilà tout ce dont il était capable maintenant ? Earl se serait probablement bien moqué de lui, s’il avait assisté à cette scène. Puis il l’écouta parler, encore une longue tirade durant laquelle Eden ne broncha pas. Quelque chose au fond de lui, une voix de la conscience lui disait qu’il valait mieux pour sa vie qu’il ne dise rien. Et voilà qu’elle s’excusait d’être un vampire. Fichtre, il ne l’avait même pas remarqué ! Quel imbécile il pouvait faire parfois. Cependant il fit comme si de rien était, autant ne pas lui faire penser qu’il s’en fichait totalement. C’était faux bien sur, cette jolie blonde l’intéressait et l’intriguait mais les femmes étaient tellement imprévisibles qu’il suffisait d’un mot de travers pour les foutre en rogne et les vexer. Autant éviter la catastrophe. Alors il se mit à secouer les mains, face à son visage, et attendit qu’elle ait terminé pour répondre à son tour.

- Non, j’ai vraiment envie de redevenir votre ami ! Enfin, vous avez l’air véritablement affectée par le fait que je ne me souvienne pas et j’en suis vraiment navré. Et ne vous excusez pas, ce n’est pas parce que je me suis fait mordre que je hais tous les vampires de l’île.

Et voilà, quand il était vraiment tout désolé, il se mettait à parler comme un bourgeois qui aurait tâché de faire la cour à une fille en utilisant un langage si soutenu que lui-même comprenait à peine le sens de ses propres phrases. Il glissa sa main sur l’arrière de sa tête pour se frotter la tignasse, qui visiblement n’était pas encore assez en bazar à son goût, et lâcha un petit rire nerveux. C’était vrai que le droit le fascinait, mais il avait mit un certain temps à s’y intéresser. Il avait fallu qu’il plonge par hasard le nez dans un code pénal pour découvrir à quel point cet univers était intéressant. Enfin, c’était son point de vue.

- Oui, mon intérêt pour le droit est tout jeune. Mais ça ne m’empêche pas d’être libre, au contraire, je ne l’ai jamais autant été depuis que je suis étudiant !

Nouveau rire, et le voilà à nouveau parti pour lui raconter sa vie. C’était un des défauts –rares bien sur- du jeune fée, il avait l’esprit très évasif et avait tendance à un peu trop s’éparpiller. Alors il se racla la gorge et joignit ses mains dans son dos, lui offrant un sourire tout mignon qui se voulait le plus amical possible.

- Et vous ? Enfin, je peux vous tutoyer ? Euh… Tu es prof, c’est ça ? Ca te plait ?

Il bredouillait quelque peu, visiblement très intimidé par cette femme qui avait beaucoup trop de charisme pour qu’il puisse oser lui tenir tête ne serait-ce qu’une seconde.

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C’est vraiment toi ?

A nouveau, Eden se tut pour l’écouter parler, guettant chacune de ses réactions. Au moins elle avait l’air moins fâchée contre lui, ce qui au fond le rassura. Il n’avait franchement pas envie de se prendre des remontrances de la part de Ruth, qui était en plus une prof et qui avait l’air assez sévère. Il se dit un instant qu’il avait bien fait de choisir une section droit et non histoire, car ça aurait été totalement différent si au lieu d’être son amie, elle avait été sa prof. D’ailleurs, une amitié entre un prof et un élève était toujours très mal vue, et des rumeurs auraient eu vite fait de circuler et auraient même pu poser un problème quant à la carrière de la jeune femme. Et ça, Eden le refusait catégoriquement. Alors oui, il avait bien fait de partir en droit. Peut-être était-ce un coup du destin ? Cette idée lui fit lâcher un petit rire, oui il riait souvent tout seul de ses propres idées. Le destin n’y était pour rien, Eden ne s’était tout simplement jamais vraiment intéressé à l’histoire de l’île qui devait être truffée des histoires d’amour et de tromperie des dieux. Sincèrement, ça ne l’intéressait pas plus que ça. Cependant, il ne put que sourire en la voyant si passionnée par ses propres paroles. Plus il l’entendait parler, plus quelques souvenirs lui remontaient en mémoires, flashs incontrôlables qui auraient vite fait de lui filer une migraine. Il se souvenait bien que cette fille était une vraie pipelette, mais rien à faire, re-visualiser le jour de leur rencontre lui semblait impossible. Du moins, pour le moment. Peut-être qu’avec le temps, ça reviendrait.

- C’est agréable de voir un prof aussi passionné par sa matière, de nos jours on n’en trouve plus beaucoup.

Il esquissa un sourire en se rappelant son prof de droit des enfants qui était aussi soporifique qu’un épisode des Feux de L’Amour. On sentait bien en l’écoutant qu’il n’avait qu’une hâte : se tirer d’ici et avoir sa retraite beaucoup trop généreuse pour le travail fourni. Il fallait s’accrocher avec lui, car non seulement il n’enseignait que le strict minimum, mais en plus il demandait une culture dans ses devoirs très riche, et qu’il ne fournissait pas. Autant vous dire que pour espérer avoir la moyenne, il vallait mieux se plonger dans les ouvrages de codes plutôt que dans ses cours écrits. Eden aurait aimé avoir une prof comme Ruth dans sa section, ça lui aurait épargné bien des heures de travail. Mais l’on s’égare. A la proposition de la blonde, Eden hocha vivement la tête.

- Oui, je suis libre comme l’air. Allons-y, je connais un bon café.

Effectivement, Eden tira la jeune femme jusqu’au café-restaurant où il travaillait. Il ne supportait pas le patron mais au moins il savait que le goût de ce qui était servi ici était divin. Heureusement qu’Elise ne bossait pas aujourd’hui, il n’aurait pas forcément apprécié se faire servir par son amie. Et puis peut-être que si il ramenait une cliente supplémentaire, le patron ne serait pas trop vache avec lui lors de son prochain service. Un regarda Ruth une fois avoir passé la porte.

- Ici, ça te va ?

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C’est vraiment toi ?

Si Eden l’avait emmené dans cet endroit, c’était parce qu’il savait que les boissons étaient très bonnes, et que le patron malgré ses airs de vieux bourge détestable qui faisait un mètre vingt de hauteur sur un mètre vingt de largeur, faisait un café divin. Et Eden savait de quoi il parlait, pour avoir gouté des centaines de café différents dans sa vie, ceux-ci étaient les meilleurs. Jamais l’innocente fée n’aurait pensé à l’emmener se bourrer la gueule, surtout que lui serait certainement par terre après même pas une bière. Pas du tout habitué à picoler, le petit. En y repensant, à son âge, il n’avait encore jamais prit de cuite et n’avait du boire que très peu d’alcool. Un vrai brun de pureté, qui n’avait jamais bu, jamais fumé, et même jamais embrassé qui que ce soit. Sage comme une image, le jeune garçon.

Un bref coup d’œil au patron, ce dernier lui fit un sourire qui en disait bien trop long sur sa satisfaction qu’il éprouvait à voir son esclave… Pardon, son employé lui ramener des clients. Eden fit claquer sa langue et leva les yeux au ciel, cet homme était détestable au possible. Un vieux con bourré de fric, petit con prétentieux. Pourtant Eden n’avait pas l’habitude de détester les gens mais lui, il le haïssait comme c’était pas permit. Enfin, trêve de bavardage, Eden s’installa en face de Ruth après l’avoir laissé choisir la table, tandis qu’il lui semblait que l’alcoolisme de la jeune femme n’était étrangement pas un scoop pour lui, comme s’il l’avait su depuis longtemps. Décidément sa mémoire lui jouait des tours, aujourd’hui. Il entrevoyait soudainement une réponse à une de ses interrogations, et la voilà disparue dans la seconde qui suivait. De quoi vous foutre en rogne, sérieusement. Pourtant le jeune garçon gardait le sourire, ne voulait pas gâcher cette opportunité qu’il avait de se faire une nouvelle amie. Même s’il était sociable et qu’il attirait très facilement la sympathie des gens, les vrais amis, ça restait rare et précieux. C’était pour cette raison qu’Eden préférait bien connaitre une personne avant d’entreprendre une véritable relation amicale avec elle. Une fois encore, le rouquin écoutait la demoiselle bavarder toute seule, avant d’entreprendre de lui expliquer ce qui avait bien pu changer depuis avant ses douze ans.

- Et bien… Ma mère est partie avec ma sœur Emma, et je vis maintenant seul avec mon frère Earl et notre père. Mais je vais les voir régulièrement, j’aime trop ma grande sœur pour rester longtemps loin d’elle, mais je ne peux pas rester trop longtemps avec les filles car après Earl me manque.

Il avait toujours ce grand sourire et ce visage plein d’amour, quand il parlait de sa famille. Il aurait presque put avoir l’air niais comme ça, mais c’était la pure vérité, et en réalité il souffrait quand même de devoir constamment jongler entre son frère et sa sœur, ce qui était équivalent à choisir entre les deux. Mais il sourit à la demoiselle, cachant ces sentiments néfastes.

- Et toi, qu’est-ce que tu racontes d’autre ?