Secours maritime. Feat Eden

Un fleuve rougeâtre coulant le long de ses veines jusqu'à venir toucher son cœur.
L'adrénaline hérissant le moindre de ses poils.
Le doré de ses yeux vint affronter le ciel peuplé de tâches blanches. Aucune grimace se profilant à l'horizon. Il n'y avait que le silence.

Sa respiration effleurant l'air frais, les nuages cotonneux se pavanant devant son regard las dans le ciel aux multiples couleurs bleutées. Dans l'air, une unique odeur de liberté tenue entre ses doigts, s'évaporant devant ses sens avant même qu'il ne puisse réaliser qu'elle se tenait là, juste devenant ses orbes aux teintes précieuses. La liberté. Une idée éphémère, inexistante, différente pour chaque être. Lui ne parvenait plus à décrire la sienne, en avait-il quelque chose à faire, dans le fond ? Un minuscule sourire éclôt sur le coin de ses lèvres, sa peau hurlant contre les vagues de la mer, les mêmes qui lui dévoraient l'épiderme, il avait cru s'y être habitué avec le temps. Jezabel souleva mollement le bras, écrasant et dissimulant ses yeux de son avant-bras sans une once de pitié. Le moindre effort paraissait surhumain, son corps sombrait dans une torpeur qu'il ne parvenait pas à apprécier. Bientôt il pourrait se surprendre à rêver devant les vagues maritimes.

Ridicule et pourtant possiblement vrai.

Le sel vint picorer ses récentes plaies, lui arrachant un soupire plaintif, presque pas perceptible, invisible. Dans le silence, il préférait souffrir sans inquiéter le monde, bravant la douleur comme si elle pouvait le permettre de s'élever plus haut dans les cieux. Toutefois ses ailes étaient inexistantes, il avait été créé et était né dans les profondeurs abysssales des océans, il resterait cet être aux nageoires, dénué d'une quelconque paire d'ailes mais non pas dénué d'une volonté d'un jour pouvoir tout surmonter. C'était cela qui le faisait vivre, battre son cœur, cela et le plaisir de rencontrer plus fort, plus agile, plus brillant que lui. Une minuscule grimace naquit sur son visage, déformant son air stoïque, dévoilant cette douleur qu'il cachait presque parfaitement. Cela faisait déjà... bien une une demie heure qu'il flottait dans le courant marin, loin des regards curieux, étrangement en ce jour tout était calme, lui qui craignait de rencontrer des dizaines de couples dégoulinant de bonheur. Leur façade et leur faux bonheur le repoussaient comme deux aimants incompatibles. Il préférait de loin ceux qui criaient et pleuraient car c'était là, leur émotion du moment.

L'amour fou.
Incompréhensible.

Ses mouvements las s'enclenchèrent, l'emmenant jusqu'à la berge, salissant ses quelques vêtements de sable, nettoyant le sang présent qui n'était pas que le sien. Cela avait eu le mérite de ne pas être trop rapide. Cependant une nouvelle fois il s'était laissé aller au plaisir de se faire surprendre, au risque de se faire prendre. Il avait payé son affront. Son boulot était intéressant car il ne savait jamais vraiment sur quoi il allait tomber, ni encore s'il reviendrait sain et sauf. C'était le frisson qui déclenchait la motivation. Jezabel tourna la tête, fixant d'une aura sauvage une silhouette ne bougeant plus, au loin. Une mine agressive, mais un sourire étrange néanmoins présent sur le faciès, il haussa un sourcil tout en enlevant le sable présent sur ses gants.

— Qu'est-ce qu'il y a ? T'as jamais vu quelqu'un en sang ?

Si tel était le cas, ce serait risible que ce pauvre agneau vienne se perdre entre ses crocs et sa mauvaise humeur.

L'adorable fée était là, à longer d'un calme presque lyrique ce long rivage ensoleillée. Sa chevelure d'un rosé pâle ondulait gracieusement, doucement bercée par la brise environnante. Cette mer était enchanteresse. Une eau à l'azur si limpide que la faune et la flore maritime pouvaient être goulûment admirées par ses tendres prunelles. Eden venait souvent du côté de la plage. La mélodie des vagues cotonneuses apaisait cette hyper-activité dont il faisait preuve. Elle lui donnait envie de s'ancrer à cet endroit et de ne plus jamais s'en détacher. Une quête de symbiose que la fée tenta de réaliser en foulant allègrement le fin et doux sablé du rivage de la plante de ses pieds. Ses petites ailes frémirent de béatitude et il aurait pu s'envoler s'il en avait été capable tellement la joie le submergeait. Mais Eden ne pouvait malheureusement pas animer le ciel de sa présence. Il n'avait que pour simple lot de consolation, la capacité de flotter à quelques centimètres de sol.

Sa marche était longue, très longue car il était déterminé à traverser toute la longueur de cette mer si alléchante. Ses prunelles semblèrent étinceler de gaieté et réconforter chacun des nuages qui les croisaient de sa bonne humeur. Il finit pourtant par apercevoir au loin une silhouette se dessiner, étendue à proximité du rivage. Eden l'assimila tout de suite à une pauvre créature esseulée par son échouage. Mais il se trompa rudement et le constata en arrivant à sa hauteur. Un homme semblait peiner sur le sol. Qu'il était séduisant avec sa peau auréolée d'un doux caramel et ce tatouage ornant son muscle brachial. Les joues de la fée s'empourprèrent par réflexe tandis qu'il s'évada de la puissance de sa contemplation. Non ... Il ne devait pas tomber sous son charme, surtout pas lorsqu'il était autant mal en point.

Eden était d'affligé de voir ces traînées de carmin s'échapper de sa plaie et ainsi souiller le sable. Que lui était-il donc bien arrivé pour finir dans un tel état ? Spontanée qu'elle était, la fée s'inquiéta sur le champ pour l'inconnu et se pencha pour pouvoir inspecter sa plaie malgré la sévérité de ses paroles à son égard. Heureusement que le sang-mêlé faisait des études de médecine. C'était une chance pour son interlocuteur. Il déchira sans même réfléchir un morceau de tissu de son propre haut et l'attacha fermement autour de la blessure pour faire office de garrot. Il redressa ensuite soigneusement le bellâtre et évita ses beaux yeux, encore un peu gêné.

— Monte sur mon dos, je vais te porter jusqu'à l'hôpital. Ta blessure doit être soignée.

L'adorable fée s'accroupit juste à côté de lui pour lui intimer de grimper sur sur son dos. Il pourra pleinement se reposer sur elle durant le trajet.