je prends des cours de piano et ça tourne mal : explications (luciéo)

— « Mais vous êtes de grands malades c'est pas possible ! », avait-il crié dans le salon du manoir à ses parents en ce samedi matin plutôt calme à l'origine. « Nan c'est mort, j'irais pas, c'est archi mort, c'est très très mort. » Théodore détestait quand ses parents prennaient des décisions le concernant sans l'avoir mis au courant avant, et c'était exactement ce qu'il venait de se passer. « Vous êtes en train d'me dire que vous m'avez pris des cours de piano dans ce trou paumé de Chloris chez un mec que j'ai jamais vu d'ma vie et que vous avez déjà payé du coup vous m'ferez y aller de gré ou de force? Mais incroyable vous alors quand vous vous y mettez. » Il avait un peu l'air d'un sale gosse comme ça, mais en même temps n'était-ce pas ce qu'il voulait qu'on retienne de lui? Ce n'est pas non plus comme s'il avait eu la grande habitude de parler avec ses parents ; ils étaient probablement les personnes qui le connaissait le moins au monde - même Marie-Thérèse la nouvelle bonne depuis trois jours savait plus de chose sur lui qu'eux en quinze ans.

— « Bon, ok, ok, c'est bon, j'vais y aller à vot' truc. Mais j'vous préviens, payez pas trop d'avance parce que j'suis pas sûr d'y retourner après aujourd'hui. » Il avait fini par céder - il ne savait pas trop si c'était par pitié ou par véritable curiosité, peut-être un peu des deux. Il remonte rapidement dans sa chambre histoire de préparer un petit sac d'affaires diverses (il devait dormir chez Oliver le soir et ne comptait pas vraiment repasser par la manoir avant la nuit), le cale sur son épaule et sort sans dire au revoir. Il n'en revenait pas d'être au dehors de chez lui à dix heures du matin un premier jour de week-end, et pour un truc qu'il n'avait pas demandé en plus.
D'ailleurs, à l'heure qu'il est déjà lorsqu'il se met en route, il se dit qu'il serait plus judicieux de partir en direction du Castle of Heart pour y prendre un téléporteur jusqu'à Chloris, plutôt que de marcher jusqu'à ladite banlieue. Le château était effectivement beaucoup plus près.

— Après environ une demie-heure, il traverse le portail vers le village fleuri. Il sort un papier de sa poche à son arrivée et regarde l'adresse que ses parents avaient griffonée dessus. Il n'avait aucune idée d'où ça se trouvait, il ne connaissait absolument pas Chloris aussi bien que la capitale - il fallait dire qu'il n'y venait que très peu. Presque prêt à rebrousser chemin et flanner en ville, il finit par sortir son téléphone de son jean et d'entrer l'adresse dans l'option GPS. Il marche dans les rues, tourne à quelques coins, fixe autour de lui les gens qui passent en le regardant d'une drôle de façon ; il avait plutôt l'habitude, c'était sûrement à cause de son éternel bonnet qu'il avait encore sur la tête malgré le changement de saison.

— Il finit par trouver la maison de ce qui allait être son « professeur » pendant une heure. Il espérait bien qu'il ne soit pas trop insupportable ou exigeant parce qu'il n'était pas en week-end pour faire des heures de cours supplémentaires avec des enseignants soporifiques - l'Académie lui suffisait emplemment pour cela. Ses parents lui avaient dit que l'homme qu'il allait rencontrer s'appelait Luciano, et semblant quelqu'un de très pédagogue et patient. Seulement, Théodore avait pris l'habitude de ne pas trop se fier aux à prioris de ses parents parce qu'ils s'avéraient souvent peu justes. Il lui restait quelques minutes avant le commencement officiel de sa séance, il décide donc d'en profiter pour ouvrir son nouveau paquet de cigarettes et de s'en griller une, assis sur une platebande de la ruelle. Puisqu'il n'allait pas pouvoir sortir, de ce qu'il approchait actuellement de l'enfer, pendant une heure, autant enfummer ses poumons maintenant.

— Une fois son bâton de poison rendu à l'état de mégot et balancé dans une bouche d'égoût, il se relève et s'approche de la porte. Ayant un minimum requis de respect, il glisse rapidement un chewing-gum sur sa bouche pour éviter de cracher sa nicotine au faciès de sa nouvelle rencontre. Lorsque ceci est fait, il frappe trois fois contre la paroi de bois et attend. « B'jour m'sieur, c'est pour le cours de piano. J'suis Théo De Hastings, c'est mes parents qui vous ont payé. » Il savait pas trop comment il fallait indiquer sa présence dans ce genre de cas, donc il s'était juste présenté, et maintenant il attend simplement qu'on lui ouvre.

— « Bonjour Théo...dore, installes-toi à l'étage. Si tu veux boire ou manger quelque chose dis-le-moi. » Le demi-mage tique légèrement lorsque le plus vieux prononce son prénom en entier. Il avait vraiment horreur de cela ; peu de personnes le faisait et c'était généralement celles qui lui tapait le plus sur le système - notamment ses parents, Oz, les profs, entre autres. Néanmoins, il se force à sourire et répond simplement, « Vous pouvez m'appeler Théo, et j'prendrais bien un verre d'eau s'il vous plaît. » Il fallait dire que l'adolescent savait être respecteueux et rester à sa place quand besoin était - même s'il aurait même préféré avoir cours que d'être ici en cette belle journée ensoleillée.
Une fois un rapide coup d'oeil jeté autour de lui, il entreprend de grimper les marches une à une, un peu hésitant. Il arrive à l'étage, regarde un peu la pièce - c'était une chambre, sûrement celle de Luciano - puis fixe le piano. Mon dieu.

— « Bah mon vieux, tu vas en chier », dit une voix énervante et familière dans sa tête. Il s'agissait de Tweek, son cochon d'Inde, mais aussi son affilié, qu'il avait emmené dans son sac à dos parce qu'il ne faisait pas confiance à ses parents pour le nourrir correctement ne serait-ce qu'une nuit. « J't'ai pas sonné Tweek, reste dans le sac et ferme là s'teuplaît. » Les dialogues entre les deux liés étaient toujours très animés. Lorsque son hôte arrive à son tour dans la pièce et lui indique de s'assoeir, Théodore le fait, sans trop broncher. Cependant, lorsque le mot « solfège » vient caresser ses tympans, il se crispe. Il détestait ça ; il en avait fait une année pendant sa première année de collège et n'avait absolument rien compris, ça l'énervait. « J'ai d'jà fait un peu d'solfège y a quelques années, j'espère qu'vous avez de la patience parce que j'suis une brèle avec les notes. »

— Il commence à poser ses doigts maladroitement sur les touches, un peu curieux de savoir quel son cela allait produire - c'était hideux. Il s'excuse vaguement et enlève ses mains du clavier, puis il se tourne vers son professeur du jour. « Bon, du coup, c'quoi l'exercice? Vous allez m'donner des partitions va falloir que j'retrouve les notes sur le piano? Ou on va juste associer les notes avec leur correspondance sur la portée? Parce que qu'ce soit l'un ou l'autre : j'vais galérer. »
C'est ce qu'il avait dû faire, il y a de cela quelques années, et n'avait jamais obtenu une notes aussi ronde que dans ce cours-ci. Il inversait toutes les lignes de la portée, changeait le sens des notes - bref, un calvaire pour musicien, mais bien évidemment, ses parents sont trop occupés à faire des affaires avec des réseaux plus ou moins nets pour s'inquièter de ce qu'aime leur fils.

— « Je te laisse connaître les sons d'abord, appuie où tu veux et on commencera par les partitions. Si tu connais une chanson en tête, comme par exemple au clair de la lune montres-moi, ça me permettra de savoir si tu possède une oreille musicale. » C'était trop d'informations d'un coup pour le pauvre Théodore, mais après tout, il était là pour apprendre, non? Comme l'avait dit Luciano plus tôt, il partait de presque zéro et allait devoir... « travailler » pour faire de cette leçon quelque chose d'utile. L'adolescent fixe d'abord la partition, puis le piano, puis le professeur, puis revient au piano. Il essaie de se rémémorer ses vagues souvenirs du cours de musique qu'il avait pris et de ce qu'il lui restait. Un éclair d'illumination traverse son esprit lorsque quelque chose lui revient. « J'crois que j'sais jouer Frère Jacques ! » Il était tout fier.

— Il se concentre, le demi-mage. D'ailleurs, on l'avait presque jamais vu aussi concentré - c'était loin de l'attention qu'il prêtait à ses cours habituels. Plaçant ses doigts sur les touches, il tâtonne un peu pour retrouver les notes de la chanson qu'il essaie de jouer, puis il se lance ; ça sonne terrible faux parfois, mais on retrouve quelques morceaux de la partition originale. Une fois qu'il a fini, il affiche un petit sourire gêné. « Bon, bah c'pas ça encore. » Il détestait être embarassé, mais c'est comme ça qu'il se sentait actuellement : ridicule, nul. La grâce d'un instrument aussi noble qu'un piano n'était pas vraiment la prédilection de Théodore - le malheureux n'avait l'habitude que des marteaux et des vis comme instruments.
« Alors, ces notes du coup. » Il attrape le cahier de partitions et cherche la page où elles sont toutes indiquées. Il en reconnaît quelques unes qu'il avait réussi à retenir il y a quelques années, puis il essaie de mémoriser les autres ; il y avait deux pages entières - des notes dièses, des notes bémols, il avait un peu de mal. « J'me souvenais pas qu'il y en avait autant, woah. »

— Il remet le livre sur le porteur, au dessus du clavier, observe les notes sur leur portée respective et tente de ne pas regarder leur nom au dessous. A l'aide la page suivante qui indique la correspondance avec le clavier, il tente de les faire toutes sonner. Il est toujours un peu maladroit, mais commence à prendre de l'assurance, et au fur et à mesure des minutes il commence à retenir et s'améliore. Il n'aura jamais cru s'appliquer autant dans quelque chose auquel ses parents l'avaient forcé mais, même s'il refusait de l'admettre, cela lui plaisait bien.
Après encore un petit bout de temps, il maîtrise presque toutes les notes. Un sourire cette fois fier collé sur son visage de bouffon, il attrape le goblet d'eau et en avale une gorgée. « Alors? J'me débrouille bien, nan? J'me trouve plutôt bon, perso. » La modestie n'était pas trop son truc ; s'il ne se complimentait pas lui-même, qui le ferait?

— « Je suis... Agréablement surpris, tu as vraiment un bon début. Continue de réviser sur les partitions et je pense que tu deviendras un bon débutant. » C'était l'une des premières fois qu'un de ses professeurs lui avait fait un compliment (même s'il n'était pas vraiment enseignant) - autre que « ton éloquence quand il s'agit de bavarder est indescriptiblement incroyable » que lui avait sorti une fois son professeur de maths sur un bulletin. Il est heureux, le p'tit Théodore.
Lorsque la dernière goutte d'eau tombe au fond de sa gorge, Luciano lui propose un autre verre du même beuvrage ou d'un autre. Il tend son verre à son hôte, « Vous auriez pas du soda par hasard? Sinon, un aut' verre d'eau c'bien. ». Sa demande était légèrement maladroite, et lorsqu'il déposa son gobelet dans la main de l'autre, il rajoute : « S'il vous plaît. », en articulant tous les mots de la phrase, ce qui était rare pour lui. Que lui arrivait-il? On ne dirait même pas la même personne, même lui était perturbé.

— D'habitude, il était le petit caïd de la récrée, le petit con qui fait chier tout le monde avec son attitude de bon mâle alpha insupportable ; et là il était tout docile, devant un piano. Incroyable, Théodore. Pendant que Luciano part lui chercher un nouveau verre, l'adolescent continue à pianoter sur les touches, se prennant soudainement pour un virtuose, même si son élan de non-modestie se brise à chaque nouvelle fausse note. Même s'il commençait à tout retenir, il oublait parfois quelques unes et tapait sur la touche d'à-côté, ou faisait le mauvais bémol. Lorsque l'autre revient, il s'arrête, attrape le gobet et en boit un peu avant de le poser sur le dessus de l'instrument. « J'crois que la leçon devait durer une heure et demie, et ça fait déjà au moins quarante minutes qu'j'suis là. Du coup, on a encore cinquante minutes à combler avec des exercices j'suppose. » Il ne savait pas pourquoi il le précisait, mais c'était plus un rappel pour lui même à haute voix qu'autre chose.

— Il regarde l'heure sur sa montre pour confirmer ses dires, et effectivement il était déjà dix heures quarante. Après ce cours, il allait devoir vagabonder en villes, y manger, trouver quoi faire, avant de rejoindre plus tard Oliver chez lui, dans son espèce de taudis des ruelles sombres - sa famille n'était pas des plus riches et ils n'avaient pas eu le choix que de louer un petit appartement dans un immeuble tenu par un vieux monsieur en fauteuil roulant. « Tu divages mon vieux. Concentre toi sur tes fausses notes. » Théodore sursaute légèrement. Ayant peur d'avoir fait lui aussi sursauter Luciano, il lui sourit innocement avant de jeter un regard noir vers son sac. « T'as pas fini d'te balader dans c'que j'pense, sale rongeur? »
Après avoir ingurgité une nouvelle gorgée de la boisson que lui avait rapporté le plus vieux, le demi-mage se replace sur son siège de musicien. Il attrape le carnet de partitions, tourne un peu les pages, et tombe sur les premiers simples exercices ; il tourne le livret et le montre à Luciano, pointant son doigt sur le numéro un : « On fait ça? » Pourquoi était-il si impliqué là-dedans?

— « Commençons par ça et au fur et à mesure que tu connaîtra tout on passera au niveau moyens et en suite difficile, comme dans un jeu vidéo de toute manière. Tu n'a pas vraiment le choix si tu souhaites devenir un bon musicien. » Lorsque l'on parlait jeu vidéo à Théodore, cela le passionait tout de suite un peu plus. Il y passait beaucoup de son temps, et voir le piano sous un autre angle le rendait encore un peu plus motivé à y réussir - il se disait qu'il finirait peut-être grade diamant au clavier, si cela existait. « Bon bah c'est ok alors, j'fais les premiers p'tits exos. » Il se détourne de son professeur, se prépare en avalant une nouvelle gorgée du soda qu'il lui avait apporté, puis se met à suivre les instructions écrites. Il fallait jouer quelques notes formant une mélodie et marquer les silences, qui sont écrites sur la portée - déjà une introduction à une nouvelle leçon? Il penche un peu la tête, se demandant pourquoi ce manuel allait si vite et qu'était même un silence.

— Il tourne les pages du cahier à la recherche d'une définition, les sourcils froncés. Il était actuellement au même niveau d'incompréhension que devant ses cours de maths. « Eh, Luciano, c'est quoi un silence? J'trouve rien dessus dans l'bouquin et c'est l'premier exercice, c'est un délire ce truc. » Quelques minutes plus tard, il ajoute : « Non, attend, c'est bon, j'vais continuer à chercher tout seul. » C'était l'heure de la redescente pour le petit caïd qui s'énerve toujours rapidement lorsque tout ne se passe pas parfaitement et comme il aimerait. Sa voix n'était cependant pas menaçante, c'était jutse un peu de colère passagère. « Bah alors, on s'énerve, Ambrose? » Une nouvelle fois, c'était Tweek qui entrait dans son esprit. Théodore se lève, « J'vais déposer mon sac en bas et aller aux toilettes, j'reviens. » Cela pouvait paraître un peu bizarre pour Luciano qui ne savait pas ce que contenait le sac.
Il attrape une des bretelles puis descend les escaliers avant de déposer le contenant devant le porte d'entrée. « Maintenant ferme ta gueule et m'appelle plus par mon deuxième prénom sinon j'te jure que j'vais te déposer aux animaux abandonnés, fais pas l'fou Tweek. » « Rooooh, on peut jamais rire avec toi Théo, t'es lourd. » Faisant mine de ne rien avoir entendu, l'adolescent remonte sans même aller aux toilettes.

— Il est de retour dans la chambre du plus vieux, et referme la porte en s'excusant. Il revient vite fait se rasseoir sur le petit pouf et se replonge dans ses recherches, qui s'avèrent fructueuses. « Ah! J'ai trouvé! C'est "une courte pause sans musique d'une durée d'un demi-temps". Mais du coup... c'est quoi un demi-temps? » C'était un cercle vicieux ; chaque définition contenait un mot qu'il ne comprenait pas, et la définition d'après, et d'après, et d'après. Interminable. Il commençait à bouillonner. « Eh j'vais jamais réussir à l'faire cet exercice un! »