where will you go alone ─ Felix

Cela n'était pas censé durer aussi longtemps, en théorie. Il aurait du être de retour il y a une bonne heure au moins - plus en fait. Mais son cours s'était éternisé, et le piano avait la fâcheuse tendance à lui faire perdre la notion du temps. Et son cours n'était pas à côté, donc la nuit était vite tombée avant même qu'il n'ait parcouru la moitié du chemin. Il maudissait en silence la température, déjà pas des plus élevées en journée, et qui vous transformait en glace mr. freeze dès le début de soirée - et tôt le matin aussi. Felix n'aimait pas l'hiver. Parce qu'il avait froid, et il n'aimait pas ça. Enfin quand on est un feu humain cela s'explique assez facilement.

Et là il commençait à pleuvoir. Il commençait à maudire son prof de l'avoir retenu aussi longtemps. Franchement, il n'avait pas le sens des responsabilités ce type. Garder un gamin de quinze ans jusqu'à la nuit tombée en sachant que le cours n'était pas à côté, et ce parce qu'il tapait la discut' à côté. Bon ok, il ne s'était pas spécialement appliqué ce cours-ci et c'était préférable cette réaction à celle qu'il aurait eu d'habitude. Ce vieux était un stalker. Mais là n'était pas la question. Il pleuvait, il faisait nuit, et il s'engouffrait en plus dans les ruelles sombres, ce qui diminuait encore relativement la luminosité des lieux. Sa présence à cet endroit, d'ailleurs, se résumait en un mot : raccourci. Oui, cela allait plus vite de passer par là pour rentrer. Même s'il avait de fortes chances de croiser des gens louches. Mais la chance, tout ça. Enfin chance ou pas, il croisa quelqu'un.

Il pleuvait de plus en plus fort, et il allait devoir trouver un abris. Il allait devoir courir, super. Son regard se posa sur ses pieds alors qu'il marchait; il venait de sentir quelque chose le frôler... Certainement un chat. Il n'y prêta pas spécialement attention.

« De toutes façons t'es moche et tu pues ! »

Bon à cela, il y prêta attention. Il regarda en direction de la voix juvénile et féminine. Et en fait, surprise, il n'était pas tout seul - avouez vous vous y attendiez pas. Bon en même temps s'il l'avait été on aurait pu douter de sa santé mentale mais je m'égare. Le truc, c'est que le quelqu'un - de sexe féminin - le fit s'arrêter en plein milieu de sa ruelle, avec de grands yeux. Il rêvait pas, elle était à moitié dévêtue ? Mais... Elle allait mourir de froid, elle était pas au courant ?? Il se dirigea vers elle, sans spécialement savoir pourquoi - lui rappeler que se trimbaler dans cette tenue en plein hiver, ce n'est pas une raison logique, en théorie. Enfin utile. Bref. Il arriva sous l'abri, devant elle.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

Bonjour, je m'appelle Felix, et toi ? Non, jamais ? Enfin on dira rien. Il se forçait à regarder ses yeux, parce qu'il risquait de virer cramoisi - en fait il était quasiment certain d'être suffisamment rose là. Mais au moins, il ne ressemblait pas encore à une tomate. Progrès. Il pencha la tête et cligna des yeux, interloqué.

« Tu risques de mourir de froid, tu sais ? »

Non elle est conne. Sérieusement. Felix se mordit la lèvre. Il n'était pas spécialement généreux ou quoi, mais il avait l'impression que s'il partait comme cela, en la laissant là, il allait avoir sa mort sur la conscience - ou quelque chose comme ça. Alors il retira son sac en bandoulière qu'il déposa sur le côté, avant d'enlever sa veste trempée. La première couche en fait. Il retira son pull et le lui tendit, même si là maintenant il avait froid, sérieusement.

« Tiens. Tu auras moins froid déjà. »

En vrai, la réaction de la jeune fille ne le surprit pas même un peu. Il était vrai que se faire aborder en pleine ruelle sombre par un total inconnu qui vous filait son pull sans rien dire d'autre, c'était assez... perturbant ? Et puis elle faisait si fragile, si frêle, il aurait pu la briser en l'effleurant juste. C'était effrayant. Il n'avait pas vraiment l'habitude d'être mal à l'aise face à une chose fragile - plus fragile que lui. Chose qui était une personne, avec un cœur, une chaleur et une présence. Et des émotions. Des sentiments. Un regard de sauvageonne craintive. Il ne se savait pas intimidant.

« J'ai pas froid.. »

...Paye ton mensonge. Non c'est vrai, elle ne tremblait pas comme une feuille. Felix haussa un sourcil, un air franchement sceptique. Il lui tendit avec un peu plus d'insistance le vêtement. C'est pas comme si lui se les caillait pendant qu'elle hésitait. Pendant qu'elle hésitait, bouffant du regard ses petites menottes tremblantes et rougies par le froid. Il se mordit la lèvre. Mais qu'elle le prenne, elle allait sérieusement mourir d'hypothermie. D'ailleurs elle pourrait y passer même avec le pull, ce n'était pas ça qui l'aiderait à vraiment se réchauffer. Mais ce serait déjà un premier pas. Pourtant, elle continuait de regarder ses doigts avec insistance. Qu'avait-elle ? Il ne comprenait pas. C'était... désagréable. Puis elle releva enfin les yeux sur son visage. Quoi ? Il ne faisait pourtant pas peur, si ? Elle sembla encore un peu hésiter.

« Ou alors juste un peu.. Un petit peu. »

Progrèèèès. Cette fois, elle tendit le bras et pris le vêtement. Felix le luit céda donc et attendit en silence pendant que son regard rubis se plantait dans le sien. Oui, et donc ? Puis elle cessa subitement d'être un fantôme et lui prouva qu'elle était bien vivante, enfilant rapidement le pull, un sourire fleurissant légèrement sur ses lèvres. Elle sembla avoir un peu de mal puis se redressa avant de se pencher en avant. Bien évidemment, il reconnut ce geste qui ressemblait un peu au remerciement que l'on voyait dans les mangas de sa frappa dingue de tante. Il papillonna des yeux.

« Merci .. euh.. Elle s'agita vraisemblablement à la recherche de... quelque chose. Monsieur.. ? »

Puis son regard devint encore plus paniqué qu'avant. Enfin avant elle faisait craintive, là elle paniquait complètement. WOOOH CALME. Felix allait lui dire de se calmer, qu'il ne lui ferait rien, promis juré il n'était pas cannibale, sauf qu'elle fut plus rapide. Hé mais. Felix il a quinze an, c'est une lavette (j'aime mes personnages) et s'il est un tant soi peu craint ou tout du moins encore en vie, c'est parce qu'il a une bonne bouille qui fait fondre pleins de gens (majoritairement des gens du type que l'on ne cherche pas).

« Pardon, pardon ! Je voulais pas vous obliger de le dire. C'est.. Euh. »

Felix écarquilla les yeux. Pardon ? Hein ? Quel était donc cet extraterrestre et dans quel langage s'exprimait-il ? Pourquoi s'excusait-elle ? Pas obligé de le dire ? Enfin, euh, c'était la politesse, elle n'avait pas à paniquer... Son regard dérive sur ses mains qu'elle agite avec frénésie, rencontre son sourire forcé et son regard de bête terrorisée. Et il n'avait pas l'habitude. Et c'était étrange. Et c'était effrayant. Mais qu'elle se calme, il n'allait rien lui faire !

« Jodie. Je m'appelle Jodie. »

Elle avait dit cela comme si sa vie en dépendait, comme si connaître son nom pourrait apaiser une colère qui n'existait pas et sauver sa carcasse d'un courroux imaginaire. Felix cligna des yeux, recula d'un pas. Il se pencha très légèrement en avant avec un air très sérieux et concentré.

« Tu sais Jodie, je suis une lavette, faut arrêter de me regarder comme si j'allais te manger. »

Intervention très apaisante, très rassurante. Depuis quand se dévalorisait-il lui-même ? Et bien, tout les moyens sont bons pour calmer une créature en pleine peur panique.

« Parce qu'en fait, je mange pas beaucoup, et je suis pas un vampire. Et puis en fait ce n'est pas la question. Je suis Felix. Tu n'as pas à avoir peur tu vois, et je ne vois pas pourquoi ce serait un problème que tu saches mon prénom. »

Il pencha la tête, puis un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. C'est vrai qu'il avait froid. Il avait oublié. Il lança un regard à sa veste qu'il récupéra et enfila rapidement. Brr. Il avait froid. Franchement, le froid ça vous rend encore plus débile. Tenir des propos aussi fouillis et décousus. Il releva les yeux vers elle, puis toussa pour se donner de la contenance. Il se sentait juste ridicule, totalement ridicule.

« Et donc... Jodie... Tu m'expliques ce que tu fais en pleine nuit - enfin presque - dans une ruelle aussi peu... Enfin, tellement... Enfin... Si peu habillée ? »

Ok cette fois il avait viré cramoisi. Ce qu'il avait honte.