Non c'est pas moi, c'est lui !! ft. Felix

Concrètement, cette après-midi là, il se faisait chier. Assez pour décider que même sortir lui ferait chier. En fait il était juste blasé, cette après-midi là. Et le fait de répéter "cette après-midi là" accentue l'effet, pour vous dire à quel point il se faisait chier. Et oui, le fait de répéter ce fait a le même but et la même conséquence. Maintenant, vous êtes aussi blasés que lui. Compatissez à son ennui suprême. Allongé dans son lit, à contempler le plafond avec le regard d'une morue morte depuis plusieurs semaines et qu'on a laissé pourrir sur la table de la salle à manger. Voilà, exactement, il était en hors service.Fallait pas lui demander d'utiliser son cerveau, là tout de suite, il regardait juste son putain de plafond avec une passion dévorante, écoutant les secondes passer -parce que tout le monde sait que les secondes font du bruit quand elles passent-, attendant patiemment que sa frappa dingue de tante rentre. Ou pas. Déjà elle allait détruire sa bulle de confort, et en plus, elle allait le secouer. Et puis bon, c'était pas de tout repos de vivre avec Adèle.

En même temps, c'était cent fois mieux que de vivre chez ses grands parents. Au moins, là, il regardait le plafond avec un regard mort volontairement. Pas parce qu'il n'avait que ça à faire pour meubler ses journées. Il pouvait rester là en mort cérébrale, ceci n'étant qu'une toute petite hyperbole, aussi longtemps qu'il le voudrait, sans que l'on arrive à s'inquiéter d'où il se trouvait -comme s'il pouvait quitter sa chambre, ou qu'il pouvait se déplacer sans qu'on ne s'en rende compte. Sérieusement, s'il faisait dans l'hyperbole, ils faisaient dans quoi, ses grands-parents et son père ? C'était plus de la paranoïa, à ce stade... Il était pas aussi poisseux que son frère, merde ! Il allait pas se perdre chez lui !

Argh, mauvais sujet, éludons la question, retournons vers des pensées plus joyeuses. Son frère, LE sujet tabou. Même Adèle évitait d'en parler, c'est dire. A cette pensée, l'adolescent fit la moue, avant de changer de position -quittant ainsi son état de corps sans vie pour devenir un mort-vivant (puisqu'un mort vivant est, par définition, un mort qui bouge, parce que vivant.)(bref.). Cette fois, son objet d'étude fut son mur, à quelques dizaines de centimètres de son visage. Rouge. Il ne supportait pas les murs blancs -comme chez lui, et comme dans les hôpitaux. Pourtant, seul un mur de sa chambre était rouge, et les autres, blancs. Mais avec cette touche de couleur, le blanc passait. Il fronça les sourcils. Attends... Mais on s'en foutait de la couleur de ses murs... Se retournant de nouveau sur le dos, il se redressa rapidement -pas assez pour avoir des vertiges cependant. S'il en venait à philosopher -j'aime les exagérations aujourd'hui- sur la couleur de ses murs, c'était vraiment que rien n'allait plus. Fallait qu'il fasse quelque chose. Qu'il alimente son cerveau en oxygène. Qu'il arrête d'être un zombie.

Il se redressa, quitta son lit, arriva devant son armoire, l'ouvrit en grand. Constant les fringues qui s'étalaient de façon plus ou moins ordonnées devant lui, il lança un regard à sa propre tenu à ce moment là -pyjama. Il avait pas cours, il était pas sorti. Pire, il était resté allongé sur son lit et avait même sauté le déjeuner. Même si son ventre ne semblait pas s'en être rendu compte. Il n'avait pas un appétit énorme, en même temps. Il se souvenait même que Feofan en avait un plus important -alors qu'il mangeait que dalle lui-même, c'est dire. Parfois, il avait plus d'appétit que son jumeau, mais la majorité du temps, non. On se demandait d'où il puisait toute son énergie -au moins, Feofan était tout le temps calme, lui.

...

Ça allait vraiment plus lui. Fallait qu'il se le sorte de la tête, sérieux... Il en avait juste marre. Il baissa la tête pour regarder le sol -ah non, il ne se mettrait pas à décrire avec passion son parquet. Oui du parquet -AH NON ON A DIT. Secouant sa tignasse, il sortit les premiers trucs qu'il lui vinrent sous la main. C'est ainsi qu'il se retrouva à enfiler un costume de ghost buster. Okay, chez sa tante non plus, ça n'allait vraiment plus. Il se désapa, enfila une tenue plus, disons, passe-partout. Son sweat sombre enfilé sur un jean noir, il ouvrit la porte de sa chambre.

« JE SOOOORS ! »

Les cris de protestations et de plaintes de son affilié se firent rapidement entendre, pleurant pour ses tympans qui avaient pris cher, en plus d'un réveil des moins agréables. Sourire malicieux et approche doucereuse, il s'accroupit devant la panthère affalée sur le canapé -Adèle allait gueuler.

« - Tu vieeens ? ♥ Tu sais, il pourrait m'arriver des trucs et tout... Et puis, je me sens plus à l'aise avec mon meilleur amiii ♥
- Ton meilleur ami dormait, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué. Et s'il t'arrive des trucs, ce sera ta faute.
- Maiiis... J'ai frôlé la déprime à l'instant, tu sais. Qui sait, je pourrais subitement m’effondrer... »

Le chantage affectif, c'est mal.

Mais le chantage affectif, ça marche. Relevant un regard torve sur sa personne, l'animal, au bout de quelques secondes, s'étira, se lécha les babines et descendit de son piédestal, pendant que le sang-mêlé s'extasiait. Puis ils descendirent, et partirent en quête d'une occupation. Occupation qui arriva plus vite qu'il ne l'aurait cru. Et trop pour Morphée, évidemment.

Sur la place du marché, un élément attira son attention; un jeune homme essayait d'avancer dans la foule. En soit, rien d'intéressant. Sauf que le jeune homme avait une canne, et semblait... Tâtonner ? Attends... Un rapide regard à son affilié, qui confirma du regard sa pensée. Bon, ok, c'était dégueulasse et pitoyable, mais Felix n'avait jamais vu d'aveugle -et tout le monde sait que Felix est un emmerdeur sans le moindre respect pour autrui. Il le suivit donc, ne l'aidant bien évidemment pas à se dépatouiller dans cette foule qui ne faisait pas attention à lui, jusqu'à ce qu'il ne s’assoie à l'écart. Penchant la tête, il observa l'immense fontaine derrière lui. Puis son manège. La chouette s'envoler. Un sourire amusé se sculpta sur ses lèvres, et il vint sautiller jusqu'à lui avant de s'asseoir à côté de lui, et ce sans demander la moindre permission.

« Yo ! »

Quoi, comment, on se connait pas ? Mais voyons, ça ne devrait plus tarder ! Bille de clown, il regarda le regard vide de son vis-à-vis. Réaction conne, il agita la main devant ses yeux, avant de pousser un "AÏE !" douloureux -Morphée venait d'écraser son pied avec tout son amour. Faisans la moue, il lança un regard à la chouette, au dessus de la fontaine, puis au bleu.

« Qu'est-ce que c'est ? »

La curiosité c'est maaaal -beaucoup de choses sont mal. Regardant ce qu'il allait se passer, il écarquilla les yeux en constatant que la fontaine changeait de couleur. Enfin, son eau. Et qu'elle se transformait en bain moussant. Autant le blond trouva ça fun et carrément cool, autant les premiers râles s'élevèrent.

« TROP COOOOOOOOOOOL ! C'est toi qui a fait ça ? Tu t'appelles comment ? »

Si, ces deux questions ont un lien logique.

code (c) KC pour Felix

« Oui je suis bien aveugle. Tu peux enlever ta main maintenant s’il te plait ? »

Felix se tourna violemment vers le bleu -comprenez que jusqu'alors il lançait un regard courroucé à son affilié qui lui avait écrasé le pied de tout son poids. Attendez. Il était aveugle, il l'avait concédé lui-même. Alors comment il savait qu'il venait d'agiter sa main devant lui, comme un gland (troll en l'occurrence, mais gros gamin ça marche aussi) ? Il lui aurait bien tout de suite demandé des explications, mais son regard fut de nouveau happé par la chouette qui s'envolait avec un truc entre ses serres. Il regarda de nouveau l'aveugle, et demanda, le tout avec le plus d'intelligence au monde :

« Qu'est-ce que c'est ? »

Ce à quoi rétorqua, logiquement, l'individu AVEUGLE (et sûrement voyant) :

« Qu’est-ce que c’est quoi ? »

Mais le bleu n'eut jamais de réponse à sa question -ou du moins, il la déduisit, mais il ne l'eut pas explicitement. Non, parce que Felix ne savait pas que les aveugles ont donc une ouïe plus développée, pour compenser leur handicap, et poussa donc un cri aigu qui en surprit certain, presque plus que la fontaine maintenant aux couleurs de la gay pride.

« TROP COOOOOOOOOOOL ! C'est toi qui a fait ça ? Tu t'appelles comment ? »

Une tête que le bleu aurait certainement qualifiée de béat ou stupide sur le visage, ornée d'un énorme smile qui n'avait rien à envoyer aux caricaturaux des mangas comiques, il regardait son nouveau copain avec intérêt. Avec BEAUCOUP d'intérêt. Il se pencha légèrement, regardant la chouette, puis lui, puis la chouette, et enfin lui. Lui qui semblait pleinement satisfait de sa coloration instantanée de la grande fontaine.

« Merci. Content que ça te plaise. Oui. Io. Et toi ? »

Io. Ainsi l'aveugle qui transformait les fontaines en hymne à Nyan Cat s'appelait Io. Cool. Fais plus court comme nom. Tiens, d'ailleurs, il n'avait jamais entendu un nom plus court. Oui parce qu'après avoir philosophé sur ses murs et PRESQUE sur son parquet, il allait maintenant le faire avec pour objet d'étude un prénom composé de deux lettres. Il était pourtant sûr d'avoir dormi, la nuit dernière.

« Felix. »

Lançant un regard vers le ciel, il fronça les sourcils.

« Hm, dis. Si tu es aveugle, comment tu as su que j'agitais ma main comme un débile devant tes yeux ? »

C'est vrai, c'était curieux. Et oui il venait de lui concéder qu'il l'avait agitée comme un débile. On faisait des progrès, ces derniers temps. Fixant Io du regard, il attendait, ne se disant pas une seule seconde que cela pouvait être indiscret. En quoi cela le serait-il ? C'est vrai, c'était étrange, c'était normal qu'il se pose la question. Non ? Et puis c'était toujours mieux que de philosopher (à voix haute ? Io approuverait certainement la suite de cette phrase) sur la forme de son prénom. Io comme... "Yo !" ?
...Ok, fallait vraiment qu'il arrête trente seconde de réfléchir, au lieu de penser de telles absurdités/conneries ridicules.

code (c) KC pour Felix

C'était étrange. Mais en même temps, sur cet île, tout et tout le monde était étrange. Mais là on atteignait un haut niveau d'étrangeté; un aveugle qui voyait qu'on agitait sa main devant ses yeux, c'est du high level quand même. Donc c'était normal d'être curieux -c'était naturel de poser la question à l'intéressé.

« Mmh ? Parce que je distingue les auras, en dépit de ma cécité. Simplifié, j’arrive à voir des fantôme colorés dans un monde de noir. »

Oh. Ouah, quel pouvoir stylé ! Ca voulait dire qu'il les percevait, finalement, les couleurs. Quoi qu'il n'appelait peut être pas "bleu" le même "bleu" que ceux qui voyaient. Son "bleu" aurait tout aussi bien pu être du rouge, du vert, du violet; ils n'avaient pas vraiment de moyen de vérifier. On avait un nouveau sujet pour disserter à loisir sous la main. Mais il percevait au moins les personnes; ce qui devait être déjà plus délicat dans une foule. Dans une foule comme...

Felix haussa les sourcils. Donc dans cette foule, il était aussi aveugle que tout bon aveugle qui se veut dépourvu du sens de la vue. Sauf qu'en prime, son monde sortait tout droit de mon petit poney. Ça devait être chiant à a longue, non ? Mais en même temps, cela lui permettait de "voir" les autres. D'où tirait-il une capacité aussi... Étrange ? Non parce qu'ici, même les aveugles ils étaient différents des aveugles conventionnels. Sérieusement, cet île était un nid de gens spaces. Ce qui le comprenait, bien évidemment. Après tout, c'était un porte bonheur sur pattes, qui se transformait en torche vivante et qui contrôlait les émotions -tout était relatif dans la vie- des gens. Et son frère était un porte malheur vivant qui se transformait en cristalline. Avant qu'il disparaisse. Mais c'était un détail. Et puis y avait des prédateurs aussi, et des gentils prédateurs -si si- sur cette île. Y avait de tout, sur cette île.

Finalement, Felix tourna la tête. Comprenez que la foule s'amassait autour d'eux, chose à laquelle le blondinet n'avait pas prêté la moindre intention -il s'en foutait des gens en vrai. Mais c'est vrai, ses pensées étaient milles fois plus intéressante que leurs têtes de bulldogs affamés, alors voilà. Il s'en foutait. Ce qui ne fut vraisemblablement pas le cas de son nouveau copain. Affichant un sourire qui ferait pâlir de jalousie le chat de Cheschire tant il faisait littéralement la largeur de son visage -les hyperboles c'est le bien- il sortit une... Poêle ? Il sortit un poêle de son sac, sérieusement ? Mais que foutait un aveugle avec une poêle sur lui ? Cela s'inscrivait dans les bizarreries de l'individu. Felix -et Morphée n'oublions pas Morphée- regardèrent conjointement la chouette s'envoler, puis le bleu fourrer la poêle dans l'eau de la fontaine avant... Oh non...

« THIS IS SPARTAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !! »

A une vitesse absolument impressionnante et qui avait de quoi gonfler son ego, Felix déploya ses ailes et se projeta au dessus de la foule -comprenez qu'il avait assez de place. Le truc étant qu'il n'était pas bien fort musculairement parlant et qu'il regarda donc sa panthère nébuleuse devenir une panthère nébuleuse vue au travers d'une lentille de LSD. Felix fit la moue -on ne TOUCHE PAS Morphée- avant de réatterrir à côté d'Io. Et s'il trouvait ça franchement fun, de base, le fait que son affilié en fut victime aussi lui plaisait moyennement. Donc il se devait de le venger. Donc il fit un croche-pattes à Io pour qu'il atterrisse en entier dans la fontaine -qui n'était pas assez profonde pour se noyer.

Ce que Morphée, bien évidemment, déplora.

Parce que Felix eut un immense sourire et sauta avec.

Puis il redressa Io, et donna un violent coup de pied dans l'eau qui arrosa bon nombre de personnes. Ils allaient choper la crève, avec ses conneries. Et comme c'était pas suffisant, ce qui s'approchaient d'un peu trop près vinrent les rejoindre contre leur grès. Il sentait que ça allait finir en baston général, mais c'était drôle, donc cela justifiait tout. Puis voyant qu'ils allaient prendre cher, il attrapa le col du haut d'Io pour le sortir précipitamment de la fontaine et cria :

« ET MAINTENANT, EVASION ! »

Cette rencontre était une catastrophe.

code (c) KC pour Felix