I have time to lose. But not with you. ~ Pv Ginger

I have time to lose. But not with you.

Le parc. L’endroit où les oiseaux chantonnent, où les couples roucoulent (et inversement), où les enfants jouent gaiement.
Pourquoi diantre, avait-elle choisit d’aller au parc ? Tout ce qu’on pouvait y trouver était hautement nocif pour sa santé, et lui provoquait des crises d’urticaire carabinées.

Parfois, Ginger se demandait ce qu’elle pouvait avoir dans le cerveau pour s’aventurer dans un endroit si éloigné du genre de lieu qu’elle pouvait apprécier.
Dans sa nature plutôt curieuse (quand on a passé plus de cinq ans enfermé chez soi contre son gré, on a envie de voir un peu à quoi ressemble le monde après tout) elle s’était promit de visiter tous les endroits de Sanctuary of Heart qui lui étaient accessibles. Mais elle devait se faire une raison, le parc n’était pas un endroit pour elle.
Mais alors pas du tout.

De fait, elle tenta de quitter ce lieu qui lui filait des boutons. Mais quand on fait un mètre cinquante-trois et qu’on est entouré d’une foule dont la hauteur moyenne devait être d’un mètre soixante-cinq et plus, retrouver son chemin s’avère être une tâche plus ardue que prévu.
Ginger ne voyait rien et n’avait pas la force nécessaire pour se frayer un chemin dans cette marée de gens. Et comme si ça ne suffisait pas, personne ne daignait baisser les yeux deux secondes pour regarder où mettre les pieds. Résultat : la pauvre petite fée se faisait misérablement ballotter par les éléments.

C’est ainsi qu’elle se mangea en pleine poire ce qui, à première vue, lui semblait être un mur. Sauf que quand le mur la menaça de l’envoyer au tapis si elle ne se bougeait pas, elle comprit que c’était une personne, et pas la plus aimable qui soit.

« Nan mais ça va pas bien là-haut, s’exclama-t-elle de sa voix de lutin, quand on a la taille d’une maison, on a la décence de faire gaffe de ne pas écraser tout ce qui vit autour, merde ! »

Non mais faut pas se gêner non plus, écrasons-nous tous les uns les autres sans se demander pardon pendant qu'on y est !
Sur ces mots, Ginger croisa les bras dans une attitude réprobatrice complètement badass (et pas du tout crédible) avant de se rendre compte que le choc de la collision lui avait fait saigner du nez.

« Oh fais chier », souffla-t-elle en sentant le liquide rouge lui  couler le long du menton.

I have time to lose. But not with you.

« Quand tu as la taille d'une fourmi, tu fais gaffe à ce qui t'entoure. Un moment d'inattention et tu te fais écraser par une botte. »

« Vraiment, y’a plus de respect dans c’monde » pensa Ginger à juste titre. Non seulement ce mec avait eu la brillante idée de se placer au mauvais endroit et de faire saigner son nez délicat, mais en plus il trouvait drôle de la provoquer en réutilisant le même genre de vanne qu’elle.
Partit à la poubelle le respect. Vraiment.

Très gracieusement, la petite fée s’essuya le nez avec la manche de son pull -qui était déjà tâché par le sang de toute façon- sous le regard agacé du gros tas de muscle. Gros tas de muscle qui, pour une raison mystérieuse, s’était mis à sourire d’une façon qui ne plaisait pas du tout à Ginger.
Pas qu’elle se sente spécialement en danger, elle commençait à avoir l’habitude d’essuyer quotidiennement des menaces de mort de la part de son « logeur ». Mais elle n’appréciait pas être prise de haut -dans le sens figuré du terme hein, sinon la pauvre n’aurait pas finit de s’énerver.

« -C'est plutôt dans ton intérêt de te pousser de là. Je n'hésiterai pas à te jeter sur le sol, fit l’autre après avoir croisé les bras d’une manière bien plus crédible et imposante qu’elle l’avait fait plus tôt.

-Pff, répondit-elle en haussant un sourcil, le sol je l’ai côtoyé plus souvent que ma propre mère alors tu m’fais pas peur mon vieux ! »

Soudain, alors qu’elle s’apprêtait à ajouter une réplique de son cru, une main tapota l’épaule de la jeune fille. Elle se retourna, passablement énervée d’avoir été coupée dans son élan, et vit qu’une petite fille, les bras chargés de poupées, s’était approchée d’elle avec un grand sourire aux lèvres.

« Dis, tu veux jouer avec moi ? »

Ginger l’avisa de haut en bas d’un regard mauvais. Il n’était pas rare que des enfants se méprennent sur son âge et viennent lui demander de jouer avec eux. Généralement, elle se contentait de les envoyer sur les roses, mais là, la morveuse n’arrivait pas vraiment à point nommé, et l’énervement de la fée commençait à atteindre son paroxysme.

« Mais j’m’en cogne de tes jouets à la con, lui cracha-t-elle au visage, casse-toi avant que j’en fasse des poupées cul-de-jatte ! »

Entre son beuglement, ses yeux lançant des éclairs, et sa face encore barbouillée de sang, Ginger devait faire peur à voir. L’air horrifiée, la petite lui jeta un regard plein de larme, puis regarda le gros tas de muscles, avant de reposer les yeux sur elle et de crier de sa voix de crécelle :

« Mais vous êtes tous des MÉCHANTS ! »

Puis elle prit la poudre d’escampettes aussi rapidement que l’avait fait Ginger en fuguant de chez elle. Par ailleurs, sous le coup de la colère, le nez de cette dernière s’était remis à couler. Elle pesta et chercha de quoi stopper le saignement. Constatant qu’elle n’avait rien d’utile dans ses poches, elle se tourna vers son premier interlocuteur et, sans aucune gêne, lui dit :

« Bon c’est quand même un peu de ta faute ça -elle pointa le sang qui s’écoulait- donc t’aurais pas des mouchoirs des fois ? »

I have time to lose. But not with you.

« -Désolé, j'pas une fille, je traîne pas des mouchoirs partout avec moi.

-Alors ce genre de remarque c’est complètement débile, fit Ginger tout en esquissant un sourire narquois, aux dernières nouvelles, ch’uis une fille et j’ai pas de mouchoirs sur moi non plus, hein ! »

Vous me direz, Ginger n’est pas la personne la plus féminine qui soit. À certains égards, on pourrait même trouver plus de féminité chez ce cher Elliot -n’en déplaise au fils d’Hermès- que chez la petite fée.
Bref, réflexions philosophiques mises à part, elle fut bien obligée de répondre au colosse quand celui-ci lui demanda son nom.
La brunette prit d’abord le temps d’observer son interlocuteur d’un air dubitatif avant de se présenter.

« Moi c’est Ginger, lâcha-t-elle avec nonchalance en haussant les épaules. »

Ceci dit, la petite fée entreprit de chercher du regard une noble âme susceptible de lui décaler un précieux mouchoir afin d’arrêter une bonne fois pour toute cette saloperie de sang qui coule. Non parce que, c’est plutôt désagréable en fait. Ça gratte et ça devient super froid au contact de l’air.

Sur la pointe des pieds, et tout en se pinçant  le nez, Ginger tenta de regarder par-dessus la foule, ignorant complètement Abiel -car c’était le matricule du fameux colosse. Bah oui, s’il n’avait rien pour l’aider sur lui, elle n’avait plus à s’occuper de lui. C’était elle la plus emmerdée entre les deux !
La nature étant quand même bien faite, malgré les doutes de Ginger, elle se décida à utiliser ses ailes de fées qui compensaient finalement bien sa petite taille. Elle ouvrit donc ses petites ailes translucides et s’éleva à quelques centimètres du sol, juste assez pour voir par-dessus la foule.

Et là au loin, que vit-elle ? Un marchand de crêpes ambulant.
Qui dit crêpe dit serviette en papier, et qui dit serviette en papier dit saignement arrêté ! En plus elle pourrait faire d’une pierre deux coups en s’envoyant une bonne crêpe au sucre, qui franchement serait bien méritée après tout ce que la pauvre enfant avait enduré depuis le début de la journée.
Malheureusement, la jeune fille n’avait pas un rond sur elle, et elle n’avait pas franchement envie de s’attirer les foudres d’un marchant en colère (elle en avait déjà fait les frais pour rien, elle savait de quoi elle parlait).

Son regard se reposa alors sur Abiel et un large sourire maléfique fendit son visage angélique. Un plan venait de germer dans sa petite tête. Si le colosse n’allait certainement pas lui payer sa crêpe -suffisait de voir le bonhomme pour comprendre pourquoi- il allait peut-être l’aider à en obtenir une si elle lui expliquait son plan génialissime (et surtout si elle employait sa super technique de bluff).
Il y avait aussi de grandes chances pour qu’il l’envoie sur les roses, mais la devise de Ginger étant « qui vivra verra » elle tenta tout de même le coup.

« Hé truc ! Euh, non Abiel, j’te propose un marché : si tu m’aides à arnaquer le marchant de crêpes là-bas, je dirais à personne que tu m’as molesté (c’était un accident, mais la jeune fille avait une mémoire très sélective). En revanche si tu m’aides pas, je vais pleurer toutes les fausses larmes de mon corps et tout le monde ici verra que t’es qu’un batteur d’enfant et tu finiras en taule ! Ça marche ? »

Oui, c'était à moitié une menace. Et elle avait dit ça avec un grand sourire. Il n’avait pas trop le choix si ? Après tout, personne ne veut être considéré comme quelqu’un qui fait saigner les petites filles du nez…

I have time to lose. But not with you.

« Vas-y. Fais-toi plaisir et pleure toutes tes fausses larmes. Sois sûre d'une chose, par contre. Ce n'est pas la première fois que j'élimine quelqu'un.  Ce ne sont pas des menaces qui vont me faire peur, jeune fille.  Alors fais venir la police. Je ne vais pas t'aider. Même sous la menace. »

Pendant un moment, Ginger douta. Grande gueule comme elle était, il arrivait souvent qu’elle s’embrouille avec des gens pas commode. Mais aucun d’entre eux n’était aussi effrayant. En tout cas, personne ne l’avait encore menacée de mort. Pour de vrai, par juste les menaces en l’air qu’elle essuyait quotidiennement. Bon y’avait bien cette fois où elle a faillit se faire croquer par un vampire énervé, mais il était nettement moins imposant qu’Abiel. Et quand un gars comme Abiel vous dit que ce n’est pas la première fois qu’il tue quelqu’un, bah ça rassure pas des masses, m’voyez ?

« Bon, celui là, on va éviter de l’énerver, pensa la jeune fille. Il veut pas arnaquer le marchand avec toi Gin, c’est pas grave, tu vas lui dire qu’en fait tu t’en fiche, et tu vas sagement rentrer à la maison. Et tant pis si Elliot t’engueule si y’a du sang par terre, dis-toi qu’Elliot, c’est une mini-crotte comparé à ce mastodonte. »

La petite fée s’apprêta donc à prendre congé d’Abiel quand celui-ci la fit changer d’avis.

« J'ai changé d'idée. Je vais arnaquer ce marchand. Mais pas pour t'aider. Ou du moins, pas dans ce but précis. Tu en feras ce que tu veux par la suite. »

YES. Ne jamais sous-estimer l’incroyable cerveau de Ginger Rëd Topaz ! Jamais elle n’avait douté de son plan (chut.) Dans son élan d’autosatisfaction, elle allait presque faire un highfive à Abiel avant de se raviser. On va éviter, ça vaudrait mieux. Son instinct de survie le lui défendait. Et pis un highfive avec ce gars, c’est un coup à perdre l’usage de sa main.

Abiel se dirigea vers l’étalage et se posta à un endroit bien précis. Ginger attira ensuite l’attention du vieux marchant en jouant les petites filles perdues. Faut dire qu’elle jouait vachement bien. Les larmes de crocodile, c’était un de ses rares talents après tout !
Peiné, le vieillard s’était tourné vers elle en la rassurant, disant qu’on allait retrouver son papa et sa maman, que tout irait bien. Intérieurement, Ginger grimaça. Si elle avait fugué, c’était bien pour ne plus voir la face de sa maman. Quant à son papa, elle ne l’avait pas connu, et n’était franchement pas pressée de le voir.

Du coin de l’œil, elle vit qu’Abiel avait fauché pas mal de truc au commerçant. Elle arrêta donc sa comédie et s’apprêtait à rejoindre son partenaire en crime, mais elle vit que celui-ci s’était contenté de faucher de l’argent, et rien pour elle. Non mais a-t-on jamais vu pareil égoïste ? Franchement !
Là s’en était trop, tant pis pour la discrétion. Elle choura deux serviettes en papier au marchand, se les enfonça dans les narine, et cria à ce traître d’Abiel en le pointant du doigt :

« T’es qu’un sale enfoiré d’égoïste sale traître ! »

Sur ces mots, elle attrapa une crêpe encore brûlante posée sur l’étalage et le lança sur Abiel en se brûlant un peu la main. Mais elle s’en foutait, c’est à ça que sert le pouvoir d’auto guérison.  En tout cas, pour la première fois de sa vie, Ginger visa vachement bien. Peut être un peu trop bien. Quand la crêpe brûlante alla se plaquer contre la peau du colosse, la petite fée sentit que son instinct de survie lui avait fait défaut, une nouvelle fois.

I have time to lose. But not with you.

Bon. Récapitulons. C’était loin d’être la première fois que Ginger s’embrouillait avec quelqu’un en pleine rue, comme ça. Faut croire qu’elle attirait tous les malades. Pourtant, elle ne retenait jamais la leçon et se foutait constamment dans une merde pas croyable.
Elle savait parfaitement que lancer une crêpe brûlante sur quelqu’un n’allait pas arranger les choses, elle n’était pas si conne quand même notre petite fée. Et malgré ça, malgré les efforts que faisait sa conscience pour ne pas trop se mettre dans la mouise, elle merdait à chaque fois.
Saloperie d’impulsivité.

En levant les yeux au ciel pour suivre du regard l’impressionnant reptile qui venait d’apparaître, elle se dit quand même que la vie était une vraie chienne pour lui avoir foutu des ailes de libellule alors que y’en avait d’autres qui se la coulaient douce en mode dragon.
Non mais un dragon, merde !
Ginger nota dans sa tête de ne plus jamais lancer de crêpes brûlante sur qui que ce soit, des fois qu’un reptile volant cracheur de flamme se cache derrière. Malheureusement, tandis qu’elle se faisait cette petite réflexion au lieu de fuir pour sa vie, le dragon -enfin, Abiel- fondit sur elle et l’empoigna de ses serres avant de s’envoler en créant de telles rafales que les élastiques retenant les tresses de la jeune fille se détachèrent, laissant libre sa chevelure, belle mais franchement gênant quand on se fait kidnapper par un dragon de trois mètres.

Toute personne normale se faisant enlever par une telle créature aurait pour première réaction de hurler. Et pour deuxième réaction aussi tiens. Mais Ginger n’est pas normale, là est le problème.

« Putain, pensait-elle alors qu’elle survolait une forêt dans les serres d’Abiel, c’est ça qu’a ressenti Frodo quand les aigles sont arrivés pour le sauver ? Dément ! »

Inconsciente la Ginger ? Probablement oui. Disons que de toute façon, elle est dans le caca, alors autant profiter de la vue, c’est plutôt sympa comme dernière image avant de mourir, non ?
D’ailleurs, elle pensa bien que sa dernière heure était arrivée quand Abiel replia ses ailes et descendit en flèche vers une étendue d’eau. En voyant ça, Ginger aurait bien tenté de retenir son souffle, mais la pression de l’air autour d’elle l’empêchait tout bonnement de prendre une dernière inspiration avant le grand plongeon. De fait, quand elle tomba dans l’eau, ses poumons étaient déjà vides d’air.
Elle flotta pendant quelques secondes à plat ventre dans l’eau, les yeux mi-clos, persuadée que c’était la fin. Mais quand elle vit au fond de l’eau que son agresseur remontait en pic vers elle, elle hurla -dans l’eau, oui, c’est très con- et sortit la tête hors de l’eau en toussant.

« Alors, tu vas me dire quand est-ce que j'ai dit que je t'aiderais? Hein? J'ai bien précisé que je ne t'aidais pas en faisant ça. »

Les yeux pleins de larmes elle fixa Abiel qui était redevenu humain. Bizarrement, après l’avoir vu en dragon, Ginger trouvait que sa version humaine n’était pas si colossale tout compte fait.
Après une nouvelle quinte de toux, elle reprit enfin son souffle dans un râle digne de sa condition de fée féminine (ô ironie quand tu nous tiens…)

« C’est toi le fou,  cria-t-elle d’une voix encore étranglée, tu m’as fait super peur ! »

Cette fois, elle chialait pour de bon. Pas bruyamment comme la fois avec le vampire, les larmes et la morve se contentaient de couler silencieusement tandis que ses épaules était secouées par un hoquet incontrôlable. Rageuse d’être vue dans un tel état, elle éclaboussa Abiel d’un revers de la main. Super crédible, super impressionnant.

« Entre connards on est censés s’aider non ? »

Finalement, Gin était parfois un peu naïve. C’est ce qui la foutait parfois dans la merde aussi.
Mais quand même, réagir comme ça juste pour une crêpe un peu trop chaude, c’était grave abusé. Et puis elle aussi s’était brûlée en lançant son arme de jet improvisée, il n’était pas le seul à s’être fait mal. Bon, ok, elle avait l’avantage d’avoir le pouvoir de l’auto guérison, ça aide en cas de brûlure, mais même !

…


Attendez.

…

Non ? Elle n’avait pas été bête à ce point là quand même ?
Récapitulons. Cette embrouille a commencé quand elle s’est mise à saigner du nez et qu’Abiel avait refusé de l’aider à piquer des mouchoirs. Or, l’auto guérison, ça soigne aussi les nez qui saignent non ? Ça voulait donc dire qu’elle s’était retrouvée dans cette merde pour rien ?

Le visage de Ginger passa de la colère pleine de larme à la stupeur. Elle était totalement ahurie par sa propre stupidité. Sans prévenir, elle se frappa le front de la paume de la main tellement fort qu’elle y laissa une trace rouge.

« Mais quelle CONNE ! » jura-t-elle entre ses dents.

C’était vraiment une sale journée pour la petite fée.