BBQ TIME B*TCHES.

Aux Enfers, beaucoup de choses étaient rares. Les plantations par exemple : le monde souterrain avait beau être immense, personne n'y cultivait quoi que ce soit parce que le sol n'était pas adéquat et les champs de fleurs pouvaient se compter avec les doigts – même en comptant le jardin du palais. Si vous souhaitez un meilleur exemple, il y a la neige. À votre avis, combien de fois en a-t-on vu dans les limbes? En tout cas, la dernière fois remontait tellement que leur souverain lui-même ne s'en souvenait pas clairement.
Maintenant, voici une question fort intéressante : qu'est-ce qui était encore plus rare que la neige aux Enfers ? Allez, je suis sûre que vous pouvez trouver... Non ? Bon, je vais être sympa et vous le donner dans le mille. Les périodes de bonne humeur d'Hadès, bien sûr ! Eh oui, même ce grand ronchon pouvait par moments se sentir plus léger. Enfin avec lui cela était relatif, n'allez pas croire qu'il s'était mis à gambader dans les prés en chantant A la claire fontaine à tue-tête. Si ce jour venait, ce serait sans doute le dernier de l'humanité. Non, disons seulement qu'il franchissait le cap de la semaine passée sans torturer qui que ce soit ni  se délecter d'un massacre – c'était déjà pas mal – et que l'agacer était légèrement moins facile. Sinon son visage restait sombre et impassible et il n'avait toujours pas spécialement envie de sortir de chez lui.

Pourtant ce jour-là, le geôlier des morts avait bien prévu de quitter son château. Il allait même mettre les pieds hors des Enfers, et en pleine journée ! Bon vous me direz, cela lui était déjà arrivé. En revanche, la raison était très insolite – enfin pour lui en tout cas : il avait accepté de participer à un barbecue organisé par Hayley, une fille d'Arès qui avait assisté notre brun à l'occasion d'une chasse à la démone cleptomane, à Paris. Bon certes notre brun l'avait quelque peu forcée à participer à cette aventure, mais elle ne devait pas lui en vouloir tant que cela si elle trouvait la foi de lui faire parvenir une invitation.
D'ailleurs, comment avait-elle rencontré Iris ? C'était une bonne question.

Mais il n'avait pas pris la peine de la poser quand la messagère lui avait remis la lettre. Hadès la lut directement pour ne pas trop faire patienter Iris, qui devrait transmettre sa réponse.
A peine avait-il commencé qu'il ajouta « remplir une lettre » à sa liste mentale de choses à apprendre à Hayley : allez donc savoir comment une telle chose était possible, mais elle avait réussi à commencer sa lettre par la fin. Et en plus, la demi-déesse expliquait ensuite qu'elle savait qu'il fallait caser « cordialement » quelque part mais ne savait plus où, à croire qu'elle ne pouvait pas se renseigner. De plus, mais là c'était un détail si mineur que c'en était du chipotage, on ne mettait pas d'abréviation du genre BBQ dans une invitation manuscrite.
Bref, une fois sa courte lecture finie, le roi des Enfers – qui était assis à son bureau – avait remonté les yeux vers la divinité messagère en face de lui et lui avait demandé quelques précisions, parce qu'Hayley n'avait pas indiqué la date, le lieu ou l'heure du rendez-vous. Encore un point en plus dans la liste des choses à lui apprendre : « gérer la communication lorsqu'on organise un événement ».... Bon, il était peut-être un peu dur, certes. Quoi qu'il en soit, dès qu'il sut que le barbecue aurait lieu un jour où il n'avait rien de prévu et comme il était bien disposé, il accepta.

Par chance cette fameuse bonne humeur continua jusqu'au jour J, le chthonien ne changea donc pas d'avis en cours de route. Il avait même pensé à envoyer l'un de ses employés chercher des chips la veille – parce que le dimanche, la plupart des commerces tenus par les mortels fermaient.
Le dimanche 3 août, il s'était levé assez tôt et avait enfilé la tenue qu'il mettait le plus souvent lorsqu'il se rendait sur la planète bleue ou l'île céleste (jean noir, haut noir avec un peu de rouge et des manches trois-quarts, écharpe à losanges rouges et noirs). Ensuite Hadès avait patienté en travaillant un peu, jusqu'à ce qu'Iris n'arrive – pourquoi avait-elle insisté pour qu'ils y aillent ensemble ? Alors là – puis s'étaient rendus au parc et joignirent le groupe cinq minutes avant l'heure convenue. Nos deux divinités avaient tout de suite salué l'organisatrice et il en profita pour lui remettre les chips, suite à quoi le fils de Cronos balaya le coin barbecue du regard. Sans doute que tous les convives n'étaient pas encore arrivés, mais il y avait déjà pas mal de monde pour lui qui avait l'habitude d'être isolé. Alors au lieu de se mettre en plein milieu, il s'était dirigé vers le seul arbre – ce qui en plus lui permettait de fuir le soleil qui lui faisait mal aux yeux – et s'y était adossé en croisant les bras, toujours en contemplant cette scène de la vie quotidienne des mortels et avec Iris à ses côtés.

Juste après que le bon conseiller ait pris place à l'ombre, l'un des participants s'approcha de lui. C'était un grand brun dans la vingtaine, une fée selon ses sens. Pourquoi venir le voir lui ? Y'avait plein d'autres gens, et ils avaient tous l'air plus sociables. Ou en tout cas plus enclins à commencer une discussion, parce que même si Hadès était de bonne humeur, non seulement cela ne sautait pas aux yeux quand on le voyait mais en plus ce n'était pas pour autant qu'il avait plus envie de parler.
S'il en jugeait par l'attitude du jeune homme, c'était sans doute la curiosité qui l'avait poussé. Le prénommé Earl s'était poliment présenté, puis lui avait indirectement demandé son prénom. Notre monarque ne répondit pas immédiatement, posant tout d'abord son regard sur lui comme pour l'examiner, puis il décroisa un bras.

« Je suis son oncle. » Répondit-il laconiquement en évitant volontairement de dire son prénom – les dieux étaient censés rester discrets à la base –, tout en prenant dans sa main gantée celle que son interlocuteur avait tendue pour la serrer très brièvement. Cela fait il indiqua Iris d'un geste élégant en disant « Et voici sa cousine », avant de reprendre sa position initiale.
Bon, si Hadès n'avait pas menti sur son lien de parenté avec Hayley, c'était une autre histoire pour celui de la messagère. Mais ce n'était pas bien grave, si ? Quoi qu'il en soit, il fit glisser son regard sur le lieu du barbecue et les gens réunis ici en continuant. « Hayley organise souvent ce genre d'événement ? Il me semblait qu'elle avait traversé le portail récemment, mais elle a l'air d'avoir déjà trouvé sa place ici. » Il disait cela en se basant sur le nombre d'invités et le fait que la concernée semblait très heureuse. La voir ainsi était plaisant, après tout il s'était un peu attachée à cette petite boule d'énergie – plus qu'il ne l'avouerait jamais en tout cas. Tiens, pour rester dans le thème enfant d'Arès, ce n'était pas Lyrnaël qu'il voyait là-bas ?


HRp : voilà voilà, en espérant que ça vous ira ! Iris, à toi de jouer :3

 

Si Hadès s'était déjà imaginé participer à un barbecue ? Vous en avez des bonnes, vous. C'était une invention des humains et jusqu'ici aucun dieu n'avait eu l'idée d'en organiser un (par peur de la réaction d'Artémis sans doute), alors bien évidemment que non. Pourtant,  Hayley avait réussi à réaliser un exploit en réunissant toutes les conditions nécessaires pour qu'il accepte. Ça avait été involontaire bien sur, elle ne pouvait pas deviner qu'il serait d'humeur pile à cette période. D'ailleurs il la soupçonnait de ne pas trop y avoir cru quand Iris lui avait transmis sa réponse, et que c'était la raison pour laquelle la déesse messagère avait insisté pour qu'ils y aillent ensemble : Hayley le lui avait demandé, au cas où. Mais le roi des Enfers ne savait pas si cette théorie était vraie, et il ne comptait pas vérifier. A quoi bon ? D'une cela n'aurait rien changé pour lui et, de deux, la fille d'Arès n'aurait pas eu si tort, puisqu'il aurait suffi que son humeur change du tout au tout pour qu'un soudain travail très important n'apparaisse dans son emploi du temps pile à la date du barbecue. S'il ne s'en serait pas un peu voulu de changer d'avis ? Oh, s'il y a bien une chose à savoir sur lui - et qui est aussi valable pour plusieurs autres déités -, c'était que tant qu'il ne donnait pas clairement sa parole, le brun n'avait aucun scrupule à jouer les girouettes. Sauf si l'autre parti était l'un de ses frères et sœurs, ou son épouse.

En tout cas, il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'un des invités l'aborde. En général les mortels le fuyaient même sans connaître son identité, sans doute parce que sa tête ne donnait toujours l'impression que lui parler reviendrait à risquer de se faire bouffer. Alors en rencontrer un assez courageux pour venir à lui était aussi rare qu'appréciable - non pas qu'il avait envie de parler, mais ça changeait un peu des vieilles habitudes.
Earl et lui entamèrent donc une petite discussion, à laquelle Iris se joint rapidement. Tant mieux, pensa Hadès, ainsi il pourrait profiter de sa tendance à trop bavar...–heu, non, de sa grande sociabilité pour limiter sa participation à la conversation. Ou comment s'en sortir sans prononcer un seul mot entre le moment où la protégée d'Héra avait pris la parole pour la première fois et celui où l'autre brun partit chercher à manger. Cependant notre chthonien le suivit des yeux, ce qui lui permit de voir qu'un nouvel invité avait fait son apparition récemment ; mais c'était étrange, celui-là semblait vouloir rester dans son coin. Comme s'il ne connaissait personne. Ses iris rubis s'attardèrent sur ce personnage un instant, avant de revenir vers Earl lorsqu'il entra dans son champ de vision. Lui aussi avait remarqué le nouveau venu, contrairement à beaucoup d'autres. Ensuite le jeune homme revint vers le duo divin, en tendant le bol de tortillas devant lui.

Le geôlier des morts fixa le bol et son contenu un instant, comme s'il fixait une étrange chose non identifiée. C'étaient exactement ce que ces triangles étaient pour lui, puisqu'il n'avait pas l'habitude de voir ce genre de nourriture – et encore moins d'en manger. N'ayant pas spécialement envie d'y goûter pour autant, il répondit « non, merci » juste avant que son attention ne soit attirée par un cri venant du ciel. Dit de cette manière on pourrait croire qu'une mouette passait par là, mais en fait c'était juste un garçon blond qui descendait vers eux en parachute. Niveau originalité de l'entrée, voilà qui battait tous les records. Sans doute qu'Hadès aurait pu être amusé par une venue aussi extravagante, si le parachutiste amateur n'avait pas gueulé un « tonton Hadou » à plein poumons. Tonton. Hadou. Quoi. C'était quoi, cette discrétion digne d'une baleine fluorescente ? Le but était de l'humilier ? Lyrnaël cherchait à l'agacer par tous les moyens, ou quoi ? Oui parce qu'il n'avait aucun doute quant à l'identité de cet imbécile volant. D'un regard complètement blasé, le fils de Cronos regarda son neveu terminer sa descente. Avec de la chance, les autres n'auraient pas compris à qui il s'adressait ? Ni même que Hadou était censé être un diminutif pour son prénom, ce serait le top. Malheureusement, le sort voulu qu'en prime, Lyrnaël ne vienne vers lui en demandant comment nounou Hadès allait.

« Nounou » Hadès ? C'était qui, ça ? Pas lui, quand même ?!.... Eh bien si. Donc non seulement le blondin venait de donner son identité, mais en plus il continuait de le chercher. Non mais ce gosse tenait absolument à mourir précocement, ou quoi ?! Il fixa froidement le fils d'Arès, tout en débattant intérieurement : valait-il mieux lui arracher la langue, ou coudre ses lèvres ensemble ?
Au final, le monarque ne fit ni l'un ni l'autre. Il se contenta de se calmer en tentant de relativiser. Bah allez, ce n'était pas dit que les gens allaient croire qu'il était le dieu des Enfers en personne. En revanche, il n'avait aucun moyen de rendre sa voix moins tranchante et froide quand il prit la parole.

« Je vois que tu n'as toujours pas appris à te tenir, Lyrnaël. Mais il ne me semble pas t'avoir autorisé à m'appeler par ces... Étranges surnoms. Fais-le encore une fois et je ferai coudre tes lèvres. »

Clair, net, précis, du grand Hadès quoi. D'ailleurs, vous aurez remarqué que la seconde option prédominait.
Mh, si ce n'était pas un peu dur ? Roooh allez, avouez qu'il y avait de quoi être irrité ! Et puis au moins, il avait dit cela assez bas pour que personne d'autre à part ceux qui étaient juste à côté ne puisse l'entendre.

Bref, peu après cela, un nouveau garçon aux cheveux bleus fit son apparition en attrapant Lyrnaël par la taille. Hadès l'identifia tout de suite comme étant un fils d'Hermès, ce qui le fit se demander comment Iris allait réagir – il ne sortait pas souvent de son palais, mais tout de même assez pour savoir que les deux messagers étaient d'éternels rivaux passant leur temps à se chamailler. En tout cas, lui semblait bien mieux élevé que le fils d'Arès puisqu'il s'était adressé à lui poliment. « De même. Tu ne m'offenses pas, au contraire. » répondit-il (parce que le demi-dieu avait plus usé d'adjectifs mélioratifs que de péjoratifs).
Mais puisque jamais deux sans trois, un troisième jeune homme aux cheveux violets débarqua. Lui aussi était plutôt poli, bien qu'assez intimidé. Cependant, politesse ou non, l'olympien commençait à trouver qu'il y avait un peu trop de monde dans le coin : qu'est-ce qu'ils avaient tous, à venir par là ? Ils étaient obligés de venir s'agglutiner ici ? Qu'ils aillent voir un peu ailleurs, l'espace était grand. Trouvant qu'il y avait un peu trop de monde près de lui à son goût, il lâcha un « Au lieu de rester par ici, vous feriez mieux d'aller vous servir à boire et à manger. » en espérant qu'ils l'écouteraient. L'immortel aurait bien usé de moyens plus convaincants, mais ce n'était ni le lieu ni le moment. C'était vraiment pas facile, d'essayer de se comporter un peu plus comme un mortel.