Dans les bois... [pv Calista]

Il est plus facile de devenir ami au hasard d'une rencontre que de le rester dans la vie, mais une rencontre n'est que le commencement d'une séparation.

Dans les bois...

Un long soupire s'échappa de mes lèvres. Kohana venait tout juste de me faire tomber de mon lit et avait pris ma place pour éviter que je n'y retourne. Je me redressais, lançant un regard mauvais dans sa direction. Rien qu'à voir ses yeux pétiller, je savais qu'elle était fière de son coup.

- Tu as le don de me réveiller brusquement, dis-je en me levant.

Je caressais le dessus de sa tête avant de prendre une bonne douche qui me ferait oublier mon réveil soudain. Si ma tigresse m'avait réveillé, c'était tout simplement parce qu'elle voulait partir se balader, mais surtout partir à la chasse. Elle voulait en profiter pour se dégourdir les pattes.

Je montais sur son dos, prête à partir. Nous nous dirigeons vers la forêt. À chaque fois que j'y remettais les pieds, de mauvais souvenirs me revenaient en mémoire. Cela faisait un an que Taima, ma petite soeur, n'était plus de ce monde. Malgré tout, je me laissais guider par ma fidèle affiliée. Je me doutais bien qu'elle m'emmenait ici pour me réhabituer à cet endroit que je considérais comme maudit.

Nous passions une bonne partie de la matinée et de l'après-midi là-bas. J'en profitais pour m'entraîner pendant que Kohana partait à la chasse. Peut-être que j'étais seule, mais je n'avais pas peur. Je savais me défendre après tout. Assise sur la racine d'un grand arbre, je jouais avec les mèches de mes cheveux. Prenant une grande inspiration, je fermais les yeux et je revis la scène de ce fameux jour. Que j'aimerais pouvoir remonter le temps et faire en sorte qu'elle soit toujours à mes côtés.

- Ma précieuse Taima..., murmurais-je.

C'est alors que j'entendis une branche traquer non loin de moi. Je bondis sur mes pieds, prête à attaquer. Lorsque je vis que c'était seulement Kohana qui revenait, je soupirais.

- Tu m'as fait peur, ma belle.

Je m'agenouillais pour que nous puissions nous regarder dans les yeux. J'aimais contempler ses grands yeux verts qui ressemblaient à deux émeraudes. Je passais mes bras autour de son cou, enfouissant mon visage dans sa fourrure blanche rayée de noir. C'est alors que je l'entendis grogner faiblement: quelqu'un ou quelque chose approchait. Par précaution, je me redressais, restant de dos. Peu de temps après, j'entendis la voix d'une jeune femme me demander si j'allais bien. Elle disait même "mademoiselle ou monsieur" pour être sûre de ne pas se tromper.

Lentement, mais surement, je me retournais pour observer mon interlocutrice, le vent emportant ma chevelure chocolatée. Des cheveux châtains encadraient le visage de cette demoiselle possédant des lunettes. Pour calmer Kohana, je tapotais doucement sa tête. Dès que j'eus terminer ce geste, elle s'assit à mes côtés, prête à bondir au moindre mouvement suspect.

- Oui, je vais très bien, répondis-je alors qu'elle s'approchait doucement de moi.

Étant méfiante de nature, j'observais chacun de ces gestes. Je ne souhaitais pas me faire attaquer par surprise alors que je baissais un peu ma garde. Je plongeais mon regard azuré dans le sien et lui demandais:

- Qui êtes-vous?

Où allait donc me mener cette rencontre? Qu'allait-il se passer? Seuls les dieux auraient la réponse à mes questions.

Il est plus facile de devenir ami au hasard d'une rencontre que de le rester dans la vie, mais une rencontre n'est que le commencement d'une séparation.

Dans les bois...

Je penchais légèrement la tête sur le côté. Mon interlocutrice reculait d'un geste brusque sa main qui semblait vouloir me toucher. Je croisais les bras sur ma poitrine, attendant patiemment une réponse de sa part. Elle m'expliquait qu'elle ne s'attendait pas à rencontrer quelqu'un dans la forêt, qu'elle se nommait Ruka et qu'elle vivait sur cette île qu'elle trouvait étrange. C'était un peu logique -enfin, selon moi - qu'elle vive ici pour être en ce moment même dans la forêt.

- Enchantée, Ruka. Je me nomme Calista Morgiana Shahrizai.

Contrairement à elle, ma présentation était plutôt courte. Elle n'avait pas besoin d'en savoir plus pour le moment, non? C'est alors que Ruka me posa une question qui me fit écarquiller les yeux. Étais-je une femme ou un homme? Je me sentais quelque peu insultée, mais je ne laissais pas paraître. Par réflexe, je baissais les yeux vers ma poitrine quasi-inexistante et poussais un soupire.

- Je suis une femme, n'est-ce pas évident? demandais-je d'un ton plus froid que je ne l'avais voulu.

Kohana sentit quelque chose et elle se leva sur ses pattes. Je la regardais, me demandant bien ce qui avait bien pu attirer son attention. C'est alors que je vis une panthère noire aux yeux bleus se frotter contre la jeune femme. *Voilà surement son affilié...* pensais-je. J'observais le duo devant moi. D'après ce que je pouvais voir, son lié devait avoir dit quelque chose par la pensée. C'était donc ainsi qu'ils se comprenaient. Et cette pensée semblait avoir mis Ruka en colère - ou peut-être pas.

Un long et lourd silence s'installa entre nous. Je n'étais pas du genre à beaucoup parler. Après tout, c'était cette femme qui était venue me voir en premier. Si j'avais pu l'éviter, je l'aurais fait.

- Si cela fait longtemps? Dix-neuf ans pour être exact. Je suis née et j'ai grandi ici, dis-je en guise de réponse à sa question. Et voici Kohana, ma liée.

Kohana se dirigea vers la panthère et se coucha juste en face de lui. J'entrouvris les lèvres pour protester, mais je n'en fis rien. J'étais même surprise qu'elle aile vers cet autre félin. Néanmoins, je la laissais faire. Peut-être avait-elle confiance en lui et que, à mon tour, je devrais faire confiance à Ruka. Quelque peu intriguée, je m'approchais d'elle, lui tournant autour comme le ferait un prédateur qui attendait le bon moment pour attaquer sa proie.

- Qu'est-ce que vous êtes? Certainement pas une elfe, vous auriez des oreilles pointues sinon.

Je me plantais alors en face d'elle, plongeant mon regard dans le sien. Peut-être était-elle une fée? Ou un vampire, qui sait? Cela m'étonnerait par exemple. Elle semblait trop à une humaine pour être une de ces deux races. Peut-être une demi-déesse? Ou encore une hybride? À moins qu'elle ne soit une mage? Je passais une main dans mes cheveux pour replacer quelques mèches rebelles.

- Pour ma part, je suis une ange. Je suppose que cela ne fait pas très longtemps que vous êtes sur cette île, n'est-ce pas?

Je m'éloignais pour m'approcher d'un arbre. Avec agilité, j'y grimpais pour aller m'asseoir sur une branche. J'avais toujours aimé être en hauteur que ce soit en volant ou tout simplement en grimpant dans les arbres ou sur le toit des habitations de Skyworld.

- Est-ce que vous grimpez ou vous avez peur des hauteurs? demandais-je, un léger sourire en coin, un sourire presque ironique.

Voulais-je vraiment qu'elle me rejoigne? Non. Je voulais surtout découvrir ses points faibles et ses peurs. On ne sait jamais quand cela pourrait nous servir. Je ne voulais plus me lier d'amitié avec les autres même si je ne pouvais pas empêcher les autres de venir me voir. J'avais peur de perdre d'autres personnes qui me sont chères. Je me créais une carapace pour me tenir loin des autres, mais cela ne fonctionnait pas toujours.

Il est plus facile de devenir ami au hasard d'une rencontre que de le rester dans la vie, mais une rencontre n'est que le commencement d'une séparation.

Dans les bois...

*Alors, elle est une sang-mêlée? Hm... Intéressant.* Je grimpais avec agilité dans l'arbre pour m'asseoir sur l'une des nombreuses branches. Je lui posais alors une question, lui demandant si elle aimait grimper ou si elle avait peur des hauteurs. Ruka me répondit qu'elle grimpait souvent pour admirer la vue de là-haut. C'était vrai qu'il a toujours une belle vue lorsque nous sommes en hauteur. C'était ce que j'aimais le plus lorsque je volais.

Je penchais légèrement la tête sur le côté lorsqu'elle me demanda si je savais où nous pouvions trouver des champignons ainsi que des fruits des bois. Je me demandais alors si je devais ou non lui montrer le chemin tout en observant le dénommé Volt se frotter contre les jambes de sa maîtresse. Je sautais en bas de l'arbre, atterrissant avec douceur alors qu'un courant d'air passait en dessous de mes pieds. Ma maîtrise du vent me permettait de ralentir ma descente.

- Kohana, approche ma belle, dis-je en douceur alors qu'elle s'éloignait de nos deux interlocuteurs pour me rejoindre.

Je grimpais alors sur son dos. Ma tigresse me servait parfois de monture et cela ne la dérangeait pas. Du moins, je l'espérais. Ce n'était pas comme si je pesais une tonne tout de même. Nous tournions toutes les deux le dos à Ruka et Volt.

- Allez, venez. Je vais vous montrer où en trouver.

Kohana commença à s'éloigner alors que je regardais dans les alentours. Nous ne savions pas ce qui se cache dans les buissons ou dans les arbres autour de nous. N'importe quoi pourrait nous attaquer sans prévenir. Nous nous enfoncions de plus en plus dans la forêt. La nature devenait plus épaisse. Je descendis alors du dos de ma liée et je me dirigeais vers un buisson plein de petits fruits.

- Ici, vous pourrez trouver quelques fruits, mais vous avez plus de chance de trouver des champignons par ici. Pour avoir plus de fruits, il faudra faire le chemin inverse et aller là où il y a plus de soleil, dis-je en pointant le chemin que nous venions tout juste d'emprunter.

Je vins m'asseoir aux côtés de Kohana qui se coucha. Je m'appuyais quelque peu contre elle sans pour autant l'écraser. Mes sens aux aguets, j'observais Ruka cueillir ce qu'elle cherchait. Je me demandais bien ce qu'elle voulait faire. Probablement les manger me direz-vous, mais on ne sait jamais. On peut faire bien des choses lorsque l'on connaît bien les champignons comme des poisons. Certains sont très mauvais pour la santé.

- Cela n'a pas dû être facile pour vous au début quand vous êtes arrivée ici. Je suppose que l'atterrissage n'a pas du tout été en douceur, dis-je pour éviter qu'un nouveau silence ne plane sur nos têtes.

Ce n'était pas parce que je n'aimais pas le silence, au contraire. Cela faisait du bien, parfois, d'être dans le silence, seul avec soi-même. Sauf que lorsque je suis avec une autre personne, il est préférable que j'essaie de parler un peu plus. Même mes parents adoptifs essaient de m'habituer à me rouvrir aux autres. J'avais beau faire de mon mieux, ce n'était pas évident quand on a des peurs.

Il est plus facile de devenir ami au hasard d'une rencontre que de le rester dans la vie, mais une rencontre n'est que le commencement d'une séparation.

Dans les bois...

Je venais de lui demander si, lors de son arrivée, son atterrissage avait été en douceur ou non. Je doutais bien sûr qu'il aie été en douceur et pour prouver ce que je pensais, elle me répondit qu'elle avait trouvé un moyen personnel pour amortir sa chut. Mon regard brillait légèrement, signifiant que j'étais plus qu'intéressée à en savoir plus sur cette sang-mêlée. Ruka m'intriguait. Il fallait dire aussi que j'aime apprendre et découvrir bien des choses même si cela ne plaisait pas forcément aux gens de mon entourage.

Alors que je réfléchissais à une manière de lui soutirer des information, la jeune femme semblait parler plus pour elle-même qu'à moi. Elle se demandait si elle aurait pu arriver plus tôt ce qui me fit pencher la tête sur le côté. Elle était arrivée il y a dix ans et elle se demandait si elle aurait pu arriver plus tôt? Je l'entendis soupirer pendant que je me levais tout en m'étirant.

- D'après vos paroles, vous n'êtes pas si jeune que cela. Je me trompe? Il faut dire qu'avoir du sang de vampire dans les veines aide certainement à paraître plus jeune qu'on en a l'air.

J'avais effectivement retenu ce petite détail lorsqu'elle m'avait expliqué qui elle était exactement. Une chance que j'avais de la mémoire. Cela pouvait s'avérer utile en tout temps. Ruka me remercia alors de lui avoir indiquer les endroits où elle pourrait trouver tout ce dont elle a besoin.

- Pas de quoi! Vous en voulez seulement pour en manger? Vous savez qu'on peut faire bien plus de choses avec des petit fruits sauvages et des champignons que de les manger? demandais-je, curieuse de savoir jusqu'où ses connaissances allaient.

Je me penchais légèrement pour apercevoir son sac. Il semblait plutôt lourd pour que Ruka ne le porte. Je me demandais si j'étais d'humeur gentille ou bien normale. Je haussais faiblement les épaules avant d'indiquer du menton son sac.

- Ton sac n'est pas trop lourd? Je veux dire... Il a l'air pas mal lourd. Enfin... Tu ne veux pas un peu d'aide?

Je m'étais mise à la tutoyer comme Ruka s'était mise à me tutoyer également. Et puis, si cela la dérangeait, elle n'avait qu'à me le dire, non? Je devais bien avouer que je n'étais plus très habituée à être aimable avec les autres depuis la mort de ma petite soeur. C'était le moment de me pratiquer. Une parfaite - ou presque - inconnue rencontrée dans un lieu peu fréquenté. Au moins, si je m’humiliais, il y aurait seulement nos deux affiliés qui en seraient témoins.

- Je pourrais peut-être porter quelques trucs. Je ne sais pas moi... Qu'est-ce que t'as dans ton sac à part des champignons et des fruits sauvages? Des livres? Euh... Des vêtements?

Je passais une main dans mes cheveux et déviais le regard. Décidément, ce n'était vraiment pas ma tasse de thé. On ne pourra pas dire que je ne fais pas d'effort! Kohana s'était levée et me regardait. Elle devait certainement se demander ce qui se passait chez moi, voir même si je ne faisais pas de fièvre. Je la grattais sous le menton, l'endroit qu'elle préférait. Au moins, ma tigresse arrêterait de me regarder comme elle le faisait quelques instants plutôt.