Le désir de tentation [PV Phillis Seirenn]

Voilà un début de soirée qui ne ressemblait pas aux autres. Je me réveillai aux côtés de Roxel qui semblait vouloir encore un peu dormir. Les membres un peu engourdis, je finis par me redresser m’étirant et faisant craquer un à un mes doigts de vampires. Je quittai alors notre petit « nid douillet » qui ressemblait plus à une ruine qu’à une maison familiale, mais c’était tout de même mieux que rien. Je l’observai une dernière fois avant de le quitter et marcher un peu dehors. J’avais besoin de dégourdir un peu mes jambes vu ce qu’il s’était passé ces derniers temps. Me vider l’esprit et de retrouver tout de même un peu de solitude, car le changement était brutal. Je tenais encore un peu à ce brin solitaire, même si au fond de moi, j’étais heureux de la quitter.

Je venais d’activer le pas, courant d’une vitesse assez étonnante, je finis par sortir de la forêt d’où je me trouvai. En face de moi, je ne voyais qu’une étendue d’herbe à perte de vue. Peu d’arbre, peu d’animaux. Tout cela me semblait complètement désert. Mon regard se posa de nouveau sur le ciel qui lui aussi étendait son large voile noir parsemait de pépites d’ors scintillantes. Le ciel ne ressemblait pas à celui d’hier, et encore moins que celui du lendemain. Chaque nuit était unique, chaque étoile avait sa nuit de gloire. Seule la lune restait fidèle à elle même. Perché aux côtés de la Grande Ourse, de son petit ourson et de l’étoile du berger guidant mes pas depuis si longtemps. Je ne ressentais plus la même chose qu’avant. Lorsque mon regard se reportait sur les stars, je ressentais moins l’envie de les ressembler, je me sentais beaucoup plus épanouie, frais, nouveau.

Je fis encore quelques pas avant de m’arrêter au pied d’un arbre. Me couchant contre, comme à ma cruelle habitude, je vins de nouveau poser mon regard sur le ciel. Je me remémorai presque tout, essayant tout de même d’oublier les mauvais moments et de ne garder que les bons souvenirs. Mon soupir s’échappa et virevolta dans les airs avant de disparaître dans les fins fonds des abysses. Une mèche me barra la figure, je la fixai alors un bon moment avant de la passer derrière mon oreille. Cette même main vint effleurer mes lèvres avant de retourner sur mon ventre. Même si mes sentiments paraissaient bouleversés, mon visage n’en restait que plus stoïque.

Mon regard restait vague, accroché au spectacle des étoiles. Elles paraissaient toujours belles, toujours de bonne humeur, mais quelque chose avait changé, elles ne voulaient plus se moquer de moi. Je n’étais plus le vampire solitaire qui ne s’attachait plus à la vie depuis quelques siècles. J’étais devenu un autre homme malgré le peu changement au niveau de l’expression de mon visage. Les sourires, les grimaces, je ne connaissais plus ces expressions qui avaient pourtant bien habité mon visage lorsque j’étais encore qu’un jeune vampire insolant. Le passé se trouvait à présent bien loin derrière moi, c’était sur, à force de le fuir comme je l’avais si bien fait, il ne pouvait être que plus loin. Depuis temps d’années, je n’avais fait que de courir tête baissée et yeux fermés face à mon destin. Je n’avais pas cherché à le rencontrer et encore moins à « l’embrasser ». Je n’en avais point le goût, le goût à rien d’ailleurs.

Je sentis quelque chose bouger au loin, mais ne ressentant pas un réel gros gros danger, je me contentai de continuer à fixer le ciel, l’air neutre. Malheureusement pour moi, cet être ne semblait pas vouloir que je continus ainsi. Il s’interposa entre moi et les stars, m’obligeant à l’observer à subir ses provocations puériles d’enfant sûrement gâté. De plus, elle empestait l’alcool, c’était vraiment dérangeant. Toujours couché contre l’arbre, je sortis de mes poches un briquet et je mis une cigarette au bord de mes lèvres avant de l’allumer et de découvrir de nouveau la senteur empoisonné de cet objet. Temps d’émotions, j’avais bien le droit à une petite clope une fois de temps à autre, sinon je ne sais ce que je deviendrai. Je tirai une première bouffée tout en ne détachant pas mon regard de la demoiselle qui semblait vouloir absolument me défier. Pas loin d’elle, il y avait une autre présence, j’aurais dit animal et je pouvais facilement en conclure que c’était le sien. Je n’aurais sûrement pas besoin de présenter ma race puisqu’elle semblait déjà le savoir et vu la distance entre moi et l’animal, les règles de sécurités n’étaient point respectées.

Flemmard comme pas possible, je n’avais même pas envie de lui répondre, le silence me plaisait très bien alors autant le conserver. Je finis par me redresser, tapotant alors mon pantalon qui avait subi le poids de quelques poussières et herbes et, toujours la clope au bec, je déviai son regard et commençait à partir un peu plus loin afin de quitter sa présence pesante.

Je continuai à avancer droit devant moi, la clope au bec, les mains dans les poches. Je marchai d’un pas lent, presque flemmard. Je commençai déjà à oublier l’intrusion-surprise de cette gamine alors que je participai tranquillement à mon spectacle habituel. Elle avait réussi à briser le silence qui s’était emparé de l’immense pleine. Le dos un peu rond, je fis sortir une énième fois la fumée épaisse par mon nez, la flemme de sortir les mains des bouts de tissus de mon pantalon pour faire cela. J’avais juste envie de me retrouver un coin tranquille pour m’y asseoir et retenter de retrouver le calme de tout à l’heure. Chose qui s’annonça difficile, car je ressentis la présence de la demoiselle passer derrière moi, je laissai échapper un soupir lâche avant qu’elle me fasse face, épée dégainée, coupant d’une traite ma cigarette avant de la piétiner comme une vulgaire chose. À cet acte je lâchai le dernier bout qu’il restait, au coin de mes lèvres, de mon ancienne cigarette afin de l’écraser à son tour.

Je ne savais pas quelle mouche avait piqué cette fille pour vouloir absolument me provoquer. Sa lame vint se positionner au niveau de mon torse, aucune sueur froide ne sembla perturber mon calme plat. Le visage stoïque, je vins poser mon regard doré sans expression dans les siens sans jamais le dévier. Je n’avais pas besoin de répondre à cette question, tout cela ne la regardait point. Je ne la connaissais pas et pour tout dire, je n’avais pas envie de la connaître. Elle m’était indifférente. Moi et ma race ? Je ne savais pas vraiment comment étaient les autres vampires, mais moi en tout cas, je n’allais pas répondre à une fille qui soi-disant était polie. Car la politesse doit toujours commencer par un « bonsoir », et ne jamais passer à l’acte comme elle l’avait fait avec une question fort déplacée à mon goût.

Je soupirai de nouveau en me demandant bien pourquoi les jeunes avaient évolué ainsi. Devenant mal poli, trop pressé et j’en passe et des meilleurs. De plus, je n’allais pas utiliser mes pouvoirs pour si peu de chose. Je me contentai de pousser l’arme d’un revers de main, en faisant attention de ne pas m’appuyer sur le tranchant de cette lame qui ne semblait sûrement pas normale, afin de ne pas tâter de son tranchant. Je ne tenais pas à savoir ses pouvoirs, je ne tenais pas à dégainer la mienne pour lui faire face, je ne tenais pas non plus, d’ailleurs, à lui montrer mes quelques pouvoirs pour ne pas lui donner que plus envie. La nuit s’annonçait si belle et je n’avais pas franchement envie que le sang empreigne ce beau tableau tout de bleu marine vêtu. Que ce soit son sang ou bien le mien. De nouveau, je vins m’éloigner d’elle en lui faisant de nouveau dos comme je l’avais fait au départ, repartant du côté opposé où elle se trouvait. Les bras derrière la tête.

Comme je pouvais m’en douter, cette jeune fille n’allait pas me laisser de ci tôt. Je la sentis jaillir derrière moi comme une furie et venir me plaquer contre l’arbre le plus proche. Je sentis l’une des branches me rentrer un peu dans le creux du dos d’une façon désagréable. Pour la peine, je me contentai de l’observer vider son sac à la façon d’une gamine qui avait un brin de détresse au fond du regard. Outre sa colère, on aurait dit qu’elle souffrait intérieurement, développant une colère pour tout ce qui semblait « supérieur » à elle alors que je savais très bien que je n’étais qu’un moins que rien, l’ombre des autres vampires, même ceux des mordus. Je n’étais rien, absolument rien, si ce n’était qu’un amas de ténèbres suivant les moindres faits et gestes des siens, une ombre. Elle cracha à mes pieds. Je ne haussai même pas un sourcil devant ce geste très mal approprié. Je n’étais pas du genre à riposter pour la moindre petite chose, j’avais appris à rester calme en toutes circonstances, après tout, je n’étais qu’une chose insignifiante, non ?

Tout d’un coup, je sentis la présence d’un animal. Mon regard se posa très vite sur cette bête et je pus très vite savoir ce que c’était. Malheureusement, je ne pus l’empêcher de répandre son venin sur cette gamine qui s’écroula à mes pieds. Je me contentai de rester contre l’arbre et de l’observer se mettre un peu plus loin. Mon regard se reporta ensuite sur la petite bestiole que j’identifiai alors de vipère s’enfuir. J’ordonnai à mes ronces de l’attraper et de la transpercer en silence, sans se faire remarquer. Puis, je me retournai vers la blessée et son animal. Aussitôt mon lion apparut de nulle part et s’approcha de l’autre animal afin de me laisser passer pour que je puisse la soigner.

Lorsque le chemin fut libre, je m’avançai jusqu’à la demoiselle et sans demander la permission, je la pris dans mes bras à la façon d'une princesse avant de la déposer de nouveau sur l’herbe. Mon regard se posa automatiquement sur sa jambe qui commençait à être légèrement violacée, il ne fallait pas traîner. C’était dans ce genre de situation que je remerciais le savoir que j’avais acquis depuis temps d’années passé à errer de village en village, solitaire. J revins au niveau de sa tête, posant mon front contre le sien afin de vérifier sa température qui commençait peu à peu à augmenter. Aussitôt cela fait, j’ordonnai à mon lion, par transmission de pensées de m’apporter une feuille trempée pour la mettre ensuite sur son front. Elle ne devait surtout pas bouger son membre sous peine de voir le poison s’accumuler jusqu’à son cœur. Pour cela, je vins seulement plonger son regard dans le sien. À ce moment-là, mon regard n’était plus de marbre, mais plutôt expressif, signifiant alors qu’elle devait me faire confiance.

Une fois cela de fait, j’apportai ma bouche à sa piqûre et j’aspirai le venin dégoûtant pour le recracher aussitôt. Toutes mes papilles étaient en alerte. Le goût était si infect, cuisant, douloureux, mais je devais continuer. Pour un simples humain ou autre race, le goût leur semblait moins infect, mais il fallait savoir que pour nous vampire, ce sens se voyait doublé voir même triplé afin de savoureux le sang de nos « victimes ». C’était donc avec dégoût que je faisais tout cela. Deux minutes passèrent ainsi, répétant alors mon geste encore et encore. Je pouvais m’estimer heureux qu’elle n’est pas bougée davantage où elle j’en serais encore au stade d’aspirer. À présent que c’était terminé, j’enlevai ma chemise blanche et je vins en déchirer un bon morceau afin d’envelopper sa jambe comme il le fallait.

Mon action une fois terminée, je pouvais cette fois-ci réellement partir. Me redressant sûrement brutalement, j’eus le droit à quelques vertiges qui furent tout de même persistants puis je commençai à repartir …

Elle voulait que j’en m’en aille, alors à présent que j’avais fini de la soigner, je pouvais donc m’en aller sans problème. Et bien manqué, elle m’interpella de nouveau alors que je commençai à disparaître dans les ténèbres de la nuit. Quelques nuages commencèrent à couvrir un peu le ciel, mais rien de bien méchant, la pluie était bien loin, on allait sûrement l’avoir en milieu de journée. J’étais donc tranquille pour ma sortie nocturne. En tout cas, je sentais qu’une bonne partie de ma nuit n’allait pas se passer en solitaire, une fois de plus d’ailleurs. Je soupirai d’un air lasse, me demandant que faire, si je devais réellement lui répondre ou seulement partir comme un voleur. À choisir, je préférai paraître telle une personne légèrement civilisée qu’autre chose maintenant que je l’avais soigné.

Je finis donc par me retourner, je fis signe à mon lion de repartir, ce qu’il fit aussitôt. Lui et moi, nous n’étions quasiment j’aimais ensemble mais nous veillons toujours l’un sur l’autre, c’était largement suffisant. Lui aussi avait vécu tel un solitaire, rejeté par son groupe. À nous deux nous faisions bien la paire. J’avançai alors d’un pas, puis de deux, et ainsi de suite jusqu’à me retrouver en face d’elle. Toujours sans dire un mot, je la pris de nouveau comme une princesse avant de la reposer sur le petit trône qu’était la pierre juste derrière elle. Il ne fallait pas qu’elle bouge trop, si je n’étais pas intervenu, elle serait plus de notre monde dans une poignée de minutes. Je déposai de nouveau mon regard dans le sien. Celui-ci venait de reprendre son air, sans air d’ailleurs. Vide.

- Ménage-toi au lieu de vouloir me remercier. Je m’appelle Chihiro.

Voilà tout ce que je pus lui dire. Je n’avais pas pour habitude de beaucoup parler, cela était sur. On pouvait très clairement le comprendre du fait de ma voix calme et presque tranchante. Et si cela n’avait tenu qu’à moi, je ne lui aurais même pas adressé la parole et serait parti comme un malpropre, mais je savais que Roxel n’aurait pas aimé que je réagisse ainsi.