Hotter than hell ❞ ft. Adriel

Il avait le don de la diplomatie Adriel - il présente bien et parle correctement, la voix chaude et précise, la stature droite et carrée qui avait quelque chose de rassurant. Il avait le verbe et la manière de briller en haute société comme s'il avait été biberonner à la féllonerie des puissants de ce monde, ceux qui font rêver le gamin populaire pour sa seule condition.

Il respirait l'ambition et la cruauté pour ceux qui y prêtaient suffisamment attention - et il se croyait supérieur en tous points pour son acharnement à côtoyer les plus grands. Il le méritait plus que les autres, et il se plaisait à leur rappeler à tous à chaque fin de phrase et verre trinqué sous des lippes tendrement faussés par l'hypocrisie.

Et Adriel aimait prolonger  les rêves de mousseline et de soie dans les yeux des passants quand il trônait sur le tabouret de bar fièrement, à contempler ce qu'il avait gagné à la sueur de son front pour un travail acharné - là où le symbole de la déchéance lui-même faisait claquer ses talons sur le sol marbré, ce qui eut pour seul effet de lui faire lever les yeux au ciel. Le parfum qu'il aurait pu reconnaître entre milles tant il faisait frisonner son échine - un peu plus de fausse dorure pour cacher la misère, et ça le faisait rire.  « Tiens, tu nous fais l'honneur de ta présence, Cohen ? » et là où la vipère arborait un sourire froid, il ne lui adressa pas le moindre regard, se contentant de sortir une cigarette de sa veste, après avoir but une nouvelle gorgée du bourdon servi par le barman.

« Matthew Harrington a déjà quitté les lieux il me semble. » Au cas où t'aurais perdu de vue ton pigeon. Et Judith avait le semblant de mérite de tirer chez lui le semblant de véracité qu'il y avait dans son être. L'hypocrite acerbe.

« Qu'on se croise ? » Que tu me traque plutôt. Adriel avait l'expérience de la politique et la fibre diplomate qui coulait dans ses veines, malgré le trop plein de pauvreté dont il avait été doté à la naissance pour prétendre appartenir totalement au monde auquel il aspire. Et il se rappelle, à ses heures de manque cruel de confiance en lui qu'il n'est pas de ceux-là. Ça lui écorche la gueule et lui crispe le palpitant.

« On va croire surtout que la chance ne me sourit pas toujours. » Et Montgomery termine son verre en étouffant un rire sans hilarité, en lançant un regard sans compassion à l'ange déchue et se permettant dans un geste infime de mordre le coin de sa lèvre en signe de crispation.

Elle le crispait, Judith. Elle était un peu trop tout ce qu'il n'était pas. Un peu trop confiante, sûre du charme qu'elle avait et de l'emprise qu'elle avait sur les hommes, faiblement désarmé face à son corps suave et élancé. Il en était, lui aussi. « Tu m'as guetté toute la soirée ou c'est simplement le hasard ? » Il commande un autre verre, le même que le précédent, pour se redonner un semblant de confiance face au Diable vissée au corps de l'ange déchue.

« Je ne t'avais pas vue personnellement. » Menteur.

Un sourire froid vient aiguiser les lèvres d'Adriel, et plus encore si c'était possible. Judith était belle. Mais Judith était comique avant tout, à penser que son charme universel fonctionnerait sur le plus fermé de ceux qui faisaient le monde dans lequel elle évoluait.

« C'est parce que nous manipulons tous ces mortels qu'une femme comme toi peux se permettre d'en profiter. » Leurs esprits étaient faibles, à tous, à croire qu'une femme comme Judith pouvait donner plus que ce qu'il y avait à voir. Elle n'avait pas de temps à leur consacrer, seulement l'illusion d'en offrir un peu plus. Adriel n'était pas dupe.

« Les politiques mentent, tu dis ? Mais si seulement ils disaient la vérité, tu ne le saurais jamais, en partant de ce principe. » Et un instant il osa la fixer. Se délecter des rondeurs qui faisaient qu'elle était si femme, si belle, si improprement candide dans la débauche qu'elle caractérisait  pour l'Oracle. Les femmes étaient toutes des menteuses, aux yeux d'Adriel, et celles qui se cachaient sous des traits aussi fins que ceux de Judith étaient sûrement les pires de toutes.

« Alors tu vois ? Tout n'est pas aussi simple que tu le crois. » Montgomery écrase sa cigarette dans le cendrier en verre et déguste une nouvelle gorgée d'alcool, l'adrénaline du whiksy lui permettant de soutenir ce regard ténébreux un peu plus longtemps. « Je t'ai observée toute la soirée. Ça te semble vraiment plus convaincant ? » Il ne persuadait personne sauf lui.

Tu es comme les autres, Adriel.

En soulevant son verre, il ne put refréner un haussement de sourcils qui en disait trop long sur le malaise qu'il ressentait chaque fois que sa route croisait celle de l'ange déchu. Et non, il ne pouvait pas mentir sur le fait que même lui, en homme vertueux qu'il s'efforçait d'être, s'attardait sur les courbes parfaitement moulés dans des robes drapées sur-mesure. Il n'était pas si bon menteur.

« Certes. » Le mot, le défaut de langage qui franchissait ses lèvres chaque fois qu'il cherchait un peu de contenance au beau milieu d'une situation ou il n'avait pas l'avantage. Et le rictus familier qui fleurit à la commissure de ses lèvres n'appartenait ni à l'homme politique, ni au diplomate assuré, ni même au gendre idéal qu'il tentait d'être en public. Simplement un homme trop innocent face à une femme trop tentatrice, sentant un peu trop le vice pour celui qui s'évertuait à être impeccable en tout point.

« Ne me fais pas rire Judith. Tu es incapable de savoir quand quelqu'un ment, la plupart du temps. Tu t'regardes trop le nombril. » Son regard se détournait volontiers d'elle, quand il s'accrochait au peu de contrôle qu'elle lui arrachait en une tournure de phrase, suavement prononcée.

« Par contre, moi je sais quand les femmes comme toi mentent. » Il ne se permettrait jamais d'évoquer la relation intime qu'il savait entre Matthew Harrington et elle. Ce serait trop facile, et tout le monde avant lui avait dû le faire pour tenter de déstabiliser la Cohen. « Par exemple, tu attendais qu'on soit seuls pour m'aborder. Tu me guettais. » Et pour peu, il l'aurait défié ouvertement à un petit jeu enfantin.

Mets ton masque Adriel, reste impassible, ne lui montre pas qu'elle a raison dans tout ce qu'elle siffle.

« Toi, tu mens. » Il n'en a aucune idée, mais s'en persuade allègrement - trop peur de tomber dans des filets empoisonnés, à jouer à un jeu trop brûlant pour lui plus que pour elle. Il sent son corps brûler et se convainc encore qu'elle n'y était pour rien - quand bien même il évitait de la regarder dans toute sa beauté - monstrueusement captivante.  

« Mais je suppose que tu mens extrêmement bien grâce à ton expérience. Les femmes comme toi, pour appartenir à ce monde-là, c'est précisément ce qu'elles font. » Son incroyable misogynie était l'un de ses grands défauts cachés - non avoués - et quand il s'écouta, à cet instant précis, il sut qu'elle lui était nuisible. Qu'elle faisait ressortir chez lui des facettes qu'il ne se connaissait pas - et quand bien même, il les refoulait pour les oublier dans un coin de sa tête.  Il se lève, s'extrait du tabouret, et s'approche dangereusement du corps brûlant de l'ange déchu - c'était un jeu dangereux, il le savait.

Il la toise, la dévisage, pendant quelques secondes, où ses yeux ne parviennent pas à se concentrer sur autres choses que les iris brillantes de Judith - et c'était ça qui le dérangeait. Ne pas pouvoir s'extraire de son emprise, alors qu'il se persuadait qu'elle était le mal incarné, lui la vertu. « Tu m'excuses. » Il n'y avait pas le moindre soupçon de choix qu'il aurait pu lui laisser - il ne fumait pas souvent, mais les hommes comme lui n'avaient que ça pour échappatoire face aux femmes comme elle . « L'air devient étouffant, ici. » Un signe de tête au barman, et en quelques enjambées il s'éclipsait sur le balcon de la salle, suffisamment vaste pour lui permettre de retrouver un peu d'oxygène.