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Et dans l'instant elle aurait pu te reprocher tous les malheurs du monde, de la naissance d'Eve à la boîte de Pandore, elle aurait jeté sur toi la culpabilité de l'univers tout entier simplement pour trouver quelque chose à dire, rompre la situation de malaise qui lui taraude l'être jusqu'à la moelle, lui ronge l'os et ne semble déranger que sa petite personne.
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— Tu manques pas d'air. Tu me parles de vérité alors que jusque là tu ne m'as rien autorisé à voir de toi à part tes courbes dans des positions plus que gênantes. Je ne t'ai jamais rien demandé de plus. Et le jeu qu'on a instauré, c'était une putain d'excuse pour te protéger de ce qui te fait peur. Tu n'as aucun compte à me rendre. »
Le tintement de l'argent déposé sur le comptoir ne lui échappe pas le moins du monde, elle en percevrait les vibrations et se concentrerait dessus si ses crocs serrés ne cherchaient pas à broyer ses propres mâchoires sous l'agacement.
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— Mais moi non plus, j'te dois rien. La couleur s'estompe, comme si elle n'était qu'une traînée mouillée, vestige d'un bleu éclatant et beaucoup trop agréable pour qu'elle en détache les yeux. Son visage s'assombrit, à mesure que les respirations se font sentir, comblant les quelques silences instaurés.
Tu veux que l'un de nous deux abandonne ? Alors j'abandonne. »
Et tout s'effondre, en trois mots son royaume tombe en ruine, sa fierté éclate en mille morceaux – elle se mord intensément la lèvre inférieure pour ravaler toute forme d'émotion, se laissant simplement glisser sur le sol. Son piédestal se dérobe sous ses pieds, elle en tomberait dans sa métaphore et s'en noierait dans le déluge réactif de tes paroles venimeuses.
Silence, les lèvres bouffées.
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— Joue pas avec moi à la princesse. J'accepte pas plus que tu me reproches d'avoir accepté tout ce que tu voulais bien me donner de toi. Je t'ai jamais demandé plus. Visiblement, toi si. »
Chaque mot se plante dans son crâne comme autant de lames plongées dans sa chair mais elle reste stoïque, retenant le flot de répliques acerbes frottant contre sa langue ; elle aurait voulu plus d'insistance, l'orgueilleuse réclamait une attention qu'on ne donne qu'aux belles personnes, pas aux aveugles brisées et teigneuses comme elle. Une attention sans amour, l'unique expression d'un semblant d'intérêt – elle aurait voulu que tu le comprennes et s'était cassé la gueule dans ses attentes trop naïves.
Mais supplier n'est pas une option.
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— Tu n'as pas l'air de vouloir me laisser une place près de toi, princesse. »
C'est là qu'il apparaît, le sourire prêt à lui déchirer la tronche. Là qu'il s'installe de toute sa largeur, quand elle te sent t'éloigner après un simple baiser soufflé sur sa peau. Sa gorge se serre, cherche quelques secondes un point par lequel l'air passerait – le déclic fait que son corps échappe à son contrôle, elle qui se retenait le plus fermement possible de se jeter à ton cou, la voilà qui agrippe ton bras de ses serres, qui le déchirerait à coups de griffes si ça pouvait lui permettre de le lâcher.
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— J'espère que tu te fous de ma gueule ? Le ton doucereux, empreint de cet espèce de pincement qu'elle ressent dans tout le corps.
Tu croyais sérieusement que j'allais te laisser partir ? Ou, au contraire, tu attendais que je te retienne ? »
L'oxygène lui manque à mesure qu'elle articule à peine des phrases lancées au gré de ses pensées, ses tripes se tordent de l'intérêt que tu as
toujours éveillé chez elle. Et c'est ça qui la terrifie, l'idée d'éprouver un attachement aussi bien physique que psychologique – prendre son pied à te voir te torturer pour trouver son nom, son identité, mettre une appellation sur un visage que t'as maintes fois parcouru.
Elle s'est jetée dans la gueule du loup avec la ferveur de la chèvre de monsieur Seguin, condamnée par son désir de liberté ; trop prude pour être libertine, juste assez ouverte pour s'offrir quelques détours et la voilà au bord du gouffre.
Ou peut-être est-elle déjà en pleine chute, chacune des syllabes prononcées la rapprochant du sol.
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— Ça t'es déjà arrivé, d'écouter ce que les gens ont à dire ? D'attendre deux foutues secondes avant de tirer des conclusions et – ô, miracle – de prêter une oreille, rien qu'une, à leurs discours ? Elle pivote, fait en sorte de te barrer la route et elle te foudroierait du regard s'il savait refléter ses émotions d'adolescente.
''Tu n'as pas l'air de vouloir me laisser une place près de toi'' et j'ai mon mot à dire, sinon ? Puisqu'on est partis dans les suppositions transformées en affirmations, laisse-moi ajouter les miennes. »
Sa mine ose encore s'assombrir, sa frange fouettant son front et ses griffes ramenées le long de son corps se plantant dans ses paumes aux poings fermés.
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— Tu vas rentrer chez toi, convaincu d'avoir l'âme en peine et la queue endolorie par le manque ; mais comme – et je te cite – les nanas c'est pas le plus compliqué à trouver pour toi, tu vas t'en trouver une tellement vite que t'auras même pas le temps de prononcer Valhalla qu'elle aura déjà les cuisses écartées. La fêlure lui transperce le crâne, elle sait même plus pourquoi elle s'énerve et pourquoi
tu l'énerves tant par ton indifférence.
Et tu l'oublieras, la Sans Visage, hein ? Alors vas-y, casse-toi, prince. Mais fais pas comme si c'était ma faute, comme si c'était moi qui t'avais poussé à abandonner. Je réitère puisque c'est manifestement pas rentré dans ton joli crâne ; le plus flippé de nous deux reste à déterminer. »
Et elle crache la dernière phrase comme si c'était l'insulte la plus dévastatrice, monstrueuse face à toutes les saloperies qu'elle avait plus soufflé en quelques phrases à peine. La vulgarité au bord des lèvres et le sang bouillonnant d'animosité ; l'animal blessé.
La fille sans une once d'importance.
HRP mido s'est trop vnr moi-même j'suis larguée ptn