drink until the bottle is emptier than you } ft. ethan

drink until the bottle is emptier than you

ft.ethan

Et si on lui avait demandé à cet instant, sur une échelle de un à dix, il se situe où ton bonheur, il aurait probablement répondu chez ta soeur. Harassé par une journée passée à prendre des poses plus grotesques les unes que les autres, abruti par le cliquetis incessant des appareils photo et les flash éblouissants, il se demande pourquoi il s’est engagé dans ce genre de job. Quelques billets qu’il allait foutre en l’air le premier bar venu, trois photos dans un magazine que personne ne lira jamais - quoique ça ne lui déplaise pas d’étaler sa belle gueule un peu partout -, et une migraine en prime ? Parfois, la mort lui semble presque préférable à ce crâne qui tambourine sans interruption, qui semble démolir les dernières parois entre ses pensées branlantes, tout bousculer pour le mettre à mal sans raison.

Il renverse sa tête en arrière, les cervicales qui craquent, lâche un soupir lourd, empli de lassitude et de nervosité mêlées. Le soleil est déjà bas quand il referme les portes du petit studio derrière lui, maugréant un au revoir à peine audible. Son corps tout entier parcouru d’un léger frisson au contact de l’air frais de cette fin de soirée, il extrait de sa poche une cigarette qu’il allume aussitôt, et l’action immédiate de la première bouffée semble décontracter ses muscles endoloris. C’est décidément comme ça qu’il les aime : bien roulées et excessivement allumées…Il exhale un long soupir, laisse le nuage de fumée se répandre en arabesques vers le ciel dégagé, et, passant sa main dans ses cheveux d’ébène, il ne peut retenir un rictus amer.

Tandis que son esprit s’éclaircit peu à peu, et que son corps se détache des courbatures liées à sa longue journée, il se laisse aller à vagabonder dans les rues de la cité, seul et sans but, les mains vides et les poches à l’air. Il se questionne peu, tout du moins il s’efforce de ne pas le faire - vous ne vous êtes jamais demandé s’il était possible de ne pas penser ? Elyas est un génie en la matière. Tout du moins, il ne pense pas à ce qui le dérange, c’est sa manière d’exorciser les peurs et les horreurs qui surgissent dès qu’il clôt les paupières. Il oublie, tant qu’il peut, et il prend cette tronche d’idiot heureux.

C’est d’une façon assez machinale qu’il s’est retrouvé dans ce bar, il n’a pas vraiment réfléchi à l’endroit vers lequel ses pas le guidaient, vaquant aux hasards des rues au fur et à mesure que le couchant s’écrasait à l’horizon. Il fait noir à présent, tout du moins, il suppose qu’il fait noir en dehors de la ville, loin des lumières de celle-ci. Il ne distingue pas vraiment les étoiles, depuis la terrasse de ce bar-comptoir en bordure de la place Athéna, tout juste quelques tâches éparses brillant vaguement au loin. Le fond de l’air s'est alourdi, lui semble-t-il, et il siffle sa bière à même le goulot, gorgée sur gorgée, afin de se désaltérer.

Elyas ne connaît pas la restriction, ni même la modération - encore moins lorsqu’il s’agit de boisson. Quiconque ne le connaîtrait pas, lui et ses antécédents, pourrait assez simplement lui reprocher de gâcher les plus belles années de sa vie, ou encore le menacer d’aller tout balancer à ses parents, sous prétexte, qu’il est juste jeune et con.

- J’dois être vieux et fou, ouais...

Parce qu’il sont des ignorants, et que le chien noir n’en a strictement plus rien à carrer depuis longtemps. Sans même prêter attention aux mots qui se sont échappés de ses pensées sans qu’il s’en rende réellement compte, il se déverse le fond de sa bouteille dans le gosier, et soupire lourdement, étrangement apaisé en ce début de soirée.

hrp //