Son enthousiasme finit de m'achever. J'avais fini par échapper un rire, léger mais sincère, qui avait valut de soutirer un regard au brun. Un regard brillant comme on en faisait pas deux. Un regard plein d'étoiles et un rire plein de clochettes qui donnait envie de le rendre heureux encore. Mais le temps courait après lui et cette seule pensée avait réussi à faire faner son sourire. Le mien était devenu triste et mon regard d'habitude si dur avait changé du tout au tout. Aucune lassitude, aucune agressivité, rien qu'une sorte de bonheur fendu, rendu brillant par l'humidité. Je n'avais probablement jamais abordé une mine aussi douce, mais sa présence obligeait à moi une sorte de tendresse que je ne m'étais jamais connue.
Sa voix se brise dans sa gorge comme si les mots lui fendaient le cœur, chacune de ses syllabes émiettant sa confiance. Je n'avais aucune amertume et ne regrettait en rien ma question. En vérité, j'étais persuadée de pouvoir faire quelque chose pour lui. J'étais persuadée qu'il existait quelque part en ce monde une magie capable de guérir ses maux. Peu importe le sacrifice. Et son sourire avait fini de me convaincre qu'il était important qu'il demeure. En vie. Sain et sauf. Je papillonne des yeux lorsqu'il parle de mon sourire comme s'il avait été important, à côté de la conversation qui démarrait. Je baisse les yeux, probablement plus gênée que j'aurais aimé l'être. Les compliments n'avaient jamais véritablement fusé dans ma vie.
Ma longévité. C'était ça, la clé. Y avait-il un moyen de la donner ? Un moyen, par un don quelconque des Dieux, de céder une partie de cette vie qu'il me restait à écouler ? Je n'avais pas le droit de penser à ça. J'avais un enfant et l'obligation de m'en occuper puisqu'elle naîtrait sans père et il serait tragique qu'en plus d'être irresponsable, je sois décédée. Je soupire, les pensées chaotiques. Cela faisait des années que j'avais oublié que j'étais capable de réflexion.
Je relève les yeux vers lui. Perplexe ? Je hausse les épaules. Il jouait comme un enfant quand la vie se jouait de lui. Des gens souffrants, j'en avais vu. Des tas. Parmi eux il n'y en avait pas un seul qui avait eu la force de rire.
«
Lorsque tu es arrivé tu étais en nage et la respiration courte. J'ai d'abord cru que tu étais asthmatique mais tu aurais du avoir un engin, pour ça. »
Je réfléchis. La différence qu'il y avait entre un homme souffrant et un homme à l'agonie, c'est que l'un se plaignait et l'autre riait. Lui, il riait. Alors j'en avais conclus qu'il était un peu niais. Mais là aussi, ça ne collait pas. Il n'avait pas l'air aussi fataliste que je l'imaginais, mais sa niaiserie était incomparable au talent dont il faisait preuve. Ça n'avait plus de sens.
Si jamais ça en avait eu un jour. Les hommes, aux portes de la mort, finissent aux portes de l'amour et aiment ce qui les entoure, car ils savent qu'ils n'en profiteront plus jamais.
«
Tu as cette joie pure et sans complexe qu'ont les gens quand ils sentent qu'ils vont mourir.. et qu'ils ont accepté ce fait. »
Je serre les dents. S'il y avait quoi que ce soit de mieux à faire que de lui parler, c'était bien de lui faire profiter de ce qui lui restait. Je baisse les yeux, pensive.
«
Alors, Merlin, qu'est-ce qui te ferait le plus plaisir au monde que je puisse accomplir ? Tu peux tout demander ; considère ça comme un cadeau en signe de reconnaissance de tes efforts. »
Car ses efforts étaient si beaux. Car son sourire était si doux.