Fingers intertwined, falling stars laying by our sides. | C I E L & L I N D A S I L M E

Un bruit de froissement de tissu emplit la pièce tandis qu’une élégante paire de mains pâles et aussi fines que celles d’une poupée de porcelaine ajustaient pour la énième fois la jupe d’une profonde couleur vermeil autour de la mince taille de sa propriétaire. Celle-ci retombait avec douceur jusqu’aux genoux de la demoiselle, dévoilant ses jambes chastement habillées par des chaussettes blanches montant jusqu’en haut de ses délicats tibias. Le regard scintillant de la jeune fille remonta le long de ceux-ci d’un air critique et angoissé, jusqu’au chemisier blanc rentré dans sa ceinture dont le col en dentelle était partiellement dissimulé par une longue cascade de boucles dorées qui lui tombaient jusqu’au milieu du dos et ondulait le long de ses frêles épaules. Sa silhouette agréable semblait représenter en elle-même la finesse de tout un monde, mais au-delà de cela encore se trouvait la beauté de son visage. Les rondeurs de l’enfance qui lui avait été arrachée s’étaient amincies davantage, soulignant sa splendeur. Après de longues hésitations, elle avait choisi d’habiller son adorable paire de lèvres de rouge en leur centre, se dissipant sur les côtés et renforçant son air ingénu. Ses pommettes rosées par l’angoisse et l’expectative étaient surplombées par ses deux immenses yeux scintillants, oscillants entre plusieurs couleurs, les rendant encore plus vivants que d’ordinaire. Les cils qui les ombrageaient s’étaient épaissis, mais ne masquaient pas les reflets dorés que la jeune fille avait appliqués sur ses paupières.

Un soupir échappa ses lèvres tandis qu’elle sentait le creux de son ventre se serrer. Son corps s’était finalement stabilisé totalement, et son vieillissement précoce avait enfin cessé, la laissant dans la peau d’une magnifique adolescente, encore emprisonnée cependant entre enfant et adulte. Et aujourd’hui tout particulièrement, elle s’était préoccupée de son apparence, bien plus que tout autre jour. Pourquoi ? La réponse semblait bien ridicule, lorsqu’elle y songeait, mais elle ne pouvait se convaincre de faire autrement. Ses petites mains tirèrent une mèche blonde aux reflets cuivrés sur le côté, et elles la mirent en place à l’aide d’une pince en forme de nœud de la même couleur que sa jupe. Elle prit le temps de se regarder quelques secondes supplémentaires, sachant que c’était la première fois de sa vie qu’elle se tenait aussi longtemps face à son miroir, avant de finalement s’arracher à son reflet. Les talons de ses petites chaussures cirées claquèrent brièvement sur le parquet de sa chambre, tandis qu’elle tourbillonnait de sa démarche aérienne en récupérant les affaires qui lui seraient nécessaires aujourd’hui, les mettant dans une petite sacoche qu’elle plaça sur son épaule, avant de saisir soigneusement la précieuse lettre qui était la raison pour tous ces chamboulements. Un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu’elle reprit connaissance des mots qui y étaient écrits dans l’élégante écriture qu’elle connaissait à présent si bien. Elle ne tentait plus d’empêcher son cœur de battre si fort, pas plus qu’elle tentait de lutter face à cette vague qui la précipitait continuellement jusqu’à lui, telle une évidence. Elle secoua doucement la tête avant de ranger cette précieuse correspondance avec les autres qu’elle possédait déjà, dans une mignonne petite boîte ornée d’oiseaux et de fleurs écloses. Après avoir enfilé une veste pour lutter face aux températures qui commençaient à baisser à cette période de l’année, elle rajusta son sac, laissa un Tuima excité grimper sur son épaule, puis ferma la porte derrière elle.

Lindasilme n’avait pas revu Ciel depuis un long moment. Ce dernier avait eu une période d’examens à l’école, et ainsi il avait été beaucoup plus occupé que d’ordinaire. Bien entendu, de toute manière, ils n’étaient pas du genre à se voir tous les quatre matins et à ne plus vouloir se laisser et tous ces genres de choses. Ils étaient plutôt calmes et réservés quand il était question de leur relation, tenant probablement aussi de la forte timidité de le petite sang-mêlé. Cependant, Lindasilme ne l’aurait pas avoué, mais elle ne pouvait toujours pas se le sortir de l’esprit. Il l’occupait toujours, peut-être moins de manière envahissante qu’à la naissance de ses sentiments, mais il était toujours là de manière inconsciente, et le fait que cela fasse longtemps qu’elle n’ait pas vu son visage de ses yeux ou entendu sa voix directement provoquait en elle quelque chose qu’elle n’aurait jamais pu prévoir. Avec sa capacité à tout mémoriser parfaitement, elle n’avait jamais eu le problème d’oublier le visage des personnes, ainsi ce n’était pas une nécessité pour elle de les revoir pour mieux saisir leur aspect et se sentir proches d’eux. Cependant, dans le cas de Ciel, son image était si précise dans son esprit, que le fait de ne pas le voir formait une immense crevasse dans sa poitrine, emplie d’un manque terriblement lancinant. Elle ne pouvait l’oublier dans ses moindres aspects, mais le souhait de l’avoir face à elle était une chose si forte qu’elle apprit à ne jamais sous-estimer le pouvoir que l’attachement à quelqu’un peut avoir sur vous.

Patientant près de l’entrée du Parc de Séléné, une brise emportant quelques-unes de ses boucles avec elle, elle serrait ses deux mains l’une dans l’autre avec angoisse. Pourquoi se sentir aussi stressée ? Elle ne comprenait toujours pas bien la raison qui poussait son corps entier et même son esprit à se comporter de manière aussi étrange, mis à part qu’elle était tombée sous le charme d’un certain demi-dieu. S’il y avait une chose qu’elle n’était pas en mesure de comprendre pour l’instant, c’était bien le mystère de l’Amour. Les grands yeux de l’adorable fée suivaient les déplacements fluides de la foule qui entraient dans le parc, et alors qu’elle sentait l’inquiétude décroitre en s’intéressant aux étranges bijoux qui semblaient être distribués aux visiteurs, elle entendit une voix grave et calme retentir avec douceur dans son dos, et son cœur battit douloureusement fort dans sa cage thoracique. Elle pivota sur elle-même, et se retrouva face à un beau jeune homme aux cheveux noirs comme l’ébène, qui la regardait de son œil bleu comme un ciel nocturne. La prenant de nouvelle fois par surprise, elle sentit une envolée de papillons magistrale dans son ventre, mais tenta de ne pas y prêter attention, ne pouvant cependant retenir l’immense sourire qui vint fleurir sur ses jolies lèvres rouges.

« Bonjour, Ciel. »

Elle cligna doucement des yeux et hésita, le cœur battant, avant de rompre la distance qui les séparait et de se hisser sur la pointe des pieds pour déposer un petit baiser sur la joue du garçon. Elle s’écarta, sentant et sachant que ses joues avaient du prendre une couleur un peu plus profonde. Doucement, elle glissa sa main dans celle du demi-dieu et sourit à nouveau, ne pouvant empêcher ceux-ci de lui monter aux lèvres tant elle se sentait heureuse de le voir.

« Est-ce que tu vas bien ? »

Tandis qu’il répondait, ils se mirent à marcher vers l’entrée et furent accueillis par le personnel qui leur expliquèrent brièvement les règles du parc, avant de leur faire signer une charte puis de leur offrir à chacun un bracelet, identiques. Lindasilme observa le sien avec curiosité, tandis qu’elle le mettait autour de son frêle poignet. Il était argenté et plutôt fin, et sur le côté de celui-ci était inscrit des choses semblables à des runes elfiques, mais ne sachant pas les lire elle jugea que c’était probablement un enchantement dont elle ignorait la nature. Dès qu’elle l’eut enfilé, il se mit à scintiller avec force, de la même manière que celui de Ciel, indiquant qu’ils étaient proches l’un de l’autre. La jeune fille redressa son visage pour regarder le beau brun, lui souriant à nouveau. Ils entrèrent dans le parc, tandis qu’elle entrelaçait timidement leurs doigts. Elle resta silencieuse un instant, avec de se racler la gorge et de parler de sa jolie voix, tremblant légèrement tandis qu’elle prononçait les mots suivants.

« … tu m’as manqué. »

Elle ne le regarda pas lorsque ces mots franchirent ses lèvres, gardant son visage baissé avec embarras, ses joues brûlantes en étant la meilleure preuve.

A sa déclaration timide, elle sentit les yeux de Ciel sur elle. Puis, doucement, il se rapprocha d’elle et déposa un baiser sur le haut de sa tête avant de serrer sa main un peu plus dans la sienne, faisant battre le cœur de la jeune fille plus fort. Lorsque sa voix énonça une réponse tendrement, Lindasilme redressa son splendide petit visage vers le sien, le regardant dans les yeux de ses orbes violets. Il n’ajouta rien, se contentant de la regarder, et elle fit de même, sachant qu’il n’y avait rien d’autre à dire. Finalement, il l’attira avec douceur contre lui, et la prit dans une chaleureuse étreinte sans pour autant trop la serrer, comme s’il la prenait pour de la porcelaine suffisamment fragile pour que son étreinte la brise. Elle enroula ses bras autour de sa taille et plongea son visage contre son torse, sa joue caressée par ses vêtements en écoutant les battements de son cœur au travers du tissu. Elle ferma les yeux, un petit sourire se glissant sur ses lèvres tandis qu’elle respirait son odeur familière, avant qu’ils ne s’écartent l’un de l’autre doucement. Elle ne put empêcher son sourire de s’agrandir et un semblant de gloussement de s’échapper de sa gorge, sonnant comme des clochettes dans l’air automnale, lorsqu’elle le vit regarder autour de lui en se frottant la nuque d’une manière qui présumait qu’il ne savait toujours pas trop y faire en matière de relations humaines. C’était parfait : elle non plus. A eux deux, elle savait qu’ils arriveraient à se comprendre, complétant leurs petits défauts de socialisation avec ce qui manquait à l’autre.

« Il y a quelque chose en particulier que tu voudrais faire ? Il y a toutes sortes de jeux, on a l'embarras du choix... Comment vas-tu sinon ?.. J'ai l'impression que cela fait une éternité qu'on ne s'était pas vus. »

Lindasilme rit à nouveau avec douceur face à la soudaine éloquence de Ciel, penchant sa tête sur le côté légèrement, ses yeux souriants et ses boucles ébouriffées par le vent.

« Je vais très bien, s-surtout maintenant. » Elle cligna des yeux avec nervosité, avant de reprendre en s’apaisant. « Mais tu as raison, cela faisait longtemps… j’espère que tes études se passent bien ! » Elle lui offrit un magnifique sourire qui lui signifiait à quel point elle lui souhaitait une bonne réussite, avant de commencer à marcher à côté de lui, dans les grandes allées décorées du parc. « C’est la première fois que je vais dans un parc à thème ! C’est vraiment joli… »

Elle leva son visage pour regarder autour d’elle, ses yeux s’illuminant à chaque détail nouveau qu’elle apercevait, et l’on pouvait déjà voir dans son regard son travail d’esquisses qu’elle réaliserait dès qu’elle aurait une surface vierge et un outil pour dessiner entre ses petits doigts graciles. Mais elle avait délibérément laissé tout support ou matériel chez elle, car elle souhaitait profiter au maximum de la présence de Ciel, qu’elle couva rapidement de son regard. Elle prit le temps d’observer à nouveau ses traits séduisants et pourtant toujours en recherche de maturité, ses cheveux aussi sombres qu’un ciel nocturne et sa peau pâle, la manière mesurée qu’il avait de se déplacer et le sérieux qui semblait imprégner ses traits en permanence. Son pouls s’accéléra subitement lorsqu’elle prit à nouveau conscience à quel point elle l’aimait, se traduisant par un sourire tendre sur ses jolies lèvres rouges.

Elle laissa son regard se tourner vers ce qui les entourait, observant les stands de restauration qui les assaillaient de leurs délicieuses odeurs qui poussait souvent les plus sages à des décisions déraisonnables au vu de leur régime alimentaire. Il y avait un nombre assez important de personnes, plus souvent en duos que seuls, se promenant au travers des allées, mais ce n’était pas désagréable. Juste animé. Elle vit du coin de l’œil un attroupement de gens qui observaient avec de grands yeux médusés un homme en train de faire un numéro quelconque, tandis que des danseurs rendaient hommage à la reine de la soirée, Séléné, en montrant aux passants des acrobaties hautes en couleur. Puis, il y avait des stands plus traditionnels de jeux divers et variés, que Lindasilme observait avec attrait du haut de son mètre 40. De temps en temps, elle tirait la manche de Ciel pour pointer quelque chose avec curiosité de son petit index.

« Qu’est-ce que c’est, d’après toi ? »

Cette fois-ci, ce qui avait attiré son attention était un stand où, étrangement, peu de gens s’arrêtaient. Il s’y trouvait un objet semblable à un télescope, tourné vers le ciel où la lune pourpre de cette occasion  si particulière commençait déjà à briller, bien que le jour ne soit pas encore achevé. Elle s’en approcha avec un sourire, puis se mit sur la pointe des pieds pour regarder dedans, mais un petit soupir secoua ses épaules lorsqu’elle ne parvint pas à se mettre à la hauteur de la lunette. Elle tourna son regard vers Ciel, les joues légèrement rosies d’embarras face à sa petite taille, sa lèvre boudeuse et ses grands yeux brillants d’un air déçu parfaitement adorable.

« On dirait bien que même ma croissance prématurée n’aidera pas à me sauver de ça. »

Elle plaça sa main au dessus de sa tête pour indiquer qu’elle parlait des bons centimètres qui lui manquaient, surtout au vue de ses parents.