{ Always and forever. [Pv Alice]

{Wishing so bad too see you.
William & Alice

Mon aterrissage fut une catastrophe. Si je n'avais pas repris mes esprits à la dernière minute, je me serais très certainement écrasé lamentablement contre la façade de l'hôpital. J'ai titubé sur deux mètres et finalement mes jambes se sont dérobées sous mon poids. Je suis tombé à genoux et ai tenté de reprendre mon souffle, qui semblait soudain me manquer.

▬ Doucement William. m'a fait Storm en planant au dessus de moi.

J'ai tenté de répondre mais j'étais trop essoufflé pour émettre le moindre son. Au lieu de ça j'ai hoché la tête afin de faire comprendre aux oiseaux que tout allait bien. J'ai ensuite porté une main à ma poitrine comme si ça allait m'aider, et j'ai senti à travers mon coeur qui battait si vite que je me suis rapidement demandé comment il faisait pour tenir encore dans ma poitrine. J'ai fermé le poing et frappé sur mon torse, avant de tousser comme si j'allais cracher mes poumons.

▬ On est arrivés, Will. la voix d'Hayden m'a rappelé ce que je faisais ici.

Je n'ai même pas pu répondre. C'était comme si je ne pouvais plus respirer. Jamais de ma vie je n'avais traversé une si longue distance en une seule fois, et mes ailes avaient comme drainé toute mon énergie physique. J'ai essayé tant bien que mal de me lever tandis que l'aigle et le corbeau se postaient sous mes épaules pour m'aider à me relever. Il n'y avait personne aux alentours du Castle of Heart, si ce n'étaient des gens qui rentraient du travail ou qui venaient, comme moi, pour des visites à l'hôpital.

▬ C'est bon... on peut y aller... j'ai soufflé. J'ai ensuite pris une grande inspiration et ai passé l'entrée.

AN HOUR EARLIER

Niji était parti ce matin pour la capitale. Cela faisait trois jours qu'il recevait des coups de fil à tout va, et trois jours qu'il revenait chaque fois avec le front plissé par l'anxiété. Finalement il était parti tôt dans la matinée et nous avait laissés à la maison, Kaori et moi, livrés à nous-même comme chaque fois qu'il s'absentait pour travailler, bien qu'il avait déjà passé toute la semaine dernière à Skyworld. On ne l'avait pas poussé à parler de ce qui pouvait bien le retenir là-bas, mais il semblait que les temps étaient durs en ce moment. Je n'allais toutefois pas le retenir ici, car après tout il l'avait dit lui-même : je n'avais plus besoin de son aide. Pendant cette presque année,  j'avais appris à faire de ma moitié vampire une partie entière de ma vie, si bien que les problèmes de contrôle ne m'affectaient plus comme ils avaient pu le faire à une époque. J'avais beau me nourrir exclusivement de sang humain, le faire depuis les poches de sang était désormais suffisant.

▬ WIIIIILLLLLLOUUUUU ! TÉLÉPHOOOOOOOOONE !

La voix de Kaori m'a tiré de mes pensées. J'ai refermé le frigo et ai ouvert le sachet en plastique avec mes dents, avant de traîner les pieds jusqu'au salon où j'avais laissé mon portable. La photo de Niji s'est affichée et j'ai décroché immédiatement, avant de coller l'appareil à mon oreille.

▬ Niji ?

▬ Salut William, t'as une minute à m'accorder ? le ton de sa voix était

▬ Ouais ?

▬ Tu sais que je suis à Skyworld ? j'ai hoché la tête même s'il ne pouvait pas me voir. Est-ce que tu te souviens qu'on a discuté l'autre fois, et qu'on en était venus à la conclusion qu'il était temps que tu rentres chez toi ?

Notre conversation m'est revenue à l'esprit. N n'avait aucunement cherché à me chasser de chez lui, au contraire. La chose était plutôt venue de moi, qui avait passé beaucoup trop de temps loin de ma maison. On avait tous senti que le temps était venu pour moi de revenir à Skyworld, mais nous n'y avions plus parlé jusqu'à aujourd'hui. Je me suis laissé tomber sur une chaise de la table et ai hésité avant de poser la question qui me démangeait.

▬ Pourquoi en parler maintenant ?

▬ C'est peut-être un peu gros pour être une coïncidence... mais je l'ai rencontrée aujourd'hui, et Alice Liddell demande à  te voir.

Dans un certain sens, je connaissais déjà la réponse avant qu'il ne la prononce. C'était comme si j'avais déjà vécu cette scène, une fois au moins. Je n'ai pas pu répondre à sa requête, c'est pourquoi il a commencé à m'expliquer qu'ils se trouvaient à l'hôpital, et qu'il fallait que je vienne le plus vite possible. N ne me laissait plus le choix désormais, il n'allait plus me laisser fuir. Pourquoi la donne avait-elle changé ? C'est au moment où il raccrocha que je réalisai que les temps étaient plus graves qu'ils ne l'avaient été auparavant. S'il me brusquait de la sorte, ça n'était pas pour rien. J'avais enfin trouvé un état stable, et N n'aurait jamais pris le risque de me laisser partir s'il ne me savait pas prêt.

J'ai grimpé les escaliers à toute vitesse pour trouver Kaori dans sa chambre. Après lui avoir expliqué le coup de fil que m'avait passé son frère, elle a compris que j'étais sur le point de partir. Elle a eu un sourire qui m'a montré qu'elle était déjà préparée à ce que je quitte sa maison, et après m'avoir pris dans ses bras et fait promettre de venir la voir de temps en temps à l'hôpital, m'a laissé partir.

Je n'ai pas tardé à rencontrer Storm et Hayden, les affiliés de Alice et Hikari. Ils étaient venus me chercher, ce qui confirma que même si j'avais refusé d'écouter N, j'aurais tout de même à un moment où à un autre été forcé de revenir. Cela ne m'a pas vexé, comme ça aurait pu le faire un an plus tôt. Les oiseaux ne m'ont pas raconté ce qu'il s'était passé après mon départ, et durant mon absence ; je ne leur en ai pas voulu de garder les événements sous silence.

▬ Ce n'est pas à nous de te le dire.

J'ai hoché la tête, et nous avons volé à toute vitesse pendant une quarantaine de minutes, avant d'arriver au pied de l'hôpital. Je n'avais pas remis les pieds ici depuis plus d'un an, mais rien n'avait réellement changé, la capitale restait toujours aussi vivante. De même que mon rapport avec cette ville était resté intact. Après tout Skyworld était ma maison.


PRESENT

▬ Elle s'est évanouie après avoir perdu beaucoup de sang, mais ses jours ne sont pas en danger.

J'ai hoché la tête pour la millième fois aujourd'hui, buvant les paroles de N pour tenter de me mettre à jour sur les récents événements. Il ne m'a pas donné de détails, mais je n'aurais pas eu la tête à les écouter et il le savait. Il me parlait encore quand on est arrivés dans le couloir, et ce n'est qu'après qu'on se soit arrêtés que j'ai repris mes esprits. Le biper de N s'est mis à sonner, et il s'est excusé d'avoir une urgence à régler.

▬ C'est sa chambre. Elle était en état de choc quand elle a perdu connaissance alors... ménage-la, d'accord ?

Il est ensuite parti à grandes enjambées et je suis resté seul au fond du couloir. À l'autre bout, les gens s'activaient autour des brancards qui allaient et venaient. Je n'avais jamais réalisé à quel point l'hôpital pouvait être actif, j'avais toujours cru que c'était un endroit qui respirait la mort et le désinfectant. Je me suis surpris à hésiter devant. Et s'il ne fallait pas que je rentre ? Et si elle faisait une crise de panique en me voyant ? La dernière fois que je l'avais vue, c'était quand j'avais quitté le manoir de Relyse après avoir mordu dans sa jugulaire.

J'ai frappé, doucement. Un peu trop, même.
Toutefois cela ne m'a pas empêché d'ouvrir la porte sans y avoir été invité, et heureusement que je n'ai pas attendu de réponse car elle était encore inconsciente. Les traits de son visage n'étaient pas détendus comme ils auraient dû l'être si elle était endormie, j'en ai donc conclu que sa blessure la faisait souffrir au point de l'empêcher de dormir paisiblement. En m'approchant du lit, j'ai pris garde à ne pas faire de bruit et alors j'ai remarqué que de grosses cernes couvraient le dessous de ses yeux. D'une certaine manière, je me sentais coupable, car si elle était dans cet état je n'était que trop bien placé pour savoir que tout avait commencé à cause de moi. Je me suis arrêté à côté d'elle, qui commençait à s'agiter comme soudainement en proie à un cauchemar.

▬ Eh Princesse, calme-toi.

J'ai posé une main sur la sienne, et elle l'a serrée si fort que ça m'a surpris. Ses poignets avaient diminué de volume depuis la dernière fois que je l'avais vue, et en faisant attention, j'ai également remarqué que son visage avait maigri. Mon autre main s'est posées sur son front pour l'immobiliser, et si j'avais pu entrer dans son esprit comme le faisaient certains vampires, je l'aurais fait volontiers... mais la seule chose que je pouvais faire était hypnotiser à condition d'avoir un contact visuel, et guérir en faisant boire mon sang. Dans l'immédiat, et parce qu'elle était inconsciente, les deux étaient totalement inutiles.
J'ai donc fermé les yeux. Et j'ai attendu.

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{A language only we can understand
William & Alice

Niji Faräwell avait appelé tôt dans la matinée, et Alice avait fait l'erreur de décrocher. Le coup de fil n'était pas pour elle ; rien n'était plus pour elle en ce moment. Il y avait Hikari, qui passait ses journées à l'hôpital et qui avait fini par ne plus revenir la nuit. Puis Roxas, qui en rentrant -à condition qu'il rentre- était bien trop fatigué pour ne serait-ce que discuter. Il serait égoïste de la part d'Alice d'aller le voir et lui demander de lui parler d'autre chose que du malheur qui semblait avoir frappé leur monde depuis le départ de William. Hikari avait tenté de mettre fin à ses jours, et on avait décidé de la rapatrier à l'hôpital comme si elle avait été malade. Alice savait qu'Hikari n'était pas folle ; la seul chose qui l'avait frappée était le désespoir. Parfois les sentiments étaient trop durs avec la nature humaine, et on avait juste besoin de... lâcher prise ? Ce n'était pas comme prendre la fuite, c'était juste histoire de se protéger.


Mais ça personne ne l'avait compris. On demandait à Hikari de continuer à se battre contre elle-même, mais combien de temps durerait ce manège ? Jusqu'où la pousseraient-ils pour enfin comprendre que la seule chose à faire était de faire en sorte que les choses redeviennent comme avant ? Alice avait fini par trouver avant eux, mais avait gardé ça pour elle. Inutile de se faire interner alors que ses recherches avançaient comme jamais.

Elle ferma les yeux et se remémora les images de sa dernière entrevue avec le Dr. Faräwell. La conversation ne lui était d'aucune utilité ; il y avait juste ce dossier qu'il tenait sous le bras, trop en évidence pour qu'il s'agisse d'une coïncidence. L'étiquette était marquée des huit lettres qu'elle avait presque perdue l'espoir de voir jusqu'alors : « Van Drake »
Elle avait senti son coeur faire un bond dans sa poitrine, et n'avait même pas eu l'occasion de dissimuler la surprise dans son regard. En revanche Alice avait suffisamment aiguisé son sens de l'observation pour attraper la lueur de satisfaction qui avait brillé dans la lueur du médecin traitant d'Hikari. Il l'avait quittée, prétextant une urgence, et elle ne l'avait plus revu depuis -pas faute d'avoir essayé.

Mais si elle avait su qu'il fallait qu'elle se vide de son sang sur le trottoir pour qu'on lui donne un peu d'attention, sans doute Alice aurait-elle passé son tour.


Elle avait oublié à quel point ça faisait mal.

Ce n'était pas tant la lame s'enfonçant dans la chair. C'était le fait de voir un être cher souffrir et ne rien pouvoir y faire. La dernière lueur qu'elle avait vue dans le regard d'Hikari avant qu'elle ne disparaisse, cette culpabilité qui semblait alors la ronger jusqu'au fond de son âme, avait brisé le coeur d'Alice en mille morceaux qui s'étaient éparpillés sur le sol alors qu'Hikari lui tournait le dos, pour la première fois de sa vie.

Les souvenirs de la période difficile durant laquelle elle avait perdu sa mère lui revinrent alors en mémoire, tandis que sa vue et son ouïe se brouillaient. Les voix des passants choqués lui parvinrent comme masqués par une cloison. « À l'aide ! » semblait-elle entendre, mais tout ce qu'elle avait envie de faire était partir et rattraper son ange avant qu'elle ne fasse une chose qu'elle pourrait regretter.

« Hikari... »

Elle pressa une main contre sa blessure et grimaça de douleur. Une femme la tenait par les épaules, de peur qu'elle ne s'écroule, tandis que l'on passait des appels tout autour d'elle, en lui posant des questions pour la tenir éveillée. Elle ne pouvait pas déployer ses ailes et s'envoler -de toute manière elle irait plus vite en courant- pour quitter cette foule  qui se faisait du soucis pour rien. Dix minutes plus tard, l'ambulance se garait au bout de la rue et le docteur Faräwell accourait dans sa direction. Elle n'eut pas le loisir de lui parler car il la força, dans son professionnalisme, à lui raconter ce qui lui était arrivé pendant qu'il nettoyait rapidement la plaie qui saignait abondamment.

« Docteur, faut qu'on parle de... »
« La plaie n'est pas profonde, et il n'y a pas l'air d'avoir de résidus... mais tu as perdu beaucoup de sang. » Il jeta le coton imbibé de sang et se tourna vers les urgentistes. « Il me faudrait des poches ! »
« Mais écoutez moi bon sang ! » s'emporta la fille de Zeus. « Ça va, je peux gérer ça, OK ? »

Il se tourna ensuite vers elle. Le Dr. Faräwell avait toujours paru comme quelqu'un de très calme et posé. Même là, alors qu'Alice se laissait aller à la colère et à la frustration, il ne semblait pas du tout affecté. Il s'accroupit pour se retrouver à sa hauteur et planta son regard dans le sien.

« Non, mademoiselle Liddell. Vous ne pouvez pas gérer ça. » Il attrapa un rouleau de bandage et entoura la taille de la demi-déesse avec. « Votre sang va continuer de couler, alors il va falloir une petite opération pour souder à nouveau vos tissus entre eux ; et pour cela, nous avons besoin du matériel de l'hôpital, où nous allons vous conduire dès que Roxas aura signé votre décharge. »

Alice prit une grande inspiration, et s'apprêtait à protester qu'Hikari avait besoin d'elle, lorsque la voix de Roxas retentit au bout de la rue. Alice esquissa un mouvement trop brusque qui la fit grimacer de douleur, mais voir un visage familier au milieu de cette foule d'étrangers eut pour effet de la rassurer. Elle tenta de se lever mais le médecin posa une main sur son épaule qui la força à rester immobile, et il partit à la rencontre du jeune fiancé. Ils échangèrent quelques mots avant que Roxas vienne à sa rencontre, plus inquiet que jamais.

« Ca va ? Qui t'a fait ça ? Je te jure que je l'attraperai et que je le tuerai. »

Alice se mordit la lèvre pour se retenir de parler. Son corps la trahit lorsqu'elle secoua la tête négativement. Tu ne penses pas ce que tu dis... fut la première pensée qui lui traversa l'esprit, et alors elle sentit les effets secondaires de la perte de sang. Le décor commença à tourner autour d'elle, jusqu'à ce que le prénom d'Hikari sorte d'entre ses lèvres, dans ce qui ressemblait à un sanglot plus qu'à des aveux.

« Elle n'était pas dans son état habituel. Elle ne voulait pas me faire ça... »

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Alice n'était qu'une pauvre gamine de seize ans. Parfois, on avait juste besoin de tout lâcher. Elle éclata en sanglots tandis que les cheveux de Roxas blondissaient pour de bon, comme chaque fois que la colère prenait le dessus sur tous les autres sentiments de cet homme si bon. Elle eut les mêmes sanglots que les petites filles, même lorsqu'il déposa un baiser presque paternel sur son front.

« Je vais la retrouver, Lacie. » C'était comme une promesse, qui fit lever les yeux de la fille de Zeus. « Et on va rentrer ensemble, d'accord ? »

Ensemble.
C'était le mot qui faisait autant de bien que de mal, chez eux. Rien n'avait jamais été parfait à la maison, mais c'était pour ça que tout était si bien. Il disparut aussi rapidement qu'il était arrivé, la laissant à nouveau seule. Sauf que cette fois-ci, c'était ce dont elle avait besoin. D'être seule, et penser d'abord à aller mieux. Parce qu'elle avait laissé Hikari aux mains de Roxas, elle savait que tout irait bien, désormais. Elle tenta de se hisser sur ses jambes mais ses forces semblaient s'être envolées.

« Faut qu'on aille recoudre ces tissus. » déclara-t-elle tandis qu'il revenait dans sa direction.

Il acquiesça, avec ce sourire qui ne le quittait pas. Après tout, c'était son métier, d'être rassurant. Il l'aida à se hisser sur le brancard et referma les portes de l'ambulance derrière lui. Les sirènes retentirent et Alice se laissa tomber sur l'oreiller. Des tonnes et des tonnes de pensées sillonnèrent son esprit à la recherche de quelque chose de rationnel, sur lequel elle pourrait se raccrocher pour ne pas sombrer dans le sommeil. Le docteur s'assit à coté d'elle et changea son bandage tout en lui conseillant de se reposer.

« Laissez moi le voir. »

Il leva les yeux vers elle et eut cet habituel sourire auquel elle avait fini par s'accoutumer, depuis le temps. C'était comme si toutes les réactions de la fille de Zeus étaient un feuilleton pour lui ; il semblait toujours s'en amuser mais à la longue Alice finissait par trouver ce comportement agaçant, notamment parce qu'elle était on-ne-peut-plus sérieuse et qu'elle détestait qu'on la prenne pour une idiote.

«  De quoi est ce que tu parles ? » l'interrogea-t-il en se concentrant à nouveau sur le bandage.
« Vous savez de quoi je parle, docteur. » Il haussa les épaules et elle esquissa un mouvement pour l'attraper par le col de sa blouse. « Je ne sais pas à quoi vous jouez mais vous avez fait exprès de me montrer son dossier ! »

Peut-être sa réaction était un peu trop violente. Si c'était le cas, il ne le montra pas car il se contenta de poser une main sur la sienne, qui serrait si fort le tissu que ses jointures en devenaient blanches. Il eut un sourire avenant, le même qui l'agaçait tellement, et plongea à nouveau ses yeux verts dans les siens, azur.

« Tu es sur les nerfs, Alice. Calme-toi. »
« Laissez moi voir William, je vous en supplie... »

Sa voix n'était plus qu'un sanglot étouffé. Elle relâcha petit à petit la pression sur ses doigts et fondit en larmes. Elle avait juste besoin de voir un visage familier. Elle ne demandait même plus à ce qu'il reste ; le voir suffirait à lui faire retrouver des repères. Doucement, la main du médecin caressa ses cheveux blonds, et alors elle sentit l'aiguille de la seringue plonger dans son bras.



Les dernières heures étaient un peu floues. Il y avait eu de l'activité, Alice avait vu du monde déambuler autour d'elle mais tout ce dont elle se souvenait étaient les lumières pâles encastrées dans le plafond qui n'avaient cessé de l'aveugler jusqu'à ce qu'elle ne perde connaissance. À partir de là, elle n'eut guère d'autre choix que de se confronter à elle-même, et contrairement à toute attente, c'était la première fois depuis des mois qu'elle avait véritablement le sentiment de se reposer. Tellement que maintenant qu'elle avait presque conscience de ce qui lui arrivait, Alice tentait de se réveiller. Il n'y avait pas pire pour elle d'être confinée dans un espace clos –ici, son inconscient– sans réussir à s'en sortir. Ses problèmes actuels avaient beau lui passer au-dessus, la demi-déesse restait fidèle à elle-même et trouvait de quoi se prendre la tête.

Petit à petit, les poches de sang au dessus du lit se vidèrent et cela l'extirpa peu à peu de son inconscient. Elle battit des paupières, aveuglée par la lumière du soleil qui filtrait à travers la fenêtre et qui se réverbérait sur les murs immaculés. Doucement, elle balaya la pièce du regard et baissa les yeux vers sa main recouverte d'une main chaude reliée à un corps avachi sur elle. Elle était encore trop groggy pour réfléchir à ce que pouvait bien faire ce garçon dans sa chambre, mais réalisa bien vite que ce n'était pas non plus sa chambre. Elle tendit sa main libre et secoua le garçon qui sommeillait le visage enfoncé dans son lit.

« Ohé, debout. » grommela-t-elle.

Elle en profita pour tenter de voir s'il était possible pour elle de se mouvoir comme elle le voulait. Elle avait encore les membres engourdis par le médicament qu'on lui avait injecté pour la maintenir tranquille durant l'opération visant à refermer cette vilaine plaie, qu'elle ne sentait plus –les anti-douleurs devaient y être pour quelque chose– malgré les dommages qu'elle avait reçus. La masse de cheveux bruns s'agita, et elle s'enfonça dans son oreiller en attendant qu'il ne se réveille. Dès lors elle pourrait lui poser les questions qu'elles voulaient. Elle baissa les yeux vers la perfusion reliée à son bras, qu'elle s'apprêtait à retirer lorsqu'elle réalisa que ses veines n'étaient pas reliées à la poche de sang mais au bras du jeune homme qui se trouvait à moitié allongé sur son lit.

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{You're hot, lucky girl.
William & Alice

Pas grand chose avait changé en Alice, et pourtant elle avait comme changé complètement de visage. Presque un an s'était écoulé maintenant et tous les deux étions bien loin des deux gamins qu'on avait laissés derrière nous. Pourtant, la voir aujourd'hui me semblait aussi naturel que si je l'avais quittée la veille, et la seule différence résidait dans nos apparences respectives. On avait dû perdre autant de poids l'un que l'autre, prendre quelques centimètres et... changer de coiffure, je suppose. Dans mon souvenir, Alice avait les cheveux courts ; dans le sien, les miens étaient blonds. Nous n'avions pas changé de manière drastique, mais c'était tout juste suffisant pour me rappeler que le temps avait passé. Je me suis autorisé à poser ma tête sur le matelas et ai observé la première poche de sang se vider à travers le tube relié au bras d'Alice. La scène m'a rappelé la fois où Kaori était revenue d'une partie de chasse, le bras déchiqueté par un ours qu'elle avait provoqué en duel –ou une connerie dans le même genre– et qui l'avait salement amochée jusqu'à ce que son loup n'intervienne. Niji gardait du matériel d'urgence dans le basement de la maison, et par conséquent j'avais pu l'observer faire une transfusion à partir de mes réserves de sang que l'on gardait au frigo comme des briques de jus. Au terme de trois poches, N avait eu la brillante idée de transfuser mon sang, lequel avait des propriétés réparatrices. « Heureusement pour Kao', vous avez le même groupe sanguin. » avait-il dit tandis qu'il me perçait le bras pour y introduire les petits tuyaux qui allaient relier mes veines aux siennes.
En quelques minutes les blessures de Kaori s'étaient refermées comme par magie, mais il a fallu que je me nourrisse immédiatement après, la transfusion m'ayant épuisé plus que d'ordinaire.

Alice s'est remise à bouger, et une certaine douleur s'est peinte sur son visage tandis qu'elle remuait dans ses draps. J'ai pressé sa main dans la mienne mais elle serrait si fort que je doute qu'elle ait pu sentir quoi que ce soit. L'anesthésiant qu'on lui avait administré semblait perdre de son effet petit à petit, et je soupçonnais alors sa blessure fraîchement recousue de ne pas se régénérer aussi vite qu'elle le voulait. J'ai tendu le bras vers la perfusion et ai lu son groupe sanguin : « AB+ » En cherchant dans ma mémoire, j'ai réussi à me rappeler que ce groupe était celui des receveurs universels -au terme d'une année passée à assister un médecin on finit par acquérir certains réflexes- et je n'ai pu m'empêcher de sourire devant autant de veine de la part d'Alice Liddell.

▬ T'es vraiment chanceuse, espèce d'idiote.

J'ai tiré sur les petits tuyaux qui dépassaient de la seconde perfusion et ai porté mon poignet -celui dont la main était emprisonné dans celle de la fille de Zeus- à mes lèvres pour y faire une perforation à l'aide de mes canines, auxquelles je m'étais habituées. J'ai réussi à bricoler mon système de transfusion à partir des quelques souvenirs que j'avais de mon séjour chez les Faräwell.
Elle a semblé se détendre au bout de cinq bonnes minutes, pendant lesquelle j'avais eu le temps de revenir à ma position initiale en attendant qu'elle réagisse. L'adrénaline que j'avais dans le corps en arrivant semblait être retombée petit à petit, si bien que je commençais à sentir les signes de fatigue causés par ma course folle. J'ai fermé les yeux, et j'ai encore attendu.

Cette fois il fallut bien moins de temps avant que je ne sente qu'on me secoue. Je n'ai même pas eu le temps d'oublier que j'étais dans la chambre d'hôpital et non pas dans la chambre d'amis que m'avaient aimablement prêtée les Faräwell durant ma période de convalescence. J'ai grogné en enfonçant ma tête dans le matelas et je me suis redressé avec la lenteur d'un gars qui avait fait une sieste de cinq heures alors que je ne m'étais assoupi que depuis vingt minutes, à tout casser. J'ai détendu ma main droite qui commençait à devenir moite, et celle d'Alice s'est immédiatement dérobée, me permettant de me frotter les yeux pour m'habituer à la lumière du jour. Ce n'est qu'après avoir recouvert la vue que j'ai décidé de poser mon regard sur Alice.

Ses cheveux blonds ne frisaient plus comme avant, aussi supposais-je que c'était un phénomène autrefois dû à leur longueur. Globalement, cette dernière était le seul changement réellement notable chez elle. Ses yeux bleu électrique étaient restés still, de même que son air méfiant qui creuserait certainement de petites rides sur son front lorsqu'elle serait vieille. Un jour faudrait que je le lui dise, j'ai pensé à cet instant. Elle avait perdu des joues, et on voyait à présent très distinctement les os de sa clavicule, ainsi que ses épaules maigres, à travers la robe d'hôpital.

▬ Le docteur Faräwell a dit que... on avait besoin de moi. Je n'avais trouvé rien d'intelligent à dire. Mon sang peut te... soigner.

J'ai baissé les yeux momentanément vers l'emplacement de sa blessure, que je devinais grace à l'odeur du sang frais qui en émanait plus que n'importe où ailleurs. J'ai ensuite observé mon bras encore relié au sien et l'ai levé pour lui prouver que c'était ce que j'étais venu faire dans sa chambre. Enfin, en partie. J'ai ensuite tapoté la couveture et ai à nouveau levé mon regard pour le planter dans le sien. Alice était comme un animal sauvage -je ne me sentais aucunement désolé pour la comparaison, pour l'apprivoiser il fallait lui montrer que vous veniez en paix. Et pour ça il n'y avait pas d'autre moyen que de l'hypnotiser. Un pouvoir quand on ne s'en sert pas est inutile. Même si c'est tricher, au moins ça fait avancer les choses.

▬ Est ce qu'on pourrait voir si la blessure va mieux ? Je pourrais retirer la transfusion, comme ça.

C'était un peu égoïste, mais j'avais besoin de mes forces, moi aussi. Et ce n'était pas gagné si elle continuait de me pomper mon sang.

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{Who do you think I am ?
William & Alice

Il avait fini par lever la tête, avec l'air fatigué du bébé que l'on réveille après sa sieste. Alice mit une mèche de cheveux blonds derrière son oreille, réflexe qu'elle avait pris depuis qu'elle avait arrêté de perdre son temps à les coiffer proprement. Elle s'affaira ensuite à se redresser sur le lit d'hôpital, appuyant son dos contre le mur derrière elle en calant l'oreiller pour ne pas qu'elle n'en sente la surface rigide. Elle posa ensuite ses deux mains à plat sur des cuisses et attendit qu'on lui fournisse sa réponse, qui ne tarda pas à arriver, juste avant qu'elle ne réitère sa question. Quand il baissa les yeux sur leurs bras reliés, elle fit de même sans réellement savoir pourquoi et leva à nouveau son regard vers lui, attendant de comprendre que sans doute y avait-il un lien entre son sang –à lui– et sa guérison –à elle. Ce n'était pas facile d'émerger après avoir été anesthesiée, mais c'était possible. Après, sans doute demanderait-elle la permission de partir pour fournir l'aide qu'elle pouvait à Roxas ; à condition de trouver Roxas d'abord. Mais c'était un détail qu'elle comptait régler sous peu, pour l'instant il fallait trouver un moyen de sortir de l'hôpital.

Elle porta son attention vers le garçon, qui attendit le moment où leurs yeux se croisèrent pour parler. Ce n'était sans doute pas une coincidence, mais l'esprit d'Alice n'étant pas hermétique à l'hypnose, elle n'eut guère d'autre choix que d'écouter ce qu'il avait à lui demander, et hocher doucement la tête comme si elle était d'accord. Délicatement, elle souleva la couverture ainsi que sa robe de chambre et découvrit que la méchante entaille n'était plus qu'une coupure cicatrisée qui mettrait un peu de temps à disparaître, mais qui ne risquait plus de s'ouvrir.

« Comment est-ce que... »

La surprise brisa le lien mental qui le reliait à elle, lui faisant retrouver ses esprits. Elle ramena à nouveau la couverture sur elle et son air ahuri laissa à nouveau place à son habituelle moue méfiante qu'on lui connaissait. Alice ouvrit la bouche pour parler, mais s'arrêta en cours de route quand elle détailla inconsciemment le visage de son interlocuteur. Elle n'y avait pas prêté attention jusqu'alors, mais elle pouvait blâmer le réveil difficile pour cela. Maintenant qu'elle avait retrouvé un minimum de forme, elle eut tout le loisir de faire fonctionner son cerveau comme elle l'entendait. Sa main droite se porta à son coup, sur lequel trônait un petit collier dont le pendentif en forme de clé de Sol cherchait encore –si l'on puis-dire– son autre moitié qui elle pendait au cou d'un certain démon désormais vampire. Cette même main se détacha de son cou pour s'approcher du visage de son interlocuteur, qui n'eut guère d'autre choix que de la laisser faire.
Alors elle fit la chose qui lui sembla la plus censée : elle l'attrapa par les cheveux et tira dessus le plus fort possible.

« T'ES CON OU QUOI ? » hurla-t-elle. « Tu croyais sérieusement que je n'allais pas voir que c'était toi, William ?! »

Elle le ramena vers elle, plus près du lit encore, et continua de tirer rien que pour la satisfaction de l'entendre lui demander d'arrêter. Elle sentit les deux mains de William se poser sur les siennes dans l'espoir qu'elle relâche un peu la pression mais rien n'y fit ; elle se contenta de serrer un peu plus ses doigts autour des mèches de cheveux corbeau. Elle avait envie de lui exploser la tête contre le mur le plus proche hélas elle n'avait pas retrouvé suffisamment de forces pour faire autre chose que lui tirer puérilement les cheveux. Alice n'en était pas spécialement fière, mais si c'était la seule chose qu'elle était en mesure de faire alors elle ne se privait pas. En temps de crise il faut savoir baisser ses exigences...

« Je te connais depuis assez longtemps pour savoir à quoi tu ressembles. Tu crois duper qui avec cette teinture débile, dis moi ? » poursuivit-elle sans baisser le ton. « Et en plus de ça, tu te ramènes comme si de rien était... c'est vraiment tout toi ! »

Elle lâcha enfin sa prise et croisa ses bras sur sa maigre poitrine. Il était gonflé tout de même ! Oser arriver comme une fleur et en plus essayer de la duper comme si elle était une pauvre blonde stupide... c'était vraiment mal la connaître. La fille de Zeus baissa vers lui un regard à la fois dédaigneux et vexé, mais bien sûr chez elle on ne voyait pas la différence. Alors qu'elle s'accordait le droit de bouder encore quelques minutes, elle attendit le silence pour reprendre la parole.

« Maintenant je pense que tu as des explications à me donner. » Elle leva une main avant qu'il n'ait le temps de protester. « Et ne dis pas le contraire, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même parce que ce n'est pas moi qui suis partie presque un an sans donner le moindre signe de vie. »

Le ton était légèrement retombé entre temps et Alice avait pris le temps de reprendre sa position initiale, appuyée sur son oreiller et les deux mains sagement rangées sur ses jambes.

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{Come on, you know what I mean.
William & Alice

Je sentis dans son regard que l'on perdait notre connexion, et je ne savais pas alors si c'était une bonne chose ou  non. De toute manière cette fille était tellement contradictoire que j'avais abandonné l'idée d'anticiper quoi que ce soit la concernant. Je me suis contenté de la regarder, essayant de transmettre le minimum pour ne pas qu'elle se réveille maintenant et fasse une crise de panique en réalisant qui j'étais. Si je n'avais pas révélé mon identité, c'était parce que N m'avait demandé de la ménager, et en toute logique lui avouer que j'étais le vampire qui lui avait fait les petites marques que je voyais encore dans son cou n'était pas la meilleure façon de "la ménager", pour reprendre les termes exacts.
Il s'avéra que la prochaine fois, je ferai mieux de mettre mes idées là où je pense.

▬ OUTCH ! Lâche moi espèce de tarée !

Elle m'avait tiré les cheveux, la connasse.
Le pire était que c'était douloureux. Elle avait fourré ses doigts dans ma tignasse et en avait attrapé une généreuse poignée avant de tirer dessus de toutes ses forces. Mon premier réflexe fut de moi-même ramener mes doigts sur ma tête pour tenter de la faire lâcher, mais j'avais beau essayer de me battre elle semblait déterminée à me faire du mal. J'ai rapidement senti des crépitements à niveau de mon crâne et j'ai deviné qu'elle commençait à s'amuser. Ou alors c'était seulement qu'elle ne contrôlait plus ses pouvoirs aussi bien qu'avant...

▬ Je te connais depuis assez longtemps pour savoir à quoi tu ressembles. Et en plus de ça, tu te ramènes comme si de rien était... c'est vraiment tout toi !

▬ Tu me fais mal, bon sang ! Lâche moi !

Elle me laissa partir, et je me redressai immédiatement, la colère dans le regard et les cheveux tout ébouriffés. Je me frottai le crâne, là où mes cheveux avaient pris cher, pendant qu'elle croisait les bras et me regardait comme si elle attendait que je parle. On s'affronta du regard, comme à chaque fois que l'un défiait l'autre de prendre la parole en premier. Et comme d'habitude, elle céda en premier.
On s'était quittés pendant près d'un an and yet c'était comme si on s'était vus la veille.
Je me risquai à lui couper la parole mais elle me stoppa vite en levant la main, fâcheuse manie que je lui connaissais et qu'elle ne semblait pas avoir perdu. Au fur et à mesure qu'elle déballait les bêtises qu'elle avait sûrement rêvé de me dire au moment où l'on se reverrait -car j'étais arrivé à la conclusion que ce moment arriverait un jour, il y avait longtemps que j'avais abandonné l'idée de ne jamais les revoir tous les trois, et N m'avait aidé à le réaliser- et qu'elle semblait être fière d'avoir pu dire sans que je ne l'arrête.

▬ Je n'ai pas d'explications à te donner, je croyais que c'était évident.

J'ai passé une main dans mon cou et me suis échappé de son regard qui commençait à peser un peu lourd en reproches. Qu'est ce que je pouvais dire comme conneries pour ne pas avoir à avouer à voix haute que j'avais juste eu honte de ce que j'avais fait. Le penser était une autre, le dire à haute voix en était une autre. Elle rendait la chose un peu plus réelle qu'elle ne l'était, et c'était assez étrange, pour moi.
Après avoir passé quelques secondes à regarder dans les nuages dans le ciel, je me suis de nouveau tourné vers elle.

▬ Oh, come on. Tu sais bien ce que je veux dire...

Je vis ses sourcils se lever. Traduction : elle n'allait pas m'aider.
Maintenant que ses cheveux avaient bien poussé, j'avais envie de tirer dessus.
Contrairement à elle toutefois, j'avais suffisamment d'intégrité pour ne pas faire preuve de la même puérilité qu'elle. Je croisai mes mains ensemble et les posai sur le matelas à côté d'elle, prenant garde à ne pas la toucher -elle avait l'air un peu à cran telle qu'elle était maintenant- puis pris une grande inspiration, sans quitter son regard insistant des yeux. Je me suis ensuite rappelé de ce qui se tramait ici avant qu'elle ne pique sa crise, et ai levé mon bras relié au sien.

▬ T'es gonflée, je suis venu pour te soigner et tu m'engueules !

J'étais peut-être un peu de mauvaise foi, mais pour le moment c'était elle qui me vidait de mon sang, pas l'inverse.

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{Let me in.
William & Alice

À force de s'agiter, Alice commença à ressentir les effets secondaires du traitement qu'on lui avait administré en urgence. S'il avait le mérite d'anesthésier toute forme de douleur qu'elle aurait pu ressentir après s'être fait recoudre, il engourdissait toutefois ses muscles, et réduisait sa capacité à fournir le moindre effort. Elle n'eut donc pas le loisir d'attraper une nouvelle fois la chevelure du jeune homme afin de lui rappeler que si c'était évident, elle l'aurait deviné.

Mais le fait était qu'en vérité, Alice le savait très bien. Il avait simplement pris la fuite parce qu'il avait eu peur. Autrefois, la fille de Zeus ne connaissait rien de la véritable peur. Celle qui serrait le ventre et qui donnait envie de se cacher au fond d'un trou pour ne plus jamais ressortir. Pendant des semaines entières, elle avait expérimenté le sentiment. Chaque fois qu'elle mettait un pied en dehors de chez elle, Alice avait redouté qu'on ne l'attaque. Maintenant, elle avait appris à gérer cette peur, et la boule au ventre avait fini par disparaître complètement. Si elle pouvait se tenir devant celui qui avait déclenché ce phénomène en elle en la mordant à l'endroit où il avait déposé la marque des canines qui refusait de disparaître, c'était parce qu'elle avait appris à accepter le sentiment de peur qu'elle n'avait jamais ressenti en seize ans d'existence.

« Alors ça te coûte rien de le dire, si ? »

On sentait une petite pointe d'irritation dans sa voix, mais comment lui en vouloir ? Il se contenta de détourner le regard, et elle vit alors le retour de tous les petits tics et autres manies qui, depuis aussi longtemps qu'elle le connaissait, avaient toujours fait partie de son langage corporel. Elle s'enfonça dans son oreiller en attendant qu'il ne se décide à parler –cette fois c'était décidé, elle ne céderait pas la première. Il tourna à nouveau la tête vers elle, et ce n'est qu'à ce moment qu'elle réalisa que les iris azur qu'elle connaissait à William avaient laissé place aux pupilles vermeil qu'elle avait eu l'occasion de croiser dans le passé. Les mêmes que lorsqu'il était en proie à des émotions trop fortes. Elle porta sa main à son cou, tâtonnant pour aller à la rencontre du pendentif qui ne la quittait plus depuis le jour où ils avaient constaté que leurs différences étaient ce qui les raccrochait l'un à l'autre. Elle fit rouler la petite clé de sol entre ses doigts, et alors William prit à nouveau la parole.

« T'es gonflée, je suis venu pour te soigner et tu m'engueules ! »
« Je rêve. Tu viens pas de me dire ça ? » s'exclama-t-elle. « T'as vraiment un problème ! »

Alice leva les yeux vers les appareils branchés à elle et constata, effectivement, que le sang qui affluait dans ses veines venait uniquement du bras de William. Les poches de sang –dont une était vide et l'autre même pas entamée– pendouillaient mollement sur leur socle et les tuyaux qui y étaient reliés gouttaient sur le sol. Elle fronça les sourcils et souleva la couverture puis sa robe de chambre pour constater que la blessure n'était plus qu'une petite cicatrice pâle sur sa peau déjà très claire. Elle leva les yeux vers William qui, après avoir fait ses observations, commençait à les débrancher tous les deux, sous le regard attentif de la fille de Zeus. Il balança négligemment les câbles sur le sol et eut un petit mouvement de sourcils, l'air de dire « qu'est ce qu'il y a ? »

« Il restait un peu de sang dans le tuyau, tu le bois pas ? »

Contrairement à ce qu'elle laissait paraître depuis qu'ils avaient commencé à discuter –le terme n'était peut-être pas approprié pour décrire leur manière de s'adresser la parole–  Alice était loin d'avoir oublié qu'il avait été mordu par un vampire de sang pur et que par conséquent, son régime alimentaire avait changé. William avait maigri depuis leur dernière rencontre, et avec sa nouvelle coiffure il était difficile de le reconnaître pour quelqu'un qui ne le connaissait pas aussi bien qu'elle. En réalité, tout avait changé chez William –de sa couleur de cheveux à la forme de son visage, désormais légèrement creusé par son nouveau mode de vie– mais pourtant il restait le même, toujours fidèle à lui-même et décidé à lui pourrir la vie jusqu'au bout.

« Qu'est ce que tu entends par "je suis venu pour te soigner" ? »

Elle avait encore tellement de choses à lui demander, beaucoup plus importantes. Mais maintenant que son corps avait déployé ses forces pour lutter contre les organismes étrangers qui se promenaient partout dans ses veines, l'adrénaline avait fini par permettre de réveiller à nouveau son trouble de l'attention. Résultat : Alice ne pouvait plus se concentrer que sur une chose à la fois. Et comprendre ce qui lui arrivait s'avérait être plus important que n'importe quoi, et cela allait durer jusqu'à ce qu'elle se souvienne que, de l'autre côté de l'ile, Roxas était parti à la recherche d'Hikari.

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{Fine, you won.
William & Alice

La chose la plus sensée que j'avais pu faire à ce moment était de la fermer. Alors j'ai ignoré ses remarques débiles et j'ai ait ce que j'avais prévu, et visiblement elle avait dû retrouver la possibilité de se servir de son cerveau de blonde -no comment je suis brun maintenant- car elle n'a pas émis de protestation supplémentaire quand j'ai tiré sur l'installation à deux pounds que j'avais fait pour lui permettre de se réparer. J'ai laissé tomber les wires au sol et j'ai essuyé sans aucune retenue mon avant bras sur les draps blancs, ce qui a laissé une petite trace de sang, rien de bien alarmant. De toute façon je partais du principe que dans un hôpital, tout est nettoyé dès que le patient quitte les lieux.

▬ Il restait un peu de sang dans le tuyau, tu le bois pas ?

▬ C'est mon sang qu'il y a dedans ; je suis vampire, pas cannibale.

Elle haussa les épaules l'air de dire "ah oui, effectivement", et m'a ensuite détaillée comme si c'était la première fois qu'elle me voyait. Ne voyant pas pourquoi je ne pourrais pas me priver de faire de même, j'ai commencé à la regarder en détail, et j'ai constaté pour la seconde fois qu'elle avait vraiment perdu du poids. C'est fou comme on peut changer en un an, et pourtant la voir aujourd'hui me donnait l'impression de redevenir la gamin qui l'avait laissée et s'était enfui par la fenêtre. Elle a poursuivi avec une autre question, et je me suis d'abord demandé pourquoi elle demandait quelque chose d'aussi bateau alors qu'elle avait sûrement une tonne de questions à me poser, auxquelles j'étais préparé à répondre. J'ai baissé les yeux vers mes doigts qui commençaient à tortiller nerveusement les draps, et me suis arrêté dans mon geste sans pour autant lever les yeux vers elle.

▬ En fait, devenir vampire m'a donné de nouveaux pouvoirs. Mon sang peut soigner les blessures physiques, et je suppose que ça va en s'améliorant.

J'ai désigné des yeux son ventre, sans avoir l'intention de voir quoi que ce soit, simplement pour lui montrer que je ne disais pas de bêtises. Je me rappelle que ce nouveau pouvoir était franchement pas utile au début, il était à peine fiche d'arrêter les saignements, mais il s'est avéré qu'il était plus efficace si j'avais bu du sang autre que du sang animal un peu plus tôt, raison pour laquelle N avait décidé de changer mon régime alimentaire pour que je puisse améliorer les facultés de mon don sans craindre de devenir dépendant au sang humain. J'ai levé doucement les yeux vers Alice, qui avait l'air d'attendre que je continue.

▬ Je pense que c'est pour ça qu'il m'a dit que tu voulais me voir, peut-être qu'il pensait que ça me ferait venir plus vite que s'il m'avait dit que tu étais blessée.

Ce qui, en soi, n'était pas vrai. Si j'avais su qu'elle était blessée -et ça avait été dur de l'admettre- je ne serais pas passé par l'étape de réflexion qui m'avait fait perdre quelques minutes, après qu'il ait raccroché. Mais elle n'était pas obligée de le savoir, même si je me doutais bien qu'elle n'était pas idiote et qu'elle savait lire dans le regard autant que je savais le faire. Un silence s'est installé pendant que je me demandais si oui ou non il fallait que je lui dise pourquoi j'étais parti avant d'expliquer pourquoi j'étais revenu. J'ai baissé les yeux vers les couvertures, incapable de soutenir ce regard bleu qui semblait lire en moi comme dans un livre ouvert, et je me suis ensuite vu secoué d'un rire nerveux. Je commençais à me prendre la tête pour des débilités, alors que j'étais avec Alice. L'idiote Alice, celle qui partait au quart de tour dès que les choses devenaient trop compliquées. Je l'ai regardée, qui me fixait avec ses énormes yeux bleus, l'air de se demander quelle mouche m'avait piquée.

▬ OK, t'as gagné.

Elle n'a pas eu l'air de comprendre, et j'ai enfin daigné la regarder dans les yeux sans avoir peur de son jugement. Parce que finalement, s'il y avait bien quelqu'un incapable de me juger c'était bien elle.

▬ Quand je suis parti après t'avoir mordue -cela ne devait pas sonner aussi naturel et pourtant j'avais l'impression de raconter quelque chose de banal- je me suis retrouvé dans la forêt, avec un mal de dents pas possible et le cerveau en miettes.

Je crois que je n'oublierai jamais ce soir là. Je n'avais jamais eu aussi mal de ma vie et je pense que je ne souffrirai jamais autant que ce jour-là. Je n'avais pas la prétention de dire que laisser Alice pour morte m'avait laissé le coeur en morceaux parce que ce serait vous mentir, mais je m'en étais voulu d'avoir pris la fuite comme je l'avais fait.

▬ C'est le docteur Faräwell qui m'a trouvé, et qui m'a pris sous son aile. Tu vois le personnage, je pense que j'aurais pas pu mieux tomber.

Elle a eu la réaction que j'anticipais : elle a haussé les sourcils, ce qui chez elle voulait dire "et comment", et j'ai ensuite poursuivi en relatant chaque détail de mon intégration chez les Faräwell. Je l'ai fait sourire à plusieurs reprises en racontant ma capacité médiocre à chasser les animaux sauvages, ou à toutes les bêtises que m'avait fait faire N -j'ai respecté sa demande et ne l'ait jamais appelé Niji devant Alice- en me faisant croire que c'était pour mon bien alors qu'il l'avait fait juste pour s'amuser. J'ai également raconté comment s'étaient manifestés mes nouveaux dons, et comment ma maîtrise du feu était passée au second plan et ne servait plus qu'à allumer le feu de cheminée ou chauffer l'eau du bain. J'ai tout relaté, et tous les souvenirs me sont revenus si naturellement que ne pas les partager aurait été du gâchis. J'ai terminé par mon changement de couleur de cheveux, ainsi que ma rencontre avec les cousins des Faräwell.

▬ N me suggérait de revenir depuis quelques semaines, mais je ne me sentais pas prêt à vous revoir tous les trois.

Voilà, j'avais fini par l'admettre. Je n'avais jamais énoncé mes craintes à voix haute, pas même à N, bien qu'il ait très bien compris quelles étaient les véritables raisons pour lesquelles je refusais de remettre les pieds à Skyworld.

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{Now we stick together.
William & Alice

Elle haussa les épaules et le laissa continuer. Bon, en vérité elle avait réellement demandé à le voir, mais c'était un voeu qu'elle avait formulé tellement régulièrement au cours des derniers mois qu'il était grand temps qu'il se réalise. Elle le laissa donc poursuivre, notant dans un coin de sa tête d'éventuellement lui avouer que ce qu'avait dit le docteur Faräwell n'était pas tout à fait faux. Mais c'était s'il lui donnait l'occasion de revenir sur le sujet, évidemment. Aucune réponse ne vint jusqu'au moment où il baissa les armes et déclara forfait avant elle. Un léger sourire suivit la lueur de surprise qui éclaira le regard bleu clair de la fille de Zeus tandis qu'il vidait enfin son sac. Elle n'ouvrit pas la bouche durant tout le récit, se contentant de sourire quand la situation décrite était cocasse, de hausser les sourcils lorsqu'elle approuvait ce qui était dit et à la fin, on aurait presque dit qu'ils venaient d'avoir eu une conversation normale après un week-end qu'ils n'auraient pas passé ensemble. Juste un week-end.

« N me suggérait de revenir depuis quelques semaines. » conclut-il. « Mais je ne me sentais pas prêt à vous revoir tous les trois. »
« Hikari et Roxas n'auraient jamais... »

Elle s'arrêta net. Hikari et Roxas.
Les souvenirs des dernières heures lui revinrent immédiatement. Hikari qui prenait la fuite et Roxas qui promettait de la ramener. Hikari qui n'était pas dans un état stable et Roxas qui assurait qu'ils reviendraient ensemble. Elle se redressa sur son lit et attrapa William par le col, lui arrachant un cri qu'il étouffa rapidement. Il la regarda, l'air de dire « quoi encore ?! » et elle le fixa droit dans les yeux, l'air grave.

« Il faut qu'on aille les chercher ! »

Alice lâcha son emprise sur le démon et sauta du lit, découvrant alors qu'il y avait posé sur la table un ensemble composé d'un pantalon en coton et d'un simple t-shirt blanc. Elle leva la robe d'hôpital et découvrit alors que, comme William l'avait fait remarquer, la plaie s'était refermée et n'était plus qu'une petite cicatrice plus claire que sa peau déjà très pâle.

« Hikari est partie après m'avoir fait la petite blessure qui était là. » Elle ôta alors la robe et la remplaça par les vêtements fournis par l'hôpital. « Roxas est parti à sa recherche, et maintenant que je vais mieux il faut qu'on les retrouve... » Elle se retourna ensuite vers William, retira les cheveux du col de son nouveau t-shirt et enfila ses Converses posées au pied de son lit. « Qu'est ce que tu attends ? Ouvre la fenêtre ! »

Il fronça les sourcils et protesta, sauf qu'elle ne l'écoutait déjà plus et s'affairait à faire ses lacets en vitesse pendant que William s'exécutait et ouvrait la fenêtre, conscient que discuter ne serait pas plus utile que rester planté là. Lorsqu'elle eut fini sa besogne, Alice se redressa sur ses jambes, remit les bracelets qui contenaient ses armes à ses poignets et se précipita vers la fenêtre, avant de reculer vivement.

« On n'est pas au rez-de-chaussée ?! » s'exclama-t-elle, horrifiée.

Elle se retourna vers la porte de sa chambre, et se remémora la dernière fois qu'elle avait tenté de s'échapper de l'hôpital par la porte d'entrée, après avoir fait une mauvaise chute un soir où elle n'arrivait pas à dormir. Les médecins l'avaient assommée à coup de calmants pour ne pas qu'elle recommence avant que son bras fracturé ne se remette en place, et elle s'était farcie une semaine supplémentaire dans cette chambre qu'elle détestait. Cette fois-ci, elle n'avait pas une semaine.

« J'avais dit au docteur Faräwell de ne pas me mettre au premier étage. Pourquoi est-ce qu'il ne m'écoute jamais ? »

Elle s'assit sur le rebord du lit et se mit à réfléchir intensément. Maintenant qu'elle avait été débranchée, ce n'était plus qu'une question de temps avant que les infirmières ne rappliquent et alors ce serait la fin de son projet d'évasion.

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{That's why you need me
William & Alice

Je ne sais pas comment c'est arrivé. Quelque chose a disjoncté dans sa tête, ou alors son unique neurone s'est remis en place... Toujours était-il qu'elle s'est levée d'un bond et a commencé à changer ses fringues. Je l'ai observée faire, ne sachant pas trop ce qu'elle attendait de moi maintenant, jusqu'à ce qu'elle relève la tête vers moi et, s'apercevant que je n'avais pas bougé d'un millimètre, m'envoya ouvrir la fenêtre.

▬ Tu m'expliques ce que tu comptes faire ?

Voyant qu'elle ne m'écoutait plus, j'ai grogné et me suis levé de ma chaise pour traîner les pieds jusqu'à la fenêtre. La petite serrure qui retenait la fenêtre fermée était déverrouillée, sans doute avait-on décrété qu'Alice n'était pas suffisamment atteinte pour se défenestrer -quelle grave erreur ils avaient fait...- et compte tenu de la saison, les infirmières avaient certainement jugé qu'elle désirerait à un moment bénéficier de l'air extérieur. Ben voyons...
Les cliquetis dans mon dos m'informèrent qu'elle s'affairait à remettre ses armes sur elle, et en quelques foulées elle parvint à ma hauteur.

▬ Peut-être que justement, c'est fait exprès, j'ai suggéré en regardant par-dessus son épaule. Je suppose que c'est pas la première fois que tu essayes de quitter l'hôpital avant d'obtenir l'autorisation du médecin ?

Elle s'est vivement reculée, comme si elle était suffisamment haute pour tomber. J'ai mis mes mains dans mes poches et l'ai observée faire des allers retours devant moi, hésitant à regarder dans le vide et se rétractant à la dernière minute. J'avais toujours eu du mal à comprendre d'où venait cette peur phobique du vide. Bien que ce soit un comble pour une fille de Zeus, ce n'était pas ce qui m'intriguait le plus ; je m'étais toujours demandé, depuis aussi longtemps que je savais qu'elle avait le vertige, comment pouvait-on avoir aussi peur de quelque chose d'aussi grisant que sentir le vide sous ses pieds ?

▬ Alice ?

Elle a levé les yeux vers moi lorsque je l'ai interpellée. Je ne sais pas bien si c'est parce que je l'ai appelée par son prénom, ou si parce que j'ai coupé court à  son flot de pensées, mais elle avait l'air vachement surprise. J'ai attendu un petit instant, le temps de bien captiver son attention et m'assurer qu'elle ne détournerait pas le regard. J'ai désigné d'un coup de menton la fenêtre.

▬ Vas-y, saute.

Pendant un instant, j'ai cru qu'elle allait le faire. Il était tellement facile de lire en elle, je n'avais même pas besoin d'un pouvoir en particulier pour deviner qu'elle était prête à le faire, parce que je l'en avais incitée. Elle a fait un pas en arrière, puis ses sourcils se sont froncés.

▬ T'es fou, ou quoi ?

Bon, j'aurais essayé.
J'ai soupiré et ai passé une main sur mon visage. Si sa phobie était plus puissante que son inconscient alors je ne pouvais pas grand chose pour elle. Je me suis avancé vers la fenêtre et me suis retourné pour à nouveau lui faire face. Pendant ce temps Alice semblait en proie à un dilemme intérieur particulièrement intense, car si je ne la connaissais pas un minimum j'aurais pu croire qu'elle était névrosée. Mais non, juste hyperactive.
J'ai tendu une main, et elle l'a regardée comme si je lui tendais une crotte de nez.

▬ On peut reprendre où on s'était arrêtés, si tu veux.

Avant toute la catastrophe qui avait suivi ma transformation en vampire, j'avais accepté de l'aider à contrôler le dernier pouvoir qu'elle s'était découvert, tout frais à l'époque, et qui était une transformation partielle en aigle -d'après la taille des ailes et son ascendance on avait fort à parier que c'était cet oiseau et pas un autre- qui lui permettait de voler si elle faisait abstraction de sa phobie du vide.

▬ Tu me fais confiance ?

Et elle a secoué la tête négativement, la garce.

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{What are we doing now ?
William & Alice

Alice avait rarement entendu William l'appeler par son prénom. En général, il aimait l'appeler « Princesse » à cause de son statut de fille du roi des dieux, lui avait-il expliqué une fois alors qu'elle lui avait posé la question. Même si ce surnom était vu et revu, Alice avait fini par se sentir presque concernée par cette appellation et s'était même surprise à se retourner plusieurs fois dans la rue alors qu'il ne s'agissait que d'un homme qui désignait sa petite amie. Le problème avec William qui l'appelait « Alice », c'était qu'elle n'était plus habituée. Elle leva donc les yeux vers lui, oubliant totalement qu'il avait le pouvoir de contrôler son esprit bien qu'il le lui ait avoué explicitement. Mais étant donné qu'il était loin d'être suffisamment puissant pour l'aider à dépasser sa phobie du vide de façon aussi drastique qu'il venait de le faire, elle n'eut même pas le loisir de réfléchir à une façon de le ménager que les mots semblèrent franchir ses lèvres par leur propre volonté.

« T'es fou, ou quoi ? »

On faisait rarement plus clair pour faire comprendre a quelqu'un que l'on a aucune idée de ce qui lui passe par la tête. Mais au moins on accordait à William Van Drake le mérite d'avoir essayé de faire accélérer les choses. Le problème avec Alice –entre autres– était son incapacité à réfléchir à plusieurs choses à la fois. Gérer le stress et essayer de s'organiser était impossible dans l'immédiat, bien qu'elle s'efforçait de focaliser ses pensées sur une seule chose. Son esprit avait tendance à changer de bord chaque fois qu'un obstacle se dressait devant elle, ce qui la conduisait évidemment à se poser les mauvaises questions. William fut donc le premier à trouver une idée, mais sa manière de le formuler laissa la fille de Zeus perplexe, qui se contenta de rester immobile, dans l'attente d'une réponse.
Laquelle ne vint pas, ce serait trop facile.

« Tu me fais confiance ? »

Il était parti en la laissant se vider de son sang –même si elle lui avait pardonné, ce qui est fait est fait– et n'avait pas donné de signe de vie depuis presque un an. Il avait eu la possibilité de revenir mais il ne l'avait pas fait ; il avait même pu avoir de leurs nouvelles par le docteur Faräwell, mais n'avait pas pris la peine de venir les voir. S'il était venu, il aurait pu voir que tout s'était écroulé dans le manoir. Hikari était devenu un fantôme, Roxas passait son temps à veiller sur elle, tout en s'empêchant de sombrer dans la folie. Et Alice, elle, s'était retrouvée seule. Jamais elle ne s'était sentie aussi livrée à elle-même, et c'était comme ça qu'elle avait découvert comment réellement se débrouiller quand on ne peut plus compter sur personne.

« Tu ne peux pas m'en vouloir ! » s'exclama-t-elle après le moment de silence qui suivit son hochement de tête négatif.

Il ferma les yeux, l'air de réfléchir, et leva une main vers elle pour lui dire « Ouais, ouais. Je sais. » Elle s'adossa contre la fenêtre tandis que lui se penchait en avant comme si estimer la hauteur qui les séparait du sol allait changer quelque chose. Nerveusement, elle se gratta derrière la nuque, comme chaque fois qu'elle s'approchait du vide. Étrangement, cette partie de son corps la démangeait à chaque fois, comme si ses ailes situées plus bas menaçaient de se déployer en cas de besoin. Parfois la nature était bien faite, semblait-il.

« Qu'est ce qu'on fait ? Tu m'attends en bas, je saute et tu me regardes faire une crise cardiaque ? »

« C'est un étage, tu peux pas faire un effort ? »

Comment lui expliquer que si les phobies se contrôlaient, plus personne n'en aurait ? Elle le regarda d'un air énervé, tandis qu'il se hissait sur le rebord de la fenêtre. Elle étouffa un cri en le voyant faire et détourna le regard tandis qu'il se penchait tout en se retenant sur le cadre de la fenêtre. Ce mec n'allait définitivement pas bien dans sa tête...

« Hey Princesse, approche. »

En tant normal, elle lui aurait répliqué qu'il en était hors de question, mais la situation imposait qu'elle range son côté rebelle une petite minute pour écouter ce qu'on avait à lui dire. Alors docilement, et sans faire de commentaire, Alice fit un pas vers lui tout en s'efforçant de le regarder dans les yeux pour éviter de malencontreusement risquer un coup d’œil en bas de la fenêtre.

« Est-ce que tu peux monter à côté de moi ? » Il parlait lentement, comme à un animal apeuré, sauf qu'elle ne le remarqua pas et se contenta de le regarder, perplexe. Je sais que tu me fais confiance. S'il te plaît.

Il arrivait fréquemment chez un sang-mêlé que deux entités -qui n'en formaient qu'une en réalité- à l'intérieur de soi se mettent en désaccord. Chez Alice, sa partie déesse dominait la plupart du temps, mais il restait toujours sa part totalement humaine, effrayée par tout ce qui sortait des clous, qui lui murmurait que ce qu'elle s'apprêtait à faire était dangereux. Au cours des derniers mois, Alice avait suivi ce petit murmure, car elle avait appris ce qu'était que de réellement avoir peur. Si bien qu'aux jours d'aujourd'hui, la fille de Zeus était devenue plus raisonnable, moins téméraire. Alors qu'elle entendait sa partie humaine lui dire qu'elle était folle de vouloir suivre William, elle entendait, pour la première fois depuis des mois, la voix de la tête brûlée au fond de sa poitrine, qui lui disait juste « prends le risque, espèce de tapette. » Doucement, elle tendit la main vers William, qui continuait de la rassurer, qui s'infiltrait dans sa tête et faisait taire, le temps de quelques minutes, la voix de la raison qui résonnait dans son crâne.

« Si je meurs, je viendrai te hanter toute ta vie, et je t'attendrai devant la porte des Enfers. »

Elle vit une lueur amusée danser dans le regard de William tandis qu'un sourire se dessinait sur son visage. Une sensation de joie emplit sa poitrine, comme elle ne l'avait plus fait depuis longtemps. L'espace de quelques secondes, elle eut l'impression que rien de tout ce qui s'était passé au cours des derniers mois n'avait compté. Au fond, l'absence de William avait juste été un petit trou dans la route, qu'il suffisait de contourner pour enfin pouvoir continuer à avancer. Elle chercha à tâtons le rebord de la fenêtre et dut se contorsionner pour parvenir à l'atteindre avec son pied. Lorsque ce fut fait, il la tira vers le haut pour qu'elle puisse se retrouver à sa hauteur, et alors qu'elle s'apprêtait à se féliciter pour avoir brillamment réussi la première étape, la porte de la chambre s'ouvrit derrière eux sur une infirmière alertée par l'activité inhabituelle qui se déroulait dans cette chambre.

« Qu'est ce que vous faites ? »

Alice se tourna vers William, qui de son côté avait son air contrarié collé sur le visage, comme chaque fois que les choses ne se déroulaient pas comme dans ses plans. Il regarda tour à tour l'infirmière qui, une fois le choc passé, se précipitait vers eux pour les ramener dans la chambre, et le vide qui se présentait sous leurs yeux. Finalement, il baissa les yeux vers Alice et passa une main dans ses cheveux d'un air désolé.

« Merde. Ça devait pas se passer comme ça, j'te le jure. »

Alice ouvrit la bouche pour lui demander ce qu'il comptait faire, mais n'eut pas le loisir de protester car il la poussa dans le vide.
Elle sentit le sol se dérober sous ses pieds, et n'eut alors plus que sa voix pour crier. Le vent lui fouettait violemment les joues, et il semblait que personne n'était là pour l'entendre agoniser. La chute sembla durer des heures, et alors que le vent avait complètement arrêté de hurler dans ses oreilles, et que ses cris avaient fini par cesser, la voix de William se fit entendre.

« C'est bon, tu peux ouvrir les yeux. »

Elle remarqua alors que ses mains s'étaient jointes sur son visage pour cacher ses paupières closes. Doucement, elle écarta les doigts et regarda autour d'elle, pour finalement baisser les yeux pour voir William. Il n'était pas vraiment loin d'elle, juste un peu plus bas.
Ce qui en soi, était vraiment bizarre.
Elle étouffa un petit cri en réalisant qu'elle était à un petit mètre du sol, totalement en lévitation. Elle remua dans les airs, sous le regard perplexe de William qui semblait être posé depuis un moment déjà puisque ses ailes avaient eu le temps de disparaître, mais ce fut tout juste si Alice ne vit pas ce détail, trop occupée à essayer de se poser.

« Aide moi à descendre, au secours ! »

Elle finit par tomber par terre, face contre terre et genoux sur le sol. C'était peu flatteur mais si on pouvait apprendre à tomber avec grâce, les gens le feraient. Elle secoua la tête, envoya ses cheveux en arrière pour pas qu'ils ne la dérangent et se leva sans pleurer, à la manière de la petite fille courageuse qui s'est mangée la gamelle du siècle mais qui garde la tête haute. Storm et Hayden choisirent ce moment pour réapparaître, et se mirent à planer au-dessus de leurs têtes.

« Hayden sait où ils sont, si on se dépêche on peut les rattraper. »

« On y va, vite avant qu'ils n'envoient des gens nous chercher ! »

Elle épousseta son t-shirt trop long et le pantalon qui dépassait tout juste en dessous, avant de partir sans se retourner vers l'hôpital. William suivit ses pas tandis que Storm et Hayden les guidaient jusqu'en dehors de la ville. Hikari et Roxas n'avaient pas énormément avancé, il leur faudrait moins d'une heure pour les rejoindre s'ils avançaient sans s'arrêter. Alors qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, suivant aveuglément les oiseaux sans dire un mot, William finit par briser le silence.

« Elles étaient plus grandes dans mon souvenir. »

« Qui ça ? »

« Tes ailes. »

« Ah, oui. Je sais pas, elles ont du comprendre qu'elles ne me servaient pas à grand chose. Tu sais, sélection naturelle, tout ça. »

Le pire c'était qu'elle ne plaisantait même pas. Alice avait toujours pensé que d'une manière ou d'une autre, la nature était bien faite. Elle jeta un coup d'oeil derrière elle et observa un moment les deux petites ailes dans son dos, qui frétillaient comme si elles désiraient s'activer. Elle n'étaient apparues qu'à de rares occasions, quand la situation le demandait, mais ne lui avaient jamais permis de voler de manière spontanée, à cause de son vertige chronique notamment. Mais plusieurs fois déjà, elles lui avaient permis de planer pour lui éviter une chute qui risquait de lui faire mal, et c'était déjà ça de gagné pour ce pouvoir qui ne lui était d'aucune réelle utilité.

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