{ Always and forever. [Pv Alice]

{Please forgive me
William & Alice

Je n'étais pas cruel au point de lui tendre un piège pour la persuader de sauter dans le vide avec moi. Ma première intention avait réellement été de l'aider dans cette épreuve, mais l'arrivée impromptue de l'infirmière avait court-circuité mes plans et je m'étais retrouver à la pousser dans le vide. Désolé ma belle.
En sautant à mon tour, j'avais eu le temps de déployer mes ailes et essayer de la rattraper une fois que ce fut fait -c'est comme dans l'avion, tu t'occupes d'abord de toi ensuite tu vas aider les autres- mais voir une petite paire d'ailes tout juste suffisante pour retenir son poids apparaître dans son dos m'a suffit pour comprendre que son corps n'avait rien perdu de son instinct de survie, malgré le très net affaiblissement dont elle avait été victime lors de mon absence. Alors que je posai les pieds à terre, je me rendis compte qu'elle était figée dans le vide, à moins d'un mètre du sol, ses petites ailes frémissant dans son dos pour la maintenir en lévitation.

▬ C'est bon, tu peux ouvrir les yeux.

Alice se mit à remuer dans les airs en me demandant de l'aide, et c'est en me retenant de rire que j'attendis qu'elle se ramasse avec le moins d'élégance possible -elle avait toujours été très gauche dans mon souvenir et je voyais bien que cette partie de son caractère n'était pas allée en s'améliorant. Je m'approchai d'elle pour l'aider à se relever, plus parce que l'on manquait de temps qu'autre chose, mais elle préféra jouer les braves petites guerrières et se leva toute seule, l'air de dire "même pas mal". J'ai donc à nouveau croisé les bras et attendu qu'elle ne me dise ce  qui résultait de sa longue réflexion. Elle avait tendance à laisser son regard planer dans le vide chaque fois qu'elle se perdait dans ses pensées, mais un petit regard vers l'entrée de l'hôpital suffit à me rappeler qu'on ne nous laisserait sûrement pas la paix si on restait plantés ici.

▬ On y va, vite avant qu'ils n'envoient des gens nous chercher !

Je suppose que c'est dans la nature des hyperactifs que de toujours retomber sur leurs pattes quand il était question de réagir dans l'urgence. Je l'ai suivie sans dire un mot tandis que les oiseaux nous guidaient jusqu'en dehors de la ville ; avec un rythme soutenu, on aurait atteint la mer de nuages en une petite quarantaine de minutes, et trouver Hikari et Roxas ne devrait pas être difficile étant donné que tous deux avaient des auras qui exerçaient une certaine forme de pression qui était loin d'être négligeable. Pendant que nous traversions la forêt en silence, je me suis contenté de ne pas dire un mot pour observer Alice. Au fur et à mesure que l'on avançait, je parvenais à réaliser tout ce qui avait changé chez elle depuis notre dernière rencontre, et c'est alors que m'est venu à l'esprit l'idée que, si je l'avais croisée dans la rue telle qu'elle était aujourd'hui, alors il m'aurait fallu quelques instants avant de la reconnaître.

Elle avait mûri plus que grandi. Ce n'était pas tant la sagesse qui se reflétait dans ses traits mais plutôt une méfiance qui apparaissait chez les adultes. Autrefois, elle avait cet aspect des enfants sans peur de la mort, qui n'ont jamais rien affronté de suffisamment douloureux pour en être effrayé. Maintenant, je savais qu'elle n'était plus du genre à se jeter dans le tas sans réfléchir aux conséquences, rien qu'en la voyant je pouvais deviner qu'elle était maintenant dotée d'une capacité de réflexion supérieure à celle qu'elle pouvait avoir. L'origine de ce changement était facile à trouver : Alice ne dépendait plus de personne désormais.

▬ Elles étaient plus grandes dans mon souvenir.

Parler de ses ailes comme une entité capable d'être soumise au phénomène de sélection naturelle était quelque chose de typiquement "Alice". J'ai haussé les sourcils mais elle a eu l'air de prendre son hypothèse très au sérieux alors que je n'ai pas insisté et l'ai laissée prendre quelques pas d'avance sur moi, mettant un peu de distance entre nous. J'ai baissé les yeux au sol tandis qu'elle ne semblait pas remarquer que je n'étais plus à côté d'elle. Sans doute était-elle concentrée sur la route plus qu'autre chose, de plus si Storm communiquait mentalement avec elle alors elle faisait bien de m'ignorer.

▬ Alice, à propos de ce qu'il s'est passé...

▬ On n'est pas obligés d'en parler maintenant, m'a-t-elle coupé.

Son ton n'était pas spécialement sec, ni agressif. Pour une fois, j'avais même l'impression qu'elle m'évitait de m'emmêler les pinceaux tout seul, et même si j'aurais dû lui en être reconnaissant, c'était tout de même une conversation que je tenais à avoir avec elle. J'avais cet étrange sentiment au fond du ventre, cette même angoisse qui précède un orage quand on sait qu'il se préparer, et peu importe l'issue qu'aurait cette journée, il fallait au moins que j'aie cette conversation avec Alice Liddell. Qui sait quand l'occasion se représentera ? Je m'apprêtais à lui demander de m'écouter quand je me rendis compte que quelque chose n'allait pas, au-dessus de nos têtes.

▬ Hayden, tu sens quelque chose ?

Le corbeau d'Hikari commençait à perdre de l'altitude depuis quelques temps, mais désormais il y avait dans sa façon de voler quelque chose qui semblait être dû à une entrave. Il ne répondit pas, et j'accélérai mes foulées pour me retrouver en-dessous de lui. C'est alors qu'il lâcha un croassement douloureux, avant de tomber violemment au sol. Je m'élançai avec suffisamment de vitesse pour l'empêcher de heurter le sol, et me tournai vers Alice.

▬ Qu'est-ce que ça veut dire ? m'empressai-je de demander.

Pendant ce temps, elle avait porté ses deux mains à ses lèvres comme elle le faisait pour s'éviter de hurler, et je reportai mon attention vers le corbeau qui respirait faiblement entre mes mains. Victime d'un accès de panique à l'idée qu'il soit arrivé quelque chose de grave, je réitérai ma question cette fois en me dirigeant vers Alice pour lui montrer l'état de l'Affilié d'Hikari, et même sans étant doté du don d'empathie, je pouvais sentir le stress d'Alice me contaminer.

▬ Il... je ne sais pas, il a... il a dû arriver quelque chose là-bas... a-t-elle bafouillé. Elle a ensuite secoué la tête et posé une main sur sa bouche pour ne pas crier. On doit se dépêcher, Will.

Alice a baissé la tête et a repris la route d'un pas hâtif, me laissant derrière avec Hayden dans les bras. Je me suis penché sur lui juste assez pour sentir que son poitrail se soulevait faiblement. N'ayant moi-même pas d'Affilié, j'ignorais jusqu'où s'étendait le lien qui unissait chaque extrémité du lien, mais s'il était aussi fort que je le pensais alors...

▬ Alice !

Elle ne se retourna pas, et je crus l'entendre se parler à elle-même, tandis qu'elle prenait de plus en plus d'avance sur moi. J'ai lâché un soupir exaspéré et me suis remis en route en trottinant pour rattraper mon retard. J'ai gardé Hayden sur un seul bras et me suis servi de celui qui était libre pour attraper l'épaule d'Alice et la forcer à s'arrêter.

▬ Parle-moi. Dis moi ce que ça veut dire.

La fille de Zeus a bien été forcée de se retourner. Elle savait que je pouvais me monter aussi borné qu'elle quand je le voulais, et perdre du temps à nous disputer était hors de question. Quand elle a enfin daigné lever les yeux vers moi, j'ai vu qu'ils brillaient comme si elle cherchait à empêcher ses larmes de couler. La peur que j'ai vu dans ses yeux a confirmé tout ce que j'avais présumé à son égard, et j'ai relâché la pression que ma main exerçait sur son épaule, plus frêle que dans mon souvenir.

▬ J'ai aucune idée de ce que ça veut dire, a-t-elle murmuré en passant une main sur le duvet d'Hayden. On ne sait pas ce qu'il se passe là-bas, on peut rien dire tant qu'on les verra pas...

Sa voix s'est éteinte et je n'ai pas insisté. Elle a posé une main sur la mienne pour que je la lâche et nous avons repris notre chemin en silence. Sa réponse ne m'avait pas avancé, mais en essayant de lire entre les lignes je savais très bien ce qu'elle avait fait : elle avait seulement nié la possibilité que ce qu'Hayden avait ressenti avait été tellement douloureux qu'il en avait perdu l'usage de ses membres. Le corbeau était capable de parler notre langue, mais son état presque léthargique me prouvait qu'il n'en n'avait plus la possibilité, comme si l'autre bout du fil de connexion avec Hikari avait été brisé.

On n'entendait plus que nos pas qui grattaient contre la terre. Même de là où j'étais, je pouvais deviner qu'Alice et Storm avaient cessé de communiquer entre eux, ce qui faisait régner un silence de mort autour de notre petit groupe. Aucun d'entre nous ne voulait s'avancer, et moi-même je ne faisais que me focaliser sur autre chose pour ne pas émettre d'hypothèses sur ce qu'il se passait de l'autre côté de la forêt. J'ai baissé les yeux vers Hayden qui reposait dans le creux de mon coude. Je pouvais sentir son petit coeur battre contre moi, faiblement mais suffisamment pour m'assurer qu'il était encore en vie. C'est alors que je me suis remis en route aux côtés d'Alice.

▬ Quelle que soit l'issue de cette journée...

Je n'avais pas encore l'habitude d'être celui à rompre les silences. En temps normal, c'était quelque chose dans lequel j'arrivais à me conforter, mais en présence d'Alice il devenait presque dérangeant. Je savais que la situation n'était pas des plus simples pour elle, mais me laisser en dehors alors que j'étais là pour elle n'était pas la méthode la plus efficace pour qu'elle s'en sorte. J'ai levé ma main entre nous, paume vers le haut, tandis qu'elle levait la tête pour me regarder dans les yeux.

▬ Peu importe ce qui arrive, on s'en sortira ensemble.

Pendant quelques minutes, elle n'avait pas réellement d'expression sur le visage. Je pouvais aisément deviner que c''était pareil de mon côté, mais ce n'était pas si différent de d'habitude. Elle est restée un moment à m'observer, tandis que je lui rendais la pareille jusqu'au moment où je me suis senti obligé d'ajouter, comme pour me rassurer :

▬ Je veux dire ; Hikari, Roxas, toi et moi.

La réponse a semblé, d'une façon ou d'une autre, la satisfaire. Un sourire très léger s'est dessiné sur ses lèvres tandis que ses yeux se remettaient à briller, d'une façon différente de tout à l'heure. Elle a posé sa paume contre la mienne et j'ai serré sa main tandis que ses doigts s'enroulaient autour des miens.
Nos pas se sont accélérés, et plus l'on se rapprochait de la plage -que l'on pouvait désormais voir au bout du chemin- plus je pouvais sentir Alice se crisper à côté de moi. Alice s'est vite mise à courir, et je n'ai eu d'autre choix que de la suivre, jusqu'au moment où le gravier se transformait en sable, et que l'odeur humide de la forêt ne laisse place à celle, plus salée, de la mer de nuages.

▬ Je... je crois que c'est eux.

De là où l'on était, c'était comme si deux ombres immobiles jonchaient le sol, mais lorsqu'on se concentrait il était facile de reconnaître la silhouette d'un homme agenouillé, presque recroquevillé sur le sable. Alice et moi nous sommes avancés, et ce n'est que quand je l'ai entendue crier que j'ai réaliser qu'elle m'avait lâhé la main.

Et puis, quelque part au fond de moi, je savais qu'il y avait déjà un moment que le coeur d'Hayden s'était arrêté de battre.

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{Hold your breath, close your eyes
William & Alice

Alice ? ... Alice ! ... ALICE !
Alice reprit ses esprits et cligna des yeux trois fois. Devant elle se dressait la étendue d'eau claire qui longeait une vaste ligne d'horizon sur laquelle se reflétait timidement les reflets du soleil, qui en cette chaude soirée prenaitent une teinte écarlate, baignant dans une lumière rouge sang non seulement le sable et l'eau, mais aussi ceux qui l'entouraient. Alice se retourna, et croisa en chemin le regard carmin de William, qui s'excusaient à sa place. C'est drôle ; aussi loin que je me souvienne tes yeux ne m'ont jamais dit quelque chose comme ça. La fille de Zeus baissa les yeux et trouva un corbeau qui reposait dans les bras du démon. Son regard fit un aller-retour entre ça, et le visage de William, qui ne cessait de la fixer, interdit.

« C'est sa chute qui l'a mis dans cet état, c'est ça ? »

Je t'en supplie, dis moi ce que j'ai envie d'entendre. Alice posait cette question tout en sachant parfaitement que c'était à elle d'y répondre. Elle recula d'un pas et tourna la tête avant de recevoir sa réponse. Une quinzaine de mètres les séparaient de la jonction entre la terre et la mer, et en suivant la ligne imaginaire qui reculait avec la marée Alice fut en mesure de voir. De les voir.
Son esprit sembla s'envoler tandis que son corps se mettait à avancer, dans un automatisme qui puisait dans ses dernières réserves encore disponibles alors que ses nerfs avaient depuis longtemps lâché prise. Le sable se fraya un chemin dans ses chaussures, dont elle de débarassa d'un mouvement sec de la cheville tandis que son pas s'accélérait parce qu'elle se retrouvait nus pieds sur la plage. Quelques foulées supplémentaires et ses pieds se retrouvèrent enfouis sous l'eau de mer qui allait et venait, en l'entraînant un peu plus vers eux.

Et puis elle revint peu à peu à elle-même. Alice retrouva un semblant de capacité de réflexion –jusqu'alors c'était comme si son esprit refusait catégoriquement de faire un lien entre causes et effets– et observa longuement Hikari qui dormait dans les bras de Roxas, le visage hâlé d'une douce lumière rougeâtre en accord avec le ciel qui s'y reflétait. Les derniers souvenirs qu'Alice avait de son ange gardien dataient de cette sombre période où l'on ne pouvait la voir que dans son lit d'hôpital, le teint pâle et les yeux légèrement cernés. Oh, bien sûr Hikari n'avait jamais été laide même avec tous les signes de fatigue du monde. Alice avait juste l'impression que la fatigue accumulée l'avait fait vieillir plus rapidement, mais contrairement a la fille de Zeus qui avait l'air d'un fantôme aujourd'hui, Hikari gardait cette beauté qui lui était propre, vraie et dénuée d'artifices. Malgré les derniers mois difficiles, aujourd'hui Hikari n'avait jamais parue plus en paix avec elle-même.

Mais alors pourquoi n'était-on pas là pour s'en réjouir ? Pourquoi Roxas baissait la tête au lieu de lever les yeux vers le ciel ? Pourquoi William posait ses genoux dans l'eau pour déposer le petit corbeau aux côtés de celle qui lui était liée, au lieu de le lancer en l'air pour qu'il prenne son envol ?

Peu à peu, les pièces du puzzle s'assemblèrent sous ses yeux. Si Roxas baissait les yeux, c'était parce qu'il était incapable de retenir les larmes salées qui s'échappaient de ses yeux pour finir leur course dans la mer, avec laquelle elles venaient se confondre. Si William s'agenouillait, c'était parce que dès l'instant où lui avait compris qu'ils étaient arrivés trop tard, il avait baissé les armes. Et puis il restait elle, Alice, qui n'avait toujours pas vu que si la robe était rose, ce n'était pas parce qu'elle s'accordait avec le ciel au-dessus de leur tête. Au cours de la dernière période de sa vie, Alice avait sincèrement cru que le degré de douleur maximum que son corps pouvait supporter avait été atteint. Il lui était arrivé de se réveiller dans la nuit, avec une douleur à la poitrine qui lui causait des migraines atroces, la faisant souffrir en silence tout en sachant que personne ne serait là pour l'entendre ni l'apaiser. Elle avait beau tenter de se soigner, c'était un mal qui lui venait de l'intérieur, qui n'avait rien à voir avec tout ce qu'elle avait pu ressentir auparavant. Elle n'avait jamais eu aussi mal de sa vie, et avait même été une fois jusqu'à demandé a ce que l'on l'achève pour la guérir. Elle avait souffert le martyr ; mais aujourd'hui ça n'avait absolument rien à voir.

« Tu avais promis. »

Sa voix sonnait rauque, cassée et horriblement faible à ses oreilles. C'était comme si une autre partie d'elle-même avait parlé à sa place, et pourtant c'était bien la première chose qu'elle avait pensée en réalisant que le sang d'Hikari avait trop coulé. Le ciel perdit de son éclat, et s'assombrit à mesure que les défenses d'Alice se brisaient en mille morceaux. Elle se mordit les lèvres, si fort qu'elle sentit quelques vaisseaux éclater sous sa chair, tandis que sa vision commençait à se brouiller, recouverte par des larmes qu'elle avait depuis trop longtemps refoulées.

« Tu m'avais dit que tu la ramènerait ! »

Un énorme éclair vint s'écraser dans le sable, vingt mètres plus loin, faisant gronder le tonnerre immédiatement tandis qu'une pluie torrentielle venait s'abattre sur eux. Pendant ce temps, Alice se mettait à hurler comme si cela allait alléger sa peine. Elle avait crié victoire trop tôt ; elle avait donné trop de confiance à Roxas et il lui avait arraché tout espoir en rompant sa promesse. La tristesse se mêla alors au dégoût, envers lui qui avait osé faire une promesse qu'il ne pouvait pas tenir, mais aussi elle-même, pour avoir été égoïste, et n'avoir pensé qu'à elle. Elle aurait dû lui courir après dès l'instant où elle avait su qu'il y avait un problème.

« Tu avais promis... » répéta-t-elle tandis que sa voix tremblait et que les sanglots ne cessaient de remonter le long de sa gorge. « TU M'AS MENTI ! »

Elle tomba à genoux à son tour et sanglotta bruyamment, comme le faisaient les enfants qui ne retenaient pas leurs pleurs. Autour d'eux, l'orage qui s'était déclenché excitait la mer qui semblait vouloir engloutir tout ce qui se trouvait à la limite entre le sable et l'eau. On entendait le tonerre qui semblait faire écho aux pleurs d'Alice, qui redoublaient d'intensité, encore et encore. Quelques secondes suffirent pour qu'on ne puisse plus voir de différence entre l'eau de mer et l'eau de pluie qui recouvraient leurs vêtements. Il régnait un silence de mort, en paradoxe avec le vacarme de la pluie qui semblait faire écho avec le degré de douleur qui lacérait le corps de la pauvre Alice depuis l'intérieur. Elle se mit à crier encore et encore, puis se tourna vers Roxas que les mots ne semblaient plus atteindre.

« Tu n'avais pas le droit de rompre ta promesse ! » Elle prit sa tête entre ses mains. « Pas celle-la... »

Elle serra l'étreinte de ses doigts sur son crâne, comme si la douleur générée serait en mesure de rivaliser avec la peine qui lui déchirait le cœur. Elle secoua la tête et continua à essayer de se faire du mal, jusqu'à ce que deux mains se posent sur les siennes, détachant leur emprise jusqu'à ce qu'elle ouvre des yeux remplis de larmes pour croiser à nouveau les pupilles écarlates de William.
Dans mon souvenir, elles étaient bleues comme le ciel quand Hikari était encore vivante.

« Elle est partie. » murmura-t-elle après un moment de silence.

Les éclairs cessèrent de tomber, mais la pluie redoubla d'intensité tandis que le ciel se couvrait de nuages encore et encore plus sombres. Elle laissa tomber ses bras le long de son corps tandis que le semi-démon se contentait d'hocher la tête, comme si la contredire à ce stade était peine perdue. Au final, elle se mit à mimer le geste tout en continuant de pleurer avec toute son âme.

« Reviens... » Elle secoua la tête et continua de pleurer. « Ne me laisse pas, s'il te plaît. »

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{First leave the best of us.
William & Alice

Personne n'était préparé à l'éventualité que les choses se passent comme ça. On croyait être prêt à voir le pire en situation critique, mais ce n'était que du vent. Quand le pire arrive, on reste planté là, impuissante, et on attend que le sort décide à notre place.
C'était triste à dire mais on n'était pas les maîtres de notre destin. Pas quand il s'emmêle avec d'autres.
C'était cette fatalité qui m'avait frappé de plein fouet lorsqu'on s'était approchés de la plage. J'avais serré le corps encore chaud de Hayden entre mes bras, comme si ma propre chaleur corporelle allait finir par le ranimer. Puis comme un automatisme qui relevait de l'évidence plus que d'autre chose, j'avais déposé le corbeau dans l'eau aux côtés de sa liée tandis que les vagues emportaient les derrières traînées de sang qui entachaient sa robe. Définir la scène de "macabre" equivaudrait à enlaidir la mémoire d'Hikari ; car même dans la mort elle trouvait le moyen d'exprimer une beauté des choses qui vous faisait aimer la vie. La scène était juste émouvante, et aurait pu la rester si le ciel rose ne s'était pas teint en noir à une vitesse phénoménale, en écho avec sa fille qui tombait à genoux pour hurler sa peine.

La pluie frappa sur nos têtes mais nous laissa impassibles. J'étais comme pétrifié sur place, incapable d'esquisser le moindre mouvement, énoncer le moindre mot. Le bruit sourd de la pluie qui tombait dans l'eau de mer semblait filtrer toute autre forme de son autour de nous, isolant notre groupe dans une bulle hors du temps et de l'espace. J'aurais voulu que les choses se passent autrement ; j'aurais voulu qu'on les retrouve là, enlacés, incapables de parler tant ils étaient submergés par la joie. La situation restait possible, jusqu'à l'instant fatidique où on réalisait que l'ange venait de perdre ses ailes, que son cœur s'était arrêté de battre et qu'il ne reprendrait plus jamais le rythme joyeux qui caractérisait celui d'Hikari. Hikari, qui était bien celle d'entre nous qui méritait de vivre. Qui avait toujours fait passer notre intérêt avant le sien. Qui aurait donné sa vie pour nous protéger. Pourquoi étaient-ce les plus beaux d'entre nous qui partaient en premier ? Les dieux nous prenaient les meilleurs et laissaient sur la Terre ceux qui ne connaissaient pas la valeur de la vie.

Puis c'est à cet instant que je me suis ressaisi.
J'étais en train de tomber dans un cynisme -le même que celui dans lequel la petite garce m'avait laissé quand elle avait planté ses canines dans mon cou. C'était la dernière fois que j'avais eu l'occasion de parler à Hikari. La fois où elle m'avait fait réaliser que je n'étais pas seul, que j'avais pu enfin me libérer d'une majeure partie du poids qui me pesait sur la conscience. La fois où je réalisais que son vœu était de prendre soin de nous. Cela me faisait alors réaliser que, maintenant qu'elle n'était plus là, le lien qui nous liait tous commençait à se fragiliser. Un des pilliers de nos vies s'était envolé aujourd'hui, brisant l'équilibre et nous éloignant petit à petit de ce qui faisait notre force. Je levai les yeux vers Alice, qui serrait son crâne si fort que j'en avais mal pour elle. Immédiatement, je tendis les bras pour poser mes mains sur les siennes. Le contact de sa peau gelée contre la mienne, brûlante, sembla la conforter puisqu'elle relâcha presque immédiatement la pression qu'elle exerçait sur sa boîte crânienne.

Elle est partie.
Ce que je pouvais comprendre, c'était : elle ne reviendra pas. Et rien d'y penser me donnait le vertige ; celui qu'on a quand on s'apprête à sauter d'une falaise et qu'on est confronté à l'idée que nos ailes ne se déployeront pas. Que l'on est voué à s'écraser au sol car personne ne sera là pour nous réceptionner.
J'ai pris les mains d'Alice dans les miennes, et j'ai hoché la tête, comme si le dire à voix haute allaient subitement rendre les choses réelles. J'ai pressé des doigts dans les miens, et elle a resserré cette étreinte comme si c'était la seule chose à laquelle elle pouvait se raccrocher. J'ai ensuite tourné la tête vers Roxas qui n'avait pas bougé d'un pouce ; puis, rassemblant mon courage à deux mains, j'ai baissé les yeux vers Hikari. Elle avait les paupières closes, et dans la mort elle ne semblait que s'être assoupie. La paix qu'on lisait sur son visage nous laissait croire -espérer- qu'elle était partie pour un monde meilleur, ou un monde qui avait besoin d'elle plus que nous. C'était égoïste de notre part à tous les trois que de vouloir la garder avec nous ; des gens souffraient plus, peut-être qu'il y avait quelque part d'autres âmes à sauver et que les dieux avaient décidé qu'ils avaient plus de mérite que nous. On était tous imparfaits, mais je me rappelle que aussi loin que je me souvienne, il y avait dans les yeux d'Hikari, dans la façon qu'elle avait de vous regarder, qui vous poussaient à embrasser ces imperfections comme partie intégrante de votre âme. J'avais appris à accepter les plus sombres côtés de moi-même, à vivre avec ; et ça je ne le devais qu'à elle. Aujourd'hui j'aurais voulu lui montrer qu'elle avait eu raison sur toute la ligne. Aujourd'hui, elle n'était plus là pour le voir.

J'avais appris bien des choses avec Hikari, et l'une d'entre elles me laissait la certitude que si elle avait été là pour me demander une requête, elle ne pouvait être que celle qui me venait alors que je voyais son corps inerte entouré de Roxas et Alice qui versaient les larmes dont elle avait horreur.
« Prends soin d'eux » disait sa voix dans ma tête.

▬ Alice, regarde moi.

Elle a secoué la tête et fermé les yeux, en continuant de pleurer tandis que mes mains emprisonnaient toujours les siennes. Je l'ai immédiatement lâchée et ai attrapé son visage pour la forcer à me regarder. Le sentiment de tristesse qui teintait son regard semblait être accru par la couleur grise du ciel qui se reflétait dans ses iris, ternissant douloureusement le bleu de ses yeux, d'ordinaire rayonnant. La pluie ne cessait de tomber autour de nous, en écho avec les sentiments qui semblaient ravager la fille de Zeus depuis l'intérieur. J'ai haussé la voix, pour qu'elle m'entende malgré le vacarme de la pluie qui frappait contre la surface de l'eau.

▬ On va rentrer à la maison tous les quatre, d'accord ? Je savais qu'elle allait protester, mais la laisser parler rendraient les choses réelles. Roxas n'est pas en état de le faire, c'est à nous de prendre le relais.

J'ai relâché son visage et ai laissé mes bras retomber le long de mon corps. Doucement mais sûrement, l'intensité de la pluie a diminué, et je me suis levé avant Alice. Elle est restée un moment au sol pendant que je me tournai vers Roxas, qui n'avait pas bougé d'un cil malgré l'ambiance apocalyptique qui avait frappé la mer de nuages. J'ai posé une main sur son épaule et l'air serrée fort, pour qu'il m'entende.

▬ On rentre, Rox. Je l'ai secoué, comme si j'avais voulu le réveiller alors qu'il dormait. C'est ce qu'elle aurait voulu.

Il n'était pas disposé à la conversation. J'ai recommencé à le secouer plus fort, et c'est au bout de quelques secondes qu'Alice est venue se joindre à moi. Elle lui a crié dessus très fort, le tonnerre a grondé trois fois et il a fini par s'écrouler, vidé du peu de forces qu'il lui restait. La pluie s'est arrêtée quand je suis tombé à genoux, et j'ai réalisé alors que ce que je croyais être de la pluie sur mon visage n'étaient rien d'autres que les larmes qui coulaient de mes yeux, les mêmes que celles d'un pauvre enfant qui n'a pas encore compris qu'il venait de perdre quelque chose de précieux. J'ai senti les bras d'Alice m'entourer, et j'ai laissé mes larmes couler le long de son cou tandis que petit à petit, les nuages ont dégagé le ciel qui, ce soir, comptait une étoile supplémentaire.

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