Leçon de vie dans le parc

Du coin de l’œil, tu surprends l’air étonné de Freya. Elle te regarde, la bouche grande ouverte. Qu’est-ce que j’ai dit, encore ? Tu mets un temps à réaliser qu’en fait, elle est simplement surprise par ta réponse. Qu’y a-t-il d’étonnant à ne pas être déjà allé à la mer de nuages ? Tu n’es sans doute pas le premier et encore moins le dernier pourtant. Le comportement très enfantin de ta compagne te laisse pantois. Elle a parfois des réactions très surprenantes, du moins pour toi. Tu commences à avoir l’habitude avec elle. Mais il te faut encore du temps pour réussir à la cerner. Et puis, c’est pas comme si tu avais envie de se mettre à sa place. Mais sa réponse te laisse interdit un instant. Puis tu éclates de rire.

∞ Ohlàlà, non ma colombe ! Tu ne fais pas partie de ces personnes, ne t’inquiètes pas. Sinon, tu le saurais déjà, ajoutes-tu d’un air mystique.

Tu poses une main affectueuse sur ses cheveux, comme le ferait un grand frère. Mais toi… tu ne te considères pas ainsi. Ton expérience de la fraternité est loin d’être des meilleures. Tu as voulu, un temps, être un bon grand frère. Mais ce n’était pas réciproque. Ta « famille » t’as rejeté il y a longtemps de ça. Tu comprends mieux pourquoi, aujourd’hui, tu l’as accepté, mais jamais, jamais, tu ne pourras leur pardonner. Même si tu les expédies six pieds sous terre. Ta mine devient sombre pour un court laps de temps. Non. Tu ne vas pas leur faire le plaisir de ruminer à cause d’eux. Un sourire mauvais étire tes lèvres en songeant à ce que tu pourrais bien leur faire pour te venger. Puis tu te rappelles que tu n’es pas seul.

∞ Tu n’as pas de soucis à te faire, tu continues d’un ton doux.

Un soupir grondé sur ta gauche attire ton attention. Ta panthère s’étire, couchée sur le flan, les yeux clos, les babines légèrement retroussées. C’est l’heure de la sieste apparemment. Tu vois son museau se froncer, une patte s’agiter. Elle doit être en train de rêver. Elle n’a pas perdu son temps, la paresseuse ! Toi tu ressentais plutôt un besoin de te dégourdir les jambes. Tu t’apprêtes à te lever lorsque tu remarques l’attitude de Freya, recroquevillée. Tu soupires intérieurement. Allons bon, qu’est-ce qui lui prend encore ? Tu poses une main derrière son dos.

∞ Un problème ?

Elle semble se calmer rapidement, car elle repose ses pieds sur le sol. Mais elle sursaute lorsque vos regards se croisent. Elle n’est pas prête de s’en sortir… Auras-tu seulement la patience de l’aider ? Tu veux bien faire des efforts, mais… Tu restes Amelëyr. Tu l’écoutes attentivement, sans la quitter des yeux. Son discours a de bonnes bases, cependant il te faut rectifier quelques détails. Faire confiance, oui, dépasser sa peur, oui, mais baisser sa garde… Toi qui fonctionnes dans le sens contraire, tu ne peux pas laisser passer ça.

∞ Tu n’es pas forcée de baisser ta garde. Il vaut même mieux rester prudent pour se préserver. Tu dois seulement reconnaître en chacun d’eux leur nature. Ceux qui sont pacifiques, et ceux qui pourraient te faire du mal. Reconnaître ceux à qui tu peux faire confiance –comme moi- (sourire taquin) et ceux qui pourraient te trahir. Baisser sa garde et faire confiance ce n’est pas exactement la même chose.  

Te voilà devenu donneur de leçon. Voilà une épreuve difficile, toi qui n’as jamais rien enseigné à personne, qui n’as même jamais été très bon à recevoir un enseignement. Mais, par principe, tu ne laisseras pas Freya entrer sur une piste dangereuse.

∞ Pourquoi te font-ils peur ? Ce qu’ils peuvent bien penser de toi ne doit pas te bloquer, tu t’en fiches. Ils ne pourront pas t’atteindre tant que tu le leur montreras. N’oublie pas que tu as des pouvoirs. Prends confiance en tes capacités. Si une situation dégénère, montre ce dont tu es capable.

Voilà ta pensée précise en cet instant. Voilà comment toi tu résonnes. Oui, tu fonctionnes sur la démonstration de pouvoir. Et c’est bien fondé, car si on fait preuve d’assurance et qu’on montre qu’on n’est pas vulnérable, les gens y réfléchissent à deux fois avant de tenter une attaque.

∞ C’est comme ça que je me débrouille, moi. J’impressionne. Je peux t’assurer que ça marche ! Enfin… ce ne sont que des conseils.

Tu ne sais pas si elle pourra les appliquer. Vous êtes trop différents pour fonctionner de la même façon, selon toi. Enfin, tu ne pouvais pas ne rien dire non plus. Tu te lèves pour étirer tes jambes qui ne supportent pas de rester trop longtemps inactives. Une brise se lève et vient jouer avec tes mèches rousses. Depuis quand t’es-tu improvisé instructeur ? la vie réserve beaucoup de surprises. Bonnes, ou mauvaises.

Tu souris, content de voir que tes paroles ont fait mouche. La petite semble déjà un peu plus sûre d'elle. Peut-être que tu n'es pas si mauvais que ça pour transmettre des choses aux autres après tout. Enfin, en vrai, tout dépend des choses que tu apprends aux autres. Ce que tu lui a donné come conseil, c'est pour l'aider à vaincre ses peurs, c'est vrai. Mais c'est parce qu'une protégée qui a peur de son ombre, c'est tout de même embêtant, et nettement moins pratique pour faire flipper les autres. Elle a du potentiel, Freya, il faut juste qu'on lui enseigne comment le découvrir et l'utiliser, à bon escient… ou à mauvais escient, en ce qui te concerne. Elle ferait fureur avec ses capacités, si seulement elle prenait conscience de ce dont elle est capable ! Tu ne peux t'empêcher de rire à sa réplique. Toi, un bon prof ? En voilà une nouvelle ! Tu lui ébouriffe les cheveux.

∞ Eh bien, il y en a au moins une pour penser ça ! Mais je suis ravi de t'aider, tu le sais.

Tu penses à elle, oui, mais aussi à toi, comme toujours. Tu y vois ton propre intérêt à la "former". Il suffit juste de bien la guider, et en douceur. Elle a tant de choses à apprendre sur ce monde ! C'est une des raisons pour laquelle tu t'es autoproclamé son protecteur. Il est vrai que tu n'as pas envie qu'elle souffre de la vérité, de ce qui se cache réellement derrière ce monde d'illusions et de mensonges. Parce que, toi aussi, tu fus naïf à une époque. Tu dois l'amener doucement sur le chemin de la robustesse. Dès qu'elle aura cessé d'avoir peur des autres, elle sera prête à passer à l'étape suivante. Mais chaque chose en son temps. Oui, tu es assez doué aux échecs. La sang-mêlé s'aperçoit de ton impatience, pourtant camouflée, et te propose de marcher un peu. Elle va même jusqu'à te prendre la main. Tu lui souris, songeant que vraiment, ce serait du gâchis de la laisser derrière.

∞ En effet, tu es en sécurité. Et tu n'es pas seule pour combattre tes peurs, ma colombe. Surtout ne l'oublie pas. Au moindre soucis, fais-moi signe et j'accourrai, tel un chevalier servant sautant au secours de sa dame !

Tu prends une pause chevaleresque pour appuyer tes propos. Qui, bien sûr, ne sont pas exact, étant donné que ça ne se passe pas come ça en réalité. Tu n'es pas un chevalier, et elle n'est pas ta dame. Mais, par contre, tu ne laisserais personne toucher à un seul de ses cheveux. Passé la phase de l'humour, tu sens Freya te tirer par la main. Oh, voilà que ta colombe s'impatiente ! Elle ressemble vraiment à une enfant. C'est sans doute son amnésie chronique. Tu la laisses prendre un peu la tête, pour qu'elle aille où elle le souhaite. Tandis que vous marchez, tu songes à un point important de son apprentissage. Tu finis par t'arrêter et te penche un peu en avant, car tu es tout de même grand par rapport à elle.

∞ Tu sais Freya… tu as du potentiel ! Je veux dire, tu as l'air de penser que tes pouvoirs sont, comment dire, inutile pour certains. Mais aucun don n'est inutile. Il suffit juste de lui trouver l'usage adéquat. Ton contrôle du sable, par exemple… avec de l'entraînement je suis sûr que tu parviendrais à créer une petite tempête ! Rien de mieux pour dissuader les gens.

Tu fais une pause, hésitant sur la suite. Mais, il te faut dire ce que tu as à dire.

∞ Tu pourrais peut-être même les étouffer, s'ils insistent… Une fois qu'ils frôlent la mort, ils y réfléchissent à deux fois avant de recommencer. Et puis, tes explosions sont absolument fascinantes ! Avec ça, crois moi, ils ont toutes les raisons du monde de te craindre. Et tu as la possibilité de contrôler les émotions des gens, n'est-ce pas formidable ? Les rendre heureux, ou triste ! Tu pourrais peut-être même leur insuffler de la peur… (tu hoches la tête) Non, vraiment, ne pense pas que tes pouvoirs sont inutiles.

Le meilleur moyen de lui faire comprendre ton ressenti, c'est de le lui montrer. Tu décides de te prendre en exemple. Tu lèves une main devant son visage et te concentre pour faire apparaître ta peau d'écorce à cet endroit seulement.

∞ Tu vois, moi par exemple… On pourrait se dire "oh, ça sert à rien ça" ou "brek, c'est dégueu !" Mais quand on y réfléchit, c'est vachement pratique ! (tu ramasses une épine d'arbre et te la plantes sans hésitation sur la paume de la main) Tu vois ? Ça me protège, des coups, des chutes, des armes blanches. Je ne dis pas que je ne sens rien… ça picote un peu, mais c'est mieux que de saigner. (tu retires l'épine et inspectes ta paume) Pas de trace ! Bon j'ai mes limites, je ne suis pas invincible non plus, personne ne l'est sauf les dieux. Mais l'idée est là ! Je tire l'avantage de ce pouvoir.

Tu fais disparaître ta peau d'écorce et te relèves avant de t'écarter un peu d'elle. Paume vers le ciel, tu invoque une boule de bois amorphe.

∞ La xylokinésie… je ne la maîtrise pas encore très bien, car c'est complexe, mais avec du temps et de la pratique, ça viendra. Je peux en faire de belles choses… (tu façonnes une rose en bois et la renifle comme si elle était réelle, avant de la donner à Freya) ou des choses dangereuses (tu façonnes un pieux effilé dans ses mains). Et puis j'ai mon dernier pouvoir… mais ça, c'est mon petit secret. On a tous ses petits secrets (tu lui fais un clin d'œil) Imagine toutes les possibilités si tu arrives à combiner leurs effets ! Moi, avec mon agilité et ma vitesse hors norme, recouvert d'une peau d'écorce, et maniant un pieux effilé… Une vraie terreur !

Tu ris, amusé par l'image qui surgit dans ta tête. Oui, vraiment, avec de la créativité et un soupçon de bon sens, si on maîtrise bien ses capacités, les possibilités sont infinis. Ombre vous rejoint sur ses entre-faits, un peu groggy de sommeil, songeant que vraiment, quant tu t'y mets, tu peux être terrifiant.

Tu t'es un peu laissé emporté sur ce coup là. Peut-être que ton élan d'instruction a effrayé Freya… En même temps, il est si facile de lui faire peur… IL faut vraiment que t'arrives à lui faire passer ce cap. Avec une telle puissance à tes côtés… seuls les dieux savent de quoi vous seriez capables, bien que tu aie déjà quelques idées. Heureusement que la jeune fille ignore ce que tu penses, autrement elle prendrait ses jambes à son coup. Oui, tu peux être très flippant quand tu t'y mets, et pourtant, la sang-mêlé te fait confiance. Quelle étrange ironie du sort… Tu t'es auto-proclamé son protecteur, mais tu ne sais pas bien ce qui t'y a poussé au final. Peut-être que tu l'apprécies vraiment bien au final. Peut-être que son amnésie chronique, son innocence, ou encore sa naïveté ont réveillé en toi un sentiment jusqu'alors inconnu : celui de vouloir protéger son cadet du monde qui l'entoure. Un peu comme un grand frère, au final. Sauf que toi, tu n'aimes pas les liens de fraternité. Tu es trop dégouté par ta propre famille (la biologique). Ton aîné et ta petite sœur t'ont toujours rejeté, t'ont toujours fait la misère. Alors, tu préfères rester un protecteur plutôt que de devenir un frère.
 
Tu regardes la petite Freya. Malgré sa peur, elle fait preuve de courage. Tu la considères comme ta protégée. Alors, quiconque tentera de la blesser subira ton courroux. Et en général, ça se termine mal. Et pas pour toi. Tu as noté son regard pétillant lors de ta démonstration. Elle semble plus fascinée par ton pouvoir de protection que dégoûtée. Etrangement, cela te satisfait. Tu lui souris aimablement et viens lui ébouriffer les cheveux.
 

∞ Oui, l'important c'est d'essayer ma colombe. Et tu sais ce qu'on dit ? Il n'y a pas de courage sans peur. Autrement dit, tu es courageuse quand tu confrontes tes peurs. Et moi, je sais que tu es courageuse. Alors tu finiras par y arriver, tôt ou tard. L'important c'est de ne jamais baisser le bras et de persévérer, quoi qu'il arrive.

 
Oui, tu en es la preuve vivante. Tu as failli tout abandonner, le fameux soir où Ombre a déboulé dans ta vie. Sans elle, tu te serais probablement laissé mourir. Mais tu t'es accroché, et depuis tu n'as plus jamais baissé les bras. Tu persévères sans arrêt. Tu ne laisses pas un obstacle te barrer le chemin. C'est simple : soit tu le contournes, soit tu le détruits. C'est ce qui fait que tu es redoutable. Tu n'as pas froid aux yeux, et tu ne recules devant rien pour parvenir à tes fins. Il n'y a que les vampires qui puissent réellement représenter un danger pour toi. Tu éprouves une telle révulsion à leur égard, que tu fais tout pour éviter leur présence, du moins lorsque tu connais leur vraie nature, ce qui n'est pas toujours le cas.
 
Freya se mit à zigzaguer par ci par là, tout en respectant une distance de sécurité avec la foule. En même temps, on ne peut pas vaincre ses peurs du jour au lendemain. Tu en es bien conscient, et pourtant tu refuses de t'y confronter. L'ange s'arrête soudain et te fait face en souriant. Tu te stoppes à ton tour, les mains dans les poches. Son discours te fait sourire à nouveau. Tu te penches un peu en avant et viens appuyer un index sur le bout de son nez.
 

∞ Mais j'espère bien que j'ai le droit d'avoir des secrets ! Tu en as probablement, oui, quelque part dans la dedans (tu tapote doucement son crâne) Mais tout finira par te revenir, ne t'inquiète pas. Le moment venu. OU peut-être même le jour où tu t'y attendras le moins… ou tu en auras le moins besoin. La vie fonctionne ainsi : elle est capricieuse et fourbe.

 
Tu parles plus pour toi que pour elle, sur la fin. Mais c'est vrai. La vie est telle que tu l'as décrite. Tu en sais quelque chose. Elle t'a joué trop de mauvais tour pour pouvoir dire autre chose que cette vérité là. Freya t'attrapes la main, l'air troublé. Tu te rends compte seulement maintenant que ton charisme lui joue des tours. Tu le maîtrises si bien qu'il t'arrive parfois d'en faire usage automatiquement, sans même y penser. Tu as un côté pervers et sadique, mais tu respectes trop Freya pour aller jusque là, alors tu réduits l'intensité de ton pouvoir pour la libérer un peu de ton joug maléfique -ou presque. Il n'empêche que tu trouves ça amusant, d'avoir de l'emprise sur les gens sans même y faire attention.
 

Allez viens ma colombe, dis-tu en lui serrant la main. Tu veux aller quelque part en particulier ? À moins que tu ne préfères rentrer au cirque… C'est toi qui vois !

 
Quelque soit son choix, tu t'en fiches un peu. Tu trouves toujours quelque chose pour te divertir. Si vous rentrez au cirque, tu pourras t'entraîner, ou chercher des poux à Sloane. OU alors cette folle de June te sauteras dessus et tu passeras le reste de ta journée à la fuir. Ou encore, tu mangeras une tonne de cochonnerie avec Lyvion. La vie au cirque n'est pas toujours de tout repos, mais c'est la meilleure chose que tu n'es jamais connue. Serein, tu souris encore à Freya et caresses la tête de ta panthère, qui se met à ronronner.

La réaction de la jeune fille t'amuse. Elle gonfle toujours les joues quand elle est vexée, c'est hilarant. Tu te gardes toutefois de te moquer. Tu peux comprendre qu'elle n'aime pas être décoiffée, toi aussi tu détestes ça. Et puis, tu as tendance à oublier que ce n'est pas une enfant et que vous n'avez que deux ans d'écart. Mais elle est tellement naïve... c'est plus fort que toi. Tu ne peux pas t'empêcher de la taquiner là-dessus. Enfin, tu lui demandes ce qu'elle veut faire, quel nouveau lieu elle souhaite découvrir. Elle te parle alors d'une fontaine. Hum, oui il te semble en avoir vu une dans le parc. Ce doit être par là, sur votre gauche... Certainement là où la foule est plus dense. La fontaine attire toujours du monde. Tantôt des enfants qui veulent toucher l'eau (et tombent parfois dedans, pour ton plus grand plaisir), tantôt un couple qui vient s'asseoir sur le bord pour contempler leur reflet. Tu ne vois pas l'intérêt, mais bon.

Et puis elle aborde un sujet délicat. Tu vois tout de suite de qui elle parle, en disant « Madame Lyvion » (comment diable en est-elle venu à l'appeler comme ça, c'est un mystère). Une barre de contrariété vient plisser ton front. C'est que June est la seule fille au monde qui te court après et que tu fuis. Parce que c'est une vampire, de sang-pur, et qu'elle n'est pas toujours très nette. Et puis, les vampires te révulsent, te terrifient, et si June est la Madame Loyale du cirque, elle ne fait pas exception à la règle. Même si tu supportes sa présence... à deux mètres minimum. La question de Freya te prends au dépourvu. Mais qu'est-ce que j'en sais, moi ? Et même... qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Bien sûr tu n'allais pas lui répondre ça, mais franchement, tout ce qui concernait June, tu ne voulais pas le savoir. Tu laisses échapper un soupir en portant la main à ton visage.

∞ Euh, tu sais Freya... Comment te dire, je ne suis pas dans sa tête, et je n'ai pas du tout envie d'y être. Je suppose qu'elle les lit parce qu'elle aime ça. Je ne me suis jamais posé la question. Et puis, c'est June... Faut pas chercher. Moi je ne cherche pas en tout cas. Moins j'en sais, mieux je me porte. SI Iorek te dit que ce n'est pas pour toi, alors écoute-le.

On pouvait sentir ton agacement, mais surtout ton malaise. Tu n'aimes pas aborder des sujets concernant les vampires. Tu ne détestes pas June, c'est juste que tu ne peux pas supporter d'être à côté d'elle. Elle te donne des frissons de la tête aux pieds, et tu as l'impression d'être un souriceau dans la cage d'un chat. Et ce n'est pas, mais alors pas du tout agréable comme sensation. D'autant qu'elle essaie vraiment de te bouffer, dans le sens, mordre pour te prendre du sang. Seule ta peau d'écorce -et tes réflexes- t'ont permis d'éviter ça jusqu'à présent.

Freya insiste pour voir la fontaine. Content de changer de conversation, tu expires et hoches la tête. Elle est gênée par la foule qui s'agglutine. Elle tente de se dresser sur la pointe des pieds, mais sans succès. Tu t'apprêtes à forcer le passage lorsque, soudainement, un chemin se crée parmi les passants. Tu finis par comprendre que c'est ta camarade qui en est à l'origine. Tu souris, satisfait. Mais on dirait qu'elle apprend vite ! C'est bien, vraiment bien. Tu la suis sans broncher. Tu t'arrêtes juste devant le rebord de la fontaine et contemples ton reflet. Tu as perdu un peu de ton entrain. Tu ne lui en veux pas pour autant. Tu t'assoies sur le bord, exactement comme le couple que tu critiquais un peu plus tôt.

∞ Alors, heureuse ma colombe ? Dis-moi, qu'est-ce qui te plaît tant dans cette fontaine ?

Ombre vous rejoint sur ces entrefaits, de sa démarche féline et nonchalante, absolument indifférente aux regards effrayés des passants. Elle a l'habitude de ce genre de réaction et s'en fout éperdument. Sur ce point elle te ressemble, ta panthère. Elle pose ses pattes avant sur le rebord et commence à boire l'eau fraîche. Tu te contentes de plonger une main dedans et ensuite d'éclabousser Freya pour la taquiner.

Cette jeune fille se comporte quotidiennement comme une enfant, et après elle se plaint que tu la traite comme telle ! Elle a un certain côté paradoxal, tout de même. Mais bon, ça lui donne du charme aussi. Elle qui s'émerveille devant un oiseau qui s'envole, comme s'il allait la mener vers les portes du Paradis… ou plutôt à la porte des Enfers, restons réalistes. Le paradis, c'est chez les chrétiens. Ici, tu es sur une île créée par le Panthéon. Tiens, sait-elle que les dieux existent ? Tu n'en a encore jamais discuté avec elle. Je me demande quelle serait sa réaction… ce pourrait être amusant. Enfin pour l'instant il te faut convaincre cette grande enfant que non, le sujet des magazines de June n'est vraiment pas intéressant. Mais pourquoi te pose-t-elle ce genre de question, aussi ? Elle est tellement curieuse que des fois c'en devient usant.
 
Du coin de l'œil, tu vois Freya s'agiter. Tu tournes la tête pour voir ce qu'elle fiche encore -dieux que cette gamine est hyperactive !- et tu es surpris de la voir exécuter un joli salto arrière. Ce n'est pas du travail de pro, mais pour une jeune fille non entraînée, ce n'est pas mal du tout. Surtout pour une jeune fille d'habitude si maladroite et qui tombe des arbres comme un oisillon de son nid. Tu l'applaudis avec un discret sourire aux lèvres.

∞ Très joli, ma colombe ! Avec un peu d'entraînement, tu pourrais presque devenir acrobate amatrice.

Elle répond ensuite à ta question concernant la fontaine. Ah, oui, donc il s'agit simplement d'un nouveau sujet de curiosité. Enfin, cela ne t'étonne pas, tu t'en doutais, mais tu voulais juste changer de sujet de conversation. Tu hoches la tête d'un air rassurant pour confirmer que oui, tu serais là pour l'empêcher de tomber dans l'eau. Mais il faut qu'elle fasse à nouveau allusion à la Madame Loyale du cirque. Tu grimaces en songeant à cette éventualité. Oui, si elle t'aperçoit, il est probable qu'elle te poursuive. Qu'est-ce qu'elle n'a pas compris, cette vampirette, dans les mots « je n'ai pas envie d'être avec toi » ? Et Freya ne semble pas avoir saisi que tu préfères parler d'autre chose, mais bon, devant son air innocent tu ne peux pas te résoudre à te faire cassant. Pas avec elle, en général.

∞ Oui oui, elle a un prénom, ta madame Lyvion... et puis pourquoi tu l'appelles comme ça ? Qu'est-ce que Lyvion vient faire dans l'histoire ?

Tu n'es pas H24 sur le dos de ton meilleur ami, donc tu te doutes bien que tu ne connais pas tous ses loisirs. Mais quand même, tu ne serais pas passé à côté d'un truc aussi énorme ! Cela mérite explications. Même si tu dois parler de June. Elle te fait peur, sa nature te révulse, mais ce n'est pas non plus un monstre. Enfin si, un peu pour toi, mais bon. Ta protégée te prend la main en la serrant bien. Elle fait des efforts pour contrôler ses angoisses, mais si vite, elle ne peut pas lutter bien longtemps. Tu lui adresses un sourire rassurant. Puis soudainement elle se relève et t'ébourriffe les cheveux, exactement comme tu l'as fait un peu plus tôt.

∞ Heeey, ne me décoiffe pas, vilaine ! Protestes-tu en tentant de remettre de l'ordre dans ta chevelure.

Toutefois elle s'excuse sincèrement juste après, avec un sourire. Tu ne peux pas lui en vouloir pour si peu, après tout tu lui as fait la même chose. Tu agites la main vers l'arrière pour montrer que ce n'est rien. Mais voilà qu'elle te tire la langue et s'enfuit en riant ! Vraiment, ce n'est qu'une grande gamine.

∞ Hey, viens par là que je t'attrape, petite coquine ! dis-tu en te lançant à sa poursuite.

Avec tes grandes jambes, tu ne tardes pas à la rejoindre. Tu la saisis par la taille et la portes sur ton épaule, comme s'il ne s'agissait que d'un sac de plume. C'est qu'elle n'est pas lourde, la colombe. Faisant fi de ta proie qui se débat, tu marches vers l'entrée à grandes enjambées.

∞ Petite coquine ! La railles-tu. Tu n'es pas très sage aujourd'hui. Voyons voir, quelle sera ta punition ?

Tu dis ça en plaisantant bien sûr, tu n'es pas un tyran. Enfin pas avec Freya. La gardant sur ton épaule, tu viens la chatouiller. Non mais, elle va voir de ce qu'elle va voir, cette effrontée ! Néanmoins, tu es ravi de pouvoir t'amuser un peu avec elle.