girls night out ღ (isisrae)

GIRLS NIGHT OUT

Isis s’ennuie. Elle ne travaille pas, n’a pas non plus envie d’aller se déchirer la tête et finir sous les draps du premier venu, et Allen n’est pas à sa disposition ce soir. Il ne lui reste donc qu’une seule option pour éviter de passer la soirée à tourner en rond comme une lionne en cage dans sa chambre de bonne de trois mètres carrés.
Cette option, elle est belle, elle a de l’argent, un caractère qui lui plaît, et histoire de faire les choses bien c’est également la seule personne au monde de sexe féminin avec laquelle elle sait s’entendre –et plutôt bien en plus.
Israe.
Et ça tombait bien, depuis l’histoire du coma de M. Phoenix –dont elle n’a pas grand chose à faire, elle le sait simplement parce qu’il est son patron, et que les sous-fifres sont aussi accrocs aux commérages que des collégiennes de série B. Mais elle sait aussi plus ou moins que son amie –c’est bizarre pour elle d’employer ce genre de mots– est attachée à M. Phoenix, et qu’à l’heure actuelle, elle ne doit pas être au meilleur de son moral.
Alors quelle meilleure excuse pour la forcer à venir s’amuser avec elle cette nuit ?
Isis ne perd pas une seconde et s’empare de son téléphone pour rédiger un texto concis à l’attention de la Frescobaldi.

« Salut grosse, j’m’ennuie et toi faut que t’arrête de déprimer, viens on sort ce soir, j’connais des gens qui font une grosse soirée sur Skyworld.
C’est pas une question btw, j’suis en bas de chez toi dans 30min. »

Et comme Isis est du genre à dire ce qu’elle pense et faire ce qu’elle dit –peut-être pas toujours, mais souvent en tout cas– une demi-heure plus tard, elle était habillée et maquillée, en bas de la résidence d’Israe.

« Avoue t’étais persuadée que j’serais pas à l’heure, lance-t-elle d’un ton railleur dès que son amie lui montre le bout de son nez. »

GIRLS NIGHT OUT

« Tu m’as habituée à ça. »

Isis a un sourire narquois et se contente d’un hochement de tête pour saluer sa camarade lorsqu’elle arrive à sa hauteur. Pas d’embrassade ni d’accolade amicale entre elles –Isis n’aime pas les contacts physiques, en dehors du contexte des flirts ou de son travail, elle trouve ça trop intime, trop étouffant. Elle préfère les fuir, les éviter. Et si elle apprécie Israe, c’est aussi parce qu’elle partage son aversion des épanchements affectifs et des contacts de politesse. Pas de ça entre nous.

« Je te préviens, il est hors de question qu’on y aille à pieds. J’ai pas l’intention d’avoir mal aux pieds avant même d’être arrivée.
—J’y comptais bien, t’en fais pas. Elle n’avait pas mis ses Louboutin pour marcher quand même. »

Comme s’il s’agissait de sa propre voiture, Isis s’installe après Israe et prend ses aise, et accepte plutôt deux fois qu’une le verre qu’elle lui tend.

« Moi, je vais boire à la bouteille. Au point où j’en suis, je compte bien me bourrer la gueule.
— Si c’est comme ça tu peux déjà m’en sortir une deuxième pour moi, elle répond avec l’ironie plein la voix –pourtant elle ne rigole qu’à moitié.
— Tchin-tchin. »

Clin d’œil échangé, verres trinqués, Isis descend le contenue du shooter en une gorgée qui lui brûle la gorge et la fait frissonne –enfin, le moment qu’elle attendait.
Isis ferme les yeux un instant, se laisse porter par la musique le temps de quelques secondes avant de soupirer.
Rude semaine. Elle a toujours les mots de l’enculé de la dernière fois qui lui piquent le cœur dès qu’elle n’y prend pas garde, « alors, ça fait quoi d'avoir buté le gars que t'aimais ? ». Au delà des souvenirs et des remords qu’il avait fait remonté, il y a aussi la jalousie qui alimente sa haine envers lui –se dire que Silas préfère parfois passer du temps avec lui plutôt qu’avec elle, ça l’insupporte, et elle ne saurait dire pourquoi. Et s’il l’aimait plus qu’elle, finalement ?
Isis ne souffre pas de ne pas être la première dans le cœur de quelqu’un.
Elle ne l’a jamais vraiment été.

Elle se penche vers Israe pour lui piquer la bouteille des mains et descend une longue gorgée pour noyer ses vices.

« Dis, elle lâche d’un ton légèrement éraillé par la brûlure de l’alcool, tu réagirais comment toi si Mr. Stelian avait quelqu’un qu’il aimait plus que toi ? »

On laisse les failles à découvert ce soir, Isis ?

GIRLS NIGHT OUT

« Je préfère pas y penser. »

Elle est claire, nette, et dans sa réponse elle lui rappelle pourquoi Isis ne cherche pas à s’embarrasser de ce genre de questionnements existentiels d’ordinaire ; être dépendant affectivement, c’est être faible, et Isis n’est pas comme ça.

« Et d'abord depuis quand est-ce que ça t’intéresse ?
— On n’est pas censées faire semblant de s’intéresser à l’autre entre amies ? Elle raille, narquoise, pour éluder sa question précédente.
— Si un mec aime quelqu’un plus que toi, c’est qu’il est con. Et que tu mérites mieux. »

J’en serais pas aussi certaine à ta place, chérie, elle songe en son for intérieur. Ce serait une bien mauvaise blague pour quelqu’un que de mériter Isis, elle qui ne sait rien faire à part casser les jolies choses qu’elle touche.

« Honnêtement, y a trop de mecs à Skyworld pour en aimer qu’un. Si tu vois ce que je veux dire. »

Un regard en coin, un sourire et Isis se met à rire à son tour. C’est ça qu’elle apprécie dans sa relation avec Israe, peu importe laquelle flanche en premier, l’autre est toujours là pour lui rappeler qui elle est –une salope insensible dans son cas.

« Laisse tomber oublie, j’étais sobre mais ça va passer, elle ajoute dans un hoquet de rire avant de se noyer dans un nouveau shot de vodka. D’ailleurs tant qu’on y est je crois que le gars qui m’a invitée à la soirée l’a fait pour que je t’y ramène donc t’as une touche si jamais l’envie t’prend… tu vois ce que je veux dire. »

C’est plus facile de rire éméchée à des blagues de cul plutôt que de parler sentiments pas vrai, Isis ?


Les basses cognent déjà dans sa poitrine alors qu’elles descendent de la limousine, devant la villa de l’hôte de la soirée. Il y a du monde dehors, du monde dedans, du bruit partout et des lumières s’agitent dans tous les sens –exactement ce qu’il faut pour soigner ses fuites sentimentales du moment.
Isis attrape le bras de son amie pour la tirer à l’intérieur, salue vaguement ceux qui la reconnaissent et se dirige directement vers la cuisine pour qu’elles puissent s’y servir de grands verres –elle aurait pu faire du charme au premier venu pour se faire servir, mais elle connaissait trop bien le milieu de la nuit pour faire confiance à ceux qui le fréquente.

« Ce soir on se met la race du siècle, darling ! »

Elle fait cogner son verre en plastique rouge contre celui d’Israe avant de descendre d’une traite le rhum-coca qui n’a pas fait long feu dans son gobelet.