Ce que les enfants veulent... Bis [Ketra Karina Gania]

Ketra avait proposé une balade à dos de dragon aux enfants. Ils étaient sages et respectueux des consignes que je leur avais donné. Sans doute voulaient-ils faire bonne impression, mais je vous assure qu'ils pouvaient se montrer turbulents ! Ethan, en bon garçon fan des histoires de Dragons, posaient plein de questions, auxquelles Ketra répondit :

”En fait, je me sers de cette apparence pour voler pour aller où je veux, ou alors pour me promener. Et il existe beaucoup de Dragons, de différentes couleurs, de différentes formes. Et cela peut arriver qu'on se balade ensemble, mais c'est rare, même à mon âge.

- Je voudrais trop voir pleiiiin de Dragons voler ensemb’e dans le ciel ! Moi aussi je veux voler et être un Dragon qui crache des flammes !”

J’éclatai de rire devant tant d’enthousiasme. Quelque chose me disait que cette nuit, il allait rêver de Dragons ! Marina quand à elle, en petite fille cérébrale, était intriguée par les Humains, qu’elle avait vite catalogués de bêtes et méchants. Mon amie lui fit une réponse pour lui expliquer :

”Il savent se montrer gentils et intelligents, mais ils sont nés avec la haine dans le sang. Et donc s'il se tuent, c'est car c'est dans leur nature, au même titre que les Fées et les Elfes sont proches de la nature, que les Anges sont bons et que les Démons sont mauvais."

Je vis Marina se plonger dans d’intenses réflexions. Cette réponse l’avait convaincu sans aucun doute, mais je suppose que ça l’amenait à se poser beaucoup d’autres questions sur la nature humaine ou même la nature de tout être magique. Nul ne sait ce qui se tramait dans sa tête ! Après ça, nous survolions Skyworld de loin. Je demandai aux enfants leurs préférences, histoire de les faire participer. Ethan ne savait pas quoi choisir, tandis que Marina aimait les boutiques de la ville. Elle évoqua brièvement l’incident dans la bijouterie. Mais je parvins à détourner son attention en demandant à Ketra de nous montrer des endroits plus sympas. La petite fille voulait désormais aller à la mer. Mon amie nous y emmena donc, promettant aux enfants que la vue y était magnifique. Comme je m’en doutais, elle aussi préférait la nature à la ville. Nous n’étions pas des Fées pour rien. Mais à la différence d’elle, je ne détestais pas Skyworld. Disons simplement qu’y aller ne me posait aucun problème, mais je ne me voyais pas y vivre.

Finalement, Ketra se posa sur la plage. C’était une très bonne idée, ça allait nous permettre de nous dégourdir les jambes ! Les enfants ne mirent pas longtemps à comprendre qu’ils pouvaient descendre. Manquant de se casser la figure, ils glissèrent rapidement sur les écailles du Dragon pour atterrir sur le sable, tout en chantant que c’était “trop cool", "trop beau”. Je descendis plus prudemment car je tenais toujours le petit Louka dans mes bras, qui gazouillait gaiement.

”- Les enfants, ne vous éloignez pas trop ! Et n’allez pas dans l’eau ! Si je vois un seul d’entre vous dans l’eau, je le punis et on rentre immédiatement à la maison. Et pas de sable dans les yeux, ça pique !”

Les avertis-je. Je les surveillai, les laissant gambader sur le sable et s’amuser. Ils allaient au bord de l’eau pour s’arroser gaiement, couraient dans tous les sens, criaient, s’amusaient comme tous les enfants. Ça me rappelait ma propre enfance. Moi aussi j’étais turbulente… Ma mère disait de moi que j’étais une petite tornade et que je ne loupais jamais une occasion de faire une bêtise. Et… je dois bien admettre que je leur en avais fait voir de toutes les couleurs ! Je m’adressai alors à Ketra :

”- Ça fait du bien de pouvoir s’arrêter ! C’était une super idée, Ketra. Je sens que grâce à toi, ils vont être tellement fatigués qu’ils dormiront très bien ce soir.”

Je berçai Louka en tentant de me remémorer la dernière fois que j’étais venue ici. C’était il y avait une éternité. À l’époque, nous étions encore une famille unie. Aujourd’hui, j’étais toute seule, à la recherche de ma fugueuse de soeur. Se souvenait-elle de tous ces bons moments que nous avions passé ensemble ? Comment pouvait-elle vouloir fuir sa seule famille ? J’étais sa grande soeur et je n’étais pas un monstre que je sache. Enfin, peu importe, ce n’était pas le moment de faire la sentimentale. Mais je devais avouer que voir les enfants s’amuser… me donnait presque envie de retourner en enfance !

”- Ça me donnerait presque envie d’être encore une enfant en les voyant jouer comme ça ! Sur Terre, il y a des plages comme celle-là ? Comment c’était à l’époque où tu y as vécu, Ketra ? Les enfants Humains, ils s’amusent comme ça aussi ?”

Demandais-je à mon amie. Je ne savais que trop bien ce qu’elle avait vécu sur Terre, mais peut-être y avait-elle néanmoins passé de bons moments en tant qu’enfant. Au pire, elle me dirait si mes questions la gênaient, nous étions franches l’une envers l’autre.

Notre escale à la mer avait l’air de plaire grandement aux enfants. Pour Louka, ce devait être la première fois qu’il venait, mais je pense qu’il ne s’en souviendrait pas toute sa vie. Les enfants commençaient à conserver leurs souvenirs vers l’âge de 2 ou 3 ans, parfois plus tard. Même Ethan, d’ici quelques années, aura peut-être oublié cette journée. Marina, elle, devrait s’en souvenir. Mais moi, je n’oublierai pas le visage radieux des enfants que j’avais gardés. Et dire que d’ici quelques mois, Marina entrerait à l’école et que je ne serais plus sa nounou ! Elle avait été ma première enfant il y a 3 ans et demi. Je l’avais vu grandir et elle n’aurait désormais plus besoin de moi.

Enfin bref, ne faisons pas dans les sentiments mièvres, ça ne sert à rien de se lamenter. J’étais en tout cas ravie de voir qu’ils respectaient ce que je leur disais. Je ne voulais pas qu’ils mouillent leurs habits, ils risquaient d’attraper froid par la suite, surtout si nous retournions à la montagne à dos de Dragon dans les airs. Ethan semblait plus prompt à me désobéir, il regardait de temps en temps dans ma direction quand il s’approchait de l’eau, mais mon regard suffisait apparemment à lui rappeler qu’il n’avait pas le droit. Que Marina obéisse plus facilement ne m’étonnait pas, elle avait appris à me respecter au fil des années. J’en profitai pour échanger quelques mots avec Ketra.

”- Tu sais, c'est par expérience de cause que je savais que les enfants adoraient les Dragons, et même se balader sur leur dos. J'étais liée d'amitié avec d'autres assistantes maternelles dans le passé.

- Ah ah, c’est vrai que j’ai tendance à oublier ton âge. J’ai du mal à me dire que tu as vu défiler beaucoup de personnes, amis ou ennemis. La faute à ton apparence, tu fais jeune femme !”

C’était difficile à croire à cause de son apparence, mais elle avait côtoyé tellement de personnes au cours de sa longue vie… C’était à en donner le tournis. Au final, mon statut de “mortelle” m’allait très bien. Ma vie me convenait très bien comme elle était. Bon, bien sûr, elle serait tellement plus chouette si ma petite peste de soeur ne s’était pas barrée avec son Sang-Pur… M’enfin. Nous continuâmes à bavarder, je lui demandai comment était la Terre.

”Sur Terre, il y a des plages, mais d'eau salée. Mais elles restent jolies malgré tout. Si jamais, comme moi, tu veux faire des quêtes, tu finiras par en voir de tes propres yeux. Dans mon époque, je m'y sentais assez bien, mais je me considérais comme un monstre, à cause du symbole des Fées sur mon épaule et du fait que les villes m'oppressent, et donc bien avant que je ne découvre mon homosexualité. Et oui, les enfants s'amusent comme ça aussi."

La Terre était bien étrange ! Des mers d’eau salée, des Humains qui se haïssaient pour des raisons futiles… Mais les enfants avaient les mêmes façons de s’amuser ! Ce devait être drôle à voir ! Un jour, je m’y rendrai pour voir cette Terre de mes propres yeux. Mais pas avant d’avoir réussi à me réconcilier avec Cylia. Elle était ma priorité. Qui sait ce qui avait pu lui arriver en 4 mois ? Ceci dit, elle n'échapperait pas à un savon...

”- Nanou ! Nanou ! Ethan, il m’a lancé du sable !”

Marina se précipita vers moi en pleurant et en se frottant les yeux. Je m’accroupis pour me mettre à sa hauteur, tenant Louka dans un bras, tandis qu’avec mon autre main j’essayais d’aider la petite.

”- Oui, je sais, ça pique chérie, mais ne frotte pas, ça va te piquer encore plus. Bouge pas, je vais essayer de t’enlever le plus de sable possible. Il faudrait que tu mettes un peu d’eau fraîche dans tes yeux. Ethan ! Viens t’excuser tout de suite ! C’est pas bien ce que tu as fait !

- Pa’don Marina… Pa’don Nanou…”

S’excusa le jeune turbulent en faisant un bisou à sa camarade. Avec un mouchoir en papier, j’enlevai le sable sur le visage de Marina, passant en dessous de ses yeux. Je me relevai pour aller acheter une petite bouteille d’eau et je revins moins de 2 minutes plus tard. J’expliquai à Marina comment faire, elle mit de l’eau sur un mouchoir en papier et le passa doucement sur ses yeux. Finalement, l’incident fut clos, et les enfants retournèrent jouer tranquillement. Je les mis en garde une nouvelle fois, leur disant de ne plus jouer à se lancer du sable. Je continuai à bercer Louka, qui commençait à s’endormir à force que je fasse ce geste.

”- C’est mignon les enfants, mais ils n’obéissent pas toujours. Ils sont tellement innocents, il faut les protéger de tout. Et toi Ketra ? Tu n’as jamais pensé à devenir maman, même en étant homosexuelle ? Après tout, être parent n’est pas réservé qu’aux couples hétéro. Les homosexuels aussi peuvent ressentir ce désir. Tu peux avoir des enfants naturellement ? Bon, remarque, l’adoption existe aussi.”

Demandai-je à mon amie, curieuse de savoir. Après tant d’années de vie, n’avait-elle jamais pensé à la maternité ?

Mon amie nous avait amené sur la plage et nous profitions de ces quelques instants de répit où les enfants étaient excités par la mer pour discuter. Comme elle l’avait souligné, sa longue vie lui avait donné suffisamment d’expérience pour savoir quoi faire en compagnie de petits. Elle avait côtoyé d’autres assistantes maternelles, je n’étais pas la seule ! J’avais dû la partager avec d’autres consoeurs avant même ma naissance ! Mais hormis une petite pointe de jalousie, je n’étais pas particulièrement froissée par cet aveu. Ketra était une amie avec un statut particulier. Il m’avait fallu le temps de m’y habituer, mais j’avais fini par me faire à l’idée qu’elle avait eu une vie avant de me connaître et qu’elle aurait une vie après ma mort. C’était étrange quand on y pense car… bon, d’accord, j’étais plutôt jalouse et possessive en temps normal. Mais avec des gens mortels.

Les enfants avaient repris leurs jeux. Au final, le petit incident entre Marina et Ethan avait été sans gravité. Je devais bien me douter qu’ils ne resteraient pas éternellement sages et qu’ils finiraient par oublier mes recommandations. C’était de leur âge après tout ! Malgré tout, après avoir réprimandé Ethan, il avait retenu la leçon et s’était excusé. J’étais particulièrement fière de voir que les enfants respectaient mes ordres. Je n’étais donc pas mauvaise pour les garder. Peut-être même que je pourrais faire une bonne mère si j’avais des enfants ? Mais je n’avais pas envie d’y penser, avant de fonder ma famille, je devais déjà m’occuper de celle qui me restait. J’avais d’ailleurs posé des questions à Ketra concernant un potentiel désir de maternité :

”Je sais très bien. Je connais la fécondation in vitro et je peux avoir un enfant naturellement. Donc cela m'arrive de ressentir ce besoin, et même j'ai déjà été mère, surtout si ma partenaire le voulait. Cependant, aucun de mes enfants n'est immortel. Et si j'ai pu leur transmettre une partie de ma nature, ce n'était jamais ma nature de Fée et de Dragon Argent réunis."

Quelle ne fut pas ma surprise ! Elle avait déjà eu des enfants ? Et je n’étais pas au courant ! Rien que d’y penser, j’étais toute excitée. J’avais envie d’en savoir plus. On dirait que mon immortelle d’amie était une petite cachotière ! J’avais tellement de questions à lui poser. Là, elles se bousculaient dans ma tête. Ma surprise se lisait clairement dans mes yeux. Je repris la parole, avec curiosité et une pointe d’excitation perceptible :

”- Waouh, mais j’étais pas au courant ! Combien tu as eu d’enfants ? C’était il y a longtemps ? Du coup, tu as une descendance, non ? Tu les vois souvent ? Je les connais peut-être ? Qui était l’heureuse élue qui t’a permis de devenir mère ?”

Je me mis à rire joyeusement. Au final, je ne savais pas tout de mon amie ! Apprendre ce genre de choses après tant d’années était surprenant, dans le bon sens du terme. Qui sait, peut-être avais-je côtoyé ses enfants sans même le savoir ? Ou ses petits-enfants ? Ou… enfin bref ! Louka me rappela qu’il était là et qu’il cherchait à dormir. Il se manifesta par un gazouillement grognon en agitant ses petites menottes, me forçant à continuer de le bercer. Il s’apaisa aussitôt. Je continuai à m’adresser à Ketra, sur un ton complice :

”- Hey, parmi tes enfants et descendants, y’aurait pas un beau gosse pour moi par hasard ? Non, bon, plus sérieusement, tu me surprendras toujours ! Après tant d’années d’amitié, j’aurais jamais cru apprendre ça soudainement ! Mais le plus triste, c’est que tu as dû voir mourir certains enfants, s’ils n’ont pas hérité de ton immortalité. C’était toi qui les portait ou ta compagne ?”

Après tout, j’avais bien le droit de rêver ! Un beau mec, juste pour moi, qui m’offrirait un amour parfait et profond ! Bon, ce n’était pas pour tout de suite, vu que j’avais mes priorités. Mais j’espérais qu’un jour, ma situation me permettrait de trouver l’amour et de fonder ma famille. Je rêvais d’un beau gentleman un peu vieux jeu, mais mignon et sexy, qui prendrait soin de moi, qui m’écouterait, me dorloterait… Bref, le prince charmant, celui qui fait tourner la tête de toutes les filles !

Enfin bon, l’amour n’était pas ma priorité. Ma famille passait avant tout. Tant que ma petite soeur ne serait pas en sécurité, je ne m’accorderais pas ce luxe. C’était mon rôle de la ramener dans le droit chemin, nos parents n’étant plus là pour ça. Et si j’arrêtais 30 secondes de penser à ma soeur ? Profiter de l’instant présent, c’était bien aussi. Je soupirai et repris :

”- Un jour, je finirai par peut-être fonder ma famille. J’espère que mes enfants seront aussi sages que Marina et Ethan ! Oh, et que Louka, bien sûr !”

J’observai Marina et Ethan courir sur le sable, riant et jouant gaiement. Je surveillai qu’ils ne s’éloignent pas trop de nous. Ils allaient être fatigués ce soir ! Mais en attendant, ils montraient une énergie débordante !

On en apprenait tous les jours en compagnie d’une immortelle ! En même temps, sa vie était tellement longue, impossible d’en connaître tous les pans ! Il n’était donc pas étonnant que je n’en sache qu’assez peu au fond. Enfin peu… J’en savais le principal, mais beaucoup de choses m’échappaient. Disons aussi qu’en règle générale, je ne fouinais pas dans la vie des gens et je n’en savais que ce qu’on voulait bien me dire. J’imaginais que pour quelqu’un qui lisait dans les pensées, il en aurait pour des années à visionner tous les souvenirs de Ketra !

En même temps que je m’extasiais devant la nouvelle, je surveillais les enfants. Il fallait toujours être vigilant, ne pas les laisser seuls. Ils s’amusaient, couraient, riaient. C’était une grande journée pour eux. Leurs parents me remercieraient pour la bonne nuit de sommeil qu’ils allaient passer ! En tout cas, j’étais plutôt fière en tant qu’assistante maternelle de savoir les “tenir”. L’éducation de leurs parents y étaient pour beaucoup, mais je me plaisais à croire que j’y étais aussi pour une petite part. Après tout, ils passaient la journée avec moi la plupart du temps !

”Et bien, je ne compte que très peu de choses et le nombre d'enfants n'est pas une exception. Et puis, certaines de mes petites-amies en ont voulu, et comme elles en ont besoin, je ne pouvais pas refuser, le dernier en date c'était il y a environ 60 ans. Et souvent, c'était ma compagne qui portait, sauf pour mon premier enfant. Parce que malgré l'effet de plénitude qui s'en dégage, il y a certains effets indésirables qui m'empêcheraient de chanter."

La grossesse, j’en avais maintes fois entendu parler, et surtout, en tant qu’ex future docteur, je m’étais renseignée sur le maximum de sujets d’un point de vue médical. Ceci dit, pour ma part, malgré tous les témoignages, je trouvais cela dur de porter un enfant. Les effets indésirables pouvaient durer 9 mois durant, moi-même je ne sais pas si j’apprécierais de me sentir patraque tout ce temps. Certaines femmes le vivaient bien, mais d’autres avaient de tels symptômes qu’elles ne parvenaient plus à vivre normalement. Et l’accouchement… n’en parlons pas ! Une telle douleur pour donner la vie !

”- Oh, c’était il y a pas si longtemps que ça, ton dernier enfant. Il doit être encore en vie. Et tu ne le vois plus ? Tu as quand même encore des nouvelles de lui, non ? Ça fait quoi d’être enceinte ? Bon, pour toi du coup, c’était il y a longtemps, mais tu as une tellement bonne mémoire, je suis sûre que tu t’en souviens comme si c’était hier.”

Et alors que je formulais tout haut mon envie de peut-être fonder une famille dans un futur lointain, mon amie me répondit :

”Ça, l'avenir te le dira pour le comportement de l'enfant, même si je te souhaite d'avoir un enfant sage. Il faut aussi savoir que le couple a une influence sur la psychologie de l'enfant. Si tu t'entends excessivement mal avec ton mari et que tu es mère, ton enfant aura plus de chances de sombrer, de devenir un délinquant et même un meurtrier. De plus, tu as plus de chances de croiser un homme plus intéressé par le sexe qu'un homme qui sera vraiment aimant et responsable qui veut être père. Et il vaut mieux qu'un enfant vive avec deux parents plutôt qu'un seul."

Oh qu’elle avait raison ! Un enfant élevé par des parents “à problèmes” finissait par lui-même avoir des problèmes le plus souvent. L’éducation donnée par les parents était importante, c’était un boulot à temps plein. Je m’occupais d’enfants tous les jours, mais serais-je capable d’élever mon propre enfant de manière correcte ? Être mère, c’était plus difficile qu’il n’y paraissait. Et tomber sur le père idéal était quasiment une utopie.

”- Alors là, je ne peux que te donner raison. Trouver l’homme idéal est tellement compliqué ! Élever un enfant aussi, c’est compliqué, c’est un job à plein temps, y’a pas le temps de prendre une pause. Je suppose qu’à ce niveau-là, tu t’y connais bien, non ? Ça devait pas être facile tous les jours.”

Je continuai d’observer les enfants. Ils s’approchaient dangereusement de l’eau, on dirait qu’ils n’allaient pas tarder à faire une bêtise. Ils se mouillaient les pieds et s’envoyaient de l’eau à la figure. Tant que ça se limitait à ça, ça irait. Cependant, je jugeai bon de leur rappeler les consignes.

”- Marina, Ethan, n’oubliez pas, on ne va pas dans l’eau !”

Je m’adressai de nouveau à Ketra, m’enquérant de ce que devenait Crystal au passage :

”- Au fait, Crystal n’est pas avec toi aujourd’hui ? Comment il va ? Quelque part, ton affilié… c’est pas aussi ton gros bébé d'amour, l’être vivant dont tu as envie de prendre soin et de chérir jusqu’à la fin de tes jours ?”

Je me plaisais à croire qu’avoir un affilié, c’était avoir tout à la fois : ami, confident, petit frère… mais aussi quelque part, un enfant !

Comment nous en étions arrivées à bavarder enfants et éducation ? Ça restait assez mystérieux ! Il faut dire que discuter avec une immortelle était assez facile, surtout compte tenu de son expérience de vie. Quand on aimait réfléchir, elle avait toujours des avis intéressants à partager. Enfin bref, ses révélations avaient eu le don de me surprendre, ce qui était normal, je ne pouvais pas tout connaître de sa longue vie ! Je lui posais d’ailleurs des questions sur ses enfants. Elle me répondit que le dernier en date avait aux environs de 60 ans et était du coup encore en vie. Il venait lui rendre visite tous les 3 mois. Et comme j’aurais pu m’en douter, la grossesse n’était pas une partie de plaisir. C’était des symptômes assez courants qu’elle décrivait. Mais j’avais beaucoup de mal à imaginer ce que c’était que d’endurer ça pendant 9 longs mois. Je crois que je serais incapable de supporter ça !

Par la suite, nous abordions le sujet de l’éducation et elle me fit part de sa propre expérience de mère :

”C'est loin d'être facile, en effet. Mais j'ai fini par m'y habituer. Après, je finis très souvent à anticiper chaque pleurs possibles. Mais même avec ça, l'enfant peut se réveiller en pleine nuit car il a faim. Donc profiter d'une bonne nuit de sommeil est assez difficile en soi quand on garde un enfant.

- Ah, ça je veux bien le croire, je n’ai que les bons côtés avec mes petites tornades, au fond !"

J’abordais ensuite le sujet de son affilié, m’enquérant de ce que devenait Crystal. Aujourd’hui, elle n’était pas avec Ketra, alors que je savais qu’elles étaient rarement l’une sans l’autre. Elle me rassura en répondant que tout allait bien :

”Oui, c'est vrai. C'est même l'être à qui je m'attache le plus, celle qui m'a accompagnée depuis huit siècles. Elle va très bien. Enfin, je ne sais pas si elle dort, mais sinon elle garde la maison. De toute façon, elle n'a pas à s'inquiéter. Si elle a besoin de moi, elle peut m'appeler, que ce soit par télépathie ou par nos ouïes partagées.

- C’est bien pratique d’être toujours connectées l’une à l’autre. Comme ça, vous n’êtes jamais vraiment seules, vous pouvez toujours compter l’une sur l’autre. Crystal doit connaître par coeur les balades à dos de Dragon !"

Louka était paisible, il semblait s’être endormi dans mes bras. Le grand air avait le don de le fatiguer ! Même sans ça, il était adorable. C’était sans doute son jeune âge aussi qui faisait ça. À 6 mois, rares sont les enfants qui savent marcher et gambader partout. Pour l’instant, il restait le mignon petit bébé. En revanche, il y avait un autre petit garçon qui se montrait turbulent… Ethan avait les pieds dans les nuages et il envoyait de l’eau à Marina, qui était tentée d’aller plus loin que lui. Ils couraient l’un après l’autre, mais ce qui m’inquiétait, c’était que Ethan s’éloignait du bord.

”- Ethan, ne va pas trop loin, reviens par là !

- Y’a pas de danger Nanou ! Rega’de !”

Et effectivement, effronté comme il était, il s’éloigna encore plus, comme pour me montrer que tout allait bien et qu’il maitrisait parfaitement la situation. Sauf que la réalité était tout autre. Il risquait de se noyer ! Et d’ailleurs, mes craintes étaient fondées, car il trébucha et tomba dans l’eau, ne laissant plus apparaitre qu’une mèche de cheveux à la surface. Aussitôt, je demandai à mon amie de me tenir Louka et je me précipitai vers les nuages pour aller récupérer Ethan. Heureusement, je le retrouvai sans trop de difficultés et le sortis immédiatement de l’eau. Je l’éloignai et m’assurai que tout allait bien. Il recracha l’eau qu’il avait avalé, mais était encore parfaitement conscient et n’était pas blessé. Plus de peur que de mal, heureusement… Je m’accroupis à sa hauteur et le réprimandai :

”- Ethan, tu m’as désobéi. Il aurait pu t’arriver malheur, ce n’est pas bien ce que tu as fait. À cause de toi, tout le monde est puni. Nous rentrons à la maison.”

Le petit garçon s’excusa en pleurant. Marina n’était pas contente, elle n’avait pas envie de rentrer. Elle criait et pleurait de mécontentement.

”- Calmez-vous, sinon on ne reviendra plus jamais à la mer. De toute façon, vous allez rentrer chez votre papa et votre maman bientôt. Vous leur raconterez tout ce que vous avez fait aujourd’hui, d’accord ?”

Ils s’arrêtèrent progressivement de pleurer, mais reniflaient toujours. Je me tournai vers Ketra et lui repris Louka, la remerciant de s’en être occupée.

”- Merci Ketra, c’est gentil. Mais si ça ne te dérange pas, on va faire un dernier petit tour à dos de Dragon si tu veux bien ? Et ensuite, on devra rentrer, l’heure tourne et les parents de Ethan viennent le chercher plus tôt aujourd’hui. Mais si les enfants ne sont pas sages, tu ne les promèneras plus jamais, n’est-ce pas ?”

En disant cette dernière phrase, je m’étais retournée vers les enfants, comme pour les avertir de bien se tenir. Comme tout à l’heure, ils devaient se montrer sages et rester assis tout le long du voyage pour ne pas tomber. Je laissai cependant mon amie libre de décider si elle était d’accord pour nous ramener ou non, je n’étais pas là pour faire ma chef ! Si elle n’était pas d’accord, elle me le dirait.