(logan) + out of luck

toujours le même bar, toujours le même soir
rongé les mêmes vieilles habitudes, les verres qu’il siffle, les clopes qu’il tire
toujours le même bar, toujours le même soir
et des noirceurs à outrance dissimulées par cette éternelle tronche désinvolte, frôlant l’insolence

y’a ike, et puis y’a les autres – les autres il s’en fiche, ils sont là pour le décor, faire du bruit, se taper dessus. y'a les autres et y’a ike qui s’marre, qui participe parfois aussi – pas souvent, il en a trop vu des comme ça, il en a trop vu qui finissaient vraiment dans le tas – mais qui contemple la plupart du temps, le sarcasme au bord des lippes, les frasques de ses semblables. y’a ike, y’a les autres – les autres il s’en fiche, tant qu’on le laisse boire en paix.

et il siffle – un, deux, trois verres. et ça l’emmerde, ça l’emmerde de devoir boire comme un trou pour en sentir les effets, ça l’emmerde – il se souvient à peine de sa première cuite, c’était y’a bien trop longtemps. il se souvient juste que ça allait plus vite et qu’il avait fini avec une gueule de bois terrible. mais ça, c’était y’a plus de mille ans et ça le ferait hurler, de rire ou de désespoir il sait plus trop – y’a mille ans, qu’il se répète, en faisant signe au serveur de lui servir un nouveau verre.

et il siffle – quatre, cinq, six. c’est dégueu, ça brûle, il a aucune idée de ce qu’il boit – mais au moins ça le secoue. ike il aime pas les trucs mielleux, les trucs dégoulinants de sucre, ça sonne faux, ça sonne mièvre et hypocrite – il a besoin de trucs bruts, crus et sans artifices. il a besoin de se sentir cramer pour se sentir vivre encore un peu. c’est dégueu, ça brûle – il a aucune idée de ce qu’il boit, et c’est tant mieux comme ça.

et il siffle – il compte plus. il enchaîne, y’a personne de toute façon pour le retenir. parce que ce soir, c’est peut-être ça le pire, il est seul et il s’ennuie. il a pas de petite tête à emmerder, ni emrys pour s’marrer. regard circulaire balancé sur l’assemblée, c’est finalement sur son voisin que son attention finit par tomber – oui, toi. t’es l’heureux gagnant d’un ike déchiré, d’un ike qui a besoin de passer le temps et il se trouve que t’es sur son chemin. enfin, pas à proprement parler – parce que techniquement, t’as juste fait l’erreur (mais tu pouvais pas savoir) d’être assis à côté de lui, et t’as rien demandé.

mais ike il a pas besoin qu’on lui demande, et lui il demande jamais grand-chose – ou à la rigueur, il aboie. la politesse il l’a virée de son vocabulaire il y a bien longtemps, et en cet instant, il a même pas envie d’essayer d’avoir l’air d’un type brillant. de toute façon, il sait qu’il l’est naturellement. « vingt boules que tu finis pas ça cul sec. » sourire narquois, il désigne du menton ce qui paraît être ta boisson. « allez fait pas ta prude. » il ricane, provocateur – oui c’est à toi qu’il parle.