Kaboum, ça risque d'être compliqué à expliquer [SUITE]
Une chose était certaine : Mauve ne se serait certainement jamais rendu au cirque de lui-même -du moins si la présente situation ne l'avait pas exigé.
Il n'appréciait absolument pas ce genre d'endroit, trop plein de couleurs, trop plein de vie, juste, trop plein. Les bipèdes allaient et venaient avec chacun plus ou moins d'empressement et tous semblaient avoir une tâche cruciale à exécuter ; si bien qu'aucun ne paraissait disposer à accorder un peu plus qu'un simple coup d'œil intrigué en direction du félin pourtant particulièrement voyant et loin de passer inaperçu. Les odeurs également (celle de la dénommée Freya y compris) étaient toutes beaucoup trop nombreuses à son goût : elles empiétaient les unes sur les autres, se mélangeant, s'embrouillant comme un genre de pelote impossible à démêler : si bien que c'était désormais la piste de la jeune fille qui devenait impossible à tracer, au grand dam de Mauve qui essayait vainement de retrouver sa senteur toute particulière d'ange et de démon depuis de nombreuses minutes maintenant.
Une entreprise vaine qui incita finalement l'étrange guépard user uniquement de sa vue aiguisée et de son ouïe fine afin de trouver le… L'ours blanc.
C'était un congénère dont il avait ignoré jusqu'à l'existence jusqu'à ce que son lié lui offre à travers leur lien une vision nette et précise de ce à quoi ressemblait le prédateur en question. Une chose était certaine : ça n'avait pas l'air très rapide, ni même très agile. A défaut d'être tout particulièrement imposant et de posséder, sans nul doute, une force herculéenne.
Mais comment faisait-il pour chasser ? Il fallait courir vite pour attraper ses proies. Et étant donné sa carrure et la couleur de son poil qui jurait avec son environnement -quoi que, sur ce point, le fauve n'avait comme qui dirait rien à y redire étant donné ses propres… Colorations-, il devait avoir énormément de mal à se camoufler pour mieux approcher furtivement son repas. Quel étrange animal, tout de même.
Mauve entreprit donc sa recherche minutieuse, à l'affût d'un détail, d'un indice qui pourrait l'amener à l'affilié de la demoiselle en détresse. Les efforts que cela lui demandaient lui faisaient presque regretter d'avoir montré à Akitsuna la blessée qu'elle était. Il avait juste voulu faire une bonne action, et voilà qu'on lui refilait les tâches ingrates et inutilement fatigantes…! D'autant que ce n'était tout de même ni ses affaires, ni celles de l'elfe. Tous deux n'étaient absolument pas obligés d'aider une parfaite inconnue. C'étaient des efforts
inutiles.
Le félin parcourut au petit trop les alentours habités de l'immense chapiteau, l'élastique rouge vif de cette Freya entre ses crocs, ne trouvant décidément rien qui ressemblait de près ou de loin à un ours.
Puis.Une odeur ô combien familière vint lui titiller les narines.
Le guépard se redressa brusquement en reniflant les alentours presque frénétiquement. Non seulement il reconnaissait très clairement celui à qui appartenait l'odeur, mais en plus c'était bel et bien une
odeur, une effluve, et pas une piste, qu'il flairait présentement. L'individu était donc tout proche.
Il erra quelques secondes durant dans les environs, faisant de son mieux pour ne pas perdre cette senteur parmi toutes les autres, faisant en sorte de se rapprocher toujours plus de son origine.
Et ladite senteur atteint son paroxysme lorsque Mauve se heurta à un pan du chapiteau. Loin de se démonter, le guépard se contenta d'user de sa capacité de téléportation pour ne pas avoir à chercher l'entrée principale, et donc d'effectuer ce qui devait être un long détour et une grande perte d'énergie. Il se retrouva en un instant à l'intérieur, sur un terrain vaguement sableux, face à une silhouette tout simplement gigantesque dressée sur ses deux pattes arrières.
Le premier réflexe de Mauve fut de feuler avec toute sa puissance afin d'intimider la créature qui présentement lui paraissait potentiellement ultra dangereuse, hérissant par la même occasion son dos, sortant ses griffes et retroussant les babines, prenant malgré tout soin de garder l'élastique de la jeune fille coincé entre ses crocs.
Son deuxième réflexe -plutôt, sa deuxième pensée- fut de remarquer une autre silhouette dans son champs de vision. Une silhouette bien plus reconnaissable et aux allures beaucoup moins dangereuses. Ses yeux sombres, aux pupilles dorées dilatées, se posèrent fixement sur ladite silhouette.
La seconde d'après le guépard s'était téléporté à ses côtés le plus naturellement du monde et, catégorisant l'instant d'avant comme une méprise et un accident alors qu'il reconstituait avec une vivacité d'esprit certaine les faits dans son esprit, il se dressa à son tour ses deux pattes arrières, posant celles avant sur les épaules de celui dont il avait suivi l'odeur quelques minutes auparavant.
C'était une plaie tout de même, de ne pas pouvoir parler.
Le guépard entrouvrit sa gueule dans le but d'attirer l'attention sur l'élastique rouge.
Là. C'est compréhensible pour toi ? Tu reconnais ?Mauve tourna légèrement la tête pour également mettre en évidence l'objet rouge vif sous les yeux de la gigantesque ombre, qui paraissait s'être désormais reposée sur ses quatre pattes.
Ça, c'était un ours. Beaucoup plus imposant que ce qu'il avait imaginé.
Et à côté, par le plus grand des hasards, c'était Lyvion. Pas de chance pour l'elfe.
♥ ♦ ♣ ♠
Akitsuna frémit en recevant plus ou moins clairement les informations de son affilié. Ce dernier avait eu la frousse de sa vie, avait fait bondir le cœur de son lié dans sa poitrine, avant de lui mettre sous le nez -façon de parler- la présence d'une certaine personne dont il se serait bien passé la compagnie. Lyvion.
Ce n'était pas qu'Akitsuna ne l'appréciait pas, mais… Comment dire ça ? Il ne pensait pas qu'il existait une personne au monde qui soit capable d'apprécier quelqu'un semblant le mépriser avec toute la force de son être.
L'adolescent se fit néanmoins violence pour retourner sur terre et ainsi éviter de trébucher malencontreusement sur… Sur un caillou ou sur une branche. Pas qu'il soit maladroit, mais comme il portait présentement Freya avec toute la délicatesse qu'il était possible d'avoir, il préférait demeurer prudent. Il gardait ses mains résolument couvertes par le bout de ses manches, s'arrangeait pour ne pas initier plus de contacts que nécessaire -même si cela l'épuisait méchamment. Il ne voulait surtout pas la rebuter alors qu'il avait eu tant de mal à la convaincre que c'était tout de même crucial qu'elle soit soignée aussi vite que possible. De préférence avant qu'elle ne perde trop de sang en fait.
L'écoulement dudit sang semblait d'ailleurs un peu plus lent, quoi que toujours régulier. Du moment qu'elle n'utilisait pas les muscles de ses jambes et qu'elle restait aussi détendue que possible, il ne devrait pas y avoir de problème.
En théorie.
Akitsuna poussa un petit soupir, descendant une pente avec précaution et lenteur. Il sourit néanmoins à la jeune fille avec gentillesse.
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On dirait bien que Mauve a trouvé ton ours, fit-il en se voulant rassurant.
L'ours, et Lyvion. Allez savoir pourquoi Diable le guépard s'était précipité à sa rencontre. Instinct de guépard ?