La folie continue... ~ PV Aelicya

Il buvait, buvait, buvait encore et encore ce sang délicieux. Cédrik n'était pas en mesure de s'arrêter, c'était plus fort que lui. Il devait aspirer tout ce merveilleux sang pour qu'il coule dans sa gorge en une délicieuse traînée chaude. Il tenait fermement le bras de la vampire dans le but qu'elle n'enlève pas son bras. Il s'y agrippait comme si sa vie en dépendait. Et peut-être était-ce le cas. Quoi qu'il en soit, Aelicya tenta de soustraire son bras à son emprise, mais il résista et pas qu'un peu. Ses crocs perçaient sa chair sans pitié, ce qui allait sûrement laissé une plaie pas très nette. Étant un mordu qui ne réussissait pas à contrôler ses pulsions, il n'était pas question pour lui qu'il lâche prise d'un aussi bon repas. « Ça suffit maintenant. » Sa voix parvient aux oreilles du violet, mais il n'y fait pas attention, trop prit par le sang qui envahissait sa bouche et qui coulait sur son menton. C'est pourquoi il ne fit rien lorsqu'il la sentit bouger pour caler sa tête sur son épaule. Tant qu'il avait la bouche agrippée à son bras, il ne ferait rien. Ce n'est que lorsqu'elle appuie sur un point précis du cou du garçon que celui-ci tente quelque chose. Sauf qu'il ne s'y prend pas assez vite et tombe dans le néant total.

Lorsque Cédrik ouvre les yeux, c'est dans un véhicule. Son regard foncé se pose sur Aelicya et il la fixe pendant un long moment sans rien dire. On peut dire que son regard est inquiétant. Contre toute attente, il lève doucement son bras en esquissant un sourire dépourvu de lucidité. Il pose sa main sur la joue de la sang-pur, lui mettant ainsi du sang sur le visage. « Rapporte-moi son coeur. » Sa voix n'est qu'un murmure et il éclate d'un rire inquiétant, à la fois terrifiant à vous glacer le sang et vide de tout. Une fois son fou-rire terminé, il repart aussitôt dans le noir total, laissant tomber sa main et fermant ses si jolis yeux. Des yeux qui ne reflétaient rien de bon en ce moment. On peut dire qu'Aelicya vient d'assister à une scène pas très rassurante, mais qui prouvait surtout l'état dans lequel il se trouvait pendant son inconscience. Il est loin de la lucidité, le pauvre.

La deuxième fois que l'adolescent ouvre les yeux, c'est dans un lit inconnu. Aussitôt, il se redresse et cherche Teddy du regard. Il ne le voit pas. Où est-il? S'il n'a pas Teddy, Cédrik va piquer une crise. Et quelle crise. « TEDDY! » Un cri venant directement du coeur, alors qu'il tente de se sortir des couvertures. Le violet ne fait que s'empêtrer encore plus, les larmes aux yeux et la respiration rapide et bruyante. Il panique totalement en l'absence de sa peluche. Où est-elle? Où est sa peluche? C'est alors que le garçon se met à crier tout en pleurant. Il finit par tomber au sol, totalement emmêlé dans les couvertures et se débattant comme un beau diable. Il lui fallait Teddy. En ce moment, sa vie en dépendait carrément.

Il n'avait même pas remarqué qu'il n'était plus couvert de sang, tout ce qu'il voulait, c'est sortir de ces maudites couvertures pour aller serrer Teddy contre son frêle petit corps d'enfant. Sa peluche était la chose la plus importante à ses yeux dans ce monde. Il ne pouvait pas vivre sans elle. Déjà qu'avec Teddy, il n'était pas très sain d'esprit, il ne vaut mieux pas imaginer sans. Cédrik se débattait tellement fort et tellement fougueusement qu'il finit par heurter l'un des meubles de la chambre. Sauf qu'il n'y fit pas très attention. « Teddy! Teddy... »

Croire qu'un tel son pouvait sortir de sa bouche n'aurait pas été possible avant aujourd'hui. Cédrik était un jeune adolescent au coeur d'or, doux et attentionné. Il était souriant, gentil et timide. Alors de le voir dans cet état de panique totale était difficile à concevoir. Pourtant, il en était là. Il était tout ce qu'il y a de plus lucide maintenant - enfin. Seulement, il entrait dans une panique incontrôlable lorsqu'il n'avait pas sa peluche avec lui. Alors il criait. Il criait tellement fort qu'il s'en écorchait les cordes vocales. Il se débattait comme un beau diable lorsqu'il sentit la première tentative d'Aelicya pour le calmer. Elle lui avait prit les épaules, mais il continuait de crier qu'il voulait Teddy. Il le voulait. Il en avait besoin. Et il la vit repartir à toute vitesse. Le violet faisait une telle crise qu'il était impossible de croire qu'il n'était pas fou.

L'ourson arriva violemment dans ses bras et un éclat de voix perce ses cris qui diminuaient. « Il est là, ton ours, c'est bon. Maintenant, tu te calmes. » La dureté du ton de la demoiselle le fait se calmer. Il cesse de se débattre et reste au sol en serrant Teddy contre son petit corps tremblant. Les larmes glissaient encore du coin de ses yeux foncés, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il se contentait de rester couché sur le sol dur et de serrer son ours en peluche contre lui. Teddy le rassurait énormément et il pouvait enfin penser correctement. Cédrik s'était recroquevillé sur lui-même et attendait que son corps arrête de trembler. « Faut que ça s'arrête, ces crises. » Il ne fit rien, ne dit rien. Tout se qui importait en cet instant était le calme qui venait de l'envahir. Le silence envahissait maintenant la pièce.

Le garçon se redressa, incapable de maîtriser son corps encore tremblant. Il posa son regard sur la vampire avec un air désolé. Quand bien même il s'excuserait, ça ne changerait rien au fait qu'il ne pouvait pas se contrôler. Ça l'inquiétait de perdre les pédales ainsi et aussi facilement. Cela lui faisait réaliser à quel point il était faible et vulnérable. Combien il avait une santé mentale fragile. Il n'avait rien connu de tel avant aujourd'hui et voilà que ça devait arriver avec cette sang-pur. Aelicya. Elle semblait au bord de la crise et Cédrik ne pouvait pas l'en blâmer. Il comprenait. Il avait peut-être la mentalité d'un enfant, mais il comprenait plus de choses qu'on pourrait le penser. Il savait qu'il était en train de défaillir. « Merci... » Il le dit d'une toute petite voix, comme s'il était gêné de prendre la parole et c'était effectivement le cas. Il se sentait coupable. Et tout le monde sait que sa capacité à culpabiliser rapidement est élevée.

Il eut un éclair de folie, mais serra Teddy en fermant les yeux. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas retomber dans ce gouffre sombre et profond. Il voulait garder son état normal, ne pas sombrer à nouveau dans cette folie qui le guettait nuit et jour. Le garçon avait senti quelque chose se briser dans sa tête. Peut-être était-ce la barrière de sa folie. Quoi qu'il en soit, il ne voulait pas céder de nouveau et il ferait tout pour se contrôler. Sa respiration avait accélérée sans qu'il ne s'en rende réellement compte et il ouvrit soudainement les yeux. Il fallait qu'il reprenne le contrôle. Il le fallait. Sa vie en dépendait presque en ce moment. Il tenta d'abord de calmer sa respiration et réussit. Il réussit à calmer son esprit et son corps avec un simple exercice de respiration. Ça fonctionnait cette fois-ci, mais est-ce que ça fonctionnerait la prochaine fois? Mieux valait ne pas trop se poser de questions dans l'immédiat. « Désolé... »

« Je m'en remettrai. » Cédrik sait que c'est tout ce qu'elle peut lui dire, car lui dire que ça n'était pas grave n'était pas véridique. Ça l'était et le garçon en était parfaitement conscient. Sa capacité à rapidement comprendre les choses était grande et en voyant la vampire dans cet état, presque à bout, lui disait combien il avait été éprouvant dans la forêt. Elle était presque à bout de forces et le violet se blottissait contre son ourson en peluche pour tenter de se réconforter. Il n'aimait pas voir les gens comme ça. Surtout pas des gens qui sont comme ça à cause de lui. La culpabilité enserra son coeur et il retint ses larmes. Que pouvait-il y faire, après tout? Rien. « Tu ne peux pas continuer à souffrir comme ça sans rien faire. » Elle parlait de suivre une thérapie? De voir un psychologue? Il avait déjà consulté un psy et il avait suivi ses conseils pour tenter de rétablir sa santé mentale, sauf que rien n'avait fonctionné. Absolument rien. Cédrik avait tenté de faire quelque chose pour ça. Ses frères l'y avaient poussé. Même Nathan qui est son meilleur ami l'avait fait voir un spécialiste. Certes, les choses s'étaient stabilisées, mais sa folie n'était pas redescendue au plus profond de lui-même.

Elle posa enfin son regard sur l'adolescent. Le fait qu'elle ne voulait pas le regarder l'avait blessé, mais en même temps, il comprenait largement. « Ça t’arrive souvent ? » Le violet secoua vivement la tête en signe de dénégation. Ça ne lui était jamais arrivé avant aujourd'hui. Il avait réussi à maintenir son état stable assez longtemps et pour quoi, au final? S'il n'était pas capable d'empêcher sa folie de prendre le dessus, alors c'en était fini de lui. « Si tu ne fais rien, ce sera pire. » Il le sait. Trop. Cédrik sait que ce sera pire s'il ne fait rien. Mais qu'y avait-il à faire, de toute façon? Depuis sa rencontre avec l'elfe, il en avait suivi des thérapies et rien n'avait fonctionné, apparemment. Pour l'instant, son esprit était calme. Il respirait lentement et contrôlait cette respiration. Il ne voulait absolument pas retomber dans sa folie. Quelque chose de bien trop effrayant pour le garçon fragile qu'il est. « Pour toi surtout. Mais aussi pour ceux que tu aimes. » Pourquoi lui disait-elle un telle chose? Cédrik le savait mieux que quiconque et de se le faire jeter en pleine figure le contrariait. Ça le contrariait, mais il ne pouvait rien y faire. Elle avait raison et cela lui brisait le coeur. Il ne voulait pas faire de mal aux personnes qui lui sont chères.

Il serra Teddy un peu plus fort en laissant les larmes couler sur ses joues. Cédrik avait tellement mal en ce moment. Il ne pouvait presque pas le supporter. Ses yeux s'étaient fermés et il tremblait. Son fragile petit corps tremblait beaucoup trop. Il tentait de retenir son immense peine. Mais n'y parvint pas. Il se laissa aller aux sanglots que lui procurait sa peur de faire mal à qui que ce soit. Pourquoi était-il comme ça? Pourquoi n'était-il pas sain d'esprit comme les autres? Pourquoi ça lui arrivait à lui? Qu'avait-il fait pour mériter ça? La vie est parfois tellement injuste et il en avait marre qu'elle ne lui laisse aucun répit. Depuis ses sept ans jusqu'à aujourd'hui, il n'avait eu aucun répit. La souffrance s'était enchaînée avec un facilité déconcertante et Cédrik avait perdu la boule. Sa santé mentale en avait pris un sacré coup. « Je sais! » Sa petite voix fluette retentit fortement dans la pièce. Il avait haussé le ton. Pourquoi? Parce qu'il ne supportait pas qu'on lui dise ce qu'il savait déjà et qui le blessait au plus haut point.

Le violet ouvrit les yeux et posa ses prunelles violettes sur Aelicya. Son regard l'implorait en même temps de dégager quelque chose de dur. Un contraste déconcertant. « Tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais... » Il avait reprit un ton normal et parlait calmement malgré sa crise de larmes. « Tu veux que je fasse quoi, Aelicya? Ce mal n'a jamais voulu partir malgré tout ce que j'ai fait pour ne pas plonger dedans à tête baissée comme je l'ai fait aujourd'hui. » Il n'avait plus d'idées. Plus une seule. Il ne voulait pas sombrer encore plus, mais il ne savait plus quoi faire. Et il était las. Las de tout ce qui lui arrivait et de tout ce qu'il a vécu. La lassitude mène bien souvent à quelque chose d'encore plus mauvais. Sauf qu'il ne pouvait pas simplement se laisser envahir.

Au fond, à quoi rime sa vie? S'il ne peut pas remonter la pente, ça sert à quoi de rester là à faire du mal aux autres? Il ne voulait pas retomber dans ces pensées sombres qu'il avait déjà eues plusieurs fois déjà. En captivité, il avait déjà souhaité mourir des centaines de fois, mais il était toujours là et de nouveau libre. Sauf que cette liberté était brimée par sa folie. Comment pouvait-il vivre l'esprit tranquille en sachant ce qu'il pourrait faire s'il avait un moment d'écart? Il se prenait beaucoup trop la tête avec cette histoire. Mais il le fallait bien, non? C'était sa santé mentale dont il était question ici ainsi que de la sécurité des gens auxquels il tient. « Peut-être qu'il te faut juste quelqu'un capable de t'arrêter à ce moment-là. » Et Nathan n'a pas du tout le profil pour ça. C'est d'un elfe chétif dont on parle, alors pas moyen qu'il ait la capacité d'arrêter Cédrik. Son ami n'a pas non plus le caractère pour le supporter dans ces moments-là.

À travers les larmes, le violet constate qu'Aelicya lui tend la main de manière douce et accueillante. Elle en est encore capable après tout ça? « Je ne peux pas te promettre grand chose de plus. Mais déjà, sache que tu peux t'appuyer sur moi. » Pourquoi était-elle si gentille? Pourquoi lui offrait-elle encore son aide? Cédrik l'avait poussé à bout, mais elle était encore capable de lui tendre la main de cette façon. Il l'admirait en un sens, car lui aurait foutu le camp au plus vite. Et depuis bien longtemps déjà. Sauf que le garçon est d'un naturel peureux depuis sa séquestration, il ne faut pas trop lui en demander. L'enfant déglutit en tentant d'évaluer son état sur le moment. Il lui semblait qu'il était enfin revenu au calme, à son plus grand bonheur. Cependant, il bougea lentement, comme s'il avait peur de réveiller cette chose au fond de lui. Ce qui était le cas. Il avait peur. Une peur sourde qui lui nouait l'estomac. Il tendit doucement sa main vers celle de la vampire en serrant Teddy de son autre bras. Il glissa ses doigts dans ceux de la sang-pur.

Encouragée par une non-réaction de sa folie, il continua de s'approcher avec toute la douceur dont il était capable. Et cette douceur était grande, car malgré le fait qu'il perde l'esprit un peu plus chaque jour, il avait cette douceur en lui. Un douceur telle qu'il est impossible de lui dire non. Il vint se placer aux côtés d'Aelicya pour se blottir entre ses bras. Il cherchait du réconfort, de l'amour. Tout ce dont il n'avait jamais pu profiter jusqu'à sa rencontre avec son ami l'elfe. Il était en proie à un horrible manque d'amour et il se sentait toujours seul. « Merci. » Il s'accrochait presque trop fort à elle. Il avait tant besoin de ce réconfort. Il avait peur qu'elle disparaisse entre ses bras pour ne jamais plus revenir. Les peurs les plus sombrent, Cédrik les connait un peu trop bien et il ne devrait pas. En tout cas, pas pour son âge.

Un enfant. C'est ce qu'on se dit en voyant Cédrik agir comme il venait de le faire quand il s'est blottit dans les bras de la vampire. C'est réellement ce qu'il est. L'innocence en moins. Un petit garçon en manque flagrant d'affection. N'en ayant pas vraiment eu depuis ses sept ans, il était donc normal pour lui d'en demander. Aussi, fut-il heureux lorsque Aelicya referma ses bras sur lui dans un geste tendre et tout ce qu'il y a de plus bienveillant. Il se sentait bien, en ce moment. En sécurité. Comme si plus rien autour de lui ne pouvait l'atteindre. Même si ça n'était pas le cas, il aimait se sentir comme ça. Ça le rassurait. La vampire avait un peu le rôle d'une mère aux yeux de Cédrik. Elle voulait réellement prendre soin de lui, l'aider. Même que son étreinte avait quelque chose maternel pour le violet. Après, peut-être qu'il voit trop en Aelicya la mère qu'il n'a pas eu.

Le garçon reste ainsi pendant un bon moment, profondément heureux d'avoir de l'affection. Les gens ne savent as à quel point cette sensation est essentielle dans la vie d'un enfant. Surtout d'un enfant avec un passé aussi lourd que celui de Cédrik. Il pourrait presque en mourir. « Tu as faim peut-être ? Tu veux manger un truc. » Sa voix ne le fait pas sursauter, pas cette fois. Car sa nervosité s'est dissipée dans cette étreinte plus que bienvenue. Il était bien, mais il devait avouer qu'il avait envie de manger un truc. Autre que ce liquide rougeâtre essentiel à la vie. Il resta un moment sans émettre le moindre son, puis se détacha un peu de la sang-pur pour pouvoir la regarder en face. Il hocha alors la tête, son mignon petit minois affichant un air plus serein. Ses yeux étaient rougis et bouffis par les larmes qu'il avait versées et celles-ci avaient séché sur ses joues. Il gardait Teddy contre lui avec presque trop de force, sa tête reposant contre celle de l'ourson. Il était un peu mieux, moins apte à retomber dans sa folie.

Il se détacha alors totalement d'Aelicya pour se remettre debout sur ses jambes tremblotantes. Il arborait toujours son linge souillé par du sang sec. Il posa son regard mauve sur la jeune femme. « J-j'aimerais me changer... » Sauf qu'il n'était pas chez lui et n'avait donc rien d'autre à se mettre. Il nettoierait son visage et ses mains aussi. L'adolescent remarqua que ses vêtements lui collaient à la peau à cause de tout le sang qu'il avait eu sur lui. Doucement, il fit un pas, deux pas en avant. Il n'était pas très sûr sur ses jambes, mais voulait tout de même avancer pour aller se nettoyer. Avec encore cette envie de verser des larmes sur ce qui lui arrivait, mais il se retint. Il ne fallait pas qu'il continue de s'apitoyer sur son sort, car cela n'arrangerait en rien son cas. Il perdit pied et s'effondra au sol. Cependant, il n'était plus du genre à se laisser démonter par une chute, aussi se releva-t-il avant même que la vampire maintenant derrière lui s'approche pour l'aider. Cédrik avait toujours réussi à se relever après être tombé et ce n'est pas aujourd'hui qu'il allait arrêter.