{Alex} Secrets hurt more than they preserve

Quand tu abordes le sujet de son âge, elle semble un peu mal à l'aise. Ses joues se colorent un peu tandis qu'elle se gratte la tête. Tu mets ça sur le coup du compliment, comme quoi elle ne fait pas 20 ans en apparence. Car tu n'es absolument pas un expert en psychologie féminine -c'est même le contraire. Ce qu'elles veulent, tu le devines. Mais ce qu'elles pensent ou ressentent reste un mystère entier. Tu éclates de rire lorsqu'elle gonfle les joues, suite à ton aveu sur la moquerie enfantine. C'est assez curieux, mais tu adores quand elle fait ça. Tu la trouves trop... mignonne ? Adorable ? Drôle ? Tu n'arrives pas à mettre de mot dessus.

Tu en viens ensuite aux fameux secrets de cette journée sur Terre. Tu te questionnes sur son air soudain hilare, alors que tu lui dévoiles ton secret. Quel genre de réflexion peut-elle bien avoir pour avoir envie de rire ? Elle se moque de toi ? Bah si c'est le cas... tu t'en fiches. Du moment qu'elle a envie d'éclater de rire, et pas en sanglots, ça te va. Tu préfères la voir sourire, entendre son rire. Ça lui va tellement mieux que les yeux rouges et les traces de larmes sur les joues. Alex avoue te trouver flippant, ce qui te décroche un sourire espiègle, mais tu la rassures sur tes limites.

∞ Merci du partage.
∞ On est quitte comme ça, répliques-tu d'un geste élégant de la main.

Tu adoptes un ton nonchalant, mais tu n'es pas si indifférent que ça à ses remerciements. Tu l'apprécies assez pour te montrer vraiment agréable, ce qui change de d'habitude. Et puis tu lui dois bien ça, après tout. Tu as parfois été limite odieux avec elle. Ce qui te rappelle qu'elle est quand même tolérante et pas du tout rancunière.

∞ Je veux arriver là-bas en vie si possible, monsieur Fast and Furious, mais tu peux pousser, je n'aurai pas mal aux bras ! Mais n'enclenche pas la deuxième s'il te plait.

Tu te joins à son éclat de rire avant de te placer derrière elle pour attraper les poignées de son fauteuil. Tu te penches pour répliquer tout bas :

∞ Vos désirs sont des ordres, Princesse !

Et c'est ainsi que vous quittez son appartement pour se rendre jusqu'au château de Skyworld, où se trouve la salle des portails. C'est la première fois que tu mets les pieds dans ce pays. Et la première chose que tu remarques, c'est que tu ne comprends rien à ce qui est écrit. Ou dessiné ? Tu regrettes un peu le sort de traduction qui permet aux habitants de se comprendre. Heureusement que ton amie sait parler leur langue, car en plus tu n'as pas un anglais très élaboré -et c'est un euphémisme. Alex te demande ce que tu veux faire.

∞ Hum je ne sais pas. C'est toi qui connais le pays il me semble. Je te laisse choisir. Et ne t'en fais pas, je vais nous dégager le passage en moins de deux, ajoutes-tu avec un clin d'oeil.

Tu te doutes bien qu'elle veut être traitée comme n'importe qui, et même qu'elle en a besoin, plutôt que d'invoquer son statut de handicap comme prétexte pour se frayer un chemin à travers la foule. Tu as donc l'intention d'user encore une fois de ton charme pour parvenir à tes fins. Et puis voilà que ton amie te pose un défi.

∞ Comment ? (Tu prends un air faussement offusqué) Tu oses remettre en cause mes talents d'acrobate ? Tu vas voir ce que tu vas voir !

Et tu files en direction de la banque pour échanger vos drachmes contre des Yens. Car bien sûr près d'un portail il y a toujours un office de monnaie de change,  les drachmes n'étant plus d'actualité sur Terre depuis un moment. Et tu pousses ensuite le fauteuil jusqu'au stand dont t'as parlé Alexandra. Tu vous fraies un passage en demandant poliment aux gens de s'écarter. C'est pratique ! Enfin bon devant le regard de ton amie tu daignes faire la queue comme tout le monde. Une fois ton tour, tu paies ta participation en vitesse. Tu as pris le temps d'observer les autres et tu as vite compris la technique à adopter. Tu prends la feuille de riz dans une main et tu te concentres jusqu'à saisir la bonne occasion. D'un geste habile, tes doigts se referment sur le poisson, l'emprisonnant dans la feuille de riz. Il s'en est fallu de peu tout de même. Tu te retournes vers Alex, triomphant.

∞ Alors, satisfaite ? Monsieur l'acrobate est assez agile pour toi ? Je ne suis pas un elfe pour rien.

Tu te permets de le dire tout haut devant des humains car ils ne vous comprennent pas. Comme tu as gagné -ce qui n'est pas le cas de la majorité- on te donne le droit de choisir un cadeau. Ton regard se porte immédiatement sur la petite peluche sombre sur ta gauche. Tu souris à Alex avant de la réclamer et de lui tendre la petite panthère noire.

∞ Tiens, c'est pour toi !  Tu peux la baptiser Ombre, toi qui l'aimes tant ! Comme ça elle ne te quittera jamais.

Tu ris un peu, moqueur, avant de prendre les poignées de son fauteuil et de reprendre votre route. Et puis, tu penses tout au fond de toi "comme ça la peluche te rappelera un peu l'elfe à qui elle est liée". Tu regardes à droite et à gauche en quête d'un nouveau jeu. Et tu aperçois un stand classique où le but est d'éclater des ballons avec des fléchettes. Plus le score est élevé, plus le prix remporté est important. Tu souris. Il se trouve que tu as justement un jeu de fléchettes dans ta caravane. Et tu as toujours été bon.

∞ Allons te décrocher un autre prix !

Et sans attendre son avis, tu fonces vers le stand. Tu ne te déçois pas en explosant le record indiqué sur le tableau. Des gens vont même jusqu'à t'applaudir, et c'est plus fort que toi, il faut que tu salues comme sur la piste du cirque. Enfin ce qui t'importe le plus, c'est l'expression ravie d'Alex. Cette fois-ci tu la laisses choisir le prix. Et puis tu refais le même manège sur deux autres attractions. Du coup ton amie se retrouve vite encombrée. Tu stoppes le fauteuil sur la gauche de l'allée.

∞ C'est pas du jeu si je suis le seul à bosser dans l'histoire ! Alors dis-moi, tu veux faire quoi comme stand ? On va bien en trouver un qui te convienne.

Tout ce que tu veux, c'est lui faire oublier son handicap pour ne serait-ce qu'une soirée. Tu aperçois une allée de stands de jeux typiquement japonais qui semblent accessibles pour tous. Tu pousses Alex vers le chemin en question avant de t'arrêter à nouveau.

∞ Ça te dis ? Après on pourra acheter des yakitori et aller voir le défilé dont tu as parlé tout à l'heure.

À ce moment là, un homme bouscule des gens dans la foule pour se frayer un passage. Sauf qu'il ne voit le fauteuil que trop tard et bute dedans. Il serait tombé sur Alex si tu ne l'avais pas tiré par le bras sur le côté, de justesse. L'air sombre, tu le redresses par le col d'un geste brusque.

∞ Hey  ! Regarde un peu où tu mets les pieds, pauv'con.

Bien évidemment il ne comprend pas un traître mot de ce que tu vocifères. Et il n'a pas l'air enchanté de la façon dont il est traité. Mais comme tu as l'air vraiment mécontent -encore moins commode que lui- et que tu le domines d'une bonne tête -tu es très grand n'oublions pas- il déglutit et se confond en "Gomen asaiiiiiii", ce qui, bien sûr, n'a aucun sens pour toi. Mais tu devines que ce ne sont pas des protestations. Tu finis donc par lui lâcher le col et il en profite pour s'esquiver.

∞ Ouais c'est ça, casse-toi, lâches-tu en le regardant s'en aller à grands pas. Tu te tournes vers Alex et te penches légèrement. Ça va ? Rien de cassé ?

La foule qui s'est agglutinée commence à se disperser. Ce ne doit pas être habituel pour eux d'assister à ce genre de scène. Comme ce n'est vraiment, mais vraiment pas habituel pour toi d'en faire une de ce genre.

ça fait longtemps que tu n’es pas sortis avec une amie. Longtemps ? En fait non, hormis le cirque, tu n’as jamais profité ne serait-ce que quelques heures pour sortir avec une amie Tout simplement parce que des vraies amies, des femmes, tu n’en connais pas. Les femmes, tu couches avec ou tu les envoies chier, d’habitude. Tu n’es pas ami avec elles. Il y a quelques filles du cirque avec qui tu t’entends bien sans vouloir systématiquement les mettre dans ton lit, mais les considères-tu comme des amies ? Lyvion est un ami, indéniablement. Ton meilleur ami, même. Il a été le premier à t’accueillir. Le premier à tout savoir de toi. Et le dernier, d’ailleurs. Mais Lyvion n’est pas comparable. Personne n’arrive à la cheville de ton meilleur ami en ce qui concerne l’amitié. Donc, oui, on peut dire qu’Alexandra est vraiment ton unique vraie amie. Ce qui ne fait qu’amplifier son statut de privilégiée. Qu’est-ce qui a bien pu faire pour que tu sois aussi proche d’une fille, ça… Toi-même tu te le demandes des fois. Mais, quand t’y penses, c’est parce qu’elle est sincère et spontanée, rien à voir avec ces cruches superficielles juste bonnes à prendre. Ouais, t’es cru même dans tes pensées.

Le dragon et les chars…. Tu ne sais pas vraiment de quoi elle parle, mais ce doit être un défilé propre à ce pays, tu supposes. Il y en a des fois, sur l’île, lors des fêtes spécifiques aux dieux. ça t’ennuie plus qu’autre chose d’ailleurs. Sauf quand tu peux mettre un peu le bordel, le problème c’est que tu finis souvent en taule pour la nuit après… Enfin, ça aussi c’est marrant, surtout avec Lyvion. Donc, pour toi, ce début de soirée est tout simplement inédit. Mais bien sûr y’en a toujours un pour venir gâcher les festivités. Et dire qu’il a failli la renverser de son fauteuil ! Il a bien de la chance qu’elle n’ait rien. Enfin tu demandes à Alex quand même, histoire d’être sûr. Elle confirme qu’elle n’a rien. Et tu sens sa main tapoter la tienne. Tu regardes cette main sans bouger. Et puis elle la retire au bout d’un moment, malheureusement, pour pointer quelque chose du doigt. Tu suis des yeux ce qu’elle te montre. Et tu n’as absolument aucune idée de ce que c’est, un Yoyomachinchose. Pour toi un Yoyo, c’est ce jouet qu’il faut faire monter et descendre sur son fil. Et accessoirement l’envoyer sur les gens sans faire exprès.

∞ Okay allons-y !

Et tu pousses son fauteuil jusqu’au stand de son choix. Il s’agit d’un jeu de ballon et de crochet. Tu comprends vite le principe en regardant comment les gens devant vous se débrouillent. Il s’agit encore d’un jeu d’habileté : il faut passer le crochet dans la boucle de la ficelle d’un ballon. Tu ne dis rien et tu regardes Alex faire. La tentation est grande de lui donner une astuce, mais d’une, elle doit déjà connaître le principe, et de deux, tu ne vas quand même pas lui gâcher le plaisir d’y arriver par elle-même. Et puis elle remonte deux ballons au lieu d’un. Le japonais qui tient le stand lui dit quelque chose, que tu ne comprends pas bien sûr. Mais ton amie se tourne vers toi et te tend un des ballons, un bleu avec des motifs circulaire. Tu le prends machinalement, sans savoir ce que tu vas bien pouvoir faire d’un ballon d’eau.

∞ Il a craqué à cause de ton charme je suis sûr,  tu dis pour la taquiner. Merci. Compte sur moi !

“Compte sur moi” T’as dis ça toi ? Ah. C’est pas ton genre. Tu pensais l’avoir gardé pour toi. Et puis, pourquoi tu l’as simplement pensé d’ailleurs ? Bref. Tu ne sais pas trop où le mettre, donc tu enroules la ficelle autour de ton bras et tu le laisses pendre. C’est déjà plus pratique comme ça. Alex s’est contentée de passer un doigt dans la boucle de la ficelle du sien. Tu ne sais pas pourquoi, mais ça te fait sourire. Et puis la voilà qui parle de masques et de Yukata… C’est quoi un Yukata ? Tu regardes à gauche et à droite. Effectivement, beaucoup de passants portent ces fameux masques qui se placent sur le côté de la tête. Tu la fixes à nouveau. Elle est si enthousiaste d’un seul coup, ça aussi ça te fait sourire.

∞ Sauf si… tu veux faire autre chose…
∞ T’inquiète, ça me va très bien. Et puis c’est toi qui es à l’honneur ce soir. Allons donc chercher des Yukatas et des masques. Je te laisse négocier par contre, j’ai peur de pas être très compréhensible, tu ajoutes d’un ton plaisantin en lui faisant un clin d’oeil.

Tu pousses son fauteuil vers un vendeur désigné par ton amie. Et tu découvres ainsi que les yukatas sont des sortes de kimonos japonais. Ce doit être la tradition d’ici. Tu regardes ce qu’ils ont en stock, te demandant ce que tu pourrais prendre. C’est pas tellement ton habitude de faire du shopping, encore moins ce genre de vêtement. Tu es plus cuir que soie. Et puis tu remarques un yukata de couleur marron avec une ceinture très claire aux motifs bleus. Il devrait t’aller celui-là. Tu le prends pour aller l’essayer dans les deux cabines à dispositions. Et tu vois Alex opter pour un ravissant kimono rose pâle avec de grandes roses en guise de motif. Nul doute qu’il lui ira bien… Ahem. Tu t’approches d’elle et te penches pour lui glisser quelques mots.

∞ Bon choix, je suis sûr qu’il t’ira bien. Tu veux que je t’aide à le mettre ? ajoutes-tu avec un grand sourire espiègle.

Et la voici aussitôt qui te gratifie d’une tape sur la tête en gonflant les joues, toute rouge. Tu éclates de rire. C’est exactement la réaction que tu recherchais. Parce qu’elle est tellement drôle quand elle fait ça !

∞ Hey, ça va je plaisante ! tu lâches pour la rassurer tout en riant. Je vais essayer le mien.

Elle rit à son tour. Aurais-tu pu imaginer avant pouvoir rire d’aussi bon coeur avec une jeune fille comme elle, une amie ? Sans doute pas. Tu te détournes pour entrer dans une des deux cabines et enfiler le kimono. Tu galères un peu au début, vu que tu n’en as jamais mis avant. Quand on ne sait pas, c’est pas tellement évident. Mais tu y parviens et tu ressors sapé du yukata de ton choix, qui, effectivement, te vas bien. Et toi qui pensais que ce n’était pas tellement ton style… Et puis tu te tournes vers Alex, qui est sortie avant toi -elle a été plus rapide malgré son handicap, c’est pour dire… Tu l’observes un instant en silence, de haut en bas.

∞ … ça te va super bien. T’es… adorable.

Ouais. Avoue ça t’en bouche un coin. Tu savais que ça lui irait bien mais quand même… Tu te racles la gorge avant d’aller payer le vendeur pour les deux kimonos. Puis tu ranges tes vêtements dans un sac que tu accroches au dossier de son fauteuil.

∞ Bon, on va chercher les masques maintenant, okay ?

Toi, changer de sujet ? Pas du tout. Tu pousses son fauteuil sans même attendre son avis vers le premier stand de masques qui capte ton regard. C’est pratique de pouvoir en trouver un aussi vite n’empêche. Pourquoi ? Euh, parce que. Bref, tu gardes un peu le silence en regardant les masques. En fait tu ne t’y connais pas du tout. Tu ne sais pas ce qui irait le mieux. Et puis le vendeur te montre un masque blanc et rouge qui représente un renard.Tu ne comprends pas ce qu’il te dit, mais celui-ci te plait bien, donc tu l’achètes. Le vendeur te montre comment le mettre -c’est plus efficace que de t’expliquer en tout cas- et tu te retrouves vite à ressembler à un renard. Bon, avec un yukata marron, un peu moins. Tu te tournes vers Alex. Elle a choisi celui d’un chat. Curieusement, tu étais sûr qu’elle allait en prendre un comme ça. Et puis ça lui va bien.

∞ Nous voilà parés pour la parade, haha ! Alors, comment tu me trouves ?

C’est pas comme si son avis allait changer quelque chose. N’empêche que tu lui poses quand même la question.

Alex a l’air d’être contente de se trouver là. Elle aime le Japon, et même beaucoup visiblement, à sa façon d’observer les lieux avec ces étincelles dans les yeux, qui te rendent songeur. Elle doit se sentir comme chez elle. Elle parle couramment cette langue, c’est donc qu’elle a dû y vivre pendant longtemps. Peut-être même qu’elle y est née ? Elle n’a pourtant pas les mêmes traits de visage que les habitants du coin. Elle est tellement enthousiaste à l’idée d’assister au défilé en tenue traditionnelle… Elle discute en japonais avec le vendeur, avant d’éclater de rire. Un sourire en coin étire tes lèvres ; tu préfères la voir ainsi plutôt qu’en pleures et désespérée. Tu as le sentiment d’avoir pris la bonne décision, tu en es même satisfait. Et elle qui voulait annuler, franchement ! C’est rare que tu fasses de bonnes actions… mais c’est Alex. Tu lui lances une boutade au sujet de l’essayage de son yukata, à laquelle elle répond en te donnant un coup. Tu te protèges en riant. C’est tellement facile ! Presque trop. Enfin… Vous vous séparez le temps de revêtir vos tenues respectives. Et tu la vois, une fleur de camélia dans les cheveux, assortie aux motifs de son yukata… Certes. ça… lui va bien. Tu vois son sourire moqueur ; quoi, t’as le droit de mettre plus de temps qu’elle pour te changer, non ? C’est la première fois que t’en mets après tout. Tu lui tires la langue pour toute réponse.

∞ Prends pas tes rêves pour la réalité. Je cherchais mes mots, car je n’ai pas l’habitude de faire des compliments. Estime toi heureuse, ajoutes-tu avec un clin d’oeil.

Non mais, tu ne vas pas perdre la face si facilement, qu’est-ce qu’elle croit ? Pff. Tu conduis son carrosse vers les masques, selon ses indications. Tu optes rapidement pour celui d’un renard, tandis qu’elle prend un chat. Tu lui demandes comment elle te trouve, juste comme ça. Elle commence par te taquiner ; un touriste, c’est tout ? Puis elle t’avoue te trouver superbe. Tu as beau le savoir, ça… comment dire, te fait plaisir ? Puis elle dit qu’il manque quelque chose. Tu hausses un sourcil, curieux. Tu te rapproches et t’accroupis sur sa demande -c’est bien la seule que tu écoutes, sur ce point… Elle te contourne, ce que tu trouves un peu suspect, puis tu la sens te nouer les cheveux en queue de cheval. Tes cheveux. Que personne n’a le droit de toucher. Et pourtant tu la laisses faire. Parce que c’est Alex… C’est ton amie, tu… lui fais confiance ? Sans aucun doute.

∞ Là tu es parfait !

Tu souris. Bien sûr que tu es parfait. Mais de sa part, c’est encore mieux. Pour une fois tu ne répliques rien. Tes yeux parlent pour toi cela dit. La voilà qui tape dans ses mains et t’indique la direction à suivre. Ah oui, la parade. Tu avais presque oublié. Les gens remarquent le fauteuil et s’écartent, pour la plupart, afin de vous laisser passer. Assez pratique comme coupe-file… Ahem. Chasse donc cette pensée inconvenante de ton esprit.

∞ Attend ! Tourne à droite !

Tu obtempères. Ses indications vous mènent à un vendeur de nourriture. Oh, quelle bonne idée ! Justement tu as un petit creux -enfin un gros même… en fait tu manges tout le temps /out/.

∞ Tu as déjà mangé local ? Tu vas voir c’est super bon !
∞ Nan, je te rappelle que c’est la première fois que je viens ici. Mais je te fais confiance, je te laisse choisir. On a à peu près les mêmes goûts en matière de bouffe.

Elle s’adresse donc au vendeur et prend ce qu’elle souhaite pour vous deux. Puis vous repartez cette fois-ci dans la direction de la parade. Alex s’adresse à la foule dans la langue locale, qui s’écarte juste après. Tu devines qu’elle leur a demandé de vous laisser passer, vu son état. Ce qui sera nettement mieux pour elle pour voir le défilé, car elle ne peut pas se lever. Quoique, si elle te l’avait demandé, tu l’aurais sans doute prise sur tes épaules… A présent ta taille gêne tout le monde, donc tu dois t'asseoir. Et ton amie pose le sac de vêtements par terre pour servir de coussin. C’est presque vexant qu’on soit aux petits soins avec toi, comma ça.

∞ Euh t’es pas obligée tu sais.

Tu n’insistes pas pourtant. Sans doute parce que c’est agréable qu’une amie prenne soin de toi comme ça. A dire vrai, quand tu y penses, c’est bien la première fois… La rouquine sort les boîtes d’aliments une par une. C’est qu’elle a acheté pour tout un régiment ! En même temps, vous mangez tous les deux comme quatre, alors ce n’est pas plus mal. Assis en tailleur à côté de son fauteuil, tu prends tes parts en détaillant l’étrange nourriture d’ici. ça sent bon et ça n’a pas l’air mauvais. Tu commences par goûter les raviolis vapeur. Hummm, pas mauvais ! Tu goûtes à autre chose dont tu n’as pas retenu le nom. C’est tout aussi bon. Dommage que tu n’ai jamais eu l’occasion de manger japonais sur l’île, ça vaut le détour ! Tout occupé à déguster tu ne t’aperçois pas qu’Alex t’observe. Puis elle découvre qu’il manque quelque chose. Tu hausses un sourcil en tournant la tête vers elle.

∞ Tu veux que je retourne la chercher ?

C’est ta boîte après tout… Mais la jeune femme se contente de faire la moue, puis mue par une soudaine idée brillante, elle pique un morceau de sa propre boîte et le présente à ta bouche. … Sérieusement ? Tu as très envie de lui dire que tu es un grand garçon et que tu peux très bien manger tout seul, comme un grand, mais… Tu n’en fais rien. C’est sa soirée, alors tu peux bien faire une entorse à tes principes, juste pour une fois, juste pour lui faire plaisir… Tu croques donc dans ce qu’elle te présente, sans quitter ton amie des yeux.

∞ Ouais c’est bon,  tu confirmes avec un sourire en coin.

Elle te sourit timidement. Ah, non, pas ce sourire là… Tu détournes finalement les yeux, juste avant que des tambours ne retentissent. Ne dit-on pas “sauvé par le gong” ? … Le défilé commence. Tu vois à l’angle les premiers déguisements apparaître, des sortes de démons visiblement. Tu observes le tout en mangeant, piquant des takoyaki dans la boîte d’Alex. Bah quoi ? C’est elle qui a commencé à t’en donner. Ces gens connaissent le sens du spectacle, il n’y a pas à dire. Ils dansent, font de grands mouvements en rythme avec la musique, mettent en valeur leur déguisement, et Alex te donne des explications sur leur signification. C’est accessoire pour toi, bien sûr, mais tu l’écoutes quand même. Et puis tout se stoppe, excepté un petit homme au milieu qui prend la parole. Alex te fait la traduction pour que tu puisses comprendre. Toi tu te contentes de regarder et d’écouter, la mine neutre, en mangeant des takoyaki. ça fait très contes pour enfants tout de même… Soudain, tout le monde se met à crier un mot étrange, Liou ou quelque chose dans le genre.

∞ Dragon se dit Ryû Amel, aller tape dans les mains.

… sérieusement ? Elle n’a pas l’air de plaisanter. Tu lâches un soupir résigné inaudible. C’est bien parce que c’est elle et que tu es de mauvaise humeur… Tu commences donc à taper dans tes mains, la mine blasée, en marmonnant “Ryû” comme une litanie. Certes, on ne peut pas te demander non plus de feindre l’enthousiasme des enfants. Finalement, le fameux dragon apparaît. Il est plutôt bien fait, tu trouves. Et la mise en scène aussi. Les danseuses sont mi- Concentration. Tu perçois un mouvement du coin de l’oeil, alors tu tournes la tête. Alex a les mains jointes, visiblement aux anges, avec de vraies étoiles dans les yeux. Tu souris ; ça fait plaisir de la voir comme ça. ça lui va tellement mieux de sourire. Elle tourne finalement la tête vers toi, toujours avec ce sourire stupide sur le visage, et pourtant, tu ne peux rien faire d’autre que sourire toi aussi devant une telle tête. On aurait dit une gosse qui vient d’avoir son cadeau préféré. Et toute excitée, elle s’exclame :

∞ Alors ?! Alors ?!

Une vraie gosse, je le dis. Mais plutôt que t’inspirer des commentaires désobligeants, ça t’amuse. D’ailleurs tu laisses échapper un rire étouffé devant son attitude toute enthousiaste. Tu lui envierais presque de pouvoir aimer autant la vie. Presque.

∞ Eh bien, c’est clair que c’était spectaculaire. Ils ont le sens de la mise en scène les japonais. C’était divertissant. (tu réfléchis un instant en la fixant) Surtout avec toi qui s’émoustille devant chaque costume.

C’est une gentille boutade. Et pourtant… pas totalement. Une vérité cachée sous de l’humour qui laisse à désirer. Ta façon de dire que c’était plus que sympa de partager ça avec elle. Oui. Car tout seul, ou avec une autre personne, ça aurait été différent. Plus terne, plus chiant, certainement… Alex te fait alors une proposition que tu ne peux pas refuser ; ah, s’il y a bien une chose que tu connais du Japon, c’est l’alcool traditionnel local : le saké. C’est assez particulier -t’y as déjà goûté une fois sur l’île- mais tu consommes de tout en alcool, et puis c’est comme pour la clope : il faut tester plusieurs fois avant de l’apprécier à sa juste valeur. Ton sourire s’élargit.

∞ Oh mais avec plaisir ! Ce ne serait pas polie de refuser une telle proposition de toute façon.

Conclure. Ce mot pourrait avoir un double sens. ça t’es venu à l’esprit, mais curieusement, jamais en présence d’Alex tu n’imagines ce genre de choses. Tu te relèves, dépliant ton mètre quatre-vingt neuf avec lenteur et élégance, puis tu ramasses vos déchets pour les jeter dans la poubelle la plus proche -tu aurais bien laissé traîner tout ça mais Alex t’y aurait forcé de toute façon. Puis tu empoignes son fauteuil pour la conduire jusqu’au bar -ou du moins ce qui y ressemble- le plus proche. Tu la laisses commander, étant donné que tu ne comprends pas leur langue ni ne la parle. Vous êtes installés à une table, à l’extérieur, alors que la foule continue de circuler à côté de vous.

∞ Je ne regrette pas d’être venu. J’imagine que toi non plus tu ne regrettes pas. J’ai bien fait d’insister non ? ç’aurait été dommage de louper ça.

Depuis quand tu trouves dommage de louper une occasion de supporter les gens ? Hum. Mais avec Alex c’est différent. Tout prend des proportions différentes. Une dimension différente. Tu n’aurais jamais pensé t’entendre aussi bien avec une femme. On peut dire qu’elle est pour toi ce qui se rapproche le plus d’une meilleure amie. C’est vrai… tu n’as jamais eu de meilleure amie. Le serveur arrive pour déposer les verres de saké. Tu prends le tien pour trinquer avec elle, en la gratifiant d’un clin d’oeil. Tu bois une gorgée, appréciant d’une façon nouvelle le goût si particulier de cet alcool. Tu aimeras toujours l’alcool de toute manière. Puis tu fixes le contenu de ton verre sans réellement le voir, avant de lever les yeux sur ton amie au bout de quelques instants.

∞ Dis-moi, tu as l’air de bien connaître le pays, et tu parles couramment la langue. Pourtant ça fait un moment que t’habites à Sanctuary, tu me l’as dit toi-même en début de soirée. Alors quoi, t’es née ici ? Ton nom ne fait pas japonais pourtant.

En voilà une question soudaine. Non pas que tu t’intéresses plus que ça à ses origines. En fait si, mais… Comment dire. Il y a quelque chose qui te chiffonne, à propos de ton amie, mais tu n’arrives pas à mettre le doigt dessus. En même temps, c’est pas comme si tu étais doué pour ça… Alors, voilà, tu lui poses la question que tu as en tête depuis un moment. Elle va sans doute trouver ça indiscret, étrange, se dire que ce n’est pas le moment. Ou se sentir coincée. Tu ne peux pas le deviner, car tu ignores tout de la vérité qui la concerne. Tu ignores même qu’Ombre, ta panthère noire, ton affilié, est au courant. Ainsi, sans le vouloir tu la pousses dans une impasse, dos au mur. Mais…

∞ Ohayo gosaimasen !

Quelqu’un vous parle. “Sauvée par le gong” ? Tu tournes la tête vers cet homme à l’allure de marchant itinérant. C’est sans doute un marchand itinérant. Ou alors son stand est dans le coin et il fait sa pub. Il a des objets avec lui. Bien sûr tu ne comprends pas un traître mot de ce qu’il baragouine. Tu le fixes de ton air blasé, avec l’air de dire “tu vois pas que tu déranges ? J’ai l’air de parler japonais moi ?”. Il brandit différents objet, et parmi eux un genre de souvenir pour touriste, sans doute, avec un symbole indéchiffrable dessus. Ton sourcil droit se hausse. “J’ai l’air de lire le japonais moi ?” Il s’agit du kanji pour “amour”. Tu ne le sais pas. Sans quoi tu aurais déjà réagit. Au lieu de ça tu fixes Alex, l’air interrogateur. Tu ne comprends rien de ce qui se passe, donc elle devrait avoir la réponse… quand elle arrivera à se remettre. Pourquoi elle tire une tête pareil ?

∞ Qu’est-ce qu’il dit ? J’comprends pas. Il se passe quoi au juste ?

Alex a l’air vraiment passionnée par ce genre d’événements. En particulier par les costumes ; ses yeux brillent chaque fois qu’elle en admire un. Peut-être que c’est réellement sa passion, les costumes. Elle doit aimer les observer jusque dans les moindres détails. C’est une honnête passion si on compare à tes propres passe-temps. Enfin… peut-on vraiment dire que tu as une passion ? Tu aimes ton métier, tu aimes briller sur scène, être au centre de l’attention, mais de là à dire que ça te passionne… C'est surtout que le cirque est le seul endroit où tu te sentes chez toi. Plus que dans la maison de tes parents. Les forains sont étranges, flippants, voire un peu psychopathes sur les bords pour certains, mais ils sont un peu comme une famille. Pas comme la tienne, non.

Après avoir un peu taquiné Alex, tu déplaces son fauteuil jusqu'à un stand qui sert des boissons. Vous voilà vite assis en face à face. La blague d’Alex t’arrache un rire avec un sourire en coin ; si elle commence à en rire, c’est que ça va. Tu te retiens de dire que de toute façon tu n’es pas un gentleman, tu n’aurais pas tiré sa chaise si tu en avais eu l’occasion. Ton amie commande les saké et tu lances la conversation. Et elle hoche la tête, ce qui revient à dire que oui, tu as eu raison d’insister. Et puis tu lui pause une question qui semble vraiment la mettre mal à l’aise. Tu hausses un sourcil ; bah quoi ? Qu’est-ce qu'il y a de mal à lui demander d’où elle vient ?  Une question simple en toute innocence -pour une fois- et pourtant elle cherche ses mots. Ça ne fait qu’aiguiser encore plus ta curiosité.  Pourquoi réagit-elle ainsi ?

Et puis un marchand arrive, sauvé par le gong comme on dit. Tu laisses Alex lui répondre parce que toi tu ne piges rien à ce qu’il raconte. “Rien du tout” hein ? Tu la regardes sceptique avant de boire une gorgée de ton saké. La Hollystone le renvoit poliment. Mais tu notes au passage la couleur de ses joues. Tu hausses un sourcil en buvant. Et tu manques de t’étouffer en entendant le pourquoi du comment. Tu tousses un peu avant de reposer ton verre en fixant Alex d’un air hilare.

∞ En couple ? Il m’a bien regardé ? Moi en couple ? Lol.

Tu ris, car oui tu trouves que c’est une bonne blague tout de même. C’est quand même incroyable qu’on te prenne pour un amoureux transis.  Toi,avec ton coeur de pierre ! Tu ris de ça oui. Mais pas que. Il semble y avoir autre chose derrière cet éclat. Pour être le plus précis possible, cette méprise te rend inconfortable. Tu ne t’en rends pas vraiment compte et tu le caches assez bien de toute manière. Cette distraction te fait complètement oublier la question que tu lui as posé avant que vous soyez interrompus par le marchand itinérant. Tu bois ton saké en jetant un oeil à Alex. Tu l’aurais imaginé plus perturbée que ça suite à une telle méprise. Est-ce que le monde vous trouve si bien assortis ? C’est absurde. Vous n’avez rien à voir tous les deux. Elle est gentille, sympathique, attachante. Tu es sadique, acerbe, insupportable. Ange et démon. Vos deux mondes sont trop différents. Vous êtes amis mais tu ne vois pas comment vous pourriez être bien assortis.

∞ Bien, je pense qu’il est grand temps de rentrer maintenant.

Tu relèves la tête. La phrase d’Alex sonne la fin de cette petite fête. Elle n’a pas tort, il commence à se faire tard. Toi tu t’en fiches qu’il se fasse tard, tu peux faire des nuits blanches sans problème. Mais Alex doit être fatiguée tu imagines. Qu’est-ce que c’est Amel ? Ne serait-ce pas un soupçon de déception qui te prend d’un seul coup ? Oui pour une fois tu aurais souhaité que ça continue encore un peu. Pour une fois c'est passé vite, trop vite. Alex est d’agréable compagnie. Elle te fait oublier  ; oublier le passé traumatisant, oublier le présent lassant, oublier le futur sans avenir. Pourtant tu sais au fond de toi ce que tu es, ce que tu as été, et ce que tu ne seras jamais.

∞ Ouais.

Une affirmation sans grande conviction empreinte d’une certaine frustration. Tu fixes le fond de ton verre comme s’il était responsable de tout. Il reste quelques millilitres de saké. Alors tu le finis d’une traite et tu reposes le verre en même temps que tu te lèves.

∞ On va y’aller. Tu dois être fatiguée.

Toi tu ne l’es pas. Tu n’as pas sommeil. Tu n’as pas envie de regagner ta caravane, de retrouver la malédiction  du cirque et son quotidien fatiguant. Tu as envie de faire les 400 coups avec Lyvion mais pas de t’allonger sur ta banquette, pas de fermer les yeux et t’abandonner au sommeil rituel. Parce que les songes, eux, n’oublient jamais. Tu te déplaces jusqu’à son fauteuil et t’attrapes les poignées pour reprendre le guidage. Tu te penches près de son visage pour qu’elle puisse te voir.

∞ Je vais reconduire le carrosse de Sa Majesté jusqu’à son château.

Tu lui fais un clin d’oeil en riant, puis tu te redresses et tu pousses son fauteuil hors de la terrasse. Selon ses indications, vous faites marche arrière jusqu’à être suffisamment éloignés de la foule. Une fois certains que personne ne pourrait vous voir, tu invoques un portail, non sans mal -faute d’habitude, c’est que ta deuxième sortie sur Terre… chaque fois avec elle d’ailleurs. Bientôt le passage lumineux s’ouvre devant son fauteuil. Vous vous retrouvez rapidement de l’autre côté, dans la rue où habite Alex. Ouais bon niveau précision on repassera hein.

∞ Oups désolé. Mauvais calcul.

Le pire c’est que t’es pas du tout désolé. Comme si tu l’avais fait exprès. Tu guides son fauteuil jusqu’à chez elle, sans te presser. Après tout, y’a pas le feu. Une fois devant le duplex qui lui sert d’habitation, tu stoppes son fauteuil et te places sur le côté, les mains dans les poches.

∞ Bon bah. J’espère que j’ai pas été trop rabat-joie. Tu sais, moi et ce genre d’événements, ça peut me laisser un peu sceptique. ça a l’air de t’avoir changé les idées en tout cas. ça va mieux que tout à l'heure j'espère ?

Juste histoire de pas partir comme un voleur. Et aussi parce que tu veux savoir. Et retarder le moment où tu regagneras tes cauchemars sans doute. Avec tout ça, tu n’as même pas remarqué que vous êtes toujours en tenue de festival.

Tu racontes encore des bêtises.  Mais c’est elle qui t’encourage aussi, à rire à chacune de tes conneries. C’est bien pour ça que tu continues. Pour la faire rire. D’ailleurs tu souris à sa réaction prévisible. Et surtout recherchée. Toi qui d’habitude aime tourmenter les autres avec des mots tranchants, là, tes paroles sont toutes autres. Elles ont l’effet inverse escompté, sur Alex, l’une des seules à bénéficier un tel traitement de faveur de ta part. Juste pour l’entendre rire et la voir sourire. Juste pour ton amie. C’est curieux comme au fond de toi, tu exècres l’échéance qui approche. Tu fais tout pour l’éloigner, Alex n’est pas dupe d’ailleurs. Elle le souligne oralement. Toi, tu ne réponds rien, tu arbores juste un sourire en coin qu’elle ne peut pas voir -imaginer, peut-être. Il faut croire qu’elle te comprend mieux que ce que tu penses.

Arrivés devant sa porte, il faut se rendre à l’évidence : toutes les bonnes choses ont une fin. Tu en as connu si peu, de vraies bonnes choses, que tu oublies chaque fois qu’elles sont les plus courtes. Ton amie lève la tête vers toi pour te répondre, avec ce sourire doux et paisible sur son visage.

∞ Oui, c’était un agréable moment que j’ai passé avec toi ! Il faudra recommencer encore une fois ! Tu as été adorable tout le long, j’espère que tu ne t’es pas forcé à l’être à cause de mon handicap ! Mais cela m’a fait vraiment du bien !

Tu hausses un sourcil. Forcé ? Tu secoues la tête avant de poser un index sur le front d’Alex et d’appuyer légèrement en même tant que tu parles.

∞ Forcé ? I-diote. Bien sûr que non. Pourquoi je ferais différemment, hum ? Enfin… content que ça t’ai fait du bien.

Tu te redresses en la fixant. Vraiment, pourquoi tu agirais autrement depuis que tu as connaissance de son handicap ? Bon, tu as été particulièrement gentil pour te rattraper, car tu n’as pas toujours été sympa, et injustement. Tu avais cru qu’elle était une petite nature, à ne pas tenir longtemps debout et marcher à deux de tension. Tu lui avais fait des réflexions dures pour sa condition. Alors tu ne faisais que réparer, voilà tout. Tu n’agissais pas différemment à cause de son handicap.  Aux paroles d’Alex, tu baisses les yeux sur ta tenue actuelle. Avec tous ces rebondissements, tu avais oublié le kimono acheté au festival.  Tu lèves une main et contemples un instant le tissu et les motifs discrets qui le décorent. Puis tu portes l’autre main sur le masque de kitsune toujours sur le côté de ta tête.

∞ Ah ouais j’avais oublié. Bah j'vais pas t’embêter avec ça…

Tu t’imagines un instant rentrer au cirque dans cet accoutrement. Tu imagines la tête de Lyvion en te voyant, l’air sceptique et son regard narquois. Tu imagines June et ses réflexions énervantes. Ouais nan en fait.

∞ Quoique, j’ai chaud là-dedans. Bon je vais t’emprunter ta salle de bain.

En fait tu pourrais te changer dans son salon ça te dérangerait pas. Mais vu la timidité naturelle d’Alex, tu vas lui éviter des émotions supplémentaires. Tu jettes un oeil par la fenêtre.

∞ Et t’en fais pas pour Ombre. Cette commère est déjà réveillée et nous observes par la fenêtre, tu dis en inclinant ton pouce dans la direction de la fenêtre.

Tu récupères des affaires dans les sacs accrochés au fauteuil d’Alex avant de te diriger vers la salle de bain. Et de faite demi-tour parce que ce n’est pas par là où tu es partie. En même temps c’est, en comptant cet aprem, la deuxième fois que tu mets les pieds chez elle. Quelques minutes te sont nécessaires pour te rappeler comment retirer ce yukata. Tu te débats un peu avant d’arriver à t’extirper du tissu et le retirer complètement. Tu te rhabilles ensuite rapidement et ressorts avec ta tenue de festival à la main. Ombre se laisse caresser par Alex en ronronnant quand tu arrives dans le salon.

∞ Tiens.

Tu poses le vêtement sur le canapé. Ombre vient te saluer en frottant sa tête contre toi. Machinalement tu lui caresses la tête, une scène à laquelle peu de gens peuvent assister. Ce genre de démonstration d’affection, tu ne la joues jamais devant n’importe qui. Ta panthère coule un regard indéfinissable sur toi, à tel point que tu te demandes à quoi elle peut bien penser. Mais elle finit par cligner des yeux comme un chat et s’assoit à tes pieds. Tu hausses simplement les épaules ; les femelles… Ton regard glisse sur ton amie.

∞ Bon, j’vais pas traîner. Tu dois avoir des tas de trucs à faire.

C’est pourtant avec un gros manque de conviction que tu t’exprimes. Tu jettes un rapide coup d’oeil par la fenêtre. Puis tu soupires avant de reposer ton regard sur Alex. Tu te penches vers elle en lui souriant et ta main vient ébouriffer ses cheveux.

∞ Allez, j’y vais ! Prends soin de ton d’ici la prochaine fois.

Tu lui fais un clin d’oeil avant de te retourner et de prendre la direction de la sortie, en lui faisant un salut de la main au passage. Ombre baille un coup avant de te suivre de sa démarche souple et féline, tranquille. C’est presque avec regret que tu quittes son duplex. Les mains dans les poches, tu marches un peu la tête ailleurs.

∞ Tu aurais pu la remercier.
∞ De quoi ?
∞ De t’avoir invité. Tu as passé une bonne soirée grâce à elle après tout.
∞ Genre.

Ombre coule un regard indéfinissable sur toi, mais n’ajoute rien. C’est vrai que t’aurais pu lui dire merci. Mais, c’est pas trop dans tes habitudes. En revanche, si tu t’es contenté de lui dire, grosso modo, “à la prochaine”, un écho demeure en ton fort intérieur. A bientôt j’espère.