J'ai peur, mais je me suis quand même présenté. » Evaomiie ♥

Naomiie prit une nouvelle grande inspiration. Non, rien à faire. Elle angoissait. Malgré sa maladive bonne humeur et son optimisme à toute épreuve, elle avait la trouille. C’était peut-être irrationnel, comme stress, mais elle voulait tellement bien faire… bref, notre petite elfe et son envie de satisfaire.
Elle leva les yeux vers l’horloge qui était accrochée au mur dans le petit salon de thé où elles avaient fixé rendez-vous. Elles ? Oui, Naomiie allait rencontrer quelqu’un – pas à proprement parler, puisqu’elles avaient déjà fait connaissance avant – et cette personne était probablement, même très certainement le dernier membre de sa véritable famille qui lui restait. C’était fou, tout de même. Elle qui pensait n’avoir plus personne… à la mort de ses parents, étant une enfant unique, elle avait affronté tout cela seule. Sans grands-parents, ni oncle, ni tante… Enfin, ça, ce n’était peut-être pas si exact. Le fait est qu’un jour, lorsque Naomiie était petite, elle trouva une photographie sur le bureau de sa mère. Cette dernière avait donc du satisfaire la curiosité de la petite ingénue, mais était restée très vague sur le sujet. Ainsi, même maintenant, elle se posait plein de questions. Elle n’avait plus abordé le sujet, et de par ce fait n’était sûre de rien. Mais lorsqu’elle avait aperçu Eva pour la première fois, elle avait… senti quelque chose. Non seulement elles se ressemblaient sur de nombreux points, mais elle était presque sûre de l’avoir reconnue. Et si c’était bien le cas… elles étaient cousines.

Alors, notre petite demoiselle voulait à présent en apprendre plus sur elle. Elle voulait être sûre… que tout cela était vrai. Cela soulèverait de nouveaux mystères, mais elle voulait atteindre la vérité. Et si Eva était bel et bien sa cousine, alors ce serait sans doute un des évènements les plus émouvants de sa vie. Peut-être n’avaient-elles pas tant de choses en commun, mais elles apprendraient à se connaitre. La jolie elfe tapota le sol du bout de ses pieds nerveusement, sa main droite jouant avec un de ses boucles couleur neige. Elle attendait depuis plusieurs minutes déjà. Elle avait peur qu’elle ne vienne pas, finalement… une clochette tinta lorsque la porte s’ouvrit, une brassée d’air froid entrant par la même occasion dans la pièce chaleureuse qui sentait bon le café et le sucre. Instinctivement, la jeune fille fit pivoter sa tête… et son regard saphir s’illumina lorsqu’elle aperçut celle qu’elle attendait. Elle fut momentanément apaisée… avant que le stress ne remorde sur son ventre. Elle se leva maladroitement et répondit au sourire de la sang-mêlé qui s’installa en face d’elle. Naomiie soupira à nouveau tout doucement en se rasseyant, se triturant les mains sous la table.

« Bonjour, excuse-moi du retard, je ..... je n'ai pas de bonne excuse, en fait. »

A ces paroles, la jeune fille plongea ses yeux dans ceux pareils aux siens qui lui faisaient face, puis eut un petit rire. Ce rire qui ressemble à un tintement cristallin.

« Ne t’en fais pas… je suis un peu trop nerveuse, je crois. »

Elle fit un sourire lumineux après ces quelques mots avant de se tapoter discrètement les deux joues pour se redonner une contenance. Ses pommettes avaient pris une teinte rosée.

« Tu veux boire quelque chose ? »

Les deux jeunes filles choisirent ce qu’elles désiraient choisir puis appelèrent une serveuse qui prit leur commande avec bonne humeur. Ceci fait, Naomiie attrapa le sac à main qu’elle avait apporté et farfouilla dedans. Elle en sortit un joli petit porte-monnaie en tissu et dentelle avec de délicats motifs fleuris dessus, dont elle sortit une petite photographie. Dessus, on pouvait apercevoir une petite fille qui devait avoir entre cinq et sept ans. Elle avait de magnifiques cheveux et un regard pétillant. En comparant avec des clichés pris d’elle-même lorsqu’elle avait le même âge, Naomiie aurait presque pu croire que c’était elle sur cette image, si ça n’avait pas été pour ses oreilles pointues témoignant de sa nature d’elfe, que l’on ne retrouvait pas sur l’autre adorable créature. Elle posa ses yeux dessus quelques instants avant de la faire glisser sur la table du bout de son doigt vers la jeune fille qui lui faisait face.

« Voilà. C’est de cette image dont je te parlais. »

Elle s’arrêta quelques instants, cherchant ses mots, avant de reprendre.

« Quand j’étais petite, ma mère m’avait dit que la fille sur cette image avait quelques années de plus que moi, et qu’elle était ma cousine. La fille de sa sœur, en fait. C’était… la première fois qu’elle me parlait d’elle. Je ne savais pas que j’avais une tante. Et quand j’ai fait mine de vouloir en savoir plus, elle a eu une expression si peinée que je n’ai pas pu continuer. Si j’ai bien compris, elles ne s’étaient pas vues pendant très longtemps. Et à présent… »

La voix de l’elfe devint plus silencieuse, le chagrin se peignant sur ses doux traits.

« … on a plus vraiment de moyens de vérifier, comme maman et papa ne sont plus de ce monde. »

Et voilà. Malgré les années… à chaque fois qu’elle formulait ce genre de choses, l’envie de pleurer revenait, pressante, horrible. Heureusement, la serveuse arriva pile à cet instant et déposa la tasse de chocolat chaud de Naomiie devant elle, lui donnant une bonne diversion le temps de reprendre le contrôle de ses émotions. Après une gorgée du liquide délicieux et brûlant avalé et une bonne inspiration, elle avait évité une scène gênante pour Eva. Un petit sourire fleurit sur ses lèvres rosées.

« En tout cas… si cela ne tenait qu’à moi, je t’avoue que je parierais sur le fait que nous sommes réellement cousines. Je ne sais pas… j’ai le sentiment que c’est vraiment le cas. On doit bien avoir d’autres choses en commun, qui se transmettent par les gènes… »

La demoiselle prit un air songeur tout en touillant distraitement sa boisson chaude.

▬ Ne t'en fais pas... je suis un peu trop nerveuse, je crois. »

Tu eus envie de lui répondre « et moi donc » mais tu te retins de le faire, parce que ça n'aurait pas été très poli et que Théodora t'avait au moins appris cela. Tu l'observas durant quelques secondes dans le plus grand des silences, parce que tu essayais de voir les ressemblances que vous aviez toutes les deux. Ton cerveau se bloquait à cette pensée, il faisait en sorte que tu ne sois pas capable d'identifier les points communs, parce qu'il savait que cela te briserait un petit peu plus de savoir qu'en vrai, tu avais une tante qui n'avait rien voulu savoir de toi quand tu n'étais qu'un bébé naissant.

▬ Tu veux boire quelque chose ? »
▬ Oui, oui. Je ne sais pas ce que je désire par contre. »

Tu cessas de l'observer, puis tes joues devinrent rapidement rosé tandis que tu plongeais ta tête dans l'un des menus. Ce n'était pas la première fois que tu venais ici, mais tu avais besoin de penser à autre chose - et surtout de cacher le fait que tu avais tellement honte au fond, que tu étais un peu même en colère contre la demoiselle aux cheveux blancs. Lorsque la serveuse s'approcha de votre table, tu savais ce que tu voulais prendre. Un thé aux pêches et abricots. Pourquoi ? Tu voulais faire différent de ton habituel thé aux framboises : bien que ce soit le meilleur à ton avis. Tu donnas ta commande en même temps que Naomiie, puis elle plongea la main à l'intérieur du sac qu'elle avait apporté. Ton cœur manqua un battement alors que tu observais le moindre de ses gestes. Tu n'avais pas envie de voir ce qui se cachait là-dedans. Elle sortit la petite image de son porte-monnaie, puis ton regard se fixa à ce niveau sans chercher à cacher l'intérêt que tu portais à ce qu'elle poussa doucement jusqu'à toi. Tu n'osais pas regarder, tu ne voulais pas voir, mais tu la pris tout de même entre tes doigts fin. Tu l'observas sous toutes ses coutures et c'était une blague, ça ne pouvait pas être toi. Non.

▬ Voilà. C'est de cette image dont je te parlais. »

Tu ouvris la bouche afin de dire quelque chose, la referma sans rien avoir dit, puis la rouvrit dans l'intention de parler. Les mots bloquèrent dans ta gorge tandis que tu déglutissais difficilement, comme si le morceau ne voulait pas passer. C'était le cas. Parce que cette petite fille n'était personne d'autre que toi et que tu ne l'acceptais pas. « Eva, s'il te plait. Ressaisis-toi ou tu lui feras peur. » Le bout de tes doigts était complètement gelé et la photo couverte d'une mince couche de glace transparente. Tu pris une légère inspiration et la glace s'évapora comme par magie en ne laissant aucune trace derrière elle. Rufus avait raison, il fallait que tu te comportes comme une fille bien : ce que tu étais.

▬ Quand j'étais petite, ma mère m'avait dit que la fille sur cette image avait quelques années de plus que moi et qu'elle était ma cousine. La fille de sa sœur, en fait. C'était... la première fois qu'elle me parlait d'elle. Je ne savais pas que j'avais une tante. Et quand j'ai fait mine de vouloir en savoir plus, elle a eu une expression si peinée que je n'ai pas pu continuer. Si j'ai bien compris, elles ne s'étaient pas vues pendant très longtemps. Et à présent... »

Oui. À présent, tu ne voulais que voir cette tante et lui dire ta manière de penser. Si elle possédait une photographie de toi à cet âge, elle connaissait ton existence, elle savait que tu étais sans famille et elle t'avait tout de même laisser là, alors qu'on cherchait un domicile où tu pourrais aller. Tu descendis un poing sous la table afin d'éviter de fracasser cette dernière, tu n'étais pas une femme violente, mais cette frustration montait tellement vite que tu n'arriverais peut-être pas à te contrôler totalement.

▬ ... on a plus vraiment de moyens de vérifier, comme maman et papa ne sont plus de ce monde. »
▬ Je suis désolée pour .. » dis-tu avant d'être coupé par la serveuse qui déposait vos boissons chaudes devant vous.

Parfait, maintenant tu n'avais plus personne à qui poser toutes les questions qui te tourmentaient. Tu avais besoin de savoir qui était ton père, même si à chaque fois que l'on te le demandais tu répondais que tu n'en avais rien à foutre : ce n'était pas tout à fait vrai. Tu pris la tasse brulante entre tes mains et un sourire apparût doucement sur tes lèvres, le thé chaud était la seule boisson que tu arrivais à boire en aussi grande quantité. Naturellement, tu étais froide, faite de glace, mais le thé ne te donnait pas mal au cœur, il était doux. Peut-être que maman en buvait pendant la grossesse, peut-être. Tu ne savais rien d'elle, non plus.

▬ En tout cas... si cela ne tenait qu'à moi, je t'avoue que je parierais sur le fait que nous sommes réellement cousines. Je ne sais pas... j'ai le sentiment que c'est vraiment le cas. On doit bien avoir d'autres choses en commun, qui se transmettent par les gènes... »

Tu penchas doucement la tête sur le côté en gardant le silence, parce que tu voulais avoir une cousine. Tu le désirais vraiment, mais tu n'avais aucune garantie de ce qu'elle racontait. « Tu es peut-être un petit peu trop méfiante. Tu n'as pas remarqué, mais elle a presque pleuré en parlant de ses parents. » Ton regard bleuté se dirigea vers celui de l'elfe qui se trouvait devant toi - tu avais remarqué les oreilles pointues - puis ton sourire s'estompa doucement. Il avait raison, comme toujours et elle ne méritait pas ta méfiance, elle ne méritait pas que tu sois amère envers elle à cause des agissements de sa mère.

▬ Je comprends mieux que tu peut penser ce que cela fait de perdre ses parents, mais quand on ne connait rien d'eux, c'est facile d'accepter de vivre sans. Je veut bien d'une cousine, je crois que ça me ferait bien de ne plus être la seule de ma famille à exister. Je n'ai jamais su si j'avais des grands-parents encore vivants, ni même que j'avais une tante et je me demande bien pourquoi tout le monde à tenter de le camoufler. » dis-tu en te plongeant dans tes pensées.

Théodora devait connaître la sœur de ta mère, n'est-ce pas ? Alors pourquoi t'avoir caché ce détail ? Parce que tu es curieuse, que tu l'as toujours été et que tu n'aurais pas hésité une seconde avant d'aller te planter devant cette « tante » pour lui poser des questions. Peut-être ta mère avait dit qu'elle ne voulait pas que tu rencontres ce côté de sa famille, mais ... Pourquoi ? Tu baissas le regard vers ton thé et écrasa la poche contre le bord de la tasse avec l'ustensile que tu tenais entre tes doigts. Tu ne te souvenais pas de l'avoir pris. Tu attendis que les secondes passent en réfléchissant à comment s'y prendre pour savoir si vous étiez réellement cousines de sang. Tu réalisas enfin combien vous étiez semblables en tout point, les yeux, les cheveux, la peau.

▬ Si nous sommes cousines, nous avons pratiquement le même ADN. » dis-tu sans vraiment réfléchir aux mots qui sortaient de ta bouche.

« Tu ne vas quand même pas demander à cette demoiselle de faire une prise de sang, uniquement parce que tu es incapable de lui faire confiance ? » Tu ouvris la bouche pour l'envoyer se promener, mais résista à la tentation. Il n'avait pas raison cette fois, tu ne le faisais pas, parce que tu n'avais pas confiance. Tu le faisais pour éviter de te faire de faux espoirs, puis sa mère ne pourrait jamais répondre à tes questions de toute manière, alors aussi bien être certaines. Tu secouas la tête avant de lever ton regard glacé dans sa direction.

▬ Je suis désolée, mes paroles ont été trop rapides pour être stoppé par mon cerveau. Ça m'arrive quelque fois, je voulais seulement dire que nous pourrions être certaine de tout cela en faisant une petite prise de sang. Je ne te forcerai pas, hein. J'irai voir ma mère, elle me le dira sûrement pourquoi elle m'a caché que j'avais une cousine, une tante. Une famille, quoi. À vrai dire, ça me dépasse complètement. » avouas-tu avant de tourner à nouveau la poche de thé dans l'eau bouillante.

Tu pris une gorgée de ton thé, parce que c'était la meilleure chose que tu avais trouvé à faire pour occuper ta bouche : éviter de dire de la merde devant des gens qui sont peut-être votre seul espoir de comprendre un peu ce qui s'est passé avant votre naissance, quoi.

L’espoir. L’espoir est quelque chose de très puissant. Une lueur dans les ténèbres, une douceur mélodie dans un silence écrasant, une bouffée d’air frais dans un enfer de flammes, une main que la vie nous tend. L’espoir est ce qui a permis à Naomiie de se relever, encore et encore. C’est ce doux sentiment qui la portait toujours, et l’avait guidée jusqu’au bonheur. Elle avait tout perdu, il y a quelques années de cela. Ses parents représentaient la quasi-totalité de sa petite vie, et leur mort l’avait tout d’abord poussée au renfermement. Puis, cela lui avait ouvert les yeux. D’une manière terriblement douloureuse, que personne ne devrait avoir a subir, elle fut confrontée aux jugements de son village entier, alors qu’elle était une victime des événements. Mais la chaleur en son sein, la lumière de sa personne ne tarit point, et elle décidé d’avancer. La vie était trop précieuse, et son amour pour ceux qu’elle avait perdus trop grand pour abandonner maintenant. Le chemin se dressait devant elle, long et sinueux, mais non dénué d’ensoleillements ou de pâturages fleuris. Les nuages gris qui tempêtaient au dessus d’elle, elle les fuit, les laissant là où ils étaient, pour continuer à vivre.

Jamais, au grand jamais, avait-elle imaginé qu’elle retrouverait une personne de son sang, qui génétiquement parlant était sa réelle famille. Et pour une jeune fille qui a tant aimé ceux qui l’avaient élevée, l’espoir de retrouver une personne qui partagerait une sorte de passé semble être un rêve. Elle était partie, prête à tout reconstruire, et elle avait réussi jusque là. Mais d’imaginer que dans sa nouvelle vie, une part de son ancienne en ferait partie, semblait magique. Contrairement à ce que certains pourraient imaginer, cela ne la rendait pas nostalgique ; pas vraiment. Elle était simplement heureuse. Un bonheur simple, comme lorsqu’on retrouve une vieille connaissance. Et elle désirait tellement que ce soit vrai. Que ce soit sa cousine… à présent que la porte s’était entrouverte, et qu’elle avait aperçu une possibilité que ce soit réellement sa cousine, elle ressentait presque le besoin que ce soit la réalité. Elle ignorait pourquoi, vraiment, elle en avait juste vraiment envie. Eva, elle qui aurait pu être comme sa sœur si leurs mères ne s’étaient pas séparées ainsi.

« Je comprends mieux que tu peux penser ce que cela fait de perdre ses parents, mais quand on ne connait rien d'eux, c'est facile d'accepter de vivre sans. Je veux bien d'une cousine, je crois que ça me ferait bien de ne plus être la seule de ma famille à exister. Je n'ai jamais su si j'avais des grands-parents encore vivants, ni même que j'avais une tante et je me demande bien pourquoi tout le monde à tenter de le camoufler. »

Naomiie hocha la tête doucement. Oui, c’était sûrement ça. Le sentiment d’être la dernière de sa famille. Ca faisait peur, vraiment, et c’était douloureux. Même si elle savait que les liens n’avaient pas à être de sang pour avoir une réelle importance, elle était attirée par Eva d’une manière particulière. Peut-être réagissait-elle à elle, ou peut-être étais-ce seulement son subconscient… elle ne pouvait en être certaine. D’ailleurs, il y avait beaucoup trop de mystères. L’une comme l’autre ne pouvaient comprendre – et ne comprenaient pas pourquoi on les avait ainsi éloignées. Pourquoi Eva avait-elle été envoyée loin d’elles ? Bien que Naomiie ne connaisse pas tous les détails de sa vie, elle se doutait que si sa mère n’avait voulu lui en parler, c’est qu’elle représentait sûrement un tabou, ou quelque chose comme ça. Sinon pourquoi refuser de les présenter ? Alors que des pensées tourillonnaient dans l’esprit de la jeune elfe, Eva reprit la parole, interrompant ses réflexions.

Naomiie leva les yeux vers elle, les clignant en réfléchissant à ce qu’elle venait de dire. Elles avaient pratiquement le même ADN et… Ah ! La demoiselle percuta rapidement. Elle voulait vérifier ainsi ? La petite demoiselle ouvrit la bouche pour répondre, mais n’eut pas le temps de formuler sa pensée.

« Je suis désolée, mes paroles ont été trop rapides pour être stoppé par mon cerveau. Ça m'arrive quelque fois, je voulais seulement dire que nous pourrions être certaines de tout cela en faisant une petite prise de sang. Je ne te forcerai pas, hein. J'irai voir ma mère, elle me le dira sûrement pourquoi elle m'a caché que j'avais une cousine, une tante. Une famille, quoi. À vrai dire, ça me dépasse complètement. »

Naomiie garda le silence après cette tirade, puis lui sourit. C’était ce sourire qui semblait effacer tous les soucis de la terre, doux et lumineux. Gentiment, elle tendit son bras au travers de la table pour attraper la main libre d’Eva, l’effleurant simplement du bout de ses petits doigts, si légèrement qu’elle ne sentait quasiment pas le contact sur sa peau.

« Ne t’excuse pas. On est toutes les deux désorientées. Et, si tu le souhaites, cela ne me pose aucun problème de faire une prise de sang. On sera fixées plus rapidement. »

Puis, alors qu’elle s’apprêtait à écarter sa main de celle de sa présumée cousine, ses doigts s’appuyèrent dessus sans faire exprès. La première impression que l’elfe eut, c’était que ses mains étaient glacées. Puis, de manière inexplicable, comme une sorte de réaction étrange, Naomiie sentit son pouvoir se réveiller doucement. Elle eut un sursaut de stupeur, elle qui le contrôlait si bien pourtant, lorsqu’une série de cristaux de glace se formèrent sur la peau de sa main, scintillants dans la lumière comme des diamants. Gênée, mais surtout très surprise, elle retira sa main rapidement tandis que la glace se rétractait pour disparaître à nouveau. Elle ne regardait pas Eva, observant le bout de ses doigts, là où elle était entrée en contact avec elle. Qu’est-ce qu’il venait de se passer ?

« Je pense que ceci n'est pas normal. »

Les mots qu’Eva avait prononcés, bien que probablement un peu irréfléchis, résumaient parfaitement la situation. Ce n’était pas normal. C’était la première fois que Naomiie perdait le contrôle de sa maîtrise de la glace, qu’elle avait toujours su manier à la perfection depuis sa plus tendre enfance. Doucement, elle redressa son regard océan vers celui de sa présumée cousine, qui semblait aussi surprise qu’elle. Le pouvoir. Elle possédait le même que le tien. C’était tout sauf anodin, puisque sa mère lui avait spécifié que c’était un trait héréditaire. De plus, le sien s’était comme… réveillé au contact de celui d’Eva. C’était quelque chose d’on ne peut plus anormal et pourtant fascinant. Naomiie écouta attentivement ce que la jeune fille qui lui faisait face avait à lui dire, puis comprenait au fur et à mesure. Elle hocha doucement la tête lorsqu’elle eut terminé de parler, lançant un regard à ses mains qui quelques secondes plus tôt étaient recouvertes de givre.

« Je maîtrise la glace depuis que je suis née, et c’est un pouvoir que j’hérite de ma mère. Ses ancêtres aussi le possédaient. Alors… si nos mères étaient sœurs… Cela serait logique que nous ayons toutes les deux le même pouvoir. »

Naomiie leva les yeux vers elle, plongeant son regard dans le sien, avant de sourire légèrement. Elle leva la main devant elle, et créa dans la paume de sa main une série de fleurs sculptées dans la glace.

« C’est un pouvoir très puissant et précis. J’imagine que c’est la même chose pour toi… ? »

Elle la regarda quelques instants supplémentaires avant de sourire, un véritable sourire lumineux.

« Bon sang… je crois qu’à ce stade là, nous ne pouvons plus douter de notre lien… Je… » Elle prit une inspiration et passa ses deux paumes sur son visage quelques secondes avant de reprendre. « J’arrive pas à y croire, je suis tellement heureuse… »

Elle sourit à nouveau, irradiant de la joie tandis qu’elle prenait pleinement conscience qu’elle avait une cousine, une vraie. Une personne de sa famille, sa vraie. Et elle était réellement heureuse que ce soit elle. Depuis le début, elle l’avait trouvée superbe, et  s’était bien entendue avec elle à la soirée de Noël chez les Nevenscheinder. A l’époque elle n’avait pas compris à quel point le sens des mots « Noël en famille » était réel. Elle ignorait que parmi les membres de cette joyeuse réunion se trouvait sa propre cousine. Et à présent…. Elle était tellement heureuse qu’elle avait envie de pleurer. Franchement, lorsque l’on perd tous ceux qu’on pouvait autrefois appeler sa famille, on trouve chaque lien plus précieux qu’avant, un véritable trésor, même. Surtout pour Naomiie.

« Je sais qu’il y a plein de mystères qui entourent notre lien, mais… je peux pas m’empêcher d’être super heureuse. C’est juste tellement incroyable… »

Ne tenant plus en place, Naomiie (après avoir fait disparaître les sculptures glacées d’entre ses doigts) attrapa la main d’Eva au travers de la table comme tout à l’heure, cette fois avec un peu plus de fermeté bien que toujours autant de douceur, et la serra. Leurs mains étaient froides, et cette fois-ci rien d’étrange ne se produisit, si ce n’est qu’à présent Naomiie semblait presque sentir son pouvoir remuer au fond d’elle, à la surface de sa peau, quand elle était en contact avec sa cousine, son sang.

« Tu sais, j’avais un peu peur… à la fois de m’être trompée et d’avoir raison, mais… maintenant que j’en suis sûre, je suis vraiment comblée. »

Elle rit tout doucement, ses joues prenant une teinte rosée.