Tes pas résonnent sur les pavés du quarter résidentiel de Chloris. Tu te presses, tu accélères. Autour de toi tout est sombre, il fait nuit noire. Tu as peur, alors tu accélères encore. Bientôt, tu sais que tes jambes lâcheront, tu sais que tu ne supporteras pas longtemps cette allure, alors tu tomberas ridiculement sur le sol froid. Tu le sais, tout cela, et pourtant tu ne ralentis pas. Pourquoi? Parce que tu as peur. Ta tête se tourne par moment pour vérifier que tu n'es pas suivie. A l'aide de ta main droite tu tires ta robe vers le bas afin de la remettre correctement. Tu devrais rentrer avant que Monsieur ne te trouve, mais tu ne fais rien. Tu continues à avancer. Tu remets brièvement une mèche qui te tombes devant les yeux, tu glisses, trébuche, manque de tomber, et tu retrouves l'équilibre difficilement. Tes yeux se ferment, l'espace d'un infime instant.
Tu penses. A quoi bon revenir à la maison lorsque tu fuis? Tu pourrais très bien partir, te cacher pour que l'on ne te trouve jamais, mais tu ne le faisais pas. Pourquoi? Parce que tu avais peur, sûrement. La peur te guidait, la peur te contrôlait, tu étais la peur. Tu rouvris les yeux et, rapidement, tu repris ton rythme de marche. Où allais-tu? Tu ne savais pas. N'importe où. Au coin de la rue, une vieille femme paru dans ton champ de vision. Elle te dévisagea, l'air mauvais, de la tête aux pieds. Tu avais fini par t'habituer à tous ces regards, ils ne te faisaient plus rien. Elle devait certainement se dire que ta robe était courte. Elle devait certainement se dire que tes talons étaient hauts et fins. Elle devait certainement se dire que tu étais une péripatéticienne. Et elle avait raison. Elle ne pouvait pas avoir plus raison. Tu tournes au bout de la rue, et la femme disparait de ta vue. Tu t'arrêtes là. Tu vois une ombre, plus loin, près de toi.
Tu recules, tu cherches à fuir, mais tu ne fais rien. Tu restes là, tu ne fuis pas réellement. Pourquoi ne cours-tu pas, petite princesse? Fuis, fuis pour ta vie et ne reviens plus. Meurs, meurs en silence qu'on ne t'entende plus. Tu n'es plus rien, tu n'as jamais été quelque chose. Rien qu'un diamant brisé. Qu'une couronne tombée. Qu'un ballon crevé. Qu'une cigarette éteinte. Qui est cette femme? Que te veux-t-elle? La connais-tu? Non, tu ne l'as jamais vue. Tu ne connais presque personne en dehors de la maison après tout. Tu plisses les yeux. Son visage se fond dans la nuit, tu ne vois que ses deux iris rouges qui percent le noir.
« Qui es-tu? Que me veux-tu? »
Dans le tourbillon de ta détresse tu n'avais rien trouvé de mieux à dire. Tu aurais voulu te taire, mais tu avais parlé. Tu aurais voulu la frapper et courir, mais tu avais parlé.
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