You're not facing with a weak vampire, Dear.

Les arbres. Des arbres partout. Balthazar lève la tête du sol, clignant des yeux. Il regarde péniblement ce qui l'entoure. Qu'est-ce qu'il fait sur le sol de la forêt? Grognant, il tente de se redresser. Il a mal. Sa main se porte sur son ventre plat et il réalise qu'il est couvert d'une substance étrange. Enfin, pas si étrange que ça, puisqu'il se doute de ce dont il s'agit. Du sang. Il réussit à s'asseoir pour voir tout ce liquide rouge le détremper. Il a des marques étranges sur le torse, comme des griffures. Sa chemise blanche est en lambeaux et imbibée de ce sang inconnu, car ses blessures ne sont que superficielles. C'est juste que sa peau est enflée sous ce sang épais. Ses canines l'élancent et sa tête tourne. Bon sang, que lui était-il arrivé? Il baignait dans l'incompréhension la plus totale et tout le monde sait que Balthazar déteste ne rien comprendre. Surtout sur son état. Quoi qu'il en soit, il avait superbement triomphé. Mais de quoi?

Le vampire se relève et prend appui sur un arbre pour se maintenir debout. Ses crocs lui lancent et sa tête est certainement sur le point d'exploser. Il avait ressentit ça une fois, dans les ruelles sombres. En fait, c'était presque la même situation, sauf que ça n'était pas au même endroit. Et les circonstances n'étaient certainement pas les mêmes que cette fois-là. Il ressentait de nouveau une faim immense de sang frais. Du sang humain. Il avait jadis goûté à ce délice du cou de la jeune Diane et il n'avait pas pu s'arrêter. Pourtant, il s'était bien nourrit durant la journée. Il ne comprenait pas que le soir venu, il soit trempé de sang dans la forêt. Encore une fois, il ne se souvenait de rien. Mais cela prendrait mille ans avant qu'il n'ose l'avouer en face de quelqu'un. Ou même à lui-même. Mettant un pied devant l'autre, le sang-pur avance lentement dans la noirceur lugubre de la forêt de l'île. Il n'a pas peur. C'est lui le prédateur ici, personne d'autre.

Balthazar ne sait pas pourquoi l'image du jeune léopard lui vint en tête, mais il se dit en souriant en coin que ce jeune homme ne ferait que profiter de sa faiblesse apparente pour l'attaquer s'il le voyait. Cependant, le vieux vampire était loin d'avoir perdu tout ses moyens. En cas de danger, il faisait fi de la douleur qu'il pouvait bien ressentir et se défendait normalement. Il était bien trop orgueilleux, voyons. Bref, Lawrence continue sa lente avancée au coeur de la forêt, son estomac criant sa faim. S'il avait tué quelqu'un ou quelque chose et qu'il avait bu son sang, alors pourquoi ressentait-il cette faim? Cela ne lui disait rien de bon, tout comme cette fois dans les ruelles. Sa perte de mémoire l'énervait au plus haut point.

C'est bizarre à dire, mais malgré son état pitoyable, Balthazar réussissait encore à avoir l'air imposant et froid. Il faut croire que c'était devenu quelque chose de normal chez lui. Il entendit un craquement et un mince sourire vint étirer doucement ses lèvres. Il essuya sa main pleine de sang sur son pantalon d'ébène et passa celle qui n'était pas souillée par ce délicieux liquide dans sa chevelure sombre pour dégager son visage de ses mèches soyeuses. Lawrence porta un regard autour de lui, mais ne vit rien. Cependant, il sentait une présence. Non, plutôt deux. Trois. La troisième étant Jordac. Si son affilié était dans le coin, c'est qu'il sentait son maître en danger. Mais Balthazar se rit du danger. Il aime ça et la preuve est cette teinte rouge sur son corps et ses vêtements coûteux. Il était peu élégant, mais il s'en fichait bien à ce moment. Tout ce qui importait était son prochain repas. Non, c'était la personne qui le surveillait avec son affilié. Puis il sut de qui il s'agissait. Le vampire était assez âgé pour reconnaître les présences qui l'entourait quand il l'avait rencontré auparavant.

» Pourquoi ai-je l'honneur que vous me suiviez, Oliver?

Si c'était pour profiter de sa "faiblesse", il allait prendre toute une raclée. Balthazar, même s'il a l'air faible, n'est pas faible. Loin de là.

Cela ne prit pas de temps avant que la silhouette du jeune homme apparaisse aux yeux de Balthazar après qu'il eût pris la parole. Sincèrement, malgré les mots qu'il avait prononcés, il ne pensait pas vraiment qu'Oliver le suivait. Il avait simplement voulu attirer son attention avant qu'il ne le remarque à cause de l'odeur du sang. Parce que lui-même sait que de sentir du sang frais à proximité mettait sur les gardes. En fait, il était le premier à être sur ses gardes lorsqu'il sentait l'odeur du sang. Car quand cela arrive, c'est qu'il y a forcément un prédateur et une proie dans les parages. Le vampire ne redoutait en rien les proies, mais plutôt les prédateurs. Même encore. Il se considérait comme l'un des prédateurs les plus dangereux sur cette île, alors pas moyen qu'il perde la face devant un autre de ses congénères. Surtout pas devant ce mordu.

» Premièrement, j'étais loin de vous suivre. Deuxièmement, vous ne savez pas bouffer, ou quoi ?

Les minces lèvres du sang-pur esquissèrent un fin sourire. Apparemment, non, il ne savait pas se nourrir correctement. Du moins, quand il perdait la mémoire ainsi. Lui qui ne se tachait jamais lors de ses repas... Mais il faut préciser qu'il ne boit plus au cou des gens pour rassasier sa faim. En fait, il ne l'avait jamais vraiment fait. Avant Diane. Et il n'avait pas voulu continuer, car le sang humain ou même magique rendait addictif à un point tel qu'il avait fini par tout boire le sang que contenait le corps de cette pauvre demoiselle pour ainsi la transformer en l'une des leurs. Cet Oliver avait fini par l'intriguer, même s'il s'abstenait bien de le dire ouvertement. Lawrence voyait bien de par sa façon de se tenir et d’interagir qu'il était passé à autre chose. En fait, il semblait... mieux que la fois précédente. Moins torturé, plus serein.

» Il y a une rivière un peu plus loin, vers le nord, pour nettoyer... Il désigna le visage ensanglanté de Balthazar et sembla se raviser pour inclure aussi tout son être. Nettoyer le tout, dirons-nous, pour être poli.

Toujours en appui contre l'arbre près de lui, le sang-pur fixait le jeune homme de son regard devenu rougeâtre par la soif immense de sang qu'il ressentait. Au moins, il savait que l'autre ne fuirait aucunement devant lui et donc, il ne titillerait pas son instinct sauvage de vampire. En conclusion, il n'y avait pas de danger pour que Lawrence perde le contrôle de son corps et ainsi de sa soif. Le riche homme d'affaires jaugeait tranquillement son interlocuteur de son regard froid et perçant. Ignorant la douleur qui le tiraillait dans tout son corps, Balthazar s'avança lentement et gracieusement vers Oliver. Il sentait toujours la présence de Jordac, caché entre les arbres, quelques mètres plus loin. Cependant, il n'avait aucunement besoin de son affilié pour se défendre.

» En voilà, une surprise, mon cher Oliver. Je ne pensais pas que vous puissiez m'offrir votre aide en m'indiquant l'endroit d'une rivière pour me nettoyer. Vous êtes-vous ramolli?

Le tout en arborant un léger sourire moqueur. Balthazar sait qu'il est méprisable et ainsi, les gens ne veulent pas l'aider. Parce que tout le monde qui le connait sait qu'il crache sur toute aide de la part des autres et qu'il déteste entretenir un contact prolongé avec qui que ce soit. Son arrogance n'avait aucune limite et il se fichait bien qu'Oliver parte sans demander son reste après ça. Puis le regard du vampire lorgna sur la jugulaire palpitante du cou du jeune homme. Il avait envie d'y mordre à pleine dent et de sentir le flot du sang couler dans sa gorge. Cependant, comme il contrôlait parfaitement ce qu'il ressentait et ce que son visage affichait, cela ne parut pas le moindrement du monde. Rien ne le trahissait en ce moment. Absolument rien. Bien qu'Oliver sache tout de suite pourquoi son regard se portait sur sa gorge, il ne pourrait pas se douter que sa faim était tellement immense qu'il résistait de peine et de misère à son envie. Secouant doucement la tête et faisant voler ses mèches sombres, Lawrence afficha de nouveau son sourire vide d'émotions avant de passer près d'Oliver. Tellement près qu'il aurait suffit d'un centimètre pour que leurs corps se touchent.

» Quoi qu'il en soit...

Il s'arrêta dans sa phrase en constatant que l'affilié du jeune léopard s'était mis sur sa route. Visiblement, elle n'avait pas dû apprécier qu'il passe aussi près de son lié. Baissant un regard meurtrier et sauvage rempli d'une promesse de douleur et de souffrance sur l'once, il se promit de la violenter si elle ne bougeait pas de là. Sa pulsion montait en lui à mesure que l'once restait plantée en travers de son chemin. Ne sentait-elle donc pas le danger? Même Oliver était assez intelligent pour ne pas couper son chemin avec l'aura que Balthazar dégageait en ce moment. Une aura presque trop puissante et qui donnait des frissons dans le dos. Même si le mordu n'avait pas spécialement peur du vieux vampire, il était assez prudent pour ne pas entraver son chemin ainsi. Car l'aura de pur danger que dégageait Balthazar pouvait en dissuader plus d'un. Surtout si l'on sait qu'il est plus fort que soi. Pitié, Jordac, empêche-le de tuer l'once.