two women and one boy × ft. matthew&haylei

Green into dark street

Mon frère aîné commandant une pression ne m’a pas plus étonné que ça. Disons plutôt que le fait que je ne puisse pas en prendre une me fit presque soupiré. Au pire je lui en piquerais tout à l’heure…pour une ou deux gorgées, Loulou ne va pas nous étriper. Si ? Ce fut lorsque nos boissons arrivèrent que je me désintéressai de la gamine pour jeter un coup d’œil sur la blondasse – sans vouloir paraitre vilaine – qui semblait connaitre mon frère. Frère qui la connaissait aussi. Ils se firent la bise sous mon regard attentif, avant que la serveuse nous fasse un sourire, que je lui rendis en plus d’un signe de main. Boarf, elle avait pas l’aire vilaine comme fille, pis elle était drôlement jolie. Elle déposa mon latte devant moi, que je remuai lentement pour ne pas passer la mousse, avant de laisser traîner ma main contre la tasse chaude. Je regardai la blondinette attraper la pression de son client pour en boire une ou deux gorgée, haussant mes fins sourcils. Eeeeeeh, c’était moi qui devais le faire, ça… Maintenant il allait encore râler parce qu’à nous deux on aura pris la moitié – alors que ça sera pas vrai – et il m’en laissera pas. Même si de base j’aurais pas dû en avoir.

« Lucy et les filles t'ont vu avec une nana l'autre soir... tu nous la présente samedi prochain ? »

Je clignai des yeux et mon attention se porta directement sur la réaction de Matthew. Mmh ? Alors comme ça il traînait encore avec des filles ? Quel genre de fille cette fois ? Non que la vie privée de mon poireau m’intéresse fortement, mais disons que…bah que je suis curieuse. M’enfin il avait pas du tout l’air d’avoir envie d’en parler, vu la réaction qu’il eut. M’en fous. Je finirais bien par lui sortir les vers du nez, si cette serveuse n’en est pas capable. Elle retourna sagement à son boulot après avoir salué mon frère, juste au moment où je posais ma question à la gamine en face de nous.  Laquelle parut y réfléchir sous mon regard mi interrogateur, mi ennuyé.

« En gros, pour toi Haylei c'est comme... une idole ? »

Je clignai des yeux en les tournants vers le visage, euh, pour le moins plus inexpressif que le léger mépris dans la phrase de Matthew. Whaaaat, une idole ? Attend, j’ai à peine commencé, et encore, et là, bim, j’suis déjà une idole ? T’y vas pas un peu fort mon chou ? M’enfin après tout, pourquoi pas, j’ai les qualités requises toussa, ouais, et la modestie qui va avec. La gamine jeta un regard tout aussi méprisant à mon frère, que je notai dans un coin de ma tête. Bon, déjà, ces deux-là ne vont pas s’entendre, c’est clair et net.

« C’est ça en gros ouais. Ça te pose un problème ? »

Ah mais non, mais, vous allez pas vous frittez laggle dès maintenant tout de même ? Bon, ça pourrait toujours être divertissant, poireau versus gamine, mais vu qu’à la base c’était juste une sortie en «  famille » (moins l’autre frère et les cousins), ça serait bien qu’elle se finisse dans les limites de la connerie, voire un peu avant. Prenant la tasse du bout des doigts de mes deux mains, je portai doucement l’objet à mes lèvres, savourant le liquide caféiné qui en franchissait la barrière pour  couler sur ma langue.

« Hay', on m'a proposé de passer un casting pour devenir mannequin. »

Pile au mauvais moment.  Si je ne recrachai pas le café, ce fut uniquement parce que je me retins de frôler le ridicule. Je me contentai de reposer la tasse, un peu trop brutalement, mais pas assez pour la casser, avalant ma gorgée de café avec une expression des plus ahuris collé sur mon visage.

« Ah ouais ? »

Ma réaction orale, quant à moi, fut nettement moins ordonnée.

« Qu…hein ? Quoi ? Quand ? T…Toi, mais…Ma… »

Et en plus, ça voulait rien dire. Si Matthew attendait de la surprise de ma part, il était carrément trop servi. Matthew ? Mon frère ? Ce poireau, mannequin ? Putain, mais…mais pourquoi on lui a pas proposé plus tôt ? Dans notre famille, en plus d’être riche et d’avoir un don quelque part, on avait tous un physique de mannequin. Grand – sauf Kaori – et bien proportionné, ordonné, mais aussi original, surtout dans notre couleur de cheveux – ouais, y a pas tout le monde qui les a vert. Donc le fait qu’on lui ait proposé qu’il soit mannequin ne m’étonnait que parce que, bah, je m’y attendais pas du tout. En même temps il m’annonçait ça comme ça, comme si il m’avait dit que Clochette avait dormit dans son lit. Mes yeux étaient à présent rivés sur son visage si semblable au mien – exception faite de ma féminité marquante – et mes cheveux étaient déjà un peu moins coiffé qu’il y a trente secondes – j’avais relevé la tête tellement vite qu’ils avaient volés, et pas forcément dans le bon sens – de là. En parlant de bon sens, celui-ci s’échappa totalement de mon organisme pour laisser place à l’excitation grandissante qui, d’ordinaire, me caractérisait. Je gigotais déjà, laissant mes longues jambes filer sous la table, puis finit par me jeter sur le futur mannequin – pas de raison qu’il rate le casting -, ou du moins à moitié, le serrant dans mes bras avec des mini-cris d’hystérie. A ce train-là, les tables aux alentours allaient bientôt toute nous observer. Mais ça, je m’en fiche. Je me décollai moins d’une seconde après, retournant en glissant à ma place, joignant mes deux paumes l’une contre l’autre en tremblant presque d’excitation. Un jour je parviendrais à contrôler mon hystérie, mais d’après ma cousine, ça arrivera peut-être, dans très longtemps.

« Nan mais mannequin comment ? Genre tu vas essayer des vêtements et faire un défilé sur un podium ? »

Je tournai mes immenses yeux dorés vers la gamine, totalement abasourdis par ce qu’elle venait de dire. Mannequin des podiums ? WTF ? Non mais non, il fera jamais ce genre de chose, hein ? Hein ? Mon Matthew serait incapable de faire un podium. Si ? Non non. Quand il disait mannequin, pour moi, c’était dans les magazines toussa. C’était ça, hein ? Pis en plus s’il le faisait, on travaillerait alors dans le domaine de la mode, et peut-être en collaboration, qui sait. Ça pourrait être fun. Après l’art, la famille Harrington se reconvertit dans la mode. Huhu, ça ferrait bizarre. Enfin, après, Loulou reste dans l’art, lui, donc c’est pas totalement perdu…Pis le stylisme, ça en fait aussi parti. Non mais avec Matthew dans le mannequinat, notre côte de popularité va encore monter en flèche ! Alalah, avoir que des beaux gosses dans la famille, qu’est-ce que ça peut être génial. En me re-intéressant à la conversation, j’écoutai vaguement Matthew lui répondre, avant d’ouvrir la bouche.

« Mmh, c’est trooop génial, Matt ! J’imagine que Loulou et Lorelay sont au courant ? ‘fin oui, tout de même. T’en a parlé à papa et maman ? Je sais que ça fait un bail que t’es plus sous leur responsabilité mais bon. »

Après tout, même si ils ont presque chassé les jumeaux lors de leurs 18 ans, alors qu’ils étaient encore ensemble – c’est-à-dire, dans le même corps – ils restent nos parents. Ça fait un peu bizarre tout de même, le fait qu’ils étaient si partants pour que Matt et Loulou aillent vivre seuls, et qu’ils refusent que je m’en aille. J’ai toujours voulus vivre avec mes frères, et j’avais eus du mal avec Lorelay au début. Pour moi, c’était un peu comme si elle me volait la place qui me revenait de droit. Mais avec le temps, et les explications de Loulou, j’avais fini par m’y faire et elle m’était presque familière. Quand je dis presque, ça veut dire qu’ouvrir la porte d’entrée et tomber directement sur la jolie rousse, ça ne me fait plus sursauter, et que j’arrive facilement à lui sourire et à discuter. Mais à l’accepter, je suis toujours un peu réticente. Je sais très bien à quel point je peux être possessive, et je ne me doute pas que le jour où une femme – ou un homme, qui sait ? – va me prendre un de mes frères, je perdrais mon sang-froid.

©Kuru'