Encore le facteur ! [Pv : Naomiie]

Naomiie s’étira paresseusement. Elle s’était réveillée pas très tôt, ce matin là, et en profitait pleinement. Elle écoutait de la musique sur le vieux post-radio qui trônait fièrement sur sa table. Elle chantonnait tout en tentant de s’attacher les cheveux en une queue de cheval haute. Elle termina sa besogne, puis observa sa coiffure d’un air satisfait. Elle était assise sur son lit, une pince plate dans la bouche. Elle planta celle-ci dans sa belle chevelure blanche avant de sauter de son perchoir. Elle réajusta un peu sa tenue, un chemisier blanc et un minishort en jean. Ces derniers temps, il faisait très beau, et ce n’était pas pour lui déplaire. Le printemps était vraiment arrivé, mais la température avait augmenté de façon impressionnante, donnant l’impression à notre petite elfe que l’été était déjà là, avec quelques moins d’avance. Elle enfila de petites chaussures ouvertes à talon compensé blanches à rayure bleues, puis souffla en même temps sur ses ongles qui terminaient de sécher après leur nouvelle couleur bleu ciel. Elle sourit d’un air radieux à sa main, trouvant le résultat très réussi, sans aucune rature. Elle s’apprêtait à sortir de son petit appartement quand quelqu’un frappa doucement à la porte. Surprise de cette soudaine visite, elle s’approcha de la surface en bois sombre, puis l’ouvrit, curieuse de savoir qui était cette personne. Elle dit un « J’arriiiive » d’une voix vive, tournant la clé dans le sens inverse. Elle appuya sur la poignée, puis ouvrit le panneau de bois. C’était le propriétaire. Surprise, elle s’empressa de lui sourire.

-Oh, bonjour monsieur ! Entrez, je vous en prie…

-Ne t’inquiète pas, je n’ai pas besoin d’entrer, dit-il avec un sourire chaleureux. Le facteur est passé et m’a donné cette lettre qui te serait apparemment destinée…

Naomiie prit l’enveloppe de papier que lui tendait le septuagénaire, puis le remerçia. Ils se saluèrent une nouvelle fois, et le vieil homme repartit en actionnant les roues de sa chaise roulante. Elle se proposa pour l’aider, mais il refusa gentiment, n’allant pas bien loin. Elle referma finalement la porte doucement derrière elle, et repartit s’assoir sur son lit. Elle observa l’adresse et le nom qui se trouvaient sur l’enveloppe, et fut encore plus surprise quand elle se rendit compte que ce n’était pas le sien, et en plus ce n’était pas la bonne adresse. Les facteurs, parfois, avaient un sérieux problème… celui-ci devrait aller s’acheter une nouvelle paire de lunettes. La tentation d’ouvrir le battant de papier la prit, mais finalement, elle ne le fit pas. Ce n’aurait pas été juste, et elle n’aimait pas fureter dans la vie des gens (contrairement aux commères qu’elle croisait à longueur de journée). Elle reposa donc la lettre sur le lit, pile au moment où Alfirin décidait de lui sauter dessus. Surprise, elle sursauta.

« Tu m’as fait peur, patate ! »

« T’avais qu’à faire un peu plus attention à moi, ingrate ! »

Naomiie rit alors que la boule de poils blanche riait mentalement avec elle. Elle prit sa chatte dans ses bras, et cette dernière termina par grimper sur son épaule, tandis que la jeune fille remplissait un petit sac bandoulière avec son porte-monnaie, une carte de l’île et une ou deux barres chocolatées si jamais elle avait un petit creux. Elle termina son sac en plaçant délicatement l’enveloppe dedans. Elle sortit enfin de son petit appartement, fermant derrière elle à clé. Elle glissa cette dernière dans son sac, puis partit en chantonnant. Elle traversa les ruelles sombres, jetant des regards méfiants autour d’elle. Même quand le soleil était au rendez-vous, elles étaient particulièrement inquiétantes, et ce n’était pas rare de retrouver un ivrogne allongé sur une pile de sacs poubelle, ou encore un drogué en train de divaguer dans un coin. Enfin, elle ne resterait heureusement plus très longtemps dans cet endroit mal famé et peu digne d’une jeune fille telle qu’elle. Retrouvant enfin le monde civilisé, elle entra dans une rue marchande. Elle arqua un sourcil en jetant un regard intéressé à l’adresse. C’était à Chloris, visiblement. Ce serait très long à pied… Et si elle trichait un peu ? Elle prit son élan, puis appela le vent à elle. Ce dernier lui répondit immédiatement et la souleva dans les airs, la rendant aussi gracieuse qu’un papillon sortant de sa chrysalide. Alfirin eut un petit grognement aigue.

« T’aurais pu me prévenir quand même ! Un peu plus et je tombais ! »

« Mais non voyons, je te porte aussi ! Et puis, je suis là ! »

« C’est bien ce qui m’inquiète… »

« Rha, c’est toi, l’ingrate, en fin de compte ! Je peux te laisser tomber, si ça te dit… »

« NON ! »

Elles rirent à nouveau ensemble. Elle caressa doucement le pelage de sa liée, et cette dernière lui répondit pas un ronronnement dans l’oreille. Elles parvinrent à une vitesse impressionnante, surplombant la ville d’une dizaine de mètres. Bientôt, elles arrivèrent aux murailles de la ville, puis volèrent à présent au dessus de la plaine florissante. La jeune fille descendit encore plus bas, volant à plat ventre, frôlant les plantes odorantes. A son approche, une nuée de papillons s’envolèrent autour d’elle. Elle rit, puis cueillit une fleur du bout de ses doigts. Elle sentait délicieusement bon. Finalement, elle vit enfin la ville de Chloris. Freinant elle reprit sa position verticale, et elle se posa délicatement dan l’herbe fraîche, à quelques pas de la porte de la ville. Elle sourit à Alfirin, puis y pénétra, sortant sa carte afin de se frayer un chemin vers la rue recherchée. Elle trouva enfin l’endroit, puis chercha le moyen le plus rapide d’y arriver. Elle se mit en marche, tenant la carte devant elle, tel un guide. Elle traversa les rues de la ville toute neuve, se rappelant les délicieux instants qu’elle y avait passés, lors de l’anniversaire de l’île, au théâtre. Elle était magnifique, et sentait bon les fleurs de la prairie qui l’entourait. Les rues étaient décorées de fleurs, les gens semblaient heureux… c’était vraiment une belle ville. Enfin, elle se retrouva dans la rue recherchée. Le bon numéro, à présent… elle s’avança, comptant le nombre de maisons, puis finalement trouva celle où on pouvait voir accroché le bon nombre. Elle se planta devant la porte, hésitante, puis ce fut Alfirin qui la poussa à agir plutôt que de rester à poireauter comme ça. Elle frappa doucement à la porte, qui semblait assez vieille. Elle s’ouvrit alors, cédant le passage à une jeune femme qui devait avoir environ un vingtaine d’année, peut être moins. Elle était jolie, avec de longs cheveux blancs et un regard très clair, quasi-transparent. Naomiie lui fit un petit sourire timide, puis sortit la lettre de son sac.

-Bonjour, euh… Gaiel Tagiba, je présume ? Désolée de vous déranger, mais j’ai reçu cette lettre chez moi, et il semble qu’elle vous soit adressée.

Elle lui tendit la lettre en souriant un peu. Ces facteurs font de telles erreurs parfois…

-Ahahaha ! Une nouvelle factrice hein ? Dois-je vraiment vous faire le même cinéma que tous vos collègues ? Rah les facteurs de nos jours je vous jure !

Et alors, sans aucune autre forme de procès, la jeune femme lui claqua la porte au nez. Naomiie ouvrit de grands yeux, autant que sa bouche était entrouverte lorsqu’elle avait tenté de la rappeler juste avant que la porte ne se ferme. Elle se retrouvait donc devant une porte, bras ballants, bouche ouverte et une expression incrédule sur le visage, le bras tendu en avant. Son visage vira au cramoisi. Elle avait tellement honte, sur le coup, dans cette situation… Mais l’autre personne ne l’avait pas du tout écoutée. Elle avait donc fait tout ce chemin pour rien ? Elle secoua la tête. Pas tout à fait. Elle alla déposer l’enveloppe dans la boîte aux lettres de la femme avant de s’éloigner dans la rue. Elle prit bien appui sur ses jambes, s’apprêtant à s’envoler à nouveau, portée par le vent lorsqu’elle entendit la voix de la femme qui l’appelait, d’un ton plaidant.

-Attendez ! Je suis désolé je n’aurais pas d...

Naomiie se tourna pour la regarder juste à temps pour la voir tomber après qu’un de ses pieds ait buté contre une pierre mal placée. Alors, elle put voir sa chute comme au ralenti. Les cheveux blancs de la femme volant derrière elle, ses bras et mains tendus devant elle à la recherche de quelque chose à quoi se rattraper, l’expression stupéfaite sur son visage… mais alors, quand La « chose » à quoi elle se rattrapa fut Alfirin, tout s’accéléra. Naomiie ressentit une intense douleur au niveau de son dos, où les poils d’Alfirin furent tirés brutalement pour l’ange en mauvaise posture. Elle eut également droit au supplice d’un hurlement mental, tendis que le chat lançait un miaulement suraiguë. Ne répondant qu’à son instinct à cet instant, la boule de poil griffa violemment le visage de l’inconnue qui poussa un petit cri de douleur. Lorsqu’elle l’eut enfin lâchée, elle bondit de côté, se léchant immédiatement les poils à l’endroit où ils avaient été agrippés. Naomiie se frotta le dos au même endroit. Quelle plaie d’être autant liée à elle, par moments… Enfin, au moins, elle pouvait comprendre sa douleur… L’elfe se pencha en avant, pour observer les dégâts occasionnés au visage de la jeune femme, qui releva la tête au même moment, dévoilant plusieurs larges griffures plutôt profondes sur une grande partie de son visage – mais heureusement ses yeux n’avaient rien. Naomiie prit une inspiration inquiète, puis tandis qu’elle lui demandait de l’aider, elle la souleva, mettant son bras sous son épaule.

Elle la porta jusqu’à sa maison, son petit chat à leurs trousses. Elle entra dans la maison qui était restée ouverte dans la précipitation de l’ange confuse, puis referma la porte derrière elle d’un coup de pied. Elle l’amena jusque dans une chambre aux allures modernes, contrairement à la pièce principale. Elle la déposa sur son lit, puis se hâta dans la cuisine à la recherche de quoi la soigner. Elle trouva enfin une boîte à pharmacie avec un grand soulagement. Elle se précipita au chevet de l’ange, puis ouvrit la mallette. Elle sortit un paquet de cotons et en imbiba un de désinfectant. Elle lui appliqua soigneusement sur ses plaies qui saignaient, grimaçant en voyant tout le sang s’en échapper. Elle appliqua ensuite des bandages sur son visage. Cela stoppa heureusement l’hémorragie, et il semblait que la jeune femme était sur le point de tomber dans les pommes. Elle alla dans la cuisine rapidement, puis revint avec un grand verre d’eau fraîche. Elle souleva délicatement la tête de la blessée, puis lui fit boire doucement l’eau, avant de la redéposer sur ses coussins.

-Vous avez encore mal ? Vous voulez peut-être de la glace pour votre visage ? Et, au fait, je m’appelle Naomiie Alyn, désolée de l’incident…

Alors, la réplique ne se fit pas attendre.

-Non non j’ai pas du tout mal je suis juste en train de perdre la moitié de mon sang mais tout va bien ! BIEN SUR QUE NON CA VA PAS ! De la glace ? Ca va changer quoi à part ma consommation d’électricité ? Et enchanté Naomiie, c’est un très joli prénom… MAIS ON PEUT PAS ETRE JUSTE DESOLEE JE PISSE LE SANG MERDE !

Naomiie ouvrit de grands yeux surpris. Bon… elle avait un bon cœur, mais pas un sang froid à toute épreuve non plus. Heureusement, elle n’est pas du genre à crier sur son entourage même en cas de grosse colère. Enfin, on n’est même pas sûr de l’avoir déjà vu ayant une grosse colère. Mais seulement, Naomiie ne s’énerve pas à proprement parler. Non, au contraire. Elle se vexa aussitôt, et une boule se forma dans sa gorge, puis soudain ses yeux s’emplirent de larmes. Un sanglot s’échappa de sa gorge alors que la demoiselle en face d’elle se rendait compte de son erreur et tentait de la rattraper. Après tout, ce n’était pas sa faute si l’ange s’était retrouvée dans cet état…

-Oh euh… Je suis désolée, je me suis emportée, c’est parce que c’est la première fois que je perds autant de sang. Et comme vous le savez, je suis Gaiel, Gaiel Mitzo-Tagiba mais tout le monde oublie le Mitzo sur les enveloppes. Tu peux m’appeler simplement Gaiel…

Pourtant, sur le coup, les larmes de Naomiie ne semblaient pas vouloir cesser, et elle continua à sangloter entre ses mains qui lui recouvraient le visage. La jeune femme continua de tenter de la réconforter, et finalement l’elfe réussit à faire cesser le flot de larmes qui coulaient de ses beaux yeux bleus. Elle se frotta les yeux, tous rougis par ses larmes, puis regarda la jeune femme en face, qui désirait se faire aider. Seulement, elle devait être à moitié sonnée juste avant car elle l’avait déjà pansée, et elle ne saignait plus. Se frottant la tête, Naomiie se racla la gorge pour ne pas que sa voix soit enrouée par ses pleurs.

-Hm, Euh… Je veux bien vous aider, bien sûr, mais regardez bien, vous ne saignez plus, je vous ai déjà pansée et désinfectée…

Elle avait parlé d’une voix timide, de peur que l’autre ne se remette à lui hurler dessus. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle la considérait comme bonne à interner, elle avait juste perdu son sang froid. Il y a des personnes comme ça, qui perdent un peu la boule – si je puis dire – quand elles s’énervent… Mais elle s’était rendu compte de ce qu’elle avait dit, contrairement à d’autres. Mais pour continuer, la demoiselle allongée sur le lit lui désigna le placard qui se trouvait… au plafond ? Il était vraiment très haut… quelle idée. Elle lui dit qu’il y aurait de quoi la soigner dedans, de façon plus complète. La jeune elfe se leva donc, sautillant sur elle-même pour tenter de toucher le placard, mais celui-ci semblait totalement inaccessible.

-Oh euh… Il bouge ce placard. Je vais devoir attendre on dirait.

Mais pourtant, ça ne pouvait pas être bien d’attendre, car Naomiie voyait que les pansements qu’elle lui avait enroulés autour de visage se teintaient déjà de rouge. Alors cette fiche hémorragie n’avait pas cessé ? Les pansements de retenaient pas grand-chose… en effet, il lui faudrait autre chose pour mieux la soigner. Le visage, pâle, de la demoiselle s’illumina un peu, alors qu’elle lui proposait de voler jusqu’à l’étagère. Mais oui ! C’était une brillante idée. Elle oubliait sans cesse son pouvoir, dans ce genre de situations. Mais, encore heureux, elle n’avait même pas besoin de vent pour s’élever à une telle hauteur. Elle ne prit donc même pas la peine d’ouvrir la fenêtre.

-C’est une très bonne idée ! Mais je n’ai pas besoin de vent pour m’envoler…

Elle se ramassa un peu, solidement appuyé sur ses deux jambes, puis bondit vers le plafond, se laissant porter par l’air de la chambre. Arrivant enfin à hauteur du fameux placard, elle l’ouvrit, puis en sortit tout un attirail de soin. Elle prit tout dans ses bras, puis redescendit, se posant délicatement sur le sol à côté du lit. Elle montra d’un geste victorieux l’équipement de soin qu’elle portait, puis se pressa de débander le visage de la demoiselle, jetant précautionneusement ceux ensanglantés, puis recommença son petit travail d’infirmière. Elle désinfecta les griffures, puis enroula les pansements autour de son visage, recouvrant les plaies mais faisant bien attention à ne pas lui gêner les yeux, le nez et la bouche. Lorsqu’elle eut terminé, elle prit un antidouleur qu’elle dilua dans un verre d’eau, puis aida la blessée à le boire. Lorsque ce fut fait, elle s’assit sur le bord du lit.

-C’est mieux maintenant, vous avez moins mal… ? Et, tout à l’heure, je crois que vous n’avez pas compris ce que je voulais dire par vous donner de la glace…

Et alors, l’elfe redressa sa main qu’elle recouvra entièrement de sa magnifique glace.

-C’est parfait pour éviter que des microbes envahissent vos plaies, et ça fait baisser la fièvre…

Elle posa sa main sur le front de la jeune femme, qui effectivement, en avait. D’ailleurs, ça se voyait. Son ton pâle avait disparu, mais elle était un peu rouge, à présent, montrant qu’elle devait avoir chaud. Naomiie espérait sincèrement que cette fois elle ne rejetterait pas ses services…