bitches never walk out { aelicya }

Ouvrir la bouche et prononcer la moindre réponse aurait été une erreur de débutante. Aelicya se contenta d'observer du coin de l'oeil la serveuse interpeller son boss, l'air faussement désintéressé. Quand l'attention se retourna vers elle, il était temps de rompre le silence, tout en laissant traîner un air dédaigneux en direction de l'employée qui avait osé détourner ladite attention.

« — Aelicya. »

Elle savait que l'air faussement désolé qu'il avait su afficher à la réplique précédente n'avait rien du gentleman bien éduqué et respectueux. Le sourire qu'elle avait calqué sur ses fossettes avait quelque chose de terriblement agaçant et innocent à la fois. La retenue n'était qu'une apparence.

« — C'est ça le problème avec ce genre de filles. On ne peut pas faire confiance à leur sens des responsabilités. »  

Il n'y avait plus que quelque chose d'agaçant. Se croire supérieure aux autres et permise de tout jugement sur qui valait moins qu'elle. Elle chercha l'affrontement visuel avec le patron du bar, mais détourna l'attention le temps de commander quelque chose de plus corsé. La soirée s'annonçait plus amusante, tout d'un coup.

« — Alors monsieur Valkyrie ? Il me semble que vos jolies créatures vous fassent faux bond, malgré que la salle soit bondée. »

Elle était d'une indiscrétion folle quand il s'agissait de pimenter sa vie monotone.
La vampire prit le temps d'observer son vis-à-vis et de jauger l'intérêt qu'il était capable de susciter. Il n'était à l'évidence pas un jeune débutant. Celui qui ne connait rien à la vie et qui méritait des claques pour son audace.

« — Je suis follement impatiente de découvrir votre plan B. Vous en avez un n'est-ce pas ?»

Aelicya attrapa le nouveau cocktail fraîchement servie et prit la paille entre ses lèvres, comme une gamine au cirque impatiente de voir le dompteur agiter les fauves.

☾ anesidora

« — Entre les... ?» Ah - un instant inattention et l'attaque fut surprenante, directe - frontale. Les mots reliés les unes aux autres par la voix encrassée à la fumée des cigarettes brunes lui fit l'effet d'une bombe et elle ne réprima rien de la surprise, la vexation - un peu de dégoût aussi. Elle descendit de son tabouret comme si se mettre sur ses deux jambes lui donneraient un peu plus de hauteur - ironique.

« — Je ne suis pas une de vos putes. »

Elle avait la franchise dans la voix et l'impétuosité dans le regard - quand elle lui fit face trop proche, tout l'alcool qui coulait dans ses veines la rappela néanmoins à sa position qui ne lui permettait aucune négociation. La même ivresse qui lui intimait que le jeu en valait la chandelle - peut-être était-ce ces iris pétillantes qui venait de la défier.

« — Mais... » Elle s'arrêta, prit l'air de réfléchir alors que dans ces moments-là, elle ne réfléchissait jamais. « — je crois que j'ai envie de vous montrer que je suis bien mieux encore. » elle se permit d'ajouter une auto-suggestion de supériorité évidente sans oublier de réduire la distance entre eux - plus pour accentuer la tension entre eux qu'autre chose. Elle jeta entre les mains du patron sa pochette griffée - il n'y avait pas grand chose de précieux dedans, elle pouvait se le permettre - et tourna les talons en direction de la table centrale.

Un des hommes qui avait observé le jeu malsain qu'une parfaite inconnue avait osé débuter avec le maître des lieux lui tendit la main, dont la sang-pur se servit pour monter plus facilement et sans avoir l'air ridicule au centre de la scène - la sienne pour quelques minutes.

Une fois en hauteur, elle sentit son coeur tambouriner comme pour lui rappeler qu'elle venait de commettre une erreur - peut-être. Est-ce qu'elle pouvait vraiment faire ça ? Est-ce qu'elle en était vraiment capable ? Elle se tourna vers son bourreau d'un soir - blessée dans son propre orgueil. Et quand elle croisa son regard - méprisant un peu, rempli de défiance, elle fronça les sourcils et agrippa le côté droit de sa veste, en mutant sa crispation en un sourire mutin, également adressé au patron plus que les clients.

Aelicya était consciente que le son même de ses talons avait imposé une ambiance pesante et laisser le temps en suspens pour tous les clients avides du prochain numéro. Elle adorait l'attention plus que le reste encore - et peu importe si demain sûrement elle le regretterait. Alors elle laissa son esprit divaguer pendant que ses hanches s'agitaient au rythme de la musique suave, et que ses mains dessinaient des gestes évocateurs - provocateurs.

Elle ne se rappelait pas combien de minutes cette comédie avait duré. Ni même combien de sifflements indécents elle avait laissé coulé autour de ses mouvements - elle se souciait juste du fait qu'aucune de ces mains crasseuses n'avaient osé la toucher. Dans sa supériorité entière, elle aimait l'acclamation et le désir qu'elle lisait dans chaque regard qui observait la danse trop sensuelle pour ne pas révéler une part de vérité.

Elle arrêta le trop plein de luxure quand il s'agissait d'enlever plus que le corsage en dentelle qui lui servait de sous-vêtements. Elle souffla intérieurement quand la lumière se fit plus tamisée alors qu'elle revenait sans le vouloir dans sa position initiale - avec moins de tissus cette fois ; en talons toujours. Ses cheveux étaient décoiffés et sa peau était transpirante - toutes les preuves de l'acte que certaines ne lui pardonneraient pas, elle le savait. Mais peu importait à cet instant.

Seulement de descendre du podium sous un brouhaha qu'elle préférait interpréter comme des applaudissements fiers, presque une réclama, plutôt que le grincement sauvage d'hommes en frustration. Et elle n'y prêta aucune attention. Elle reprit simplement la main de l'inconnu qui l'avait aidé à monter - l'accompagna d'un sourire, et renfila toute l'arrogance et la fierté d'avoir mis au tapis le patron, plus encore que ses propres vêtements.

« — Alors patron ? Je crois que tu m'en dois une. »

Son souffle était court, et elle prit le temps de renfiler la chemise tombée quelques instants plus tôt, sachant pertinemment que certains se délectait encore du corps à moitié nue.

« — Je pense aussi que tu peux t'excuser. Au moins pour le balai. »

Elle était victorieuse - et fière de l'être. Alors elle s'octroya le verre de Darragh et le finit d'une traite, simplement pour lui confirmer qu'il avait tort, une fois de plus.

☾ anesidora

Aelicya se délectait de la vague de torpeur qu'elle avait installé, et ils auraient été naifs de penser qu'elle ne l'avait pas fait exprès - Darragh lui même ne semblait pas dupe, quoique surpris par une femme qui fait rimer stricte avec dévergondée dès lors qu'on titille son orgueil. La victoire était d'autant plus savoureuse quand il y avait récompense au bout. Mais dévergondée ne voulait pas dire pressée.

« — Je ne suis pas une femme si impulsive. Laisse-moi savourer et réfléchir. Tu tiens un bar - et l'alcool me fait penser plus lentement. »

Elle lui adressa un clin d'oeil, et si elle n'avait pas été nouvelle en ces lieux, on aurait pu penser qu'ils se connaissaient depuis des années vu la proximité qu'elle ne semblait pas gênée d'instaurer. Il était trop séduisant pour qu'elle s'y astreigne.

« — Dis donc. C'est ça ta technique de drague ? Tu provoques les femmes en les défiant de monter sur ta petite scène et après tu les mets dans ton lit ? »  

La situation amusait plus la vampire qu'elle ne la dérangeait. Elle avait parfaitement conscience de ce qu'on venait chercher dans ce bar - et ce qu'elle y obtiendrait selon ses propres limites. Elle croisa ses jambes en remontant sur son tabouret, tout en se penchant vers Darragh et prenant le soin de ne pas réduire de trop la distance entre eux.

« — Je te préviens, il est hors de question que je travaille pour toi. »

Elle avait jaugé - et jugé - les serveuses dès son entrée et décidément, elle se considérait comme supérieure - en tout points. Mais n'avait pas exclu le reste de son observation.

« — Tu as quand même du culot. C'est presque vulgaire.»

Dit la femme -stricte- pas tout à fait rhabillée de son show autour d'une barre transversale.

☾ anesidora