Dawn is coming [ft. Eris ♠ Agrippine O. Ryan]

Un soupire, presque d'agacement, sortie d'entre mes lèvres. Sous mes yeux défilait le royaume du sombre seigneur Hadès, que je ne portais plus en mon coeur que comme une égocentrique déité qui punissait sans vergogne. Grâce à lui, j'avais ouvert les yeux sur ce qui faisait que beaucoup d'humains n'aimaient pas les dieux. Même en les servant, je ne pouvais plus croire dans le bien-fondé de leurs actes, de leurs paroles, parce que j'étais abîmée par le lourd fardeau de devoir les supporter. Certains, peut-être un grand nombre, ne se rendaient pas compte de ce qu'ils demandaient à de simples mortels tels que nous pouvions l'être, nous les chimères, nous leurs enfants, nous leurs servants. Ils se croyaient supérieurs, magnifiques, puissants. Il étaient supérieurs et puissants, mais magnifiques dans leur narcissisme et la faiblesse que cela leur apportait. Un geste et les Titans ne pourraient faire qu'une bouchée d'eux. Encore fallait-il que quelqu'un leur en donne l'occasion, et cela n'allait pas venir de moi. Car même si je ne les estimais plus comme autrefois, je ne voulais pas non plus que le monde sombre dans la folie de la guerre, d'une guerre sainte qui détruirais tout. Pour l'humanité, je faisais preuve de mesure dans mes jugements. C'était ce que cela m'apportait d'avoir vécu parmi les hommes et non les dieux.

À mes côtés, Charon cessa de ramer et descendis de sa petite barque. Je fis de même. Il me fixa. Je fis de nouveau de même. J'avais changé. La partie blanche, la partie ange en moi-même s'était assombrie pour se colorer d'un gris perle, menaçant de basculer toujours plus vers le noir des Enfers. Il le savait, il me connaissait par coeur. Il me prit dans ses bras comme un père l'aurait fait avec sa fille après trois semaines de vacances sans la voir. Je lui avais manqué, il me le murmura à l'oreille sans que cela ne me touche réellement. Je l'aimais énormément, cependant je ne pouvais pas me satisfaire de l'affection qu'il me portait. Je ne pouvais pas m'en contenter. Pas pour le moment, alors que je me sentais si solitaire. Je n'étais plus ni ange ni infernale, alors qu'étais-je au juste ? J'avais besoin de me retrouver avec Ombre, uniquement Ombre.

Pourtant, le Passeur avait toujours fait partie des personnes les pus proches de moi. Conscient de ma fragilité, de ma force également, me connaissant comme s'il m'avait faite, il avait été un confident, un ami et un guide dans cette vie faite de morts. Il me sourit légèrement et ouvrit un portail. Je lui lançai une oeillade morne avant de le passer, me retrouvant dans la forêt de l'île. Cela apporta un peu de baume sur mon coeur défraîchi : il avait choisi le parfait endroit pour que je puisse me recueillir. Il faisait nuit, mais une légère lueur à l'horizon m'indiqua que le jour n'allait pas tarder à se lever. Un vent frais soufflait entre les arbres murmurants. J'avais toujours mes habits très peu gracieux du Tartare mais je n'avais pas pris le temps de quitter cette chemise trop grande et mon pantalon en toile abîmé au niveau des genoux et des cuisses à cause de mes longues marches et escalades. Je levai le nez vers le ciel. Enfin je voyais les astres, les nuages, l'espace. Dans mes veines, je sentis couler un sang presque neuf. Mes pouvoirs, ma magie. Ils revenaient en moi comme une puissante vague. Sur mon front apparue une seconde le croissant de lune alors que je fermai les yeux, un léger sourire flottant sur mes lèvres un peu sèches.

- Enfin...

J'entendis un cri dans le ciel, que je reconnus. Ombre vola et se posa sur une branche, au-dessus de ma tête. Le volatile me fixa avant de claquer son bec. Je hochai la tête. Je me sentais enfin complète avec mon affilié à mes côtés. Je m'étais sentie vide et seule au Tartare malgré la présence de Gordon qui m'avait bien aidé. Je fis quelques pas et je montai à l'arbre déjà occupé par la vautour, me posant sur la même branche. Je plongeai ma main dans son plumage. Il était doux, mais un peu rêche à certains endroits. Un nouveau soupire s'échappa de mes lèvres purpurines alors que mon regard bleu, moins profond qu'autrefois, se fixait sur le ciel qui virait de plus en plus au rouge presque sanglant, comme s'il avait un poignard planté dans le coeur.

J'étais libre, j'étais de retour, j'avais retrouvée pouvoirs et affilé. Et pourtant, j'étais vide.