Hiketsu no Ame [PV. Chihiro Hoshiko]

Jour de pluie, jour de tristesse. Je ne pouvais m’empêcher de paraître plus renfermé sur moi-même et avoir encore plus envie d’être seul dans ces moments-là. Le jour où mes parents avaient quitté cette cage dorée, il pleuvait autant qu’aujourd’hui, ce qui me rappelait donc de très mauvais souvenirs. Je souffrais en silence, seul, errant dans les bois. Je ne pensais plus à rien et le vide s’infiltrait dans ma tête, je le laissai faire. Les yeux mis-clos, je zigzaguai comme une âme, recherchant un corps, entre les arbres qui se trouvaient sur le chemin que j’avais choisis d’emprunter en début de soirée. D’un pas délicat et lent, je m’infiltrai entre les nombreux feuillages, évitant le plus possible le chemin déjà tracé par autrui, je ne recherchai pas la facilitée, je ne recherchai pas la difficulté, juste la solitude qui semblait me fuir. Pour une fois, dame la lune ne montrait pas son bout du nez, étant voilé par ses gros nuages épais et gris, rendant le paysage triste et effrayant à la fois.

Ni la peur, ni le froid ne me faisaient reculer : j’étais trempé, trempé jusqu’aux os. Je n’avais pas pris de veste et je m’étais aussitôt aventuré dans les bois lorsque le soleil s’était tu. J’étais simplement vêtu d’une chemise à manche courte d’un blanc trempé, tirant sur le transparent et d’un jean noir, tout ce qu’il y avait de plus basique en ce monde. Mes chaussures ? Je n’en avais point, même pas de chaussette, j’étais juste pieds nus, ayant alors la capacité pour grimper le long des écorces mouillées pour me hisser en haut d’un arbre et m’allonger sur l’une de ces hautes branches remplies d’un feuillage épais. De là-haut, je surplombai une bonne partie de dame la forêt et ainsi que le petit sentier que j’avais tant évité tout à l’heure. Je ne ressentais aucune présence et même si cela s’avérait être faux, il faudrait vraiment que les personnes en questions soient assez folles pour se promener à cette heure et sous cette pluie glaciale. J’étais convaincu que personne n’aurait l’audace de lever les yeux vers le ciel grisonnant, je m’endormis.

Malheureusement, cette hypothèse s’avéra être fausse, complètement fausse. Une voix féminine se porta à mes oreilles et l’odeur d’un « intrus » démontrait bien le contraire d’une bonne solitude. Je me redressai alors légèrement, daignant observer le sol de mes yeux dorés pour en chercher la source. Lorsque la cible fut identifiée, je me recouchai le long de ma branche comme si je n’avais rien entendu, passant alors pour un asocial aux yeux de la personne qui avait le même regard que le mien et que celui de mes parents … Tout aussi doré et si … Vampirique …

Retourner à ma solitude, voilà ce que je convoitai temps. Les yeux mis clos, je tentai d’oublier la fille que j’avais aperçu et qui me faisait temps repenser à ma défunte mère. Celle qui m’avait abandonnée. Où étaient-ils, mes deux géniteurs ? Étaient-ils réellement morts ? Quelle question débile, bien sûr que oui, ils étaient morts et enterré dans mon cœur, plus rien me liant à eux, plus aucune corde ni chaîne. J’étais désormais un orphelin, un homme solitaire ayant légèrement repris goût à la vie depuis quelques nuits. Un soupir s’échappa du fond de ma gorge et de ma bouche, se mêlant au bruit fort de la pluie qui tombait en ce moment. Je restai là, tranquillement installé sur la branche que j’avais préalablement choisi pour me reposer un instant, me laissant tremper par l’élément eau qui faisait son petit caprice de la journée. Mais alors que la pluie rendait mes sens confus, alors que je crus l’enfant parti, je l’entendis de nouveau, m’informant sur une chose qui me laissa perplexe. Les yeux grands écarquillés sur le ciel grisonnant, les bras derrière ma tête, je ne bougeai plus d’un pouce. Je devais avoir mal compris, oui. J’avais mal compris, aucun doute. Je me trompai lourdement. Je ne pouvais avoir de sœur.

Mais ce qui me fit revenir à la normale, ce fut ses autres paroles avec cette affirmation qui me resta en travers de la gorge : une gamine que je ne connaissais pas voulait me prendre pour époux. La bonne blague ! Elles sont où les caméras cachées, que je rigole un bon coup au lieu d’être si tendu malgré que mon visage n’émette pas ce sentiment ? Non, mais sérieusement, qui était cette fille pour me demander pareille chose ? Comme si j’allais m’aventurer dans ses bras alors que j’ai déjà une personne qui m’ait chère. Pitoyable. Me redressant et plongeant mon regard doré dans le sien semblable au mien, je sautai de tout en haut et me plantai alors juste devant elle. Elle était plus petite que moi et devait lever la tête pour me regarder. Je ne souriais pas, je ne faisais pas non plus la gueule : j’étais d’une neutralité colossale, comme d’habitude, très stoïque. Je relevai mon bras et lui fis une pichenette sur son front pour lui signifier que ce n’était pas elle qui allait décider et que ce n’était qu’une gamine. Donc, que je n’allais pas la croire. Néanmoins, j’allais abandonner mon quota de paroles pour lui expliquer clairement que je n’avais rien à fiche d’elle et qu’elle devait déguerpir aussi vite pour aller rejouer avec ses poupées.

- Écoute-moi bien, je ne te connais pas et je n’ai pas de parents. Tu ne peux pas être ma sœur, tu te trompes lourdement et qui plus ait, j’ai déjà quelqu’un dans ma vie. Va donc jouer avec tes poupées au lieu de te tremper pour rien.

Je repoussai l’une de mes mèches blondes qui m’avaient barré la route et qui me collaient au front. Mes yeux dorés n’avaient pas pu quitter les siens et je me posai encore plus de questions sur cette demoiselle fortement capricieuse à mon goût. Je lui avais tout ce que j’avais à lui dire, sur mon ton neutre et froid, je pouvais à présent partir. Me mettant dos à elle, j’empruntai le chemin tracé plein de boue en direction d’un autre endroit potentiellement inhabité.

Je fus stoppé net devant ces affirmations si vraies. Comment savait-elle tout cela ? Avait-elle enquêté ? Quelle horreur, je n’aimais pas cela. Il était vrai que ces derniers temps, je me sentais légèrement observé, épié dans mes moindres mouvements et j’avais eu des difficultés à quitter cette impression qui savourait être sûrement vraie. Je n’avais pas envie d’y croire et j’allais tout faire pour le nier le plus possible, et même si cela veut dire que je dois mentir. Je n’ai pas de sœur, je n’ai plus de père ni de mère, je n’ai plus de famille. Le dernier qui porte ce nom de famille dans les parages, c’est moi seul et personne d’autre. Cette fille n’est rien, elle ne viendra pas empiéter dans ma vie, je ne la laisserai jamais poser ses pattes sur moi et être une sœur exemplaire. Je n’avais rien envie de faire avec elle, ni être un frère et encore moins un époux. Quelle audace elle avait de se présenter comme une fleur après tant d’années. Était-ce nos parents, qui lui avaient demandé pareilles idioties ? Je restai dos à elle, resserrant mes poings tout en m’y enfonçant partiellement mes griffes dans cette chair si tendre. Je n’acceptai pas cela et je ne l’accepterai jamais.

- Je le nie. Je ne te connais pas et je ne veux sûrement pas te connaître.

Je me retournai une dernière fois, observant un visage si étrangement familier au mien. Des cheveux dorés similaires au mien recouvraient sa petite tête d’enfant. Des yeux transperçant les miens de leur même couleur hypnotisant. Son visage et chacune de ces formes me rappelaient ceux de ma chère mère, celle dont e visage me revenait peu à peu. Je ne voulais pas m’en souvenir ! Remuant ma tête de droite à gauche et plissant fortement des paupières pour en faire disparaître les quelques miettes qui s’étaient incrustées au fond de ma mémoire. La vie était bien faite de surprise, de mauvaises surprises. Moi qui avais retrouvé un peu de bonheur, tout venait de s’envoler en éclat rien qu’avec cette gamine. L’affrontant de mon regard, je glissai quelques paroles froides, tout en daignant garder ce visage si dépourvu de sentiments qui m’allait si bien.

- Je ne veux plus avoir à faire avec toi. Dégage.

Comme j’en avais bien peur, elle ne se retira pas pour autant, c’était un petit côté venant de ma famille. Que j’avais bien sûr renié le plus tôt possible après ma séparation. Je n’avais plus rien à faire avec eux alors autant ne plus être sur la même longueur d’onde, histoire de ne plus être comme eux et de vivre une vie des plus agréable. Malgré le faite que j’ai vécu plus de mille ans seul, éloigné le plus possible de toutes civilisations sauf dans des cas d’urgence et pour en apprendre davantage sur le monde qui m’entoure. J’avais beau être fatigué par cette ancienne vie, prêt à mourir le plus tôt possible, j’avais désormais changé, rien qu’en croisant les yeux vairons de celui qui hantait mon cœur, aujourd’hui n’en faisant aucunement exception. Lui seul avait entouré mon cœur d’une couche de baume, m’enveloppant dans ses bras, prêts à consoler toutes mes peines et blessures vitales. Lui seul était celui que je voulais consoler. C’était la seule personne que je voulais à me coter, je n’en désirais point une autre et encore moins ma « sœur ». Surtout pas elle, tout, mais pas elle, rien n’ayant en rapport avec ce passé qui me hante encore, chaque fois que je ferme les yeux. Sur chacune de mes paupières, je vois du sang et toutes les folies liées à cette séparation, je revois les morts me suppliant de les épargner, je les vois agoniser à mes pieds tandis que moi, je les écrase. Et si seulement je n’étais jamais venu au monde, cela aurait été tellement mieux, pour moi comme pour ceux de mon sang ainsi que mes victimes. J’ai encore peur de redevenir la bête d’avant, peur d’échapper au temps et de devenir incontrôlable. Peur de revoir ceux qui mon poignardés le cœur et osés avoir eu un autre enfant. Je reniais tout, absolument tout et rien n’allaient me persuader du contraire ! J’étais décidé et remonté intérieurement sans gâcher ce visage sans aucun trait d’énervement ou de tristesse.

Mon regard neutre chercha de nouveau le sien, il m’avait échappé et je n’aimais pas que cela se passe ainsi. J’aimais que l’on me regarde, que l’on défît le mien et que je pèse sur le leur pour montrer à quel point tout m’était insignifiant. Dissuader toutes sortes de choses débiles et sans sens pour ma personne, être égoïste comme jamais. Le temps filait comme les gouttes d’eau recueillies dans une main pourtant creuse. Personne ne peut le retenir, il continu son chemin et nous file entre les doigts. Impossible de l’attraper, impossible de l’arrêter, seul le ralentir est en notre pouvoir. Ce fut ce que je ressentais à présent, plus je restai avec elle, plus le poids de la vie m’écrasait de toutes ses forces. Je n’en puis plus, je voudrais revenir en arrière et ne jamais me présenter sur cet arbre, ne jamais rencontrer cette « sœur », demeurer heureux auprès de Roxel.

- Si tu sais tout cela, et si tu as envie d’aider ton cher frère, alors dégage loin de moi. Ne m’approche plus et reste bien sage auprès de tes parents. Laisse-moi seul avec l’être que j’aime plus que toi et ne tâche plus de revenir comme une fleur. Je ne veux pas te parler ni même te connaître, comme tu dis, c’est à sens unique, alors fait demi-tour gamine et va t-en loin, très loin, dans ta chère prison dorée, dans les bras de tes géniteurs qui n’ont rien avoir avec les miens.

Depuis tout ce temps, depuis son arrivée, je n’avais pas bougé du haut de mon arbre. Je m’étais contenté de l’observer , tentant aveuglément de ne pas me livrer directement à mes sentiments ainsi refoulés. Cela s’était avéré plus difficile que prévu. Et qui plus est, elle avait soulevé de bons points qui pouvaient être encore débattus. Têtu comme j’étais, têtue comme elle devait être, tel un Hoshiko, la bagarre était d’avance un match nul. Chacun considérerait son opinion, et le maintiendrait jusqu’au bout. Nul doute, plus je la regardai plus je pouvais apercevoir, dans cette silhouette fine et longue, celle de ma soi-disant génitrice. Autant capricieuse et hautaine … Mais autant froide et mesquine que celui qui portait la signification d’un père. Biologique ou non, ils n’étaient plus rien pour moi, mais alors que je pensais avoir enfin fuit mon passé, fuit le plus loin possible, une petite ombre avait surgi de n’importe où et étrangement, je sentais que quelque chose n’allait plus être comme avant … Je déglutis difficilement sans quitter mon regard d’or de ses longs et fins cheveux d’ange. Je me demandais pourquoi m’avoir abandonné si c’était pour avoir un deuxième enfant … Cette fille, c’était ma sœur … Mêmes géniteurs … Mes doigts s’étaient resserrés contre l’arbre à tel point qu’il en reçut de lourdes séquelles : le bois craqua violemment comme si il y avait eu un impact. Elle s’écroula, et moi avec sans même crier garde, m’obligeant à regagner le sol sans demander mon avis.

J’étais à présent tout proche d’elle, si proche que son odeur familière s’attaqua à mes narines qui se dilatèrent dans l’immédiat. Quelques flash-back envahirent mon esprit, me troublant la vue et l’ouïe l’espace d’une minute : deux bras me prenant tendrement pour me bercer jusqu’à ce que le sommeille m’emporte sur son bateau blanc, parmi les flots d’un long fleuve tranquille. Cette odeur si familière … Une odeur de camélia, si belle fleur, glissant sur le tendre cou de ma chère mère … Comment pouvait-on passer de tendresse à orgueil en si peu d’années ? Pourquoi le bonheur d’avoir un fils ne leur était pas satisfaisant ? Pourquoi étaient-ils partis, loin de moi ? Temps de questions qui se bousculaient si précipitation me firent perdre quelque peu l’équilibre, obligeant mon lion au pelage d’or de jaillir de sa cachette. Je pu ainsi prendre appuie, faire le trie dans mon esprit en quelques poignées de secondes et enfin, redevenir moi. « Ta gueule. » Glissais-je simplement, plus calme qu’auparavant. Ce sang qui circulait dans mes veines semblait plus dégelasse que les fois précédentes. Était-ce du par la présence de cette princesse pourrie gâtée qui alimentait que plus ma répugnance ? Sans même déclarer mon geste à l’assistance, je vins m’entailler les veines de mon poignet avec mes longues griffes, laissant ainsi couler ce précieux liquide de vie devant les yeux de cette soi-disant sœur. La pureté de mon regard se tacha peu à peu de cette empestante odeur, à la fois alléché et dégoûté par ce vin de roi. « Infecte ».