Lames d'air, complicité retrouvée {Swen}

Aujourd’hui j’avais décidé de m’entraîner un peu dans la forêt. Courir, slalomer entre les troncs d’arbre -parfois si serrés qu’il fallait passer de profil-, grimper à leur cime, s’envoler depuis la plus haute branche pour piquer ensuite vers le sol en évitant les nombreuses branches… C’était quelque chose que je n’avais pas fait depuis longtemps. Et ça faisait du bien, tant au corps qu’à l’esprit. J’avais toujours eu besoin de me dépenser physiquement pour me sentir en forme. Un esprit sain dans un corps sain, comme on dit.

A mes côtés, Blaze s’en donnait également à cœur joie. Il me suivait sans peine et disparaissait parfois entre deux buissons, certainement en train de traquer une proie. La seule chose que je lui avais strictement interdit, c’était de cracher du feu. Je ne pense pas que les elfes seraient très contents qu’on foute le feu à leur précieuse forêt. Et j’avais pas envie de finir ma vie en hérisson, criblée de flèches. Il avait un peu boudé au début, mais maintenant c’était oublié. Il s’amusait comme un fou.

C’était aussi l’occasion d’évacuer les énergies et pensées négatives. Depuis que Maxime était partie vivre sur Terre avec son cousin, je me sentais un peu seule. De nouveau seule, plutôt. Bien sûr on avait gardé contact, mais sa présence me manquait. Toute une vie de solitaire ça finissait par vous peser à la longue. C’est vrai que je tenais à mon indépendance, mais cela devait-il rimer avec solitude ? ça sonnait faux.

Je m’arrêtai près d’un arbre pour m’appuyer contre son tronc et retrouver mon souffle. J’essuyai d’une main la sueur qui perlait sur mon front en dépit de mon bandeau de coureur -celui qui absorbe vous savez, super pratique. Puis je remarquai subitement le silence pesant. Je n’entendais plus Blaze et ses cavalcades bruyantes, ponctuées de ses cris de dragonnet -enfin non, de jeune dragon, il avait un peu grandi depuis tout de même. Je me retournai pour le chercher, mais je ne le vis nulle part. Allons bon, où était-il encore passé ? Je n’allais quand même pas passer le rester de la matinée à fouiller les buissons pour le retrouver… Je poussai un soupir excédé, bénissant ma tenue de joggeuse -short et débardeurs noirs. Je pris quelques secondes pour refaire ma queue de cheval, puis je me lançai à la recherche de mon crétin d’affilié.

- Blaze ? Où es-tu passé ? Aller, j’ai pas que ça à foutre, putain !

Ça faisait dix minutes que je m’égosillais, mais il restait introuvable. Ouh, j’en connaissais un qui allait être privé de pâté en rentrant ! Au moins, il n’avait pas -encore- provoquer d’incendie, je pouvais m’estimer heureuse. J’entendis un gémissement plaintif au loin. Je dégainai aussitôt une de mes lames, accrochées dans mon dos -c’était plus pratique que sur le côté, je le faisais depuis peu- et scrutai les fourrés, alerte.


- Blaze ?

Un nouveau cri me répondit. Je me dirigeai l’arme au poing dans la direction de cet appel à l’aide manifeste. Blaze pouvait être chiant, mais si j’attrapais celui ou celle qui lui faisait du mal, je le transformerais en pâté pour mon dragon. Après une trentaine de secondes d’avancée, j’entraperçus un éclair doré me foncer dessus. Je me retournai pour découvrir un Blaze dans tous ses états.


- Allons-bon, qu’est-ce que t’as encore foutu toi ?

Intriguée par ce qui l’avait effrayé à ce point, je poursuivis ma route jusqu’à une petite clairière. Vide. J’haussai un sourcil avant de jeter un œil à mon dragon, qui pour le coup ne me quittait plus d’une semelle, au sens propre du terme. Je n’avais capté que des images confuses de fauve et de course poursuite. Il n’avait tout de même pas provoqué une bête sauvage ? Le craquement d’une branche retint mon attention. Garde levée, je scrutai les buissons. Les yeux plissés, je crus discerner un mouvement flou et une fourrure tachetée… ça n’augurait rien de bon. Je n’avais pas envie d’affronter un fauve, je n’avais pas envie de blesser une bête qui n’avait rien demandé. Soudain mon instinct tira la sonnette d’alarme. Je sentis une présence derrière moi. Par réflexe, je me retournai en brandissant ma lame, prête à occire mon agresseur.

Je fus surprise de rencontre une autre lame, dans un bruit métallique qui déchira la tranquillité de la forêt. Je fus d’autant plus surprise en reconnaissant l’arme. Et son propriétaire. Mes yeux s’écarquillèrent en même temps que j’ouvris la bouche, pour n’en sortir aucun son. Mon cœur se remettait à peine du stress. Swen Aoshiki, celui qui m’avait appris à voler en échange de ma maîtrise des armes, venait de refaire surface après une longue période d’absence totale. Il s’en était allé un jour, et je n’avais plus eu de nouvelles depuis. Autant dire que c’était la dernière personne que je m’attendais à croiser dans cette forêt.

Je finis par baisser mon arme, remise du choc. Le souffle encore court, je pris le temps de le détailler rapidement. Les seuls changements que je remarquais, c’était ses traits un peu plus mûrs, plus « adultes », qui témoignaient des quelques années de séparation. Pour le reste, il était fidèle à lui-même.


- Swen ? finis-je par articuler. Ça fait un bail…

Et alors, le fauve que j’avais vu dans les buissons… Je me retournai juste à temps pour voir son affiliée sortir de sa cachette. Je savais qu’elle avait un caractère bien trempé. Ce ne fut donc pas bien dur d’associer deux et deux, étant donné que le scénario s’était déjà produit par le passé.


- Laisse-moi deviner, Blaze est venu lui chercher des poux ? Je suis désolée s’il vous a causé des ennuis…

Le coupable vint se coller à mon talon, fixant le jaguar d’un œil méfiant. Je rangeai ma lame dans son fourreau d’un geste rapide et précis vers mon dos. Puis, à présent certaine qu’aucun fauve ne me sauterait à la gorge, je fis de nouveau face à mon vieil ami pour le dévisager. En fait je ne savais pas vraiment quoi dire, après tout ce temps. Je passai une main derrière ma nuque avant d’improviser quelque chose.

- Qu’est-ce qui t’amène ici, après tout ce temps ? Rien de grave j’espère…

Bon c’était un peu maladroit, j’aurais tout aussi bien pu lui demander simplement ce qu’il devenait ou s’il allait bien. Encore que, j’avais fait des progrès. Avant j’aurais été capable de balancer un « quoi d’neuf ? » sans aucune classe.

Enfin de retour à Sanctuary of Heart. Cela fait un très long moment que je ne suis plus venu ici, six ans. J’observe  la clairière dégagée dans laquelle nous sommes arrivés avec Devora. Elle n’a pas changé, la forêt qui l’encercle non plus. Les mêmes arbres, les mêmes odeurs et les mêmes bruits que lorsque nous sommes partis. En somme, la quiétude idyllique que seule cette forêt gardée par mon peuple peut conserver. Devora s’étire, toute griffe dehors avant de s’élancer dans les profondeurs de la forêt.
Personnellement je trouve que rien ne presse, mon pas vers les frondaisons est donc plus mesuré que le sien.
Une fois à l’entrée du bois, je décide de prendre un peu de hauteur, d’admirer cette forêt du ciel et de profiter des nombreux courant ascendant et descendant dont bénéficie l’île. J’ouvre alors mes ailes et décolle.

« T’auras qu’à me pister quand tu daigneras revenir sur le sol commun, Lutin. »

La phrase claque dans mon esprit comme un fouet … et j’éclate de rire. Devora n’aime pas quand je décide sur un coup de tête de m’envoler loin d’elle. Généralement elle se venge en se planquant dans la nature. Je peux passer des jours à la chercher si elle a vraiment une dent contre moi. Une fois mon hilarité passée, je survole la forêt avec plaisir, respirant cet air pur. Je finis par m’arrêter et faire du surplace, observant ses paysages sauvages à perte de vue et leur calme. Je suis à ma place ici, au milieu de la forêt, loin de toute civilisation et même pas obligé de croiser d’autres elfes.
Finalement il est temps que je retrouve Devora, si je veux pouvoir aller loin de cet écrin vert et revoir ma mère d’adoption avant la fin de la semaine. Ma descente s’effectue en piqué, rapide et sans précision réelle, même si l’atterrissage lui est précis au centimètre près. Pas question que je me casse une aile. Une fois au sol, je cherche Devora. C’est un très vaste programme. Un jaguar dans la forêt. Rien de plus facile à trouver à condition d’avoir une vague idée de la direction à prendre. Quelle ironie.

« - DEVORA ? »

J’arpente donc, avec la plus grande attention, la forêt afin de débusquer mon affiliée. Je l’appelle bien entendu. Serait-ce plus pour tromper le silence –et moi-même- que pour la trouver ? Sachant que la connaissant … jamais elle ne me signalera sa présence pour une réponse verbale. Non elle préfèrera me sauter dessus de tout son poids, m’aplatissant ainsi contre la terre meuble, en lâchant une phrase assassine dans ma tête. Je me stoppe. Maintenant que j’y réfléchis, aucune raison d’être attentif, vu que ce qui va m’arriver, autant que je me promène tranquillement en me dirigeant vers la clairière. Après tout à découvert je pourrai peut-être échapper à ce rendez-vous avec le sol forestier.

Ainsi je reprends ma marche à pas tranquille et léger. Malgré ma volonté farouche de profiter de cette balade au calme, mes sens –plus précisément mon ouïe- perçoivent des bruits incongrus par rapport au lieu. On dirait comme … des gémissements ? Devora se serait-elle retrouver face à plus fort qu’elle ? Ou elle n’est pas concernée ? M’appuyant alors sur mes dons elfiques, j’avance vite et sans bruit. Instinctivement, plus je me rapproche de la source des bruits, ou plutôt maintenant de leur absence, plus la prise autour de la garde de mon katana se raffermit.

« Lutin dépêche-toi de ramener tes ailes et ton arme dans la clairière. Je sais me défendre, mais face à une lame non. »

La phrase arrive au milieu de mes pensées avec vivacité, cependant son ton n’est pas incisif, il est plutôt sur la défensive. Devora n’aime pas les armes en règle générale, et elle ne m’appelle que très rarement à l’aide. C’est donc un cas d’urgence, même si je ne vois absolument pas ce qui pourrait la menacé ici. J’arrive à l’orée de la clairière et je suis accueilli par une lame, très aiguisée, s’abattant vers moi. Je n’ai le temps que de faire un geste : sortir Tenrô de son fourreau et parer.

La rencontre de ces deux morceaux d’acier, aux tranchants acérés, déchire la quiétude de l’endroit durant un bref instant. Pourtant aucun autre coup ne suit. En effet l’arme en face, je ne la connais que trop bien. Plus précisément, je connais très bien sa détentrice. Cette dernière est aussi surprise que moi. Il était totalement impensable que l’on se croise aujourd’hui et encore moins de cette façon. Elle n’a pas changée depuis la dernière fois. C’est une belle jeune femme, qui dégage une confiance en elle à toute épreuve. Elle abaisse son arme, et j’en fais de même. Après tout, elle n’est pas une ennemie, mais une amie.

« - Swen ? Ça fait un bail … »

Avant que j’aie pu lui répondre, Devora quitte son buisson, visiblement contente que je sois arrivée.

« Je n’y suis pour rien moi ! C’est le dragon le responsable ! Je suis la victime Lutin ! »

« - Laisse-moi deviner, Blaze est venu lui chercher des poux ? Je suis désolé s’il vous a causé des ennuis … »

Bizarrement, je ne doute ni de la pensée de l’une ni de la parole de l’autre. J’observe ma camarade de lame, rengainer son arme dans son fourreau avec la rapidité de la guerrière. Elle se tourne face à moi maintenant, je sais que c’est parce qu’elle se sent en sécurité. Qu’elle ne craint rien.

« - Qu’est-ce qui t’amène ici, après tout ce temps ? Rien de grave j’espère … »

Je ne peux réprimer un sourire. Sa tentative de dialogue est maladroite, mais en même temps tellement pleine des progrès qu’elle a pu réaliser durant mon absence. Je m’attendais à quelque chose de plus … enfin moins … classe. Tenrô rejoint son fourreau, puisqu’il n’a pas d’utilité ici.

« - Ouai ça fait un bail Shama. Pour Blaze, il semblerait, mais il n’y a pas de mal. Tu connais Devora. Je rentre au pays on va dire. Les humains sont … agaçants et il était vraiment temps pour moi de retrouver une forêt paisible. Avoir le choix d’avoir la paix ou le tumulte autour de moi. De plus Devora s’ennuyait ferme en ville. Je ne pensais pas te croiser si vite, et certainement pas dans cette situation. »

Voilà qu’à mon tour j’hésite. Il est vrai qu’on ne s’est pas vu depuis notre échange de bon procédé, il y a sept ans.

« - Qu’est-ce qui t’amène en forêt ? Ton entrainement quotidien ? »

Des banalités. Sept ans sans la voir et je lui sors des banalités. Comment dire que nous sommes autant handicapé des relations humaines l’un que l’autre ?

Swen n’avait pas changé depuis toutes ces années, excepté peut-être des traits plus mûrs. Les mêmes cheveux ébènes en bataille, les mêmes iris couleur saphir, brillants de vie. Il restait ce sang-mêlé, mi-elfe, mi-démon, qui m’avait appris à voler. Le plus incroyable dans notre situation, c’était la similitude entre nos retrouvailles et les circonstances de notre première rencontre. Tout s’était déroulé de la même façon, à quelques détails près -disons qu’à l’époque, je n’avais pas tenté de le trancher en deux, heureusement d’ailleurs vu qu’il n’était pas entraîné. Ça m’arracha même un sourire. Le destin pouvait vous jouer de curieux tours, parfois.

Swen ne tarda pas à répondre à ma tentative maladroite de dialogue. Au moins, j’avais fait des progrès depuis notre dernière entrevue. Il confirma mes doutes quant à l’origine de ce raffut. Mes yeux de braise vinrent fusiller le coupable du regard, qui se contenta de me faire des yeux de chiens battu pour m’amadouer. Pouvais-je vraiment lui en vouloir ? Il avait gardé son côté dragonnet. Donc, il cherchait toujours à jouer, et chez les dragons, le divertissement avait une toute autre définition de celle des humains. Du moment qu’il ne cramait rien avec son souffle, je m’estimais heureuse.

- Haha, moi non plus, rétorquai-je à sa remarque sur les circonstances de nos retrouvailles. On dit que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, apparemment c’est pas le cas des événements ! Si j’avais su qu’on se retrouverait dans les mêmes conditions, ou presque…

J’en aurais probablement ris. Comme maintenant, au final.

- Je te comprends, j’avoue que je préfère vivre sur l’île. En plus, une panthère en ville, c’est pas très discret, donc je suppose qu’elle a dû rester planquée H24. Je préfère même pas imaginer Blaze au beau milieu de Londres. Il serait capable de foutre le feu !

La victime de cette boutade me jeta un regard consterné, vraisemblablement outré que je puisse me moquer de lui, moi, sa liée. Je me contentai d’hausser les épaules. Il pouvait être susceptible, mais pas spécialement rancunier. Il ne semblait pas avoir bonne mémoire, effectivement, vu son attitude envers Devora. Je revins au sujet principal de la conversation.

- Tu as vu juste. Je m’entraîne en forêt aujourd’hui, pour changer. A force, la montagne, c’est lassant. Et puis faut bien tester de nouveaux terrains. L’habitude émousse les capacités, comme disait ma mère. Je suppose que tu profitais d’une ballade en forêt avec ton affiliée pour te ressourcer, après tout ce temps passé en ville.

Ce qui était tout à fait compréhensible, soit dit en passant. Je ne savais pas si son côté elfe ressortait beaucoup sur le plan « besoin de grand air », mais même pour moi, le bruit, la pollution et la foule des zones urbaines sur Terre m’indisposaient assez vite. Faut dire qu’après avoir un temps habité sur Sanctuary, vierge de toute pollution et réputée pour ses grands espaces, la vie sur la planète bleue paraissait nettement moins idyllique. L’île créée par les dieux ressemblait un peu à un paradis, finalement.

- Ça fait plaisir de savoir que tu vas bien, en tout cas.

Je passai une main dans ma queue de cheval, plus pour chasser un léger malaise que pour les démêler. Plus rien n’y parviendrait à part une bonne brosse après la douche. Mes yeux se posèrent alors sur son arme pour admirer une nouvelle fois la qualité de la confection.

- Je vois que tu as fait des progrès avec ton katana. Tu as de meilleurs réflexes qu’avant ! J’imagine que tu n’as pas loupé d’occasion pour parfaire ta technique durant toutes ces années.

Une idée traça son chemin dans mon esprit. Une main sur le menton, en pleine réflexion, je la laissai germer tranquillement tandis que j’évaluais les nouvelles capacités de mon ami. J’étais vraiment curieuse de voir jusqu’à quel point il s’était amélioré. Et pour le savoir, eh bien, il n’y avait pas trente-six solutions ! J’esquissai un sourire en coin, le regard soudain brillant.

- Que dirais-tu d’un petit combat, pour que je puisse juger tous tes progrès ? Bien sûr, je pourrai en échange te montrer après, ou même pendant, ma technique de vol perfectionnée ces sept dernières années. Ce serait comme au bon vieux temps.

Pour appuyer mon discours, je déployai mes ailes. Mon sang démoniaque y était peut-être pour quelque chose, mais la perspective d’un affrontement amical me réjouissait déjà. Un peu comme lorsque je m’étais battue contre Kira, quelques années auparavant. Même si c’était au départ pour lui casser la gueule -soyons honnête – j’avais beaucoup apprécié. De petites flammes s’allumèrent dans mes yeux. Si Swen n’était pas mon ami, il aurait presque eu de quoi se faire du mauvais sang.

Shama n’a pas changé durant mon absence. Même cheveux écarlates, même regard carmin. Elle semble peut-être un peu plus svelte et musclée. La même demi-déesse qui m’a appris à manier correctement ma lame.
Je souris à l’évocation du parallèle entre l’idée que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit et les évènements. Clairement pour nous c’est les circonstances qui se répètent.

Mon sourire s’élargit quand elle affirme ne pouvoir imaginer son affilié dans Londres sans qu’une catastrophe se produise. En effet c’est complexe à imaginer. Devora passait beaucoup de temps cachées ou enfermée dans l’appartement. Ce qui pour elle était proche de la torture à ses yeux. J’étouffais aussi dans un sens, surtout ma part elfique en fait.

Mon affirmation sur son entrainement était facile. Shama qui ne s’entraine pas c’est comme une forêt sans arbres. Impossible et improbable.
Elle me complimente sur mes progrès avec mon arme, avant de me proposer un combat amical. Je ne suis même pas étonné par cette proposition d’ailleurs.

« - Je suis content de voir que toi aussi tu vas bien. Et tu as raison, Devora tournait en rond chez les humains, il était plus que temps de rentrer chez nous, ici. J’ai un peu pratiqué oui, mais il y a beaucoup moins de liberté sur Terre, tu sais. »

Je marque un temps de pause pour réfléchir à sa proposition. Elle me tente bien, même si j’ai peur d’être un peu rouillé par rapport à elle.

« - Un combat ? Pourquoi pas. Par contre je te préviens je ne pense pas avoir fait autant de progrès que tu te l’imagines. On fait quoi comme règle ? Un minimum d’honneur comme avant ? »

« Franchement vous êtes des gamins ! »

La phrase de Devora m’arrache un rire doublé d’un sourire. Oui on l’est et je crois que le pire … c’est qu’on l’assume Shama et moi ! Je la vois s’allonger tranquillement sur l’herbe, à l’abri du soleil grâce à l’ombre d’un arbre proche. Elle est déjà prête à observer le spectacle.

« - Devora nous considère comme des gamins, juste pour ton information. »

Je m’écarte un peu de Shama, déploie mes ailes et arbore un sourire mutin. Je suis certain que mes yeux brillent autant que les siens. Après tout, se battre contre Shama a toujours été un véritable bonheur, même si j’ai pris un bon nombre de dérouillé.

« - Viens. Je t’attends. »

Ces mots ne sont qu’une petite mise en bouche du combat à venir. Au final, je crois qu’à l’égal de la nature florissante de l’île, la liberté d’agir à ma guise m’a manqué. Tout comme mes moments passées avec Shama.

Sans grande surprise, Swen accepta ma proposition. Je me doutais qu’il serait difficile de refuser. Après tout, chacune de nos rencontres s’était soldée par un affrontement amical, ou presque. J’étais, après tout, son ex professeur de combat à l’arme blanche. J’hochai la tête à l’annonce des règles ; si j’aimais me battre, je ne portais pas spécialement dans mon cœur les coups en traître. Je n’y avais recours qu’en cas de nécessité, et puis je me battais contre quelqu’un que j’appréciais. Donc, en soi, exiger un minimum d’honneur ne posait aucun problème. La remarque de Swen me fit éclater de rire.

- Bah, on garde tous une âme d’enfant, comme on dit !

Mon adversaire se positionna, déployant ses ailes noires comme l’ébène. Elles étaient constituées de plumes, comme la plupart des démons. Les miennes, cependant, possédaient des écailles, et arboraient des glyphes orange sur toute leur surface. Elles rappelaient beaucoup celles d’un dragon. Y’avait-il un rapport avec mon nom de famille ? Question futile, mais intéressante. J’étendis mes appendices à mon tour et dégaina une de mes épées. En cas de combat sérieux -autrement dit, quand ma vie était en jeu- j’utilisais les deux. Là, c’était contre Swen, qui se battait avec son katana, une arme à deux mains. Mes lames étaient dites bâtardes ; elles pouvaient être maniées autant à une main qu’à deux, ce qui me permettait d’adapter ma stratégie aux circonstances. Blaze alla se percher sur la branche d’un arbre, à distance respectueuse de nous. Je souris à Swen pour répondre à son appel. Je lui offris un salut respectueux, puis me mis en garde. Le combat à venir s’annonçait passionnant.

Après quelques secondes à jauger mon adversaire, je débutai les hostilités. J’assénai un rapide coup d’estoc en avançant d’un pas pour tester ses réflexes. S’il était peut-être un peu rouillé, il ne semblait avoir rien perdu de mes enseignements. Bien. J’enchaînai quelques coups simples, qu’il para sans grande difficulté.

- Pas mal, pas mal. Voyons si je corse un peu les choses !

Mon expression changea ; la flamme dans mon regard redoubla d’intensité. Il était temps de passer aux choses sérieuses. J’avais pour habitude de ne jamais sous-estimer mes adversaires, et donc de leur offrir mon plein potentiel de combat. Après quelques secondes d’immobilité, je repartis à l’assaut, avec des coups plus précis, plus puissants, le forçant à reculer de quelques pas. Il bloqua une nouvelle fois ma lame à la hauteur de son cou. L’impact généra quelques étincelles. Nous restâmes quelques secondes avec nos armes au contact, en se regardant dans le blanc des yeux. Je forçais sur lui, et il résistait. J’esquissais un sourire ; il était temps de se dégager et d’ajouter un niveau de difficulté. Après tout, moi aussi je devais lui exposer mes progrès. D’un battement d’ailes, je me propulsai en arrière tout en m’élevant dans les airs. Je ne m’étais jamais vraiment battu en volant ; ce serait donc l’occasion de tester mes capacités.

Voyons comment on s’en sort avec un peu de hauteur ! lançai-je à son attention pour l’enjoindre à me suivre.

Lorsqu’il fut à mon niveau, je le gratifiai d’un sourire en coin. Cette fois, les choses devenaient vraiment intéressantes. Mon sang démoniaque chantait dans mes veines ; l’ivresse de la bataille commençait à faire son effet. Mes yeux plus pétillants que jamais ne quittaient pas mon adversaire, attentifs au moindre de ses mouvements. Assez passé de temps à faire du surplace ; ça me fatiguerait trop vite. J’engageai donc à nouveau le combat, parcourant les quelques mètres à grands battements d’ailes. N’ayant point d’appui pour maîtriser ma vitesse, j’arrivai sur lui de plein fouet. Nos lames s’entrechoquèrent brutalement et mon élan le projeta en arrière, le forçant à battre frénétiquement des ailes pour freiner notre propulsion et éviter le premier tronc d’arbre. Je profitai de cette proximité pour enchaîner plusieurs attaques, coups d’estoc, feintes et parades. Chaque coup porté me demandait des efforts pour me maintenir en altitude, et je sentais déjà les muscles de mes ailes me tirailler. Je repris un peu mes distances le temps de reprendre mon souffle.

Tu te défends bien ! Mais tu ne fais que ça, depuis tout à l’heure. Montre-moi un peu de quoi tu es capable à l’attaque !

Pour l’encourager, je reculai de quelques battements d’ailes et pris davantage de hauteur. Je le narguais avec mon sourire en lui tournant autour. Aller, Swen, c’est le moment de faire tes preuves !