Lead us not into temptation| Ylna

Parfois ce qui me rend heureux… Ou heureuse, c’est simplement mon imagination. Je pense à Dorian Gray. Dans ce livre, Henri dit à Dorian qu’un caprice dure plus longtemps qu’une passion éternelle, et que les femmes gâchent tout à vouloir qu’une passion dure éternellement. Alors Dorian répond à Henri : « s’il en est ainsi, faisons de notre amitié un caprice. » Dorian veut dire par là qu’il souhaite que leur amitié dure le plus longtemps possible. Si mon imagination fait mon bonheur, alors, que mon amitié avec ma propre imagination soit un caprice.

Parfois je me demande si je suis aimé… Aimée… ou pas aimée, et je me dis qu’on reconnaît un arbre à ses fruits. Car c’est du trop-plein du cœur que parle la bouche de l’Homme. Un homme bon tire un bon trésor de son cœur, un homme mauvais en tire un mauvais trésor. On ne cueille pas des figues sur les ronces. Ainsi un bon arbre produit de bons fruits et un mauvais arbre en produit de mauvais. Et aussi, Dieu donne à l’Homme des talents qu’il doit faire fructifier. Si celui-ci ne les fait pas fructifier, Dieu lui reprend ses talents pour les donner à un autre, qui lui de son côté les avait fait beaucoup fructifier.

Alors qu’importe que je sois aimé(e) ou non. Si on reconnaît un arbre à ses fruits, alors je laisse mes semblables reconnaître l’arbre que je suis à ses fruits. Si à celui qui a peu, on prendra même ce qu’il a, alors je laisse Dieu en juger, si je ne mérite pas mes talents.

Parfois je me demande si les bonnes actions sont récompensées, et je me souviens que Jésus a dit que lorsqu’on fait une bonne action, on ne doit pas le crier sur les toits pour que les Hommes nous rendent gloire, mais que Notre Père qui voit dans le secret nous rendra le bien que nous avons fait.

Jésus a aussi dit que le petit d’entre nous, sera le plus grand. Que les derniers seront premiers.

Je n'ai rien d'autre que ma foi pour me porter.

Et pourtant il m’arrive de trahir ma foi par faiblesse. De mal agir et de blesser le cœur de Jésus, qui est pourtant mort pour chacun d’entre nous.

Ce que demande Jésus est difficile. Pourtant cela semble être la seule voie de la sagesse. Cela demande de penser différemment. Alors je vais essayer de le suivre, et de ne plus trahir ma foi. De vaincre ma faiblesse.

Mais si la parole de Dieu est des graines qui sont semées, je sais que dans mon cas, les graines sont tombées au milieu des ronces. Dans la terre, là où elles pouvaient pousser, mais au milieu des ronces, là où celles-ci peuvent étouffer cette parole. Je le sais, parce que c’est comme si je dormais constamment. De temps à autre je me réveille et je crois réellement en Jésus. Et à d’autres moments, c’est comme si je dormais tout éveillé, inconscient de la réalité.


Ainsi pensait Haiko. Repliée sur elle-même, ses cheveux noirs épais et soyeux, de plus en plus longs, coulaient librement le long de son corps. Vêtue de blanc, pieds nus,  elle était roulée en boule sur le toit d’un bâtiment, dans une ruelle sombre de Skyworld. Un séquoia planté à coté du bâtiment sur lequel elle était surplombait les lieux et y projetait son ombre. Du haut du toit elle pouvait voir toute la ville et ses lumières qui s’étendaient en contrebas, à demi cachée par ses cheveux, ses longues ailes blanches déployées dans son dos. Ainsi, elle ressemblait à un immense papillon. Un papillon aux ailes plumeuses, délicates et fortes à la fois, éclairées par la lumière de la lune et rendues presque luminescentes. Elle avait abandonné ses chaussures, n’en ayant pas besoin puisque elle pouvait voler. Elle était d’ailleurs venue en haut du toit en volant.

Elle… Il… Quelle importance. Haiko était simplement… Haiko. D’un mouvement délicat et vif, elle se releva. Elle se tenait tout au bord du toit, ne ressentant pas la moindre sensation de vertige. Enfin elle s’éloigna du rebord, pour aller se placer au centre du toit. Elle avait emmené avec elle un bâton de jongleur, pouvant être enflammé aux deux extrémités, un long bâton avec lequel on danse. Fluidité, harmonie… Contact entre le corps et le bâton. Elle… Ou il… prévoyait d’offrir une danse aux rayons de lune.

"Mon cœur! Je m'ennuie! Je vais aller séduire quelques personnes!"

C'est ainsi que je préviens Cylia. Je sais que si on ne me connaît pas, on pourrait croire que je veux tromper ma petite-amie et que je la préviens, ce qui serait très stupide de ma part. En réalité, non, j'aime Cylia de tout mon cœur. En plus le fait qu'elle a accepté que je la morde pour qu'elle devienne Vampire m'a réjouie. Donc non, je ne compte pas du tout la tromper, elle a même l'habitude que je lui dise ce genre de choses, car aucune séduction, à part pour Cylia elle-même qui est tombée amoureuse de moi, n'est allée plus loin que le contrat Symfonia-Symvasi. Parce que je séduis aussi des hommes.

Je sors donc de ma maison, munie de ma tenue habituelle : une mini-robe rouge aux motifs jaunes qui montre mon tatouage au dos, avec des talons aux pieds. Ceux et celles qui aiment les femmes aiment les talons, et plus c'est haut mieux c'est. Je n'ai jamais compris pourquoi, en tout cas je préfère que ce ne soit pas trop haut parce que c'est pas trop agréable, même si j'y suis habituée depuis le temps. J'ai aussi une sorte de collier tribale à la cheville gauche. Et je suis parée pour ma séduction. Mon expérience et ma beauté s'occuperont du reste. Car la séduction est naturelle pour moi.

Donc, prochain lieu, un bâtiment un peu paumé. Quand j'y arrive, c'est là que je me mets à faire la marche du renard, si gracieuse. Mes mouvements commencent à m'amuser un peu. Mais ce ne sera que le début. J'entre dans le bâtiment en faisant la marche du renard, regardant des yeux mon prochain compagnon de jeu. Il n'y a personne que ce soit au rez-de-chaussée ou aux étages. Cependant, au toit, ça commence à devenir intéressant car il y a un compagnon de jeu. Parfait. C'est l'heure de s'amuser.

Donc je m'approche de cette personne. Au vu de son physique, c'est difficile à savoir si c'est un homme ou une femme. Mais quand on veut s'amuser, on s'en fiche de savoir si le compagnon de jeu est un homme ou une femme. De façon qu'il m'amuse, c'est tout ce qui compte. Après tout, j'ai l'habitude de tenter de séduire des hommes alors que je n'aime que les femmes.

"Bonjour, mon joli." dis-je avec un sourire séduisant.

L'amusement va vraiment commencer. J'ai déjà fait en sorte que ma beauté soit la plus attirante possible, et ma nature de Vampire m'aide beaucoup. Je me rends compte qu'il a un bâton de jongleur. Intéressant. Viendrait-il d'un cirque? Si oui, j'aimerais savoir ce qu'il est capable de faire.

"Dis-moi, mon mignon, c'est un joli bâton que tu as là." dis-je en tournant un peu autour de lui.

Je le dis ça sincèrement, mais ça reste un bâton. Il vaut mieux ne pas se concentrer réellement sur ce bâton, mais sur la personne lui-même, pour voir s'il peut se faire séduire. Et ça peut même être important pour lui car il peut voir s'il aime les femmes. C'est cadeau, donc.

Haiko avait récupéré le bâton, posé précédemment sur le sol, et l’avait posé debout devant lui, appuyant son menton sur l’une des mèches éteintes et noircie, abîmée de la dernière fois où il avait jonglé avec le feu. Il regardait pensivement le séquoia, et le ciel étoilé qui s’étendait au-delà, dans ce quartier paisible de Skyworld, lorsqu’il entendit le son de talons aiguilles dans les escaliers qui montaient jusqu’au toit. Intrigué, il tourna la tête dans cette direction, en se demandant quelle femme en talons venait sur le toit. Quelqu’un qui venait contempler les étoiles ? Une résidente de l’immeuble, venue prendre le frais ? L’habitante du dernier étage venue étendre son linge avec un étendoir ? Non, en talons aiguilles, la nuit, c’était peu probable. Il faisait quelques suppositions, et donc ses yeux se fixaient avec curiosité sur la cage d’escalier, pour voir surgir une jeune fille  aux longs cheveux foncés, et habillé d’une courte robe rouge. Haiko pensa soudain à sa sœur vêtue d’une robe – mais sa sœur portait des robes beaucoup moins courtes et aguichantes. Immobile et toujours pensif, il se rendit compte que la jeune fille en question venait vers lui. Elle le salua en souriant, et en l’appelant mon joli, s’étant approché de lui. Elle avait choisi de voir en lui un homme, il en serait donc un.

- « Bonsoir. J’allais jongler, vous devriez rester un peu à distance, sinon vous risquez de vous prendre un coup. »

Elle était plutôt jolie, son charme rappelait un peu à Haiko celui d’une amie d’enfance. Mais il sentait que la jeune fille qui lui faisait face était une vampire, une buveuse de sang humain, et cela l’incitait à se méfier, quoi qu'il n'ait rien à craindre d'elle. Elle se mit à tourner un peu autours de lui en lui disant que c’était un joli bâton qu’il avait. L’ange inclina doucement la tête pour la remercier.

Il semblait à Haiko que la jeune fille essayait de le séduire, et si elle arrivait à éveiller vraiment son intérêt cela allait être un dilemme pour lui, il allait être partagé entre sa nature d’ange et sa nature masculine. Après tout il est un homme, il n’est pas insensible aux nombreux charmes d’une femme. Mais se reprochant ses pensées, l’ange se mordit les lèvres, contrarié. Il ne devait pas laisser ses pensées s’égarer, et il était hors de question qu’il se laisse séduire. Sa nature d’ange était plus importante que sa nature d'homme.

Oh ! Il allait jongler ? Milles excuses. J'aimerais bien voir comment cet être peut se débrouiller avec son bâton de jonglage. Je vois aussi que c'est un bâton pour le feu, bien dangereux comme il faut. Du coup, je peux me permettre de lui allumer le feu en un claquement de doigts. Je m'éloigne donc un peu de lui pour éviter de me blesser. Je vois aussi qu'il est en train de mordre ses lèvres. Ha ha ! Ce sera facile de succomber. Ce doit être une de ses natures.

Je me pose sur un mur, dans une position attirante, mais pas vulgaire non plus, une jambe tendue, l'autre pliée avec le pied sur le mur. Toujours avec un sourire séduisant. Je mets ma main près de mon œil caché par mes cheveux et je me mets à claquer des doigts. Associé à mon pouvoir du feu, les extrémités des bâtons se mettent à brûler. Je repose délicatement ma main sur le mur.

"Je suis curieuse de voir ton spectacle, mon chou."

Je lui fais un clin d’œil avec mon œil découvert. D'ailleurs, je sens qu'il a l'air d'hésiter. Je sais donc qu'il aime les femmes. De toute manière, je finirai par l'oublier car de toute manière il y a des chances que je ne le revois plus jamais. Sans le savoir, c'est mon compagnon de jeu. S'il tente de m'embrasser, c'est que j'ai gagné. Mais évidemment, j'ai toujours pris soin de pousser ses lèvres avec deux doigts à ce moment-là en lui disant que ce n'était qu'un jeu pour moi. Pour l'instant, le jeu ne fait que commencer, donc mes doigts n'ont aucune raison d'atterrir sur les lèvres de la personne, peu importe si c'est un homme ou une femme.

Il  portait pourtant les ailes que Marie avait fixées dans son dos. Marie n’avait-elle pas de l’amour pour lui ? Alors pourquoi se sentir atteint et blessé par des mots ? Haiko devait vraiment prendre sur lui-même, pour refouler au fond de lui la douleur. Et les souvenirs que les mots avaient amenés, qui affluaient dans son esprit. Des souvenirs qu’il refusait de voir sortir, qu’il ne voulait pas voir vivre. C’était affreux, comme si un monstre... un bébé... sanglant et difforme, voulait se déplier sans le pouvoir. Cela rendait l’ange malade.

La vampire alla s’assoir sur un muret au bord du toit, puis elle utilisa la magie pour enflammer le bâton de jongleur d’Haiko. En cela au moins il n’y avait pas de quoi le tourmenter outre mesure ; il avait déjà jonglé avec le feu, cela faisait partie de lui..

- « La première chose à faire quand on compte jouer avec le feu, c’est de savoir comment éteindre celui-ci. »

Comme dans un souvenir, doux celui-ci, l’ange écoute le murmure embrasé des flammes. Il danse avec le feu, doucement ou vite, les flammes sont orangées et bleuté, elles se dessinent sur l’encre de la nuit. Pour une fois peu importe si le feu d’un regard brûle davantage que des flammes. Juste quelques gestes calmes, qu’il connaît si bien, le bâton recouvert de  chair de cuir tournoie sur la paume de sa main, au-dessus de sa tête, contre son poignet, ses mains le récupèrent dans son dos. Le bruit incessant des flammes fendant l’air se fait plus fragile, les flammes ralentissent peu à peu, doucement, en tournoyant.

Il n’est pas un danseur et n’a peut-être pas la grâce lorsqu’il danse, mais au moins, ce contact de chair contre la paume de sa main, son corps a bougé sans qu’il sache ce qu’il faisait, parce qu’avec le feu il n’est plus que réflexes, mouvements enregistrés par son corps.

Haiko  se rapproche de la fille habillée de rouge.

- « Excuse moi. C’est seulement par politesse que je t’ai vouvoyé, mais c’est complètement con. T’as quel âge ? Tu devrais pas être au lit au lieu... d'allumer des inconnus ? »

Au moins il a momentanément oublié.

Quand on compte jouer avec le feu, il faut d'abord savoir éteindre celui-ci. Et crois-moi, c'est pas lui qui va m'apprendre à jouer avec le feu, puisque je le maîtrise depuis quelques siècles. Il commence à danser avec le feu, mes flammes passant des fois de l'orangé au bleuté, faisant quelques gestes calmes qu'il maîtrise excellemment. Après, je n'ai pas beaucoup d'expérience.

Après sa jolie démonstration, il s'approche de moi. Il n'a pas à s'excuser pour la politesse, je m'en fiche complètement, au fond. Il me demande l'âge et me demande si je ne devrais pas être au lit. Moi ? Une Vampire ? Au lit la nuit ? Il me fait bien rire. Même si j'étais un autre être, une petite allumage avant de dormir ne serait jamais de trop, mais là, je suis plutôt nocturne.

"Tu es plutôt mignon à dire ça. Dis-toi que je suis une Vampire, et donc c'est pas la nuit que je dors, même si le Soleil ne me gêne pas vraiment. Et si tu te demandes vraiment quel est mon âge, j'ai plus de trois siècles d'existence. Et toi ?"

Je sors mon regard de braise au moment où je lui retourne la question, des étincelles de flammes apparaissent sur mon œil droit pour intensifier ce regard envieux. Sauf que la seule envie que j'ai, c'est de jouer à savoir si je parviens à séduire la personne qui se trouve devant moi. Cela rend mon regard moins subtil, mais j'espère qu'il va fondre.