The kid, the wolf and the green haired guy.

Aujourd'hui, j'avais donné rendez-vous aux enfants sur la célèbre place d'Athéna, qui ressemblait plus à un carrefour géant qu'à une vraie place. Mais il n'y avait pas de véhicules qui circulaient dans cette zone, alors on avait sûrement décidé de l'appeler ainsi pour cette raison. Moi et Louka étions venus en avance, et comme ils n'étaient pas encore arrivés on a rapidement établi le fait que j'allais gérer Dimitri seul et que mon frère emmènerait Iedike et Huy faire autre chose de leur côté. Parfois il n'était pas bon de les laisser tous les trois ensemble, les sorties finissaient par se transformer en garderie...
Louka est parti quand les deux ados sont arrivés, me laissant seul en attendant la venue de Dimitri, qui viendrait sûrement en traînant des pieds. Malgré son aisance à l'oral, Dimitri restait quelqu'un qui n'appréciait pas vraiment le fait d'être entouré de trop de monde, et dans un certain sens je le comprenais car j'avais exactement le même problème.
Pour nous les mages, rester dans un espace aussi peuplé attaquait les nerfs. Quand la petite tête blonde de Dimitri s'est montrée je n'ai pu m'empêcher d'avoir un peu de sympathie pour lui. Après tout ses pouvoirs étaient puissants, étant donné qu'il n'avait pas vécu comme moi -avec cette éducation centrée sur mes pouvoirs- alors son don naturel qu'était l'empathie devait sûrement lui causer un mal de crâne atroce.
Mais je me suis gardé de lui faire la moindre remarque.
▬ J'ai du matériel à récupérer chez un gars qui habite pas loin.
Ce n'était jamais que quelques planches qu'on avaiet décidé de sortir à l'occasion d'une exposition organisée par l'un de mes ex-camarades de cours, et qui voulait absolument que j'expose ce jour-là.
On s'est avancés sur la place, qui était étrangent bondée aujourd'hui. Certes il y avait toujours eu du monde mais d'une façon ou d'une autre les gens semblaient s'être donné rendez-vous juste parce qu'il recommençait à faire beau. J'étais en train de me demander quelle sortie il fallait que j'emprunte quand Dimitri a tiré sur ma veste pour attirer mon attention. J'ai baissé les yeux dans la direction vers laquelle il regardait, pour trouver un loup qui avait l'air sacrément affaibli.
▬ C'est pas normal, en effet.
J'ai regardé autour de nous, à la recherche d'un indice qui pourrait m'aider à comprendre pourquoi ce loup se baladait tout seul. Ce n'était pas rare de voir un affilié seul, après tout ils étaient des animaux avant tout... mais lorsque c'était le cas, c'était généralement qu'il voulaient se retirer dans leur habitat naturel for a while. Ainsi, trouver un loup au coeur d'une grande ville n'était pas normal.
▬ Je crois pas que ce soit un affilié.
Je n'avais pas suffisamment d'expérience dans le domaine pour faire la différence entre un loup sauvage, un affilié et un hybride loup, toutefois la logique voulait qu'il s'agisse d'un humain transformé, étant donné que la première option était à bannir, et que la seconde comportait trop d'éléments illogiques pour que l'on puisse envisager la chose.
▬ Ça a l'air de choquer personne... j'ai fait remarquer en regardant autour de moi.
Je me suis baissé à la hauteur du loup qui m'a regardé dans les yeux. Je ne savais pas s'il était judicieux de tendre la main, après tout il pouvait très bien me l'arracher s'il se sentait en danger. Au lieu de ça, j'ai fait ce que je savais faire de mieux : j'ai essayé de communiquer.
▬ On va pas te faire de mal, on peut t'aider.

Après l'hiver insoutenable, après la neige et la montagne, le froid qui s'insinue entre les coussinets glacés et douloureux, son colibri profondément endormi dans le pelage épais pour survivre au froid, il fallait se rendre à l'évidence. Même si elle était toujours à l'état lupin, même si les jours commençaient à rallonger et que le froid laissait place à la fraîcheur matinale du réveil des fleurs, Sixtine avait de grande chance de ne pas survivre. Elle avait quitté son lac il y a quatre jours, attirée par l'odeur insoutenable d'un lapin tendre et juteux.
Quatre jours qu'elle déterrait des racines congelées du bout des pattes en couinant, priant un quelconque dieu de lui donner de quoi sustenter sa carcasse épuisée, privée d'énergie par la course et sa résistance au froid.
Pour la première fois depuis qu'elle était ici, elle compris qu'elle allait crever de faim. Ou attaquer un passant.
L'odeur de la chair humaine, prohibée, filandreuse, attisait cependant son estomac. Pour l’instant, elle se tenait encore assez pour espérer trouver autre chose et ne pas sombrer dans le cannibalisme.
Était-ce réellement du cannibalisme, d'ailleurs, puisqu'il s'avérait qu'elle était autant humaine que louve. Non pas à moitié mais en double. Un sourire vint dévoiler ses crocs jaunes, les gencives rougies par les écorces qu'elle s'efforçait d'avaler pour survivre. Penser lui faisait du bien, cela l'éloignait de ses problèmes de loup. Parce que pour l'instant, c'était bien la seule part humaine qu'il lui restait. Elle ne pouvait se métamorphoser de nouveau en Sis', sinon la fatigue l'affamerait, et elle aurait des chances de s'endormir définitivement. Peut-être ça ne l'aurait pas tant dérangée, vu qu'elle avait vécu en quelques mois plus d'aventure et son coeur avait battu plus que dans toute sa vie humaine. Mais elle avait ce petit habitant, endormi dans une de ses oreilles duveteuse, dont elle devait prendre soin à tout prix. Des fois il émettait un petit sifflement en dormant, un ronflement d'oiseau minuscule, et bien que cela l'empêche de pouvoir se servir d'une de ses oreilles, Sis' trouvait ce son attendrissant. Sauf que son camarade commençait à faiblir dans son pelage, et qu'au fur et à mesure, elle prenait peur pour sa santé.
La maigre louve brune leva le regard soudainement. Elle sentait l'homme. Mais mieux, une odeur soudaine de pain chauds, réminiscences de sa vie antérieure, de poissons grillés et de porc rôti vint effleurer ses narines. Peut-être était-ce à un kilomètre, mais son odorat affûté par le manque ne la trompait pas. Il y avait de la nourriture, des gens, des fleurs, un marché ?
Pas d'hésitation possible, elle se précipita dans la direction de l'alléchant parfum
Elle atteint la ville alors que le soleil, cet insolent, dardait encore ses rayons très haut dans le ciel.
Elle s'arrêta devant la première boulangerie. Il fallait qu'elle vole quelque chose à manger. Sûrement aurait-elle pu discuter en forme humaine, mais jamais elle n'aurait eu la force de courir si elle finissait par "emprunter" un peu de nourriture. Ceci dit elle se ferait tuer sans état d'âme si elle osait s'approcher sous forme lupine.
Elle avait si faim.
Il fallait qu'elle mange. Prenant son courage à deux mains, elle allait s'élancer quand elle comprit qu'on l'observait. Prenant peur, elle s'enfuit la queue entre les jambes.
Mais chaque fois elle revint sur la place du marché, mourante, et bien que le soleil brûlait ses paupière et l'étouffait sous sa fourrure, elle en venait de nouveau sur cette grand place, tentant de profiter de l'inattention d'un vendeur.
Personne.
Des cheveux à l'odeur de vert, un enfant, même pas pubère l'informa son nez, s'approchèrent d'elle. Elle vit la main grise légèrement parfumée de beige dans son champs de vision. On lui dit quelque chose. On ne lui ferait pas de mal.
La grosse louve grogna en s'écartant, se reculant avec méfiance.
Dans son oreille gazouilla son affilié.
Elle aboya de peur, comme un sursaut violent et bondit, si proche de l'homme qu'elle eut un doute quand à ce qu'elle devait faire. Elle avait si faim. D'un bond peut-être pourrait-elle sauter sur le gosse et le dévorer. Cependant il y avait quelque chose dans leur odeur, une force qui lui fit dire qu'il valait mieux se comporter en être civilisé. Comme un gentil chien domestiqué ; elle aurait aimé en être un bon dieu, avec le poil non plus emmêlé et sale mais soyeux, la panse pleine, un bon feu ronronnant contre sa tête ; elle finit par poser son museau contre la main de l'homme en couinant doucement.

Elle tira la langue pour évacuer un peu de chaleur, gémit de nouveau à l'adresse des deux hommes.
Aidez moi.
Je suis coincée.
J'ai faim.
Elle se contentait de quémander, les yeux et la queue basse.