[libre] il finit son cigare.

A la pêche aux coquillages, je fume sur la plage et dessine des visages de femmes sur le sable, que la mer jalouse saccage puis efface d'une vague légère, comme une plume dans l'écume et la rage.
Seul sur la plage, je ramasse des coquillages pour décorer le temps qui passe et pour dessiner des visages de femmes sur le sable, mais la mer toujours les efface d'une vague sévère, jalouse et pourtant si légère.
Je fume doucement en dessinant des chevelures d'herbes de mer et d'algues brunes où parfois, je plante une plume de goéland mais... toujours la mer tourne la page et fait se noyer les visages des belles sous les larmes et le sel.
J'ai le blues, je dessine les yeux de mes épouses avec des cailloux, des bijoux de verre poli, des étoiles de mer mortes, vite emportées par les eaux fortes qui clapotent de jalousie.
J'en ai marre, je jette à l'eau un œil noir et, provocateur, je dessine un dernier visage avec un cœur et une flèche ; folle de rage une vague sèche le saccage et le ressac laisse la plage.
Vierge.
Je me marre, j'allume un autre cigare et les mains dans les poches je pars, je pars fumer mon amertume, dans le ciel derrière les dunes : je pars dessiner des nuages et je vais tromper mon chômage pour décorer le temps qui passe.

La mer et moi, fachés, nous nous tournons le dos et, assit dans les dunes, seules à apparaitre sur la ligne de l'horizon, je fume mon cigare. Je suis seul, c'est du moins ce que je pense. Peu m'importe, à vrai dire, je laisse vagabonder mon regard sur le sable et cherche ces coquillages. Une fumée longiline et claire s'échappe de mon cigare et s'en va vers le ciel, comme les signaux des peaux rouges. Avec mon regard cristallin et ma peau diaphane, je ne fais pas partie de leur tribu. Moi l'homme blanc, aux longs cheveux d'argent dans un vent salé, qui n'aura jamais vu le temps sur son visage, je regarde les nuages et imagine les chant indien et leurs peintures de guerre. Je ne sais pas pourquoi je pense à ça. Je baisse la tête alors, j'ai passé la journée dans un état second. J'ai l'impression de devenir un corail, un coquillage, je me statufie comme sous le regard de Méduse.

Je me relève et Charles-Edouard, mon crabe, accroché comme un peigne dans mes cheveux, se balance sous mes pas en riant. Il me connait, il sait que je n'aime pas rester à ne rien faire trop longtemps. Je suis de mauvaise humeur aujourd'hui, je me sens fatigué. Je soupire, tourne en rond, fais demi-tour, m'arrête, reprends ma marche... je ne sais pas quoi faire, je m'ennuie. Je me sens seul, aussi. Je tourne la tête à droite, sans savoir pourquoi, une intuition certainement : une silhouette floue oscille sur une dune. Je ne sais pas s'il m'a vu, mais nous nous regardons longuement. Du moins, je pense que c'est moi qu'il regarde. D'où je suis, je ne distingue pas la portée de son regard. Autour de nous, nous attendons des galops. Un propriétaire détient haras, peu loin d'ici et il laisse souvent ses chevaux s'échapper sur la plage. Je n'ai pas fait attention à eux jusqu'à maintenant. Jusqu'à maintenant, je suis resté là à ne rien faire, à ne pas savoir quoi faire. Le monde vivait autour, mais pas moi. Sauf que désormais je suis réveillé. Je souris doucement. Je ne suis pas du genre à me tourner vers les autres, mais j'aime les gens et je me sens trop seul aujourd'hui, puis laisser ma méfiance me prendre.

- Dis-moi... as-tu déjà senti frémir un cheval sous tes cuisses ?

Je ne sais pas qui il est. Ma voix rauque s'emmêle avec le vent, je ne sais pas s'il m'a entendu mais je pense que oui. J'attends, espérant qu'il me réponde. Je ne suis pas sûr qu'il le fera. En réalité, je ne suis même pas sur que c'est un homme.

Spoiler: