le grand méchant loup | max | Dim 21 Déc 2014, 12:54
Leonor&Maximilien
« Le grand méchant loup »
Rien, rien n'est écrit à l'avance; ni ta naissance, ni ta fin, ni en quelles circonstances. Il faut avancer et voir les murs arriver, les éviter; ou finir en pièces. Ou périr. Leonor regardait, tremblante, le corps se vider, les yeux exorbités, le sang durci au coin des lèvres. Un haut le cœur la pris, et elle recula d'un pas, un malheureux pas qui fit teinter les morceaux de verre à ses pieds. Elle se plaqua, ou plutôt chuta, contre le mur sale derrière elle. La scène ne cesserait pas pour autant, pas pour la tête blonde qu'elle était, effrayée, choquée, traumatisée, pas pour le cri cristallin du verre qu'elle avait percuté; la scène continuait de se dérouler, horrible, sous ses yeux.
Elle avait du mal à respirer, aussi bien à cause de la scène cauchemardesque qu'elle avait sous les yeux, que ses instincts qu'elle trouvait au moins aussi abominables. Elle avait faim, c'est un fait. Et voir tout ce sang n'aidait pas. Et elle se trouvait ignoble, pour le coup; presque autant que le monstre qui semblait se régaler face à elle. Elle était tétanisée. Elle n'arrivait pas à bouger, peinait à respirer; alors fuir, fuir, mais n'en parlons même pas ! Il fallait bien qu'elle continue à s'oxygéner, pourtant, et il lui faudrait bien prendre à ses jambes à son cou aussi, à un moment donné, si elle voulait sauver sa peau. Sauver sa peau. Depuis quand était-elle si lâche ? Sauver l'individu n'était pas du courage; sauver un cadavre ne présentait en théorie pas le moindre intérêt. Mais ce type était un monstre. Or, Leonor se révoltait toujours quand quelque chose était contre nature, inhumain, criminel, injuste... Alors, pourquoi pas aujourd'hui ? Parce qu'elle avait peur ? De qui ? De lui, ou d'elle-même ?
Elle glissa le long de son mur. Son regard restait fixé sur le crime, sur l'Horreur, incapable d'agir, ni même de réfléchir correctement. L'odeur sanguine qui lui montait au cerveau la rendait folle; elle n'en pouvait plus. Sa condition était horrible, ce qu'il faisait était horrible, tout était si horrible. Il fallait que ça s'arrête. Maintenant. Il fallait que ça s'arrête. Maintenant ! Mais elle était incapable d'y faire quoi que ce soit. Pourtant, elle en crevait d'envie, autant que de peur, autant que d'horreur; elle était perdue, prise dans un étau, broyée sous des sentiments contradictoires.
« A...Arrê...Arrêtez... Stop... »
Ses yeux se mirent à la brûler, sa vue à se flouter, son monde à basculer. Il fallait que cela cesse. Il le fallait ! C'était horrible, tellement horrible. Et le pire, le pire dans tout cela, c'est que cela ne lui donnait pas envie de vomir; non, son haut le cœur, c'était au début. Puis face à ses réactions. Elle n'en pouvait plus. Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Mais quoi ? Que pouvait-elle faire ?
Elle tenta de se relever; chose difficile, mais qu'elle parvint à faire. Elle songea rapidement qu'elle aurait du choisir de courir après des écureuils aujourd'hui, plutôt que de venir à Skyworld, pour se perdre. Plutôt que de chercher à... Non, elle ne voulait pas y penser. Elle déglutit difficilement, avança, tangua un peu, faillit retomber. Mais elle ne devait pas. Elle se pencha - mauvaise idée, elle frôla la rechute. Elle attrapa une barre de métal, se tourna vers le malade qui se nourrissait tranquillement, comme si elle n'avait jamais existé, comme si elle n'était pas là, à le supplier de cesser son méfait. Elle prit une grande inspiration. Elle tremblait encore un peu. Mais pas de peur. Et c'était surement cela, le pire.
« Hé le monstre. J'ai dit stop. Lâche ce type. »
Son regard était opaque, incontrôlé, perdu; elle était ailleurs, fébrile et semblait être sur le point d'exploser. Elle allait le frapper, aussi fort qu'elle le devrait, quitte à lui ouvrir la boîte crânienne, à le tuer - elle se perdait.