« Need help ? {Dimitrik}

Complètement épuisé, Cédrik avait décidé de se promener dans la forêt. Il faut dire que la journée avait été rude pour lui avec sa santé mentale de nouveau fragile. À tout moment, il pouvait basculer du côté de la folie pour faire des choses sanglantes et qu'il allait très certainement regretter. Comme lorsqu'il avait égorgé ce pauvre petit lapin dans la forêt. Cette pensée à elle seule le faisait presque trembler de peur. Il avait peur de lui-même. De ce qu'il était maintenant capable de faire de sang-froid. Il n'aimait pas ce qu'il pourrait devenir s'il ne faisait rien. Le garçon avait passé la journée à penser à une telle chose et il en avait même discuté avec Nathan. Tout ça l'avait drainé plus qu'il ne le pensait. Alors il avait décidé d'aller se ressourcer dans la forêt. Le seul endroit qu'il connaisse par coeur sur cette île. C'est aussi le seul endroit où il se sent bien. Trop bien.

Ses pieds foulaient l'herbe verte tranquillement. Le violet appréciait la vue des arbres en serrant Teddy contre son corps. Une chose aussi futile détendait Cédrik à un point que personne ne pourrait imaginer. Il aimait tellement la nature à cause de son côté apaisant et rassurant. Bon, ce n'est pas toujours le cas, puisque la nuit y est sombre et remplie de créatures nocturnes, mais pour l'adolescent, ça n'était pas un lieu dangereux. Il ne percevait pas les choses de la même façon qu'un adolescent de son âge. Il voyait plutôt la vie comme un enfant innocent qui n'y connait rien. En fait, c'est un enfant dans sa tête et il ne comprend pas tout même s'il est très intelligent.

Ses pas le menèrent à une clairière bien éclairée par le soleil haut à l'horizon. Il plissa les yeux et les protégea avec son bras. Il faut dire que la végétation avait été plutôt dense, ne laissant aucune luminosité s'infiltrer entre les branches des arbres. Lorsque que ses yeux se furent habitués à la clarté soudaine, Cédrik s'avança doucement dans l'herbe grasse et duveteuse. Un sourire étira ses lèvres, signe qu'il avait été apaisé par son passage entre les arbres. Cette clairière venait rajouter au bonheur que ressentait le violet. Il ferma les yeux alors qu'une légère brise venait caresser son visage et faire bouger ses cheveux violacés. « Hé! » La fée sursauta violemment  et ouvrit les yeux. En se retournant vivement, il s'emmêla les pieds et trébucha. Son petit corps fragile vint heurter le sol avec une certaine dureté, lui envoyant un éclair de douleur dans la hanche. Il resta donc en position assise et cacha le bas de son visage derrière son ourson en peluche alors qu'il posait son regard violacé sur l'autre adolescent.

Cédrik n'aimait pas vraiment ça, car le blond en face de lui ne dégageait pas une aura rassurante. Déjà qu'il ne supportait pas très bien les personnes de sexe masculin. Petit craintif qu'il était, le garçon n'osait pas trop bouger ou parler. Qui était-ce et pourquoi l'avait-il abordé de cette façon? Il devrait savoir qu'on ne surprend pas les gens ainsi. Encore moins un gamin. « Qu-quoi? » Sa petite voix cristalline avait monté d'un cran alors qu'il prenait la parole. Il était incertain. Et si ce garçon lui voulait du mal? Comment allait-il se défendre? Calme. Il lui fallait se calmer avant de paniquer complètement et de perdre les pédales, ce dont il n'avait pas du tout envie.

Le blondinet jaugeait Cédrik du regard et celui-ci n'aimait pas vraiment ce regard. En plus, il le dominait de toute sa hauteur. Rien d'étonnant puisque le garçon était assis au sol. Le violet déglutit. « Mets-toi debout, ça va. Je suis pas un assassin. » Sa voix le fait sursauter légèrement. Quand l'adolescent est nerveux, il l'est pour de bon. Un rien le fait sursauter et il craint toujours le pire. D'ailleurs en ce moment, il craignait que l'autre lui fasse du mal comme en était capable les hommes. Qu'ils soient jeunes ou non. Malgré que le blond lui ai sommé de se lever, Cédrik savait qu'il aurait du mal à le faire. Cependant, il ne dit rien et s'exécuta pour réussir à la deuxième tentative et avec des grimaces de douleur pour sa hanche meurtrie. Tomber assis au sol n'était pas bon pour son corps fragile, mais ça, personne ne pouvait s'en douter.

Une fois qu'il est debout en face du second adolescent, le violet remarque qu'il est un peu plus petit que son interlocuteur. Il faut le dire, cela rajoutait à la peur de la fée. Son regard foncé détaillait sans vraiment le vouloir le blond en face de lui, alors que celui-ci en faisait de même. Cédrik savait à quel point il paraissait fragile et c'était le cas. Il savait aussi qu'il était faible et que s'il se décidait à l'attaquer, il ne gagnerait pas. La posture du blond ne mettait pas en confiance le garçon qui serrait son ourson en peluche contre lui et tentait de calmer ses légers tremblements. « T'es vraiment bizarre comme gars toi. T'as quel âge ? Dix ans ? C'est ridicule de se balader à cet âge-là avec une peluche. Tu fais une proie facile pour tous ceux qui voudraient se défouler. Plus t'as l'air faible, plus t'as de risques de te faire casser la gueule. » Mais le violet sait déjà tout ça. Et puis, il n'allait certainement pas arrêter de se balader avec sa peluche simplement parce que c'était ridicule à son âge. Teddy était ce qui lui avait sauvé la vie et ce qui lui sauvait toujours la vie même aujourd'hui.

« Tu t'appelles comment minus ? Moi, c'est Dimitri. » « Cédrik. » Sa voix tremblait et n'était pas aussi pleine d'assurance que celle de Dimitri. Cependant, les deux garçons n'avaient pas du tout le même caractère. L'un était d'une agressivité dominante et l'autre était d'une incertitude perturbante. Un fort et un faible. Mais Cédrik a toujours été un faible. Du moins, physiquement. Car mentalement, c'était autre chose. Encore là, il n'était pas sûr d'être d'un mental si fort que ça avec sa folie menaçante. « Et j'ai pas dix ans. J'ai quinze ans. » Cédrik était habitué de paraître beaucoup plus jeune que son âge, mais jusqu'ici, le blond était le premier à penser qu'il était aussi jeune. Les autres lui donnaient généralement douze ans, pas dix ans. L'adolescent déglutit de nouveau et tenta de prendre son courage à deux mains, car il se sentait vraiment en infériorité en présence de Dimitri. « Tu fais partie de ceux qui... casse la gueule des autres? À cause d'une peluche? La petite fée tentait de comprendre le raisonnement du blondinet. Même s'il était peu sûr de lui face à cet autre adolescent, il tentait tout de même de faire des efforts pour ne pas laisser sa peur le submerger.

Cédrik regardait le blond en se cachant presque derrière Teddy de nouveau. Oh, Dimitri avait une bouille aussi angélique que la fée. Cependant, ce qui terrifiait le violet était non seulement son air hautain, mais cette lueur mauvaise dans son regard saphir. Même s'il n'était pas particulièrement doué pour déchiffrer ce que ça voulait dire, l'adolescent n'en ressentait pas moins un danger émanant de ce garçon. Probablement pas envers lui, mais envers tous les autres. Non, parce que qui voudrait faire du mal à un être aussi adorable que Cédrik? Seul son ancien bourreau saurait dire pourquoi c'était aussi agréable de le torturer. Lui qui ne représente aucunement le danger. On pourrait dire que c'est la douceur incarnée. Enfin, quand il ne pique pas une crise de folie. Parce que bon, c'est pas ce qu'il y a de plus mignon.

« Non, morveux. Je suis pas de ces gars-là. Moi, je suis le genre de gars qui tape sur les plus forts, les grands costauds que personne n'ose affronter. J'ai peur de rien. Ah et au fait, t'as vraiment quinze ans ? Moi j'en ai quatorze et je suis plus grand que toi. » L'interpellé ouvrit la bouche pour répondre, mais s'interrompit en constatant un léger changement dans son attitude. En fait, à le regarder comme il faut, il crut déceler une étincelle de curiosité à son égard. Le violet n'aimait pas vraiment ça, mais c'était toujours mieux que son aura dégageant un sentiment inconfortable. Le violet aurait voulu lui dire que c'était normal qu'il soit plus grand qu'il ne l'était du haut de ses quinze ans. Tout ça, parce que sa croissance a été arrêté et pas de la façon la plus plaisante qui soit. Il aurait voulu lui dire tout ça, mais il s'en abstint. Parce qu'il ne le connaissait pas, mais aussi parce qu'il ne se sentait pas en sécurité avec une personne telle que Dimitri. Il n'avait confiance en personne à la base et le blond ne faisait que lui affirmer pourquoi. « Dis le gosse, pourquoi un trouillard comme toi se balade tout seul en forêt ? Tu pourrais te blesser ou quelque chose comme ça. » Un nouveau sursaut accueille Cédrik lorsque la voix du blondinet retentit de nouveau dans les airs.

Ne s'étant pas rendu compte qu'il avait baissé les yeux, le garçon à la chevelure violette les leva pour observer les prunelles bleu clair de celui en face. « Euh... C'est normal que tu sois plus grand que moi...Tu peux encore grandir, toi... Moi, non. » C'était assez vague pour qu'il se pose des questions et insiste peut-être, mais Cédrik avait pris le risque, car il ne supportait pas que l'on abuse de son infériorité en ne sachant rien sur lui. Au moins maintenant en connaissait-il assez pour savoir que ça n'était pas sa faute s'il avait cet air si fragile. « Et... La forêt n'est pas vraiment le lieu le plus... dangereux... J'y vis et je connais plusieurs cachettes utiles... Et ce n'est pas parce que je peux me blesser que je dois restreindre mes déplacements dans l'endroit le plus plaisant de l'île... » Car les arbres qui l'entouraient en permanence lui faisait le plus grand bien, cela l'apaisait. Lui et sa folie. Lui et sa faiblesse plus que visible. Puisqu'il était tombée sur sa hanche plus tôt, il commençait à ressentir les effets en restant ainsi debout. Elle lui lançait de petits éclairs douloureux. Il décida donc de s'asseoir au sol, mais pas trop longtemps, sinon il ne pourrait plus se lever. Quinze ans et prisonnier de son corps. Un corps meurtri jusqu'à la fin de son existence. Un corps qui ne guérirait jamais.

À peine venait-il de commencer à le menacer qu'il s'interrompit lorsque Cédrik s'assit sur le sol. Son ton beaucoup trop menaçant ne l'avait pas fait réagir au début, mais s'il avait continué sur sa lancée même une fois assit, le gamin aurait voulu se cacher sous terre pour le fuir tellement il lui faisait peur. Mais heureusement pour le violet, l'effet se brisa aussitôt qu'il arrêta de parler. Il vit une interrogation dans le regard du blond et de la curiosité. Enfin, pas trop quand même. C'est vrai que de voir quelqu'un s'asseoir subitement face à soi, c'est plutôt perturbant. La fée redoutait déjà le craquement horrible de sa hanche lorsqu'il se relèverait. Peut-être même devrait-il se rendre à l'hôpital après coup. Il ne fallait pas qu'il y pense. « Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as mal quelque part ou t'es juste fatigué d'être debout ? » Le visage de Dimitri empêcha Cédrik de répondre. Même qu'un petit sourire vint effleurer ses lèvres lorsqu'il se rendit compte que le blondinet n'en croyait pas ses oreilles.

Pour la première fois depuis les premières minutes de leur rencontre, Cédrik ne sentait plus autant de danger de la part de l'autre adolescent. Cela le rassurait, en quelque sorte. Il en avait un peu marre de vivre dans l'anxiété quotidienne de rencontrer une personne qui serait comme son bourreau l'avait été. Car le garçon ne craignait pas la mort, il craignait la torture et la souffrance. La mort serait plutôt une délivrance pour sa jeune âme meurtrie. « Je demande ça juste comme ça. Je m'en fiche. Ne va pas croire que je m'inquiète pour toi. » Cela le fit sourire encore plus, d'une façon entièrement enfantine. Il démontrait ainsi à Dimitri qu'il comprenait tout, mais qu'il ne le contredirait pas. « J'ai mal, en fait. Ma hanche est douloureuse et elle ne supporte plus que je sois debout. » Encore heureux qu'il ne l'ait pas aperçu marcher, car il aurait sans doute remarqué la démarche boiteuse de Cédrik. Mais ce qui paraissait le moins avec sa folie, c'était son bras qu'il n'arrivait plus à plier correctement.C'était beaucoup trop subtile pour que quelqu'un le remarque au premier coup d'oeil. En regardant avec plus d'attention, probablement que ça serait visible, mais encore faut-il savoir où regarder.

« Malheureusement, je suis prisonnier de ce corps fragile, je ne pourrai donc pas m'endurcir à cause de mes blessures permanentes. Mais ce n'est pas grave, tu sais. Je n'ai pas peur de la mort. » Il disait ça avec un naturel effrayant. Il affichait même un petit sourire sympathique. C'était vrai que la mort le laissait de marbre, mais parlez-lui de torture et son expression s'assombrira subitement. Par contre, tant qu'il avait Teddy, tout irait bien. Dès que ses pensées se tournèrent vers la peluche, le violet la serra contre son frêle petit corps d'enfant. Un corps qui ne grandirait plus et si un garçon plus jeune que lui le dépassait largement, c'est peu dire qu'il a un corps d'enfant. Cédrik laissait son regard foncé fixer le blondinet alors que celui-ci tentait d'avoir son air hautain sans grand succès.

Finalement, Dimitri se décide à s'accroupir devant le violet. Cependant, il affiche un sourire et son hostilité s'efface de son visage graduellement. Il n'est plus le bourreau qu'il redoute depuis tout à l'heure. En fait, il semblait se cacher derrière un masque. Le masque du méchant garçon. Au fond, il ressemblait à Cédrik, il pouvait le voir dans ses prunelles claires. De son côté, le garçon afficha un sourire également, content de constater qu'il n'est pas tombé sur une personne avec de réelles mauvaises intentions. « Je ne sais pas trop ce que tu entends par prisonnier de ton corps, et je m'en fous un peu. C'est du discours de petit garçon. Sois un homme. » Il était là, le problème. Cédrik, la petite fée toute délicate, n'allait jamais être un homme. Il était condamné à vivre éternellement dans son corps d'adolescent de quinze ans. Avec les blessures et complications qui vont avec. Ses grands yeux curieux regardaient le blond. Il se demandait maintenant ce que cet adolescent avait vécu pour se forger un masque de la sorte.

« C'est quoi ta race ? À voir ta tronche, je dirais que t'es un hybride mouche. 'Fin bref. C'est pas parce que physiquement, tu seras toujours taillé comme une endive que tu peux pas t'endurcir. Crétin. Je suppose qu'il y a bien un truc que tu sais faire ? Faire pleuvoir de la pisse ? Parler aux arbres ? Y'a bien un truc qui pourrait servir. Et puis, sinon, je t'appendrais. » Le violet hausse un sourcil et s'esclaffe aux paroles de Dimitri. Hybride mouche? Sérieusement? Ça faisait bien rire le garçon de quinze ans. Ce blondinet avait le don de dire n'importe quoi pour ne pas montrer un côté plus gentil. Mais Cédrik comprenait. Du moins, il tentait de comprendre et y parvenait quand même assez bien. Rendu à ce stade, il savait bien que l'autre ne voulait pas paraître plus gentil par orgueil. Mais il ne dit toujours rien. Il ne le dira jamais, de toute façon. « Raconte moi, morveux. Tes parents, ton corps fragile. Tout ça. Et fais en sorte de ne pas te rendre ennuyeux. » Il était maintenant assis en face de Cédrik et le coupait presque de son regard bleu. Non. Le violet en était sûr et certain: il ne le dirait jamais.

Serrant sa peluche contre lui, il finit par soupirer. Ça l'embêtait de devoir raconter son histoire à quelqu'un qu'il ne connaissait pas et que sa première impression n'avait pas été très... bonne. Cependant, il lui devait bien des explications pour qu'il cesse de le traiter de faible. Bien que ce soit ce qu'il était. Ça ne voulait cependant pas dire qu'il acceptait de se faire traiter de la sorte. Plantant son regard innocent dans celui de Dimitri, il prit son courage à deux mains. « Tout d'abord, je suis une fée. Une fée mordue par un vampire. Je ne peux plus vieillir, c'est pour ça que je dis que je suis prisonnier de mon corps. Pourquoi il est fragile? » Le garçon se tortille sur place, le sujet le rendant visiblement mal à l'aise. « Je ne me souviens pas de mes parents, parce que j'ai été enlevé à l'âge de sept ans par un méchant monsieur qui m'a gardé captif pendant cinq ans. Pour faire court, durant ma séquestration, il m'a tiré dessus à la carabine à bout portant dans la cuisse et dans la hanche un peu plus tard. Il m'a cassé le bras et ne voulait pas retirer les balles ou me laisser avoir un soutien pour mon bras cassé. J'étais enchaîné dans un petite pièce et je ne mangeais pas beaucoup en même temps de me faire battre. » Sa voix tremblait maintenant légèrement à ces souvenirs douloureux. Il n'allait pas pleurer. Non, il n'allait pas le faire, parce que c'était passé et qu'il n'avait plus aucune raison de s'apitoyer sur son sort. « J'ai été sauvé et blabla pour me retrouver sur l'île et me faire agresser dans la forêt par un vampire dont je ne connais pas le visage. Désolé, je n'ai pas vraiment de talent de conteur. » Il lui fit un sourire triste.