Depuis qu'il avait été exclu de chez les Mewari, Firenze n'avait survecu que grace à sa bouille d'angelot et son légendaire -pas encore, certes, mais cela allait le devenir- sens du devoir et de l'altruisme. Mais il était temps, à ses yeux, d'aller de l'avant, de prendre des responsabilités. Il tentait désespérément d'entrer au service d'un artisan quelconque. Mais après avoir transformé en plomb une miche de pain chez le boulanger, fait exploser une bûche chez un menuisier, et rendu inutilisable un coupon de tissu a cause de sa maladresse, il n'avait plus eu qu'un seul choix d'emploi : se faire engager par un forgeron. Fort heureusement pour lui, l'échoppe au panneau de bois "Blacksmith" l'accueillit sans mal. L'artisan, quelque peu mal luné, cherchait un apprenti pour l'aider dans sa tache. Sa barbe grise, ses cheveux grisonnants cachés sous un bandeau blanc et son tablier de cuir lui donnaient un air aussi sévère que sympathique. Firenze ne put refréner l'image qui lui venait en tête en voyant l'homme aux muscles saillants : on aurait dit un hibou. Ses sourcils noircis par la fumée et la chaleur étaient tout ébouriffés, tant et si bien qu'il ressemblait fortement à l'un de ces volatiles.

Son premier travail en tant qu'apprenti fut d'étudier les différents métaux à disposition, la manière de les travailler, ainsi que leurs différents emplois. Il apprit en une semaine seulement comment modeler par le feu tel ou tel alliage ou metal pur, en une autre, quel métal utiliser pour quelles tache, et enfin, au bout de la troisieme semaine, il passa à la pratique. Il ne se broya les doigts que trois fois aver le marteau, se brûla sept, manqua de s'empaler le pied deux fois, et de tomber dans le brasier une seule. Vers la fin de la troisième semaine d'apprentissage, il décida de faire usage de ses talents : la matière lui obeissait. D'un passage de sa main contre une barre d'acier, il en faisait une lame aiguisée. D'un autre, il la trempait en modifiant sa structure. Un troisième ornait la lame d'arabesques. De la même manière pour le fourreau, la garde et le pommeau, il usait de ses talents pour faire de chacun de ses travaux une oeuvre à ses yeux, tant et si bien qu'il put bientot travailler à même l'atelier, aux côtés de son employeur. S'il ne gagnait que trente pour cent de ce qu'il rapportait à la boutique, cela lui suffisait amplement, puisque son maître en la matière le logeait et le nourrissait gratuitement à côté de ça. Il vit passer une dizaine de clients en une semaine, et acceptait toutes les commandes, de la réparation d'une chaise ou d'une grille en fer forgé à la confection d'une armure intégrale (bien que dans ce cas précis, il dut souvent faire appel à celui qui lui enseignait les ficelles du métier). Firenze travaillait dur, et ne se faisait pas prier pour se lever avant même l'aube pour préparer un solide repas des le matin pour lui ainsi que pour le forgeron. 

Les travaux ne manquaient pas, et le forgeron n'était plus tout jeune. Firenze se demandait comment il avait parvenu à tenir le coup, seul, avec tout ce beau monde qui venait faire re-tremper une épée, faire affuter haches et flamberges, fabriquer heaumes ou épaulettes...ce n'était pas de tout repos à deux, mais seul, le jeune garçon jugeait la tache impossible. Son assiduité au travail ravissait entièrement son tuteur, qui n'hésitait pas à lui laisser de plus en plus de liberté dans l'échoppe, là ou il n'avait pour ordre au début de son apprentissage que de s'occuper des petites commandes. Un jour, il eut même le privilège d'apprendre à sertir une pierre précieuse dans un châton, et de créer pour une noble de la ville une chaîne en or aux maillons imbriqués les uns dans les autres d'une manière si sophistiquée et artistique qu'il fallait de l'entrainement pour enlever ou mettre le collier, qui, bien que fait sous la tutelle du maître forgeron, gardait tout de même la patte de Firenze, qui avait gravé à meme de métal de nombreuses et délicates arabesques. Sa voix et son don faisaient tout le travail. Il se sentait chez lui dans cet univers enfumé et brulant, au coeur de tant d'acier et de cuir, de saumure et d'eau bouillante, de métal en fusion et d'armatures en bois. Un matin, Firenze sentit une ombre se poser sur lui, qui était du côté de la forge, séparée de la place d'Athena par un comptoir en bois d'olivier. Il terminait son repas tandis que le forgeron faisait sa toilette, et, sans même se retourner, il s'adressa au nouvel (à la nouvelle?) arrivant(e) avec un air joyeux qui reflétait son humeur du matin. Adamante était passée le voir la veille au soir, et il en avait été absolument ravi!

-Bonjour! De quoi avez-vous besoin? Une épée à forger ou reforger? Une armure cabossée? Un collier ou une bague pour une réception, peut-être? Dites-moi tout, je suis à vous dans un instant!