STOP. Pause. On arrête. Tout de suite. Fäne regardait l'image à l'arrêt avec une pointe de dépit. Ces derniers temps, les humains ne savaient plus quoi inventer, niveau film. Une moue peu convaincue au visage, il regardait le bonhomme de neige s'extasiant comme un con sur un possible été dans lequel il pourrait chanter et siroter des cocktails avec des... Glaçons. Pardon ? Alors, à la limite, qu'un bonhomme de neige s'exprime, passe encore -on n'était, après tout, dans un divertissement "tout public", sous-entendez là, pour les enfants-, mais qu'il rêve de se prélasser sur des plages de sables fins... Que fumait le personnel des studios Disney ? Et puis avec un nom pareil, il avait déjà pas de bol. Le pauvre.
Plaçant une main sur son visage, il secoua sa tignasse d'argent avant de jeter un nouveau coup d’œil à l'image à travers deux de ces doigts écartés; ensuite, il s'affala sur son canapé et se demanda s'il allait avoir la force de regarder cette chose jusqu'au bout. Et puis bon. Il en avait vu pire et, de toute façon, il doutait qu'un dessin-animé pour enfants puisse le damner, tout de même. Blasé, il remit sur lecture et observa d'un œil critique les scènes se déroulaient les unes après les autres, ne pouvant cependant retenir un sourire à cette phase "
Mais il faut que quelqu'un lui dise..." de Christophe, à propos de Olaf. Les minutes passent, puis la fin défile et Heylin s'étire, satisfait; FINI, ENFIN. Il se redresse, éteint l'écran puis se dit qu'il serait peut être temps d'arrêter de squatter la première maison venue. Ouais, il kiffait imiter Boucle d'Or. Soyons gentils les nounours. Sortant par une fenêtre, il sautilla jusqu'à s'être relativement éloigné et lança un regard par dessus son épaule. Personne ne l'avait vu. Bien. Et maintenant, il pouvait suffisamment se faire chier.
Bien sûr, comme à son habitude, il avait laisser son violon sur le bateau; histoire de pouvoir faire des conneries sans que son précieux instrument ne craigne quoi que ce soit. Les mains derrières la tête, il se surprit à siffloter le dernier morceau sur lequel il travaillait et sourit; il le connaissait par cœur, ce qui signifiait que la maîtrise commençait à venir, qu'il commençait à s'approprier les notes; bref, qu'il connaissait suffisamment bien la partition pour la réciter. Et la jouer les yeux fermés. Exquis. Il aimait cette sensation, ce sentiment qui l'emplissait quand il parvenait enfin à maîtriser un morceau. Un sentiment de plénitude, de bien être; décidément, le violon, cela lui faisait un bien fou. Pourtant, il s'agissait là de ce qui le rattachait à sa maudite famille, celle qui l'avait tour à tour rejeté, isolé, puis avait tenté de le tuer. Mais le violon, c'était avant tout comme une drogue; addiction, douce addiction qui le saisissait, l'enchaînait avec douceur, et qui, en plus, lui faisait aimer cela. Quoi qu'il s'agissait d'une bonne drogue, nous dirons.
Excité par la perspective de réussir un morceau sur lequel il s'appliquait depuis un certain temps déjà, il prit la direction du navire afin de récupérer son instrument. Il lui fallut un certain temps avant d'approcher de l'endroit où ils avaient jeté l'ancre, mais peu avant de monter, tout guilleret. Après quelques salutations rapides et l'esquive de quelques piques -"tient, t'es encore vivant toi ?" entre autre chose-, il approcha de la soute où se trouvaient, délicatement installé, l'étui ainsi que son archet. Les attrapant au vol, il balaya du regard le pont et fi la moue; il avait pas envie. Je veux dire, de jouer devant eux. Pas sans être sûr qu'il serait réussi, et ce à la perfection -ou proche, hm, c'est pas un dieu non plus-, alors il lança la sangle sur son épaule, chopa l'archet, et se barra en ignorant superbement les remarques surprises. Il devait préférer la terre, finalement, se disait-il parfois. Quoi que rien ne le rendait plus heureux que de voguer, tous ensemble -à part, peut être, se fondre dans les notes, délicatement (ou moins) produites par le contact de son archet sur les cordes. Il sourit.
Il fallait cependant dire qu'il ne connaissait pas quarante mille endroit où s'entraîner sans être dérangé. Alors, il se rendit au seul lieu qu'il connaissait; le parc. S'installant sous un saule pleureurs, il sortit délicatement son violon. Il l'accorda, le traitant avec toute la douceur dont il était capable -et qui se montrait fort surprenante pour... lui-, saisit sa colophane ensuite, l'appliqua sur la mèche de l'archet... Quand toutes les préparations furent réalisées, il se lança. Quelques reprises, quelques fausses notes; bon, continuer, ne pas s'arrêter, se concentrer... Ne pas criser... Travailler les trois premières mesures -ou plutôt les retravailler hm-; par petit bout... Bien se concentrer... Finalement, au bout de quelques dizaines de minutes, un immense sourire satisfait vint parer ses lèvres;
CA Y EEEEST, songea-t-il. Profitant alors pleinement, il joua pour lui, seulement pour lui; pour se sentir plein et heureux, pour se sentir vivant. Puis trois guignoles pointèrent le bout de leur nez, et la récré fut terminée.
Ne se gênant pas pour tirer la gueule comme il faut, il rangea tout avant de lever le camp. Quelques protestations balayaient par la brise, amusé, le petit connard que voilà décida de reprendre son jeu quand il trouverait un endroit plus tranquille. Le parc était donc pas si calme et vide que cela, finalement. Suivant quelques sentiers, errant, quelques notes s'accrochèrent à l'air, le faisant quitter son état second, le rendant plus réveillé que jamais; un violon. Hmmm c'était une belle journée dites donc. Un sourire diabolique aux lèvres, il s'approcha -si le/la joueur/se était comme lui, ça allait le faire rager. Il aimait faire rager les gens. S'approchant, il reconnut l'air joué là; et dire qu'il en avait, plus tôt, dénigré le film d'où il venait... Douce ironie. Pourtant, il fallait dire que jouée, cette musique n'avait plus du tout la même intensité, le même beauté; à ses yeux, elle gagnait en noblesse, d'autant plus que le (ou la) violoniste jouait avec une certaine émotion qui ne pouvait, quoi qu'il en aurait dit, le laisser indifférent; ce n'était peut être pas parfait, mais tellement, tellement humain. Aussi étrange que cela puisse être, il fut piqué à vif, et eut envie de voir qui pouvait produire une telle merveille. Et bien sûr, il fit un bruit; un bruissement de feuilles qui stoppa le joueur -il le voyait, maintenant- dans son élan, et qui décrocha une moue boudeuse à Nox.
« Qui va là ? »
Blasé, Fäne passa une main sur son visage, toujours planqué derrière son arbre, puis lança un regard au ciel, un sourire sans vie, sans émotion, se dessinant. Jetant un coup d’œil, il avisa le jeune musicien ranger ses affaires puis s'adosser à l'arbre se dressant fièrement derrière lui -logique. Le scrutant un moment du regard, il sourit, franchement amusé cette fois. Il était plus jeune que lui, c'était indéniable; mais il avait ce port et cette prestance, cette allure que l'on ne prêtait surement pas à un enfant. Aussi, cela le fit plus doucement rire qu'autre chose. Vieille habitude. Seulement, il lui accorda un minimum de respect pour ce qu'il avait produit quelques instants plus tôt. Il le vit alors bouger, et il se retint de rire pleinement. Il l'attendit patiemment et put aisément constater qu'il était effectivement plus jeune et surtout... Plus petit. Hochant la tête, il lâcha un
« Salut. »
Avec un immense sourire. Le jeune homme, lui, sembla agir spontanément, et bien sûr, comme on pouvait l'attendre de lui, Heylin éclata de rire à la fin de sa phrase.
« Qui es-tu ? »
Ce n'était pas la phrase en elle même qui le fit rire, mais plutôt le sérieux du jeune homme, la tête qu'il tirait au moment où il la déblatéra. Il n'avait vraiment pas les manières d'un gamin -et pourtant, c'en était un. Toujours cet air taquin au visage, il lâcha :
« Tu sais, la politesse exige que l'on se présente avant de demander ce même fait à autrui. »
Lançant un regard à l'étui du violon du gosse -il est sympa-avant de reprendre :
« Mais bon. Je ferais une exception pour un violoniste en herbe comme toi. Heylin. C'était très bien joué; pas parfait, mais je dois avouer que je reste admiratif. »
Il remonta la hanse de son propre étui.