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 Au coin de la rue... [PV Jenna]

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Anonymous
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Au coin de la rue... [PV Jenna] | Mar 30 Avr 2013, 19:45


Avant une rencontre...





I
nutile pour qui que ce soit de chercher Samaïl où il était censé être ce soir là, comme tous les autres soirs, d’ailleurs. Pilier de comptoir aguerri lorsque venait la nuit, le jeune russe avait opté pour une toute autre activité nocturne, probablement plus profitable à ses neurones et à ses poumons habituellement harassés à cette heure par les relents des herbes que fumaient les autres clients de tous les lieux mal fréquentés de l’île.

Car il ne faut pas croire que Sanctuary of Heart n’est qu’un repaire pour les licornes et les poneys sauvage, un endroit tout joli tout mignon tout doux tout rond tout rose où évoluent en liberté non pas des rondoudous, eux-mêmes tout jolis tout mignons tout doux tout ronds tout roses voire même des toudoudous, encore plus tout jolis tout mignons tout doux tout ronds tout roses, mais bel et bien des êtres humanoïdes dotés de pouvoirs propres. Si sur terre on aurait parlé d’êtres merveilleux, et c’est bien là qu’il ne faut pas se tromper, il est parmi ce (plus ou moins) beau monde une populace sombre et bien moins parfaite que l’on pourrait le croire. Et Samaïl faisait à moitié partie de cette pègre fantastique, qui, comme sur Terre, n’était pas vraiment aussi calme qu’elle ne voudrait le faire croire.


Ainsi donc, aucune taverne , aucune maison-close, aucun comptoir de commerce n’avait ce soir là la visite du jeune homme blond au bras d’acier. En effet, ce n’était pas vraiment sa journée, et il ne préférait pas la finir comme d’habitude ivre mort, affalé sur un divan, dans les bras de deux filles de joie, et se réveiller le matin même avec deux véritables épaves laides comme des cageots a ses côtés. Non, cette nuit, il avait opté pour une autre solution. Monté sur le dos de Vladyka, son lié, un magnifique Grizzly de deux mètres et demi d’envergure, il patrouillait dans les ruelles. Les seuls grondement de l’animal annonçaient la funeste venue de la faucheuse pour quiconque se trouverait où il ne devait pas être. Mais vous vous doutez bien que si Samaïl faisait cela, ce n’est pas pour faire régner la loi et l’ordre dans le quartier. Bien sur que non. Dans la journée, il avait eu quelque démêlé avec un groupe de loubards des ruelles, et il avait du, préférant ne pas se salir les mains car étant convié dans l‘après midi chez une bonne famille de la ville, leur abandonner un pendentif en argent au quel il tenait beaucoup. Et lorsque l’obscurité annonciatrice d’une nuit de nouvelle-lune se fut étendue sur les pavés moussus des étroits passages de ce quartier de la ville, Samaïl s’était mis à roder, accompagné de son camarade de toujours.


Il lui avait fallu une bonne heure pour retrouver les uns et les autres qui composaient les racketteurs. Encore des nouveaux à qui les anciens n’avaient pas fait le topo. Bizutage de bleusaille, et une fournée de plus! Envoyez les confettis! Que le champagne coule a flot! Bienvenue dans la bande, les gars, maintenant, vous savez qu’il faut pas toucher, vous êtes des vrais, des durs! On se tasse un peu, la place est chaude pour les nouveaux! Comme d’habitude? Non. Samaïl n’avait vraiment aucune envie que cela se passe comme d’habitude. En règle générale, il les laissait lui prendre un gant, ou rien du tout, et leur faisait passer gentiment l’envie de rire. Ce jour là, ils avaient touché à la seule chose a laquelle Samaïl tenait encore. Le seul souvenir physique qu’il lui restait de feu sa sœur. Et un par un, il les avait frappés jusqu’à avoir ce qu’il voulait. Le bijou avait été vendu à un prêteur sur gages du coin. Cette nuit là, dans les égouts de Skyworld, on retrouva, flottant sur un radeau d’ordures accumulées, cinq corps inanimés. Combien d’entre eux ne se noieront pas? Samaïl s’en moquait éperdument. Sa seule réputation dans les environs lui valut un sourire aimable du prêteur en question, qui se fit un plaisir, moyennant finance (la bourse d’un de ses agresseurs avait suffi), de lui restituer l’objet. L’argent changeait de main. L’or aussi. Tournez manège, rideau, c’était fini.
Crédit: Cali' in Epicode






...Au coin de la rue.





M
ais la nuit ne s’arrêtait pas là, vous vous en doutez bien. Et ce fut un Samaïl souriant qui laissa son lié le mener où bon lui semblait. Le russe était avachi sur la fourrure du Grizzly, calme, profitant de la tiède brise de printemps qui lui caressait la peau. Il avait posé son manteau dans une des stalles sur le dos de Vladyka, et ses gants dans son manteau, ainsi donc il était torse-nu contre le doux pelage du massif animal dont les pas étaient entièrement silencieux. Ses griffes ne cliquetaient pas sur les pavés. Ses pattes ne dérapaient pas contre les morceaux de roche. Ses poils ne frottaient pas le sol. Le silence le plus complet entourait l’animal et son camarade. La tête tournée vers le ciel, Samaïl ne comprit pas tout de suite pourquoi sa monture ralentissait, semblait calculer sa trajectoire peu à peu, alors que l’ours déambulait quelques secondes avant, sans but ni direction. Sa main de métal devint une lame effilée, crantée d’un côté, sa respiration se fit plus calme, tout comme celle de son affilié, et il se redressa lentement par-dessus l’encolure de l’animal. Que suivait-il? Samaïl allait bientôt être fixé là-dessus.

Passaient, interminables, les secondes qui le séparaient de cette découverte, les centimètres lentement parcourus par l’animal, qui l’éloignaient de même du mystérieux objectif, Samaïl ne bougeait pas d’un pouce, prêt à agir quelque soit ce qui l’attendait à la fin du court voyage. L’animal humait parfois l’air de nouveau, comme s’il perdait la trace de ce qu’il cherchait, puis repartait sur cette même allure lente mais assurée qui intriguait Samaïl. C’était comme si Vladyka savait ce qu’il y avait au bout, mais prenait son temps pour y aller. Cette assurance signifiait probablement que l’animal n’avait pas flairé de danger, mais sa lenteur troublait les réflexions du russe qui le chevauchait. Peut-être n’étai-ce pas dangereux pour lui, mastodonte aux dents prêtes à déchiqueter jusqu’au métal et aux griffes plus acérées qu’une hache de bucheron, mais quelque peu pour Samaïl? Ce dernier n’en avait tellement aucune idée qu’il ne pouvait plus réfléchir. Il serra les talons contre les flancs du gigantesque ours, qui accéléra quelque peu le pas, de cette démarche propre à ceux de son espèce. Pof, pattes de droite, pof, pattes de gauche, pof pattes de droite…Il se dandinait de côté en côté, tranquillement, ses muscles roulants sous l’épaisse couverture de poils bruns de son pelage.

Le problème avec les ours, Samaïl l’apprit ce soir là à ces dépends, c’est que ce sont des animaux intelligents. Non pas qu’il aie jamais pensé que son lié soit doué d’une forme presque humaine d’intelligence, mais plutôt qu’il n’eut jamais soupçonné que le grizzly puisse un jour aussi bien le comprendre. L’animal s’arrêta à l’angle d’une rue, qui n’avait d’autre issue qu’un coude vers la gauche. Il se baissa en silence, et c’est toujours sans un bruit que Samaïl descendit de son col, lançant à l’animal un regard interrogateur. Vladyka poussa doucement son camarade avec le bout de son museau, et Samaïl comprit alors ce pourquoi le Grizzly l’avait mené jusque là. Et il se rabattit sur la maison qui formait l’angle de la rue, rapidement, et toujours silencieusement, bien qu’un léger bruit de frottement eut pu être entendu à cinq ou six mètres. Son lié ne le connaissait que trop bien. Dans l’obscurité promulguée par l’angle et la noirceur de la nuit, il avait été complètement invisible, même durant la demi-seconde passée à découvert. Dans le prolongement de la rue se trouvait, immobile, une jeune fille.

A la seule vue de la fine silhouette, le cœur de Samaïl se mit à battre avec une intensité nouvelle. Le vent porta aux narines du jeune homme un parfum d’embruns et d’océan, comme s’il avait été près d’une mer qui embaumait les environs de son odeur apaisante. La cascade de cheveux qui tombait sur ses épaules, fine pluie de soie sur une peau de satin, encadrait un visage magnifique d’où terminaient de se dissiper les dernières rondeurs de l’enfance. Une très belle jeune fille, en perspective. Si les nuances de couleurs autres que noir, bleu marine et gris avaient été possibles, Samaïl se serait vu devenir écarlate. Vladyka avait visé juste. Exactement le type de jeune fille dont Samaïl rêvait. Le même genre de demoiselles que l’avait été sa sœur, des années plus tôt. Car elle lui rappelait bel et bien son aînée, toujours si douce et si gentille avec lui, la seule qui l’aie jamais soutenu durant les dures premières années de leur vie, où ils avaient été maltraités, brimés, bafoués, forcés au travail des champs et des bois dans le froid mordant des forêts sibériennes. Elle seule avait su apporter le rayon de soleil qui lui permettait de tenir au milieu des flocons de neige qui tombaient sans cesse, rendus tranchants et durs par les températures glaciaires du nord-est Russe. Il n’y avait qu’elle pour lui redonner espoir…Jusqu’à sa mort…

Cassant ses rêveries, un coup de patte vint le pousser aux fesses jusqu’à la plus claire source de lumière de l’endroit : une lanterne devant une maison éclairait désormais son visage et son corps. Vladyka, bien sûr, s’était empressé de laisser Samaïl à ses contemplations et à son futur bafouillage. Car il n’allait pas sans dire qu’une fois déstabilisé par quelque chose, Samaïl perdait tous ses moyens. Et là, ce n’était même plus déstabilisé, mais entraîné dans un typhon, qu’il était. Inutile de tenter de se cacher, il avait, sur son passage, renversé un pot qui recueillait l’eau d’une gouttière, laissant résonner dans la ruelle un bruit de casserole. Il n’était plus possible de faire demi-tour.

~ Vladyka, espèce d‘imbécile, qu‘est-ce qui t‘a pris de me faire un coup pareil…~

Mais il ne faut pas vendre la fourrure du grizzly avant de l’avoir caressé, la « menace » qu’avait pensé Samaïl assez fort pour qu’un quelconque mage ou télépathe l’entende n’était rien de plus que des mots en l’air. Mais ceux qui sortirent de sa bouche juste après n’étaient pas lancés en l’air. Ils étaient aussi confus et bafouillés par le jeune homme torse-nu au bras d’acier qu’adressés à cette magnifique jeune fille qui se tenait au beau milieu de la ruelle pavée d’un marbre désormais moussu et grisé par le temps.

-B…Bonsoir? Nous…Vous…venez d’arriver dans…Non, pardon, ce n’est pas ce que je voulez dire. Je…Vous cherchez quelque chose, pour être ici à une telle heure? L’endroit n’est pas…Sur…

Crédit: Cali' in Epicode
 
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