Trouble instant [PV Helena A.Johnson]

La nuit était bien souvent porteuse de conseils, je réfléchissais à chacun des évènements passés en particulier par la découverte d’une sœur cachée … Pendant toutes ces années, j’avais tenté désespérément d’oublier mes souvenirs d’enfance, d’oublier le visage de mes parents, d’en oublier même le lieu où j’avais été élevé comme un roi. Mais voilà que le passé m’avait de nouveau rattrapé, après temps d’années de solitude, lorsqu’enfin j’avais pu retrouver le sourire et ainsi regagner le bout du fils au bonheur que j’avais longtemps laissé échapper, après l’avoir tissé, après avoir admiré le début d’une belle toison d’avenir, je venais de trouver le premier nœud de la pelote. Un bien épais, qui me faisait barrage, et m’empêchait de tisser la suite. J’étais donc là, assis d’une façon nonchalante sur une branche haute d’un arbre aux feuillages épais. L’esprit tourmenté, le sommeil ne me venait pas. Ou tout du moins, c’était un sommeille en pointiller : me réveiller plusieurs heures, dormir quelques minutes. C’était peut-être la chose la plus épuisante que l’on pouvait avoir, une terrible torture de l’esprit et des sens, mais comme j’avais déjà vu pire, cela n’avait que guère de répercussion sur mon agilité et ma vigilance. Mes années d’entraînements n’étaient certainement pas là pour faire jolies, j’avais appris tellement de choses et je me demandais bien le jour où je regagnerais là terre pour atteindre de nouveaux objectifs…

La nuit tombée peu à peu, recouvrant le ciel qui était si bleu, par une voile noir intense, illuminée par les astres. C’était beau, comme toujours. Dame la lune, plantée au milieu de tout ce chantier, guettait les âmes perdues telles que moi et les observait attentivement. Le bras tendu, je t’entais désespérément de l’atteindre, de la toucher du bout des doigts, mais rien à faire, temps d’années-lumière nous séparés … Une étoile filante traversa non loin, je refermai les paupières, et dans un souffle je formulai un vœu qui n’avait aucune formule, aucun verbe, absolument rien. Il fallait que j’aille ailleurs, je ne me sentais plus aussi bien qu’avant, dans cette forêt, j’avais encore la voix de ma sœur qui résonnait à mes oreilles, toutes les choses révélées m’avaient donné une réelle migraine, il fallait que je m’éloigne d’ici un moment. N’importe où, je devais me réfugier ailleurs, et malgré le fait de ne pas apprécier la ville, je m’y contrains d’y aller, n’ayant aucun autre but concret.

Les idées embrouillées, je m’étais donc dirigé vers cet endroit regorgeant de population qui me semblait plus calme que prévu, car après tout, le soir était tombé, et il devait bien être minuit passée depuis peu rien qu’en jugeant la position de l’astre lunaire. Mes pas résonnèrent lorsque j’entrai dans l’une des ruelles qui me semblaient parfaites pour méditer, je vins m’asseoir dans un coin, le dos contre le mur, je refermai les yeux pour ne plus penser à rien. Mais alors que j’allais enfin m’endormir, une présence me troubla, m’obligeant à me redresser et à sauter sur le toit « Qui est là ? »

D’un seul bond bien calculé, je m’étais retrouvé perché sur le toit, la présence était encore plus proche à présent. Il ne me fallut qu’une poignée de seconde pour que mon regard rencontre la personne qui avait fait tout ce tintamarre alors que je venais de retrouver le repos d’un mort. Droit, je la regardai sans vraiment la regarder, surtout concentré sur ce qui était tombé non loin de là où je me reposai. Cela aurait bien pu m’assommer, je n’en aurais bien vu, je devais être bien plus épuisé que ce que je pensais, en vue du fait de ma plus longue réaction. D’habitude, j’aurais immédiatement ressenti cette odeur acre, pareil à du sang, mêlé à du parfum féminin. Je la laisse néanmoins faire ce qu’elle veut, prenant appui contre le rebord, je m’apprêtai à redescendre quand je fus stoppé par ces propos qui étaient fort intéressants, mais erronés, en quelque sorte. Mon regard se reposa alors dans cette mer d’étoiles les plus brillantes les unes que les autres, chaque jour, c’était un paysage différent, chaque jour, c’était la même nostalgie que la dernière. Je pris bon de m’avancer jusqu’à elle, de me tenir non loin d’elle pour à mon tour, lui faire goûter à mes sentiments et à ma connaissance. Même si auparavant j’aurais préféré m’éloigner le plus possible de toute civilisation, j’optai cette fois pour un rapprochement en douceur, j’essayai de paraître moins distant, mais ma longue solitude avait fait de moi un vieux rabougri arrêté sur ce qu’il a toujours fait. « Je me permets de corriger ce que tu viens de dire : Le ciel que tu vois aujourd’hui n’est autre que le ciel d’il y a plusieurs milliers d’années. Lorsque l’on regarde le ciel, c’est le passé que l’on voit, et non pas le présent. Ces étoiles sont mortes depuis bien longtemps. » dis-je avant de m’asseoir non loin d’elle.

Sans même m’en rendre compte, ma vois avait résonné dans la ville comme elle n’avait jamais résonné auparavant. D’habitude peu bavard, je venais de m’exprimer dans un langage appliqué et travaillé, alors je me ‘contraignis’ de conserver ma langue. Je n’étais pas du genre à parler sans limites, j’aimais être seul, j’aimais être le calme, alors je pris le temps de me coucher complètement sur les tuiles froides des toits, le regard de nouveau tourné vers le ciel. Les bras derrière la tête, je sortis de ma poche un paquet de cigarettes, en prit une parmi tant d’autres, et la coincée entre mes lèvres. Fouillant dans ma poche de derrière, je ressortis un vieux briquet légèrement rouillé, gravé d’une façon poussiéreuse, une rose recourbée. La flamme jaillit parmi les ombres et embrassa le papier blanc contenant des déchets toxiques. La bouche en haut, une fumée épaisse sortie aussitôt, dans le plus sinistre des silences.