springbreak ☾ (persartémis)

••• SPRINGBREAK

(( artémis & perséphone ))

Artémis se rendait rarement sur Terre.
En plus d’avoir abandonné le culte qu’ils vouaient à l’Olympe plusieurs centaines d’années auparavant, les humains passaient leur temps à détruire la nature que les dieux avaient façonnés avec leurs machines et leurs bâtiments, sans se préoccuper des vies que leur avidité fauchaient –animaux, végétaux, autres humains souvent aussi.
Artémis préférait se tenir loin de tout cela, quand bien même elle pouvait apprécier de temps en temps de se rendre dans ces territoires vierge et inaccessibles aux mortels, où la nature était encore reine et où elle se sentait plus en paix, loin de tout. Cependant ce n’était pas pour cela qu’elle s’était rendue sur Terre ce jour-là –elle avait à faire en Sicile, une vieille amie à accueillir après une longue absence ; quoique, l’immortalité faisant bien les choses, six mois pouvaient lui paraitre bien peu par moments.

C’est dans une jolie clairière, dans la forêt qui entouraient le palais de Déméter qu’Artémis trouva son amie ; elle était seule, assise au bord d’une petite mare qui semblait bouillonner de vie avec l’arrivée du printemps. Un sourire dessina les lèvres de la déesse qui s’approcha sans faire de bruit dans le dos de Perséphone.

« Tu n’es pas avec ta mère et ses nymphes, Perséphone ? »

Quand elle se retourna, Artémis lui offrit un de ces sourires dont elle avait le secret –sincères, mais agrémentés d’une touche de sarcasme dont elle ne se séparait jamais.

« Je suis surprise de voir que Déméter accepte de te laisser seule ne serait-ce qu’une seconde après tout ce temps passé sans toi –elle avait un peu exagéré sa façon de parler de la durée de son absence car la réaction de Déméter lui avait toujours semblé excessive, quand bien même elle n’en n’avait jamais rien dit à qui que ce soit. »

Elle s’approcha, déposa un baiser bref sur le front de son amie en guise de salutation et prit place à ses côtés en plongeant ses jambes nues dans l’eau fraîche et cristalline.

« Comment vas-tu depuis l’automne dernier ? »

Elle ne le montrait pas forcément car les épanchements affectifs n’avaient jamais été son fort, même avec Apollon et Leto, mais elle était contente de revoir la déesse du Printemps du côté de chez les vivants.

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(( artémis & perséphone ))

Perséphone semblait n’avoir jamais quitté la Sicile –même Artémis était impressionnée de la rapidité avec laquelle son amie avait récupéré de son énième séjour aux Enfers. Son sourire et son regard se faisaient aussi tendres qu’avant et elle respirait la vie ; celle qui palpite doucement tandis que la neige fond et laisse place au soleil.
Néanmoins, elle n’était pas dupe, et se doutait bien que vivre avec Hadès la moitié de son temps devait laisser des marques qui, même si elles n’étaient pas visibles, étaient bien réelles.

« Tu trouveras peut-être ça étrange mais plus le temps passe et moins je sens de différences entre les automnes et les printemps. »

Artémis scruta les traits de son amie sans l’interrompre ; à la chasse comme pour les interactions sociales, elle avait toujours été de celles et ceux qui observent avant d’agir.

« C'est peut-être moi, qui change. Comment te portes-tu ? L'hiver n'a pas été trop rude ?
— Aussi bien que la dernière fois que l’on s’est vues, il ne se passe pas grand chose en ce moment, soupira-t-elle en s’appuyant en arrière pour observer les feuillages et les arabesques que décrivait la lumière du soleil en filtrant à travers, j’ai moins de choses à faire en hiver alors je passe plus de temps sur l’Olympe mais ça ne me réussit jamais très longtemps. »

Si elle avait apprécié de passer un peu plus de temps avec son frère au début, la présence constante des autres dieux finissait systématiquement par l’oppresser et lui filer de l’urticaire.

« Des fois je me demande ce qui est le plus terrible entre rester coincée chez Hadès six mois par an ou vivre quelques semaines sur l’Olympe entre Héra et Aphrodite, ironisa-t-elle en lançant à son amie un regard ouvertement narquois –car elle n’était pas du genre à s’apitoyer sur son sort comme ceux des autres, la déesse préférait rire et se moquer de tout ; ça lui permettait de dédramatiser. »

Son aversion pour la déesse du Mariage et celle de la Beauté était connue de tous –les sentiments étaient d’ailleurs réciproques. Vivre avec elles en plus de devoir supporter les vannes à la con d’Eros, les sautes d’humeur d’Arès et les écarts de Zeus était bien trop demander pour celle qui préférait le calme des forêts, et malgré tout son amour pour Apollon, elle était repartie aussi vite qu’elle était venue.

« Et toi, alors ? Est-ce que l’hiver chez les morts est une expérience aussi palpitante qu’elle en ait l’air ? »

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(( artémis & perséphone ))

Perséphone éclata de rire et Artémis aurait juré avoir vu un bourgeon éclore au-dessus de leurs têtes.

« C'est vrai que la question mérite réflexion. »

Elle appréciait beaucoup le fait de pouvoir parler à cœur ouvert avec Perséphone sans risquer de se faire réprimander. Si elle était si peu loquace sur l’Olympe, c’était bien car ses opinions trop tranchées en faisaient grimacer plus d’un –même son propre frère parfois.
Avec la déesse du Printemps, il y avait cette sorte de compréhension mutuelle, de résonance parfois. C’était agréable de pouvoir profiter de la présence de quelqu’un sans que cette dernière ne se fasse trop envahissante.

« Quand je vois à quel point les vivants peuvent parfois être... invivables, il m'arrive de me dire que passer l'hiver parmi les morts n'est pas si terrible, finalement. »

Il est vrai que sous cet angle, elle pouvait comprendre pourquoi Hadès passait tout son temps retranché sous terre.

« Je t'aurais bien proposé de venir me voir, mais je doute que cela te plaise.
— Tu parles, fit-elle en lâchant un rire clair qui dérangea quelques oiseaux endormis, je connais du monde aux Enfers, j’en ai gonflé une bonne partie de ses rangs, ce serait comme à la maison ! »

Non seulement elle doutait du plaisir d’Hadès à la voir en son royaume –quoiqu’elle s’en fichait un peu, elle faisait ce qu’elle voulait– mais l’idée de rencontrer les fantômes de ses victimes la rebutait et l’enchantait à la fois ; d’un côté elle les avait assez vu de leur vivant, mais de l’autre il serait si bon de leur rappeler même dans la mort que c’était de sa main qu’ils avaient péri.

« Mais si un jour l'envie te prend de me rendre visite, je te montrerai mon jardin. Tu serais surprise de voir ce qui peut vivre, en bas.
— Là tu m’intéresses, fit Artémis d’un ton curieux, il est vrai que j’ai toujours été intriguée par ce que tu peux apporter au Palais d’Hadès, je serait bien tenté d’y jeter un œil… »

Elle s’allongea sur le dos dans l’herbe humide et croisa les bras derrière sa tête.

« J’imagine que tu ne reçois pas beaucoup de visites là-bas, je me trompe ? »

Tout comme elle n’en recevait pas beaucoup dans ses forêts non plus, à la différence qu’elle avait choisi elle-même cette vie de solitude, et qu’elle avait la possibilité de voir du monde dès que cela lui pesait un peu trop.

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(( artémis & perséphone ))

« La plupart des visiteurs viennent pour Hadès. »

Ils ne savent pas ce qu’ils ratent, songea la déesse sans en dire un mot. Artémis était persuadée que la Perséphone des Enfers était différente de celle qu’elle côtoyait de mars à septembre ; il suffisait de voir comme elle avait chaque fois besoin de quelques jours pour retrouver le sourire chaque fois qu’elle sortait des entrailles du monde pour fouler l’herbe printanière qu’elle apportait avec elle. Elle crevait de curiosité de rencontrer cette Perséphone là, et espérait trouver en elle une femme forte qui ne ploie devant plus personne –son mari, sa mère, qu’importe.
Malgré tout le dégoût qu’elle éprouvait envers Hadès pour la façon dont il s’était emparée d’elle, Artémis devait bien être une des rares personne à voir en cette épreuve qu’était leur mariage une bonne chose pour Perséphone : l’occasion de devenir forte –de devenir reine.
Quel genre de visiteur peut-on se vanter d’être lorsqu’en descendant au Royaume des Morts, on oublie d’en saluer la Reine ?

« On se fait rapidement à la solitude. Elle est même reposante, certaines fois.
— Depuis le temps que je te le dis, ironisa-t-elle.
— Comment vont tes filles ? »

Artémis se redressa avec un petit sourire fier et s’amusa à remuer les jambes de l’eau pour réveiller la faune miniature qui s’y reposait –un bouillonnement de têtards s’agita avant de retourner dormir au fond de la mare.

« Très bien, fit-elle laconiquement –pas besoin de mots quand sa fierté brillait jusqu’au fond de ses yeux de chats. On a accueilli une nouvelle recrue depuis la dernière fois. Notre petite sœur soit dit-en passant, ricana-t-elle en songeant à l’ascendance de la dernière Chasseresse enrôlée. Je l’ai observé s’entraîner pendant une année entière sur Terre et je ne suis pas déçue du tout, elle sera l’une de mes meilleures guerrières si elle continue sur cette voie là ! »

Artémis ne devenait bavarde que dans certains cas spécifique ; vanter les prouesses de sa Chasse aux oreilles des autres dieux en était une.

« J’avais senti sa volonté la première fois qu’elle est venue me demander de l’intégrer à la Chasse mais je voulais voir de mes propres yeux ce qu’elle avait dans le ventre avant de lui accorder ma bénédiction. Il y a des forces cachées qui ne peuvent se révéler qu’aux travers d’épreuves. »

La déesse marqua une pause et attendit quelques instants que sa dernière phrase fit mouche en bougeant machinalement un nénuphar du bout du pied. Elle releva ensuite la tête vers Perséphone, un sourire énigmatique accroché aux lèvres et une lueur espiègle dans le regard.

« J’aimerais bien rencontrer la Reine des Enfers, l’hiver prochain.  On m’a dit qu’elle aussi avait une aura qui brillait mieux sous Terre qu’à la surface… »

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(( artémis & perséphone ))

« Tes Chasseresses sont toujours les bienvenues dans les Champs-Elysées. Je m'assurerai qu'elles aient une place de choix.
— Je compte sur toi. »

Ce n’était pas qu’elle n’avait pas confiance en Hadès, simplement qu’elle connaissait le caractère impartial de son oncle qui pouvait faire des étincelles face à la tornade qu’elle pouvait être lorsqu’elle était contrariée. Avoir Perséphone entre eux deux était parfait pour canaliser le meilleur de leurs énergies et diluer l’animosité qui pouvait parfois les étreindre.

« Il n'y a rien qui brille sous Terre, Artémis...
— Tu sais bien que je ne crois que ce que je vois.
— Je ne dis pas non à un peu de compagnie. Mais je doute que les lieux te plaisent, toi qui préfère le grand air. C'est un endroit que je te suggère de visiter seulement si tu as une bonne raison de le faire… Comme, je ne sais pas... échapper à notre merveilleuse famille, par exemple. »

Artémis laissa échapper un rire sonore qui fit vibrer les feuillages au-dessus de leurs têtes.

« Si tu me vends les Enfers de la sorte je risque de te prendre au mot et venir y passer ma vie, plaisanta-t-elle. Enfin la moitié plutôt, pas sûre que le Royaume Souterrain soit des plus agréables sans toi pour l’embellir et adoucir ce cher Hadès. »

Elle s’amusait du bout du pied à faire danser les tiges des nénuphars autour desquelles s’agitaient de petits poissons argentés.

« Je viendrais te voir l’hiver prochain, déclara-t-elle finalement, d’un ton décidé. Ma destinée a toujours été la même car je me la suis forgée toute seule sans jamais en dévier et en ayant eu la chance d’avoir l’avis de Zeus de mon côté mais toi… tu changes constamment et ça m’intrigue. J’ai envie de connaître la facette de toi que seuls les morts ont droit de voir. »

Parce qu’elle nourrissait de grands espoirs pour sa sœur et amie, Artémis voulait la découvrir sous tous ses angles pour s’assurer qu’elle n’avait pas tort d’y croire.

« J’ai hâte de te voir t’épanouir aussi bien ici qu’aux Enfers. »

Hâte de rencontrer la reine affranchie.

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