highway to hell ❞ (emma-serah) ((+16))

Ce n'était ni le lieu, ni le moment pour mener un interrogatoire ; sa réaction fut légitime et elle s'en contenta, en lui promettant tacitement qu'elle obtiendrait ses réponses tôt ou tard, avec ou sans son aide. Mais les pensées qui la torturaient furent rapidement noyées dans le tourbillon de sensations emmêlées qui la submergea dès lors que leurs corps reprirent contact.

Le rideau de ses propres cheveux qui tombaient sur leurs visages confondus l'empêchèrent de voir qu'ils avaient changé de pièce, et elle hoqueta de surprise lorsqu'elle se sentit tomber en arrière pour heurter immédiatement le tissu froid du canapé. Il y eut une longue pause, pendant laquelle elle songea à balancer une remarque insolente, avant qu'il ne coupe court à ses ambitions en fondant à nouveau sur elle. Emma se braqua, prête à recevoir un nouvel assaut violent, mais la douceur du geste qui suivit la prit de court.

Le regard profondément ancré dans celui de Stelian, Emma parvint à y lire différents messages simples à reconnaître -désir, admiration, excitation- et d'autres, moins évidents -un mélange de surprise et de peur, presque. Et ils étaient tous le reflet de ce qu'elle-même éprouvait, à la seule différence qu'elle n'y mettait aucune bride. Elle n'y parvenait pas, et c'était bien pour cela qu'elle se haïssait dans ces moments-là.

Emma ferma les yeux lorsqu'il prononça les quatre syllabes de son prénom dans un souffle désespéré. Sa poitrine se souleva sous l'impulsion de son coeur qui palpitait si fort qu'elle pouvait l'entendre, puis elle rouvrit les yeux pour observer le visage de l'ange déchu au-dessus d'elle, tandis que son corps se refermait sur elle, sans qu'elle ne se sente alors prise au piège. Emma trouva du confort dans ses bras, une certaine sécurité qui la mettait suffisamment en confiance pour s'autoriser un écart de conduite. Elle leva une main qui vint caresser délicatement la joue brûlante, et passa à nouveau dans les cheveux qui lui tombaient sur les yeux.

Un instant de faiblesse, exprimé de quelque manière qu'il soit, était systématiquement source de confusion. Elle laissa tomber sa main dès l'instant où elle se rendait compte de ce qu'elle était en train de faire, et le temps qui s'était arrêté le temps d'un geste reprit son cours. La brutalité des mots qui suivirent eut pour effet de la ramener à la réalité du moment qu'ils partageaient. Elle s'accorda une seconde, avant de lui rendre son sourire.

Elle avait la voix plus rauque qu'à l'accoutumée, mais son ton n'en resta pas moins assuré. « Ne fais pas de propositions que tu vas regretter. » Parce qu'elle n'était pas dupe, que derrière l'innocence à peine assumée qu'elle reflétait à chaque caresse, Emma savait très bien ce qu'elle faisait. Qu'elle avait pris conscience qu'elle ne perdrait pas plus que lui si elle prenait la décision de tout arrêter, comme elle avait failli le faire avant qu'il ne lui prouve que lui en était incapable.
Elle pouvait lui donner le sentiment d'avoir la main, si c'était ce qu'il désirait. Mais à la fin, la décision serait la sienne.

Les dernières pièces de tissu tombèrent, tandis que leurs lèvres s'unissaient, encore et encore. Elle laissa ses mains parcourir chaque parcelle de peau, laissant une marque à chaque fois que lui se permettait de faire de même, cambra le dos quand ses doigts experts appuyaient sur un point sensible dont elle ne se doutait pas de l'existence. Elle prit une lèvre entre ses dents et finit par descendre plus bas, suivant les lignes de son cou tandis qu'elle s'accrochait désespérément à son cou pour se hisser à sa hauteur.
Il tenait dans ses bras Emma-Serah dans sa vulnérabilité la plus complète. Elle en avait terminé avec la bataille pour la domination, et ses baisers violents étaient devenus doux, presque tendres. Elle se laissa retomber dans le canapé et le laissa s'écraser sur elle tandis que ses jambes se refermaient autour de sa taille.

Il était trop tard pour revenir en arrière, et dans la course effrénée vers le plaisir, Emma fut la première à céder. Au moment où leurs deux corps fiévreux s'unissaient pour n'en former plus qu'un, c'était lui qui occupait ses pensées, et son nom qu'elle avait sur les lèvres.



Lorsqu'elle avait ouvert les yeux, par la suite, il faisait encore nuit. La seule source d'éclairage était la lumière froide de la lune, qui semblait avoir dirigé ses rayons de sorte à n'éclairer que le visage de Stelian, allongé à ses côtés dans le peu d'espace que leur offrait le canapé hors de prix sur lequel ils s'étaient assoupis après l'acte. Elle ignorait s'il dormait encore, ou s'il gardait seulement les yeux fermés pour éviter d'avoir à faire face à ce qu'il venait de se passer. Son bras était enroulé autour de sa taille, l'emprisonnant sans réllement l'étreindre, et même si elle aurait pu se dégager facilement, Emma-Serah fit le choix de rester immobile.

Elle savait que Stelian était dans la retenue chaque fois qu'ils avaient l'occasion de se trouver face à face. Mais tel qu'il l'était en l'instant, il semblait être une toute autre personne. Il avait le visage reposé, bien moins tendu qu'elle n'avait l'habitude de le voir, et ses cheveux d'ordinaire impeccablement coiffés retombaient naturellement sur son front, dans un effet décoiffé qui n'étaient pas pour lui déplaire. Elle hésita à le réveiller, puis décida de lui laisser encore un peu de répit. Elle remua légèrement pour prendre un peu de distance, en prenant soin de le gêner le moins possible, et baissa les yeux vers les bandages qui lui entouraient le torse.

« Qu'est ce qui t'es arrivé… ?. » murmura-t-elle pour elle-même. Puis elle leva la tête, et constata que les distances qu'ils s'étaient tacitement accordés à ne pas franchir avaient totalement perdu de leur sens. Ses doigts effleurèrent avec légèreté le contour de la mâchoire de Stelian qui dormait encore, et s'aventurèrent le long de sa gorge pour aller s'échouer sur les fameux bandages en tissu blanc.

Elle se laissa emporter avec lui quand il chercha -par instinct, semblait-il- à trouver une position plus confortable, et s'il n'avait pas ouvert la bouche pour lui asséner une autre remarque condescendante, elle aurait même eu du mal à reconnaîre l'homme dont elle commençait pourtant à prédire les actions. Un silence confortable s'installa entre eux tandis que chacun se remettait les idées en place. Elle se décala en râlant intérieurement lorsqu'il brisa le court instant de paix qu'ils s'étaient accordés, et ils finirent tous deux par se redresser.

Emma scruta la pièce à la recherche de ses vêtements qu'ils avaient semés dans leur course effrenée, et sursauta lorsqu'une chemise s'écrasa à ses pieds, sur le canapé. Elle leva immédiatement les yeux vers Stelian qui était déjà dos à elle, plus loin dans la pièce, et la vue qu'il lui offrait à cet instant lui retira les mots de la bouche. Elle observa les traits de son dos puissant qui dessinaient des ombres sur la lumière directe de la lune, et le halo qu'elle semblait créer autour de lui donnait à l'homme qu'elle venait d'avoir tout pour elle des airs de statue grecque.

Elle secoua la tête avant qu'il ne se remarque qu'elle le dévorait du regard, et regarda une nouvelle fois la chemise qu'il lui avait lancée comme si cela allait de soi. Mais elle n'était pas du genre à porter des vêtements qui n'étaient pas les siens, c'est pourquoi elle préféra se pencher pour aller chercher son ensemble de sous-vêtements sur lequel elle mit rapidement la main. Elle terminait tout juste d'attacher son soutien-gorge lorsqu'il revint, deux verres de ce qui était certainement un bon whiskey à en juger la couleur, et alors qu'elle s'apprêtait à décliner poliment le breuvage, Emma fut prise de court par Stelian qui reprenait possession de ses lèvres, et elle répondit si naturellement qu'elle se surprit elle-même lorsqu'elle se pencha pour faire durer le baiser, qui avait un goût bien différent maintenant que la fièvre et le désir de possession était passé.

« Disons que je ne suis pas fermée à la discussion. » Elle passa une main sur la joue de Stelian et revint chercher second baiser. « Il suffit de trouver les bons arguments. » Elle se redressa lentement et ramena ses jambes sur le canapé, regrettant légèrement d'avoir préféré sa fierté à son confort. Elle posa son verre sur ses cuisses fermées, et s'appuya sur le dossier du fauteuil pour regarder par la fenêtre. Elle réfléchit en silence, les yeux rivés sur la fenêtre qui était encore la seule source de lumière dans la pièce. Elle attendit, et en oublia presque qu'elle n'était pas dans son bureau, ni devant son tableau d'évidences et de pistes. « Blessure par balle ou coup de couteau ? » murmura-t-elle, sans se tourner vers lui.

Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration et attendit. Ils s'étaient installés dans un confort dont la seule caractéristique était l'éphémère. Pendant cinq, dix minutes, tout aurait pu bien se passer ; mais à la fin ils restaient Emma et Stelian, et la petite bulle n'était pas suffisante pour les contenir. Elle redoutait la réaction de l'ange déchu -allait-il s'énerver, cette fois ? allait-il lui demander de se taire une bonne fois pour toutes ?

Elle prit ses lèvres entre ses dents, et finit par rouvrir les yeux. « Je travaille pour la police, j'en ai vu un milliard de bandages comme celui-là. » Sa voix ne tremblait pas, mais elle se demanda quelle opération le permit car elle se sentait doucement défaillir. La pression, et la peur, presque, de recevoir une énième réponse négative, accentuaient la sensation de froid qui envahissait son corps. « J'essaye juste de comprendre. » C'était un peu plus que de la curiosité, maintenant. Mais dire qu'elle s'inquiétait, c'était peut-être un peu trop.
Même si au fond d'elle, Emma savait. Elle savait qu'elle s'attachait vite, cela faisait juste longtemps que ça n'était pas arrivé.

Pour Emma, l'idée était inconcevable. « Tu ne veux pas savoir ? » Mais elle n'était pas dans sa tête -ni même dans sa vie- alors comment pouvait-elle savoir quelles étaient ses motivations ? Tout le monde n'était pas aussi assoiffé de savoir qu'elle, et Stelian avait beau être un maniaque du contrôle jusque dans son intimité -elle l'avait très bien compris, ce soir plus que tous les autres- il ne restait après tout qu'un homme, qui avait été victime d'une agression dont il ne voulait sans doute plus parler.

C'était égoïste de sa part d'avoir abordé le sujet de multiples fois ce soir. Elle oubliait parfois qu'elle ne pouvait pas se comporter dans la vie comme elle le faisait dans une salle d'interrogatoire, et que tout le monde ne lui devait pas toujours les réponses à ses questions. « Je m'en remettrai. » Elle avait inconsciemment fantasmé des histoires entières autour de sa personne, du mystère de sa disparition, et également de son retour. Même si elle ne l'admettrait jamais, la jeune Emma -celle qui rêvait encore de prince charmant- regrettait qu'il n'ait pas mené une double-vie.

Elle se pencha sur la table pour y poser son verre intact -en exagérant trop le mouvement pour qu'il soit naturel- et dévoila au passage toutes les courbes de son corps dans leur aspect le plus valorisant, avant de reprendre sa position initiale et croiser le regard de Stelian qui ne l'avait pas quittée depuis le début de leur échange. Une nouvelle tension se fit sentir dans l'air et cette fois c'est Emma qui prit les devants en grimpant sur ses genoux pour écraser ses lèvres contre les siennes. Elle ignorait si c'était la frustration, ou les souvenirs frais de leurs ébats qui lui insufflèrent un gain de confiance supplémentaire, mais toujours était-il qu'il répondit positivement à son invitation à poursuivre ce qu'ils avaient commencé.



Le réveil fut moins évident. Contrairement à la première fois, elle se réveilla violentée par la lumière agressive du soleil qui filtrait à travers les rideaux en mousseline, avec des douleurs à multiples endroits de son corps et dont elle ne connaissait que trop bien la cause.
Il lui avait totalement ravagé le corps, cet enfoiré.
Elle chercha l'auteur du méfait dans le lit mais ne trouva qu'une place vide. Alors elle s'efforça de se lever, remit en place ses cheveux en passant devant le miroir et chercha quelque chose à se mettre sur le dos, avant de se rappeler que ses vêtements étaient en principe étalés entre le salon et l'entrée. Elle fit le tour de la pièce et trouva une pile de chemises repassées, et en enfila une faute de n'avoir rien d'autre à se mettre sur le dos.

En sortant de la chambre, elle trouva un couloir vide, et des pièces encore plus vides les unes que les autres. Bien qu'elle ait toujours vécu dans le luxe, elle ne parvenait pas à concevoir l'idée d'avoir tant d'espace inutile les trois quarts de l'année. Elle avait vécu dans un bâtiment comme celui-là, mais ils étaient cinq à y habiter et elle avait déjà l'impression que ce n'était pas encore assez.

Emma retrouva aisément le chemin vers le salon, et ne fut pas surprise d'y retrouver son hôte, qui n'attendait pas spécialement sa venue. La fée s'appuya contre l'encadrement de la porte du couloir et annonça sa présence. « Tu avais quelque chose à me faire payer, hier soir ? » Elle marqua une pause et attendit que son attention se porte sur elle. « Bonjour. »