La fumée âpre s'échappe de sa bouche charnue et les mots se délient sous une fausse tentative d'aveu qu'elle veut faire passer tout en mesurant ses mots. Pas trop. Pas encore. Elle en avait été dépendante, de cet homme, quelques années encore. À sa gentillesse enfantine qui respirait le vrai alors que la femme puait le faux. Il l'appelait chaque fois qu'il faisait un mouvement et cette inconscience qui éreintait chacun de leurs échanges crevait un peu plus le coeur de la vampire. Parce que lui ne sait pas, et que, à secondes qui passaient, il ne saurait jamais.
▬ Tu es jeune Aelicya, tu ne t'en rends pas compte mais tu as encore le temps devant toi. Tu ne corresponds peut-être pas à la fille parfaite que tu décris, tu n'as peut-être pas la vie que tu aurais souhaité avoir. Mais sache que tu vivras heureuse, tu seras une bonne mère si tu le souhaites, tu te trouveras la personne qu'il te faudra pour combler ton bonheur. Tout est une question de volonté. Ce ne sera pas moi car on sait bien tous les deux que je suis condamné et je ne supporterai pas que quelqu'un subisse mon malheur. Surtout pas toi.Elle est jeune, elle est fraîche elle est belle.
Cette vérité qu'il lui insuffle par une voix trop sensuelle amène le rouge à ses joues pâles et elle sent qu'elle perd pied. Parce qu'elle s'est voulue reine de son monde. Sa couronne parée de dorures - trop synthétiques - reste bancale à son port de tête aristocrate - trop instable. Ses sujets étaient rares encore et pourtant elle s'accrochait de ses doigts manucurés à la perfection et ses ongles rayent encore les moulures précieuses.
Et il était son Roi. Elle l'avait voulu, lui avait attribué sans rien lui demander un titre royal parce qu'elle était
reine.Elle s'était imaginé un monde rose bonbon, où ils vont couler des jours heureux entourés de leurs petits enfants, leurs héritiers, la suite de son empire. Elle avait fantasmé cette vie dans une métaphore de petite maison banlieusarde, avec une belle clôture blanche.
Ses lèvres rouges s'attirent à la bouche de James. Et il se rétracte quasi-instantanément. Elle ne s'en étonne pas. Ne cille pas. Et la vérité s'affiche ouvertement devant la reine.
Ton Roi ne t'aime pas, Majesté.▬ J'ai des rêves, des rêves de court terme. J'aimerai que les gens garde un bon souvenir de moi toute leur vie. Qu'il se dise "ah mais je me rappelais de cet imbécile de James !" ou quelque chose comme ça. J'avoue que l'oublie ça fait peur. Mais bon au fond, on ne demeure pas tous éternellement, un jour on nous oubliera. Mais je veux que les personnes que j'aime ne pense pas que je sois totalement parti. Aelicya ne se souviendra pas de lui en se disant "ah mais je me rappelais de cet imbécile de James !". Jamais.
Elle ne se rappellera pas de son air niais quand il lui raconte ses dernières conneries, de ses yeux naïfs quand il la regardait, morte d'amour pour lui, quand il lui prend la main dans un simple élan d'amitié. Elle ne se rappellera pas non plus de ses tentatives veines de lui avouer des sentiments trop forts, de ce baiser manqué qui avait écorché son cerveau et de ses mains douces qu'elle avait voulu sentir sur son corps lacéré.
▬ Si j'avais eu des rêves à long terme, je pense que j'aurai aimé être père de famille, d'avoir des enfants, de toujours faire la fête avec mes amis, même à 70 ans. J'aurai aimé mourir vieux de manière normale... Aelicya vraiment, je ne veux pas que tu gâches ta vie. Pour le moment tu es jeunes, tu as des centaines d'années devant toi, alors vraiment dis toi que tu as le temps. Sache que même si tu penses être ce que tu n'es pas, pour moi tu restes la Aelicya que j'apprécie énormément.Elle sourit. C'était le début de la fin.
Déjà ?▬ Alors je resterai cette Aelicya que tu apprécies tant.Et celle qui t'aime s'éteint doucement. Parce qu'Aelicya devait rester cette femme sans sentiments, une noble arrachée à ses valeurs et sa famille, une racaille trop précieuse ridicule qui se vante de cette beauté qui lui a été offerte à la naissance, la mannequin qui s'auto-proclame papesse de la mode, qui s'octroie le droit de penser mieux que tout le monde. Celle qui redevient l'amie de James, à qui il peut parler sans détours et sans faux-semblants.
Parce qu'Aelicya qui aime, ça ne peut pas exister.▬ Je crois que tu ne te rends pas bien compte de ce que tu me dis haha. Mais j'ai compris. Et je ferai en sorte de devenir celle que tu décris si bien.
Aelicya existait pleinement que lorsque James la décrivait avec autant de candeur. Il l'idéalisait bien trop. Elle n'était pas aussi pure qu'il le décrivait. Elle n'était pas aussi honnête qu'il le prétendait.
▬ Merci.Elle redevient vipère, et s'approche de son aimé en se faufilant avec une grâce et une sensualité qui s'évaporaient de chacun des pores de sa peau laiteuse. Parce qu'Aelicya n'aime pas les hommes. Ce sont les hommes qui l'aime. C'est l'empire à ses pieds ensanglantés.
▬ Si tu savais. Si seulement tu savais une once de mon amour. Elle pose une main délicate sur sa joue. Ses yeux s'emplissent de larmes qu'elle s'empresse de balayer d'un battement de cils. Elle rend le faux espoir de baiser qu'il lui a fait croire quelques minutes encore. Et reste à quelques centimètres seulement de cette frontière dangereuse et si tentante.
▬ Tu as raison. Je ferai en sorte d'être heureuse et de trouver quelqu'un qui m'aime réellement.Ses yeux ne quittent pas les siens, et la lueur impétueuse habituellement dans son regard limpide se radoucit, pour ne pas laisser éclater la tempête.
▬ Si ça peut te soulager, je n'aurai pas tout perdu.Sa main qu'elle avait posé sur la joue de son Roi se retire et elle tente de clore le chapitre de son amour ardent. Ferme ses yeux, pose un voile blanc sur ses désirs intimes et se remémore son premier amour. Parce qu'elle ne voulait pas qu'il finisse de la même façon. Et si elle avait failli à son amour et préserver celui qu'elle avait tant aimé, elle ne s'effondrera pas une nouvelle fois.
Son regard s'allume à nouveau. Et c'est tout ces sentiments enfouis qu'elle appuyait en fixant James. Peut-être que pour la première fois - ou une fois encore - il voyait tout l'amour qu'elle ne lui porterait plus demain.
▬ Tu ignores encore beaucoup trop de choses. Aelicya sourit, paisible.
▬ Tu es amoureux de Juliette. Tu sais ce que c'est de souffrir de l'amour à sens unique.Sens comme je t'aime.▬ Je serais toujours là à chercher ton bonheur. Comme l'amie que je suis. Elle tend sa main et accroche son petit doigt à celui du mage. Comme une promesse de ne plus jamais faillir.
▬ Promis ? Elle sourit. À nouveau. Et soutient le regard de celui qu'elle aime d'un amour qui ne se consumera plus au prochain lever de soleil.
▬ Et puis surtout... Promets moi de ne rien t'interdire. Sois heureux. Oh mon amour.
Si seulement tu m'aimes comme moi je t'aime.
Le Roi n'aime pas la Reine.
BYE BYE JOLIE PETITE HISTOIRE