(mairu६nathaniel) ✄ somebody i used to know.

Je regarde la ville sous la pluie, doucement. Les gouttes violentes s'écrasent sur mon crâne, mouillant mes cheveux qui se plaquent le long de mes joues. Il y a des jours comme cela où je déprime, pour une piètre raison. Je n'ai plus envie de rien. Juste de pleurer sous la pluie, sans rien faire. Mes yeux remplis de larmes, j'admire en me forçant à sourire les fleurs d'un des petits massifs de la ville. Je commençais à me sentir de moins en moins bien, le banc dur sous mes fesses. Il était assez vieux, le bois était délavé. Mais pourquoi je pleurais ainsi? Moi même je ne le savais pas. Cela venait tout seul. Peut-être était-ce parce que je ne voyais plus mes parents, et que je ne les reverrais sûrement jamais. Peut-être parce que je l'avais perdu, lui, peut-être parce que j'avais perdu Jérémy. Le seul, lui, le meilleur petit ami que quelqu'un peut avoir. Doux, attentionné, drôle, beau. Il me manquait tellement. Mes quelques amis que j'avais en bas aussi me manquent. Ils étaient peu, c'est vrai, mais ils étaient là pour moi, quand j'en avais besoin, et à présent je n'avais plus personne.

Il est vrai que je pourrais en parler à Atsuo, mais cela me gêne particulièrement. Tout comme j'avais du mal à parler de choses de ma vie à mes parents. L'hybride loup, c'est comme mon deuxième père. J'y pense d'ailleurs, et cela renforce mes larmes, je n'ai jamais avoué à mes parents mon orientation sexuelle avant de partir. J'enfoui ma tête dans mes mains, doucement. Et je pleure. De toutes mes forces. J'ai une raison d'entrer en dépression à présent. Pleurer, encore et encore, voilà la seule chose que j'ai envie de faire. Cela fait sûrement beaucoup pitié, mais je n'y peux rien, ce n'est pas mon but. Je sens la pluie se renforcer au dessus de moi et tomber de plus en plus dru au dessus de moi. Je me demandais bien combien de temps j'allais rester ici, sous cette pluie. Et je me suis dit que j'allais sûrement y rester la nuit. Mais d'un côté, je ne voulais pas inquiéter Atsuo, il comptait trop pour moi. Le vent a soufflé et balayer la serpillère qui me servait de cheveux. Pourquoi? C'était la seule question qui flottait continuellement dans mes pensées. J'ai senti quelqu'un s'asseoir à côté de moi. Qu'est ce que cette personne voulait?

- Je ne veux pas que vous me voyiez pleurer.

J'étais sincère. Je ne voulais que personne ne me voit. Je voulais juste crever - une nouvelle fois - me noyer dans l'eau qui tombait du ciel, dans les larmes qui coulaient de mes yeux.

Un silence morbide régnait, un cortège funèbre aurait pu passer que cela n'aurait pas changé grand chose. C'était une journée pluvieuse. Enfin, une parmi tant d'autre. Elle avançait, ses pas foulant lentement le sol, faisant gicler quelques gouttes qui s'étaient déposées sur le bitume. Elle ne sentait pas celles qui se posaient sur sa tête, son esprit étant bien trop occupé à admirer sa glace, tentant tant bien que mal de protéger cette dernière. Elle lui avait coûté un bras - enfin, pas vraiment, son porte-monnaie était déjà vide, elle ne voulait pas que la pluie se dépose sur ce qui semblait être une merveille gustative. Elle avait faim, et les glaces à l'eau, c'était dégueulasse. Se mettre à l'abri aurait été plus simple, même cette idée ne lui avait même pas effleurer l'esprit. Alors elle avançait, dans l'espoir de trouver quelque chose où elle pourrait s'asseoir. Bah oui, elle était déjà trempée, autant être trempée mais assise, c'était plus confortable. Elle leva rapidement la tête, balayant du regard les environs, jusqu'à trouver un banc. Sans même réfléchir, elle accéléra la marche, jusqu'à pouvoir enfin s'asseoir sur ce banc. Et ce, sans même faire attention à ce truc posé dessus. "Ce truc" se révéla être un humain en réalité, mais elle ne le remarqua pas, jusqu'à ce qu'il énonce quelques paroles qu'elle ne comprit pas totalement. Il voulait pas qu'elle le voit pleurer, apparemment.

« Je m'en fous que tu chiales, je veux juste bouffer ma glace. »

Elle lança cette réplique, la voix vide, contemplant encore sa glace. C'était vrai d'ailleurs, elle s'en foutait qu'il pleure. Elle avait vu beaucoup de gens pleurer, c'était pas comme si elle allait se foutre de lui ou autre. Et puis, ouais, elle voulait juste bouffer sa glace. Elle ne daigna même pas lui jeter un regard et posa sa langue sur ce qui semblait être de la vanille, avant d'entendre un léger sanglot. Alors, elle détourna le regard. Pas comme si elle était intriguée, mais bouffer avec quelqu'un qui chiale à côté, c'était pas forcément super. Elle remarqua alors que c'était un garçon, et qu'il ne devait pas dépasser la quinzaine. Sans même sans rendre compte, elle se mit à le fixer, une expression indescriptible dans ses grands yeux marrons. Elle cligna plusieurs fois des yeux, surprise, avant de se remettre à contempler sa glace. Elle était un peu troublée à vrai dire. L'espace de quelques secondes, un infime sentiment d'empathie lui avait traversé l'esprit. Elle n'avait jamais ressenti ça, même quelques secondes. Mais ce garçon lui rappelait étrangement quelqu'un. Alors, elle détourna une nouvelle fois le regard, se forçant à esquisser un léger sourire, à peine visible.

« Tu.. Veux de la glace ? »

Les dépressions. Peut-être les choses les plus horribles du monde, peut-être plus horrible que la mort elle même. Le ciel pleure au dessus de moi, en même temps que les véritables larmes sur ma joue. Est-il possible de respirer sous l'eau quand on est triste? Je me posais vraiment des questions stupides. J'avais l'impression de flotter sur une mer déserte, seul sur un pauvre radeau en ruine. J'avais l'impression que toit disparaissais autour de moi, que tout le monde s'en allais, que personne ne voulait plus me voir. Tout autour de moi, je ne voyais que du mal, des gens tristes, fatigués, et j'étais là, au centre de ce monde triste, vide. Je repensais à ma vie d'avant. Je repensais à qui j'étais, ce que je faisais, mon caractère. Pourquoi je me sentais si détruit? Pourquoi? Je n'en savais rien, absolument rien. Et j'avais soudainement l'impression de tomber du radeau, seul petit morceau de bois sur lequel je pouvais me raccrocher. Et je m'enfonçais doucement dans l'eau, suffocant, et mourant. Encore. Pourquoi? J'avais l'impression que tout cela n'arrivait qu'à moi. Pourquoi je devais être le seul à verser des larmes? Pourquoi tout le monde ne pleurait pas en même temps?

J'ai senti la présence d'une personne sur le banc, près de moi. Que voulait-elle? Se moquer de moi? Comme tout le monde, bien sûr. Tout le monde ne s'amuse que de ça, se moquer de moi. Parce que ma coiffure c'est le foutoir, parce que mon pantalon ne vient pas de la boutique chique de l'île, parce que je ne suis absolument pas le type cool que tout le monde rêve d'avoir comme ami. Tout le monde se moque de moi, simplement parce que je suis différent, parce que je suis moi. Parce que je suis moi, on m'insulte, on rigole, et je pleure, seul. Je ne montre rien, je souris, mais à l'intérieur, tout est détruit. Mon coeur s'écrase, se serre, meurt, et je meurs après lui. J'entends la voix de la femme, elle s'en fout que je pleure, elle veut juste manger de se glace. Oui, c'est ça, ignore moi. Je respirais par spasmes, ravalant mes larmes comme je le pouvais. J'avais une seule envie : tout quitter, recommencer de nouveau. Changer de vie, de nom, de tête, de parents, de tout. Revenir au départ. Mourir. Revivre. Et la jeune femme me demanda si je voulais de la glace. A quoi bon? A quoi bon manger de la glace? Est-ce que la glace arrêtera mes larmes? Je n'avais plus envie de rien.

J'ai relevé la tête, mais sans aucune conviction. J'étais un soldat tombé au combat, qui s'est battu de tout son coeur, qu'il a fini par perdre. Je ne comprenais pas bien ce qu'il se passait autour de moi, mes pensées se confondaient. Pourquoi vivons-nous? Cette question, à qui personne n'a jamais trouvé de réponse, j'aimerais bien en avoir une. Quel est le but de la vie? Pourquoi devons-nous vivre cette vie dans laquelle nous allons avoir mal, nous allons pleurer, souffrir, mourir? Pourquoi? Je fixais, les yeux vides, la jeune femme et sa glace. Je n'avais envie de rien. Mon coeur était vide, comme si la pluie l'avait balayé. Je ne savais même plus ce qui m'avait mis dans ce piteux état. Peut-être était-ce un effet de la dépression..? Je n'en savais rien, je n'en savais plus rien. J'ai tendu la main, la soulevant du banc, mais elle retomba aussi tôt comme vide de force. Non, je n'avais jamais eu de force. Et j'en aurais encore moins maintenant. Détruit, anéantit. Je n'étais que larmes et tristesse. Je n'étais que cadavre vivant. Je n'étais que moi. J'étais ce que la vie voulait que je sois. Un horrible vivant qui souhaite mourir sans jamais le pouvoir vraiment. Pourquoi?

- Je n'ai pas envie de glace. Je n'ai envie de rien. Laisse moi.

J'étais froid, sans aucun sentiment. Ma voix n'était qu'un son plat et monotone, ennuyeuse, soporifique. Et je baissais la tête. J'avais honte de vivre, j'avais honte d'être moi, j'avais honte d'être ici, j'avais honte, mais j'avais honte. J'enfonçais ma tête dans mon écharpe, mouillant la douce line de mes larmes froides. L'atmosphère semblait figée, ne laissant tomber que les grosses gouttes de pluie qui emportaient mes dernières raisons de rester là. Pourquoi je ne me finissais pas maintenant après tout? Qu'est ce que j'ai à perdre, à présent? Rien. Je n'ai rien à perdre, je n'ai plus rien, je ne suis plus rien, rien, rien, rien. Je relève doucement ma tête. Mon bras me fait mal. Quel idiot. Je relève doucement ma manche et laisse apparaître les traits rouges qui parsèment ma peau. Quel idiot, quel idiot. Pourquoi j'ai fais ça, déjà? Je ne sais plus, je ne sais plus rien, rien, rien. Ce mot s'étire et s'allonge dans ma tête comme un accordéon. Je frotte doucement les cicatrices causés par le terrible compas de ma trousse d'école. Quel idiot, quel idiot. A quoi cela servait, de faire ça? A transporter la douleur mentale, en douleur physique. Ne plus souffrir dans sa tête, souffrir dans sa peau. C'est la méthode des lâches, des faibles, ce que je suis.

- Laisse moi mourir, s'il te plait. Laisse moi partir, et ne plus revenir. Laisse moi mettre fin à cette stupide vie. Laisse moi.

Plus aucune raison de vivre, plus aucune envie de vivre. La solution était toute trouvé. Le fameux, l'atroce, le suicide. Le suicide, c'est quand la peur de la vie devient plus forte que celle de la mort, je crois que j'ai atteint ce stade.

J'ai senti la main de l'inconnue du banc tirer mon bras. Que me voulait-elle? Pourquoi ne me laissait-elle pas mourir comme je lui avais demandé? Etait-elle une de ces personnes positives en toutes circonstances qui ne pouvait pas rester muette face à la tristesse? Je l'ai entendue dire que passer sa vie sur un banc ne changerait pas grand chose. Et alors? Est-ce que bouger, danser, ou bien manger une glace, changerait quelque chose? Non. Cela ne changerait rien. Plus rien ne changera à présent. Tout est fichu, foutu, détruit. Je suis détruit. Mes larmes coulent encore, et ne semblent pas vouloir s'arrêter. Elles se mêlent à la pluie, plus battante que jamais. J'ai levé la tête vers la fille devant moi. Elle souriait. Sa bonne humeur me dégoûtait. Tout ce qui allait à l'encontre de mes sentiments me dégoûtait. Le rose des fleurs, son sourire, les maison colorés, l'herbe verte. J'ai dégagé mon bras de sa main vivement. Je ne savais pas où elle voulait m'emmener comme ça, je ne savais pas ce qu'elle voulait faire avec moi, mais je n'en avais pas envie, car je n'avais envie de rien.

- Qu'est ce que tu veux faire?

Je me souviens encore de ces jours où tu me tenais entre tes bras. Je me souviens encore de ces jours où je pouvais tout simplement te dire je t'aime, et t'embrasser. Et maintenant? Je ne peux plus rien. Je ne peux plus te voir, je ne sais même pas si tu es encore vivant, et j'espère que ce n'est pas le cas. J'ai l'espoir encore, au fond de moi, que tu m'attendes, en bas, et qu'un jour, nous nous reverrons. Je me souviens encore de ces jours où tu me faisais pleurer. Je me souviens encore de ces jours où tu me faisais rire. Je me souviens de tout, encore aujourd'hui. Je me souviens de tes lèvres, je me souviens de ton corps, je me souviens de tes yeux, de tes mains et de ton odeur. J'aimerais te revoir, rien qu'un peu, une fraction de secondes, d'infimes secondes. Mais dois-je comprendre qu'à présent cela est devenu impossible? Je ne sais pas, je ne sais pas. J'aimerais crever une nouvelle fois, pour ne plus avoir à y penser. Tu étais la raison de mon sourire, de ma peine, de ma joie. Tu étais la raison de tellement de choses. Mais alors, à quoi bon vivre si je ne reverrais plus jamais ma raison? Je ne sais pas. Je ne sais plus rien. Je me perds. Je tombe. Je trébuche. Je m'écroule. Je me brise.

- Tu sais, actuellement j'ai pas vraiment envie de faire grand chose, tu peux comprendre.

Au fond, je ne savais pas quoi dire d'autre en étant un minimum cohérent. Tout était confus dans ma tête, alors je me suis tut.