#allez, on se bat, fainéante! #adeleginette

~Allez, on se bat fainéante !~

La forêt de Sanctuary est un endroit bien mystérieux. On y trouve de tout : des animaux, des elfes, des créatures pas trop identifiées, des voyageurs perdus… Oui, on y trouve vraiment de tout.
En revanche, on s’accorde généralement à dire que c’est un lieu calme. La densité de la végétation étouffe plus ou moins bien les bruits, faisant de ce lieu un véritable sanctuaire de sérénité et de plénitude silencieuse.
Mais un beau jour, lors d’une froide matinée, un cri de rage incroyablement puissant déchira cet habituel silence aussi sûrement qu’une hache bien aiguisée peut décapiter quelqu’un, faisant s’envoler au passage une nuée d’oiseaux effrayés.

« Mais qui est le sale connard qu’a eu l’idée d’inventer les forêts ?! »

***

La gorge en feu, les cheveux en bataille et les vêtements troués, je tentai de me remettre en route à travers cette saloperie de forêt qui ne cessait de me jouer de vils tours. Un coup c’était une branche qui s’agrippait à moi ou me coupait la joue, une autre fois, c’était des racines sorties de terre et qui me faisait tomber, et encore d’autres fois, c’était des glands et des marrons qui dégringolaient des cimes pour atterrir sur le sommet de mon pauvre crâne endolori.
Bref, j’étais dans un état parfaitement pitoyable, et je vous laisse le soin d’imaginer ce qu’il se passait dans ma tête à ce moment car si je vous en parlais, les oreilles chastes et innocentes ne s’en remettraient jamais.
Pour faire court, j’insultais le monde, le destin, la forêt, le connard qui m’avait bousculée dans la rue l’autre fois, et bien sûr, je m’insultais aussi moi-même, parce que what the fuck, qu’est-ce que je m’emmerde à trouver mon chemin dans ce guet-apens végétal pour rejoindre une nana que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam et qui m’avait simplement donné rendez-vous là après m’avoir vu me battre -pathétiquement certes, mais osef ? C’est pas comme si j’avais quoi des comptes à lui rendre à cette gonzesse décolorée, alors pourquoi je fais tout ça en risquant ma peau et un énième pull qui finira sûrement à la poubelle à la fin de la journée ? POURQUOI JE FAIS ÇA HEIN ? DÎTES LE MOI !
Faut croire que j’ai vraiment rien d’autre à foutre de ma vie pour m’embarquer presque quotidiennement dans des galères que je suis pas forcément obligée de suivre au départ. Fuck.

C’est donc après une bataille acharnée contre mère nature que j’arrive dans la clairière indiquée (miracle, j’aurais pu me perdre encore plus) et j’ai la joie de constater que l’inconnue n’est MÊME PAS LÀ ! Si elle m’a posé un lapin celle-là, elle va voir de quel bois j’me chauffe !
J’ai les membres qui tremblent, les genoux écorchés, des égratignures un peu partout sur le visage et les bras, et des larmes de fatigue menacent de rouler le long de mes joues, alors si on me sort que je me suis mise dans cet état pour rien, la vie de ma mère, je me débrouille pour retrouver cette nana grâce à Elliot et je lance d’horribles rumeurs à son propos sur Internet (les lâches se vengent comme ils le peuvent hein).
Heureusement (ou pas) la madame décide enfin de se pointer, et choisit d’employer la plus appropriée des techniques d’approches :

« HEY TOI. Oh, j'te reconnais, c'est bien avec toi que j'ai le cours de self-défense. Rappelle moi ton nom? Gingembre? Ginette? Je sais plus. »

Charmant. Vraiment. Enfin, c’est pas non plus comme si je me rappelais de son prénom. C’était quoi Ad…Adélaïde ? Un truc du genre ? Tant pis, au vu de ce que j’ai pu voir d’elle, je la baptise Miss-Bourrin. Voilà.
D’un grognement traduisant plutôt bien mon irritation, je me présente :

« Moi c’Ginger pas Ginette, c’est pas dur à retenir. »

Ensuite, Miss-Bourrin traîne deux gros troncs d’arbres au centre de la clairière et m’invite à m’y asseoir en face d’elle. Bon, faut avouer qu’elle a de la force, c’est pas moi qui serait allée tirer ces gros machins.

« Euh… Et donc tu veux commencer par quoi ? me demande-t-elle en croisant les jambes. »

Je reste sonnée par la question. Alors elle, son truc c’est de proposer des cours aux gens, sans savoir quoi leur apprendre ? Son cerveau est parti en vacance ou ça se passe comment ?

« C’est toi qui m’a fait venir jusqu’ici, c’est toi qui t’es improvisée prof, alors c’est toi qui trouve par où commencer, je lâche sans trop faire attention à mes paroles, quand on se lance dans un truc, on assume jusqu’au bout ma grande. »

Et elle n’a pas idée de jusqu’où ça va la mener de vouloir m’apprendre à me battre.

~Allez, on se bat fainéante !~

« Bon allez, on va commencer par un peu de défense. »

Je hoche la tête, un peu blasée. Honnêtement, je n’attends pas grand-chose de cette session d’entraînement. Pas que je doute de la prof (encore que, hum hum) mais je ne pense pas être une élève très douée sur ce genre de matière. Quoi, au collège, j’avais vingt en sport, mais que si on faisait de la gym ou de la course (agilité et vitesse de fée oblige). Pendant les cours de judo, je me faisais rétamer (force d’être humain miniature oblige).

Enfin bref. Miss-Bourrin se lève, elle cogne le vent à coups de pieds et de poings, me montre plusieurs fois les mouvement comme si elle croyait que j’étais bigleuse et se rassoit en posant les coudes sur les genoux.

« -Si on essaie de t’attaquer avec ses mouvements de base, comment réagirais-tu ?

-Euh… C’est une question piège ? »

Ok, ma question ne semble pas très pertinente, pourtant j’ai remarqué un détail EVIDENT pendant cette démonstration. Vraiment ? Elle ne voyait pas ? Oh fait chier. Bon j’en suis pas à mon baptême de situation ridicules (ma vie entière est d’un ridicule affligeant après tout) alors tant pis pour la crédibilité que j’avais vaguement acquise au début de notre échange.

« Non mais, je fais rien si on m’attaque avec des mouvements pareils. Ils m’atteignent même pas ! »

Sur ce, je me lève et montre à ma prof d’un jour la hauteur de ma personne. Je fais 1m53. Ses coups de pieds arrivaient largement au-dessus de mes antennes, et je vous parle même pas de ses coups de poing. J’ajoute :

« Sinon si on m’attaque vraiment comme ça ben…j’sais pas… J’y fous un coup de coude bien placé et je fuis ? »

THE technique ultime du lâche faiblard. Un coup dans les couilles, et la fuite. C’est super efficace. Malheureusement, j’ai encore jamais eu l’occasion de l’utiliser sachant que tous mes adversaires étaient tellement forts comparé à moi que j’avais pas le temps de bouger qu’ils m’avaient déjà immobilisé le bras et je pouvais plus me sauver. Voilà, c’est la triste histoire de ma vie.

Je regarde Miss-Bourrin. Bon tant qu’à faire, autant rendre cette journée un minimum productive. Je lui explique le problème.

« T’aurais pas plutôt un truc contre les gros costauds qui te chopent le bras et t’empêchent de bouger ? Genre, j’sais pas, une prise de catch qui demande pas trop de force ? »

J’ai pas trop d’espoir mais bon, qui vivra verra comme dirait l’autre.

~Allez, on se bat fainéante !~

Franchement ? Cette journée commençait plutôt mal. Après m’être battue conter une forêt entière, voilà que je me fait plaquer au sol par une décolorée. Et malgré tous les efforts dont elle a pu faire preuve pour le faire plus ou moins délicatement, ben...quand on est un bourrin hein, vous voyez où j’veux en venir. À tous les coups, je me suis froissé une aile. Fait chier.

« Allez, essaye ! » Me lance-t-elle d’un air faussement assuré. Tu crois que j’ai pas remarqué depuis tout à l’heure que tu sais pas du tout quoi faire ?

Euh. Ok ? Ça va pas être miraculeux mais bon.
Rassemblant toute la bonne volonté dont je pouvais faire preuve (ce qui veut dire pas beaucoup) je tentai de faire les mêmes mouvements que ceux qu’elle m’avait montré plus tôt. Comment dire de manière pas trop humiliante que ce fut un GROS FAIL ? J’crois qu’aucun mot ne peut atténuer le ridicule de ma personne, aucun vraiment. Tant pis, je réessaye. C’est pas plus brillant, mouais.

Je souffle un grand coup et tente de me concentrer un maximum. Il faut vraiment que j’arrive à me dégager de sous son poids, sinon jamais je n’arriverai à tenir tête à qui que ce soit, physiquement parlant. Et ça voudrait dire deux choses : soit je resterais à mon état de larve à grande gueule toute ma vie, soit je la ferme, ma grande gueule, et je fini mes jours en me faisant toute petite. L’un ou l’autre, ça me plaît pas des masses, m’voyez ?
Allez Ginger, on pousse au niveau des jambes, on sert les abdos eeeeeeet- FAIL AGAIN. Cette fois c’est pire que tout. Ça commence à me courir sur le haricot c’t’histoire ! Je commence à gesticuler comme un asticot et à me débattre n’importe comment.

« J’arrive paaaaaaas ! »

Geindre. Le meilleur moyen de faire comprendre sa souffrance aux autres. J’aurais bien aimé voir sa réaction à cette plainte, preuve irréfutable de sa piètre qualité d’enseignante, cependant, un événement imprévu et totalement cliché nous a interrompues.
D’entre les arbres ont surgit une bande de trois ou quatre gars qui riait grassement, un peu comme s’ils venaient de faire un mauvais coup, ce dont je ne douterais certainement pas vu leur dégaine -ouh, le vilain délit de faciès ! Ouais ben quand quatre mecs encagoulés surgissent de nulle part en se tapant dans les mains, on a le droit de se poser des questions.

« -Jamais ils ne nous retrouveront dans la forêt, JAMAIS, se félicitait l’un d’entre eux. C’est la meilleure planque qui soit sérieux !

-Regardez tous ces bijoux les mecs, en fit un autre en sortant un long collier de perle d’un sac de sport, on va se faire des couilles en or avec le fric qu’on va en tirer !

-Range ça débile ! Faut qu’on la joue profil bas pour quelques jours avant de pouvoir tout revendre au marché noir. »

Ok. Nous sommes donc témoins d’une scène de crime : ces quatre cassos ont apparemment cambriolé une bijouterie ou whatever. Je jette un regard interrogateur à Miss-Bourrin.

Qu’est-ce qu’on fait ?

Perso, je serais plutôt pour qu’on prenne la fuite avant que ces bandits ne nous trouvent -surtout que nous ne sommes pas dans la position la plus appropriée- mais j’ai dans l’idée qu’une certaine décolorée ne partage pas vraiment mon avis…