starlights ─ Kementari

Dans sa torpeur, le félin reste immobile. Perdu à travers son propre univers, il bat des cils, inconscient de son état. Le regard fondu au noir dans l’obscurité de ses pas qui lui sont familiers, fondu à la neige qui finit de l’ensevelir lui et son poil trop clair. Ses yeux étincelants d’une douceur sans pareille ne lui conviennent pas. Il vagabonde. Errant comme le fait un fantôme, il titube.  Prêt à tomber, il se rattrape. Il ne voulait pas perdre la face, même seul dans les sombres fourrées d’une forêt trop impure. Même à l’abri de tous les regards, il tentait de rester fort. Epuisé, il demeure insensible à sa propre fatigue car trop déterminé à parvenir à ses fins. Le lac. Son souffle fait de la buée devant ses paupières presque tombées. Il manque de tomber. De sous ses cils noirs il tente de détailler la lune mais rien à faire, ses yeux sont trop fatigués.

Sa patte s’enfonce dans la neige près du lac gelé. Ses yeux se perdent dans l’immensité de l’eau trop calme et errent sans but à travers le paysage trop élégant. Tes oreilles restent alertes un moment, tes yeux attentifs. Que personne ne t’attrape, que personne ne te trouve. La patte blessée, tu tombes, devant le lac, le bout du museau dans l’eau froide. La nuit était belle, ce soir. Il faisait froid mais clair, pas la moindre brume ne dissimulant ton pelage fondu dans la neige. Tes muscles te lâchent, tu lâches prise. Aucune ne te fasse frémir, aucune ne te fasse trembler, tu demeures insensible au vent et au froid. Tu restes immobile et abattu dans tes craintes qu’on te cherche.. qu’on te trouve.

Un bruit de pas te réveille. Discret. Silencieux. Presque inaudible mais tu l’entends. Quelqu’un est là. Pas un fracassement de branche, les pas feutrés dans la neige et les arbres. Tu entends les mouches de l’autre côté de la rive, tu entends les araignées grouiller contre le tronc des arbres et tu entends ses cheveux valser au vent. Il y avait quelqu’un dans la forêt. Tu n’étais pas seul. Tu te lèves, tentant de ménager ta patte sanglante alors que tu la cherches des yeux. Qui était la proie ? Qui était le chasseur ? Servirais-tu de diner ce soir ? Attentif tu nettoies les entourages d’un regard mais n’y trouves rien. Tu grognes, incapable de retrouver forme humaine. C’était bien ta veine. Gipsy, ton geai bleu, se pose sur le haut de ta tête.

« Je n’ai vu personne, tu deviens parano. »

Sauf que tu étais sûr d’avoir entendu ses pas. Tu étais sûr d’avoir senti sa présence. Quelqu’un était là et peut-être même n’était-il pas seul. Pourtant, qui pouvait se vanter d’échapper à la surveillance infaillible de Gipsy ? Qui pouvait se vanter d’avoir des pas plus feutrés que les tiens et des pattes de velours aussi douces que tes poils ? Tu grognes une nouvelle fois, incapable de te faire discret au vu de ton état, encore moins de fuir. Tu ne comptais pas être la proie.

La nuit était belle, ce soir.