Tu cours. Tes pas s'accélèrent sur le sol neigeux et froid à mesure que ton souffle glacé s'affole sous l'excitation d'attraper ce que tu ne peux pas obtenir. Le froid ne claque plus sur tes joues pâles depuis trop longtemps, et tu perds haleine à courir, encore, plus, toujours. Tes pensées ne sont plus centrées que sur une même chose. Tu ne saurais même plus dire comment tu t'appelles. La neige couvre la vue de l'horizon mais tu ne perds pas ton objectif. Il t'appelle tu le sais, tu entends son cri au fond de ton coeur, au-delà de ton âme divine qui te semble si creuse chaque fois que tu te regardes dans le miroir. Tu cries, aussi fort que tu le peux, t'époumonant encore et encore, alors que celui à qui sont adressées tes plaintes semble hermétique à tout appel. Il est de dos, il est grand, sa stature viril t'impressionne et tu céderais ton empire pour seulement effleurer sa peau nue.
- Ah!Un parfum de victoire naît au creux de l'air ambiant lorsque tu réussis à décrocher un son de ta gorge rouge. Tu as froid, tu as chaud, un peu tout en même temps. Toi l'insensible, la glaciale déesse que rien ne semble atteindre, sauf une folie grandissante qui ronge peu à peu la beauté de tes formes et la candeur de ta magie. Tu fonds comme neige sous son regard joyeux. Il est jeune, trop jeune pour toi. Tu ne parles plus d'âge mais de pureté, la neige elle-même est trop impie pour l'Amour de son être. Il semble se retourner, et là tu espères. Tu esquisses un sourire volubile alors que tu aperçois le dessin de ses yeux sur son visage à la peau si laiteuse. L'empire à tes pieds n'est rien pour une caresse éphémère de sa part.
Puis elle arrive, elle. Cette femme que tu admires autant que tu jalouses. Elle, si lumineuse, semble assombrir ce monde parfait que tu peinait à entrevoir. Elle est là, de ses cheveux blonds jusqu'à la perfection de son corps, elle se tient devant toi, tu ne vois plus qu'elle alors que tes yeux sont uniquement tournés vers
lui.Elle approche sa petite main du corps de son aimé, ton
aimé. Tu rentres en apnée. Tu asphyxie peu à peu, tu étouffes sous l'effusion d'amour qui a débuté lorsqu'ils se sont tournés l'un vers l'autre. Tu as mal, tu cries, mais rien ne sort. Ils se touchent enfin.
Foush. Elle a disparu et le corps de ton adoré n'est plus qu'une pluie de flocons d'une candeur absolu qui se déversent sur ton être vide.
Foush.- Eros !Tu ouvres les yeux en hurlant ce nom que tu t'es interdit tant de fois. Tu es en sueur, toi qui es si froide habituellement, tu froisses les draps de satin en t'agrippant à ce qui était redevenu la réalité. Tu as le sommeil trop agité, parsemé de rêves tous plus défendus les uns que les autres. Il occupe ton esprit bien plus que de raison et plus le temps passe moins tu arrives à arracher ce sourire que tu affectionnes tant de ton esprit.
- Encore ce rêve...Tu te redresses avec cette délicatesse qui te sied si bien, et toises ton reflet dans l'immense miroir qui fait face au lit à baldaquin orné de dorures de ta chambre. Tu y vois un visage poupin et des formes trop peu développés, des sourcils fins, quasi inexistants, une peau aussi blanche que l'élément de ton pouvoir, des yeux clairs pleins de malice à l'aube de ton réveil, une mine triste que tu arbores chaque fois que tu réitères tes rêves plein de ressentiments. Et puis tu y vois ce corps de gamine, et cette bouche trop fine que tu peines à peinturlurer de rouge pour paraître plus grande, des cils longs qui contre-balancent avec tes petits yeux rieurs. Et puis il y avait cette façade, ces expressions froides, figées, qui te faisaient horreur, mais contre lesquelles tu ne pouvais lutter. Tu ne te bats jamais contre rien, tu ne peux pas ressentir autre chose que des sentiments fatals qui ne mènent à rien. Tu es cette neige aussi magnifique qu'éphémère, limpide, vide de tous sentiments. Tu te fais horreur. Tu tentes un sourire, une esquisse de bonheur dans ta vie bien face. Tu ne te trouves pas plus belle. T'aurais largement préféré être une de ces bombasses dans les magazines aux cheveux blonds et aux courbes parfaites. Tu ne peux pas rivaliser. Pas contre elles. Encore moins contre
elle.
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Tu repenses encore à ce rêve alors que la journée était bien entamée et que les heures s'étaient écoulées depuis ton réveil hasardeux, violent. Tu avances tes pieds l'un après l'autre sans vraiment réfléchir à ta destination. Tu ne respires plus que pour lui, tu n'avances plus que pour lui. Et tu tente de calme cette tempête qui s'anime au creux de ton ventre chaque fois que tu vois son visage. Tu n'en peux plus. Tu atteins presque la limite. Plus douloureux encore que de devoir affronter leur couple respirant le bonheur et la complicité, tu es fatiguée de réprimer tes émotions par affection pour Psyché, chaque fois que tu réveilles ces sentiments si forts, par amour pour Eros. Tu es fatiguée, de chaque fois te dire que tu n'as aucun avenir avec lui et que tu es seulement « la petite soeur de ». Tu n'es pas une femme, tu es encore une gamine. Tu te vois adulte alors que tu n'es qu'une enfant. Tu vomis cette vision de toi, comme tu exècres les sentiments que tu peux porter envers autrui. Tu aimes et tu détestes. Et tu te heurtes à ces conclusions moroses lorsque ton corps lui-même se cogne à un autre. Plus grand. Plus imposant.
Tellement plus que ça.
- Eros !Il n'est plus dans tes rêves, mais bien en face de toi, dans la réalité. Tu n'oses pas y croire, à cette chose pourtant si ordinaire. Tu ouvres la bouche par surprise, alors que son nom vient d'échapper à tes lèvres rouges, et tu portes tes doigts à l'écharpe autour de ton cou, une vérification pour savoir si ce qui se déroule est bien de l'ordre du réel. Réel ou pas réel. Tes pensées sont confuses, ton esprit s'emmêle, et la jeune déesse insupportable que tu es se transforme en chaton docile par sa présence.
- Que... Qu'est-ce que tu fais là ?Tu en fais trop. Tu t'en rends à peine compte. Sans maîtriser plus rien, tu laisses tes sentiments parler dans la limite de ce que tu peux supporter. Tu ne jures que par lui. Le Dieu de l'Amour qui a décoché sa flèche droit vers ton coeur gelé.
© basé sur un codage de one more time & silver lungs.