The king of Ship and the blue.

Bon.
Je vous avoue – parce qu'on est entre nous – que je n'ai absolument aucune idée de ce que je fais en Atlantide.
...
J'exagère. Je suis pas dérangé au point de ne pas savoir ce qui m'emmenait au fin fond de l'océan alors que j'étais habitué à vivre par-dessus les nuages; que j'avais le mal de mer comme c'était pas permis et que bien sûr les poissons n'étaient pas mes meilleurs amis – dans le sens où, vous comprenez, j'en faisais bouffer des tonnes à mon dragon. Venez pas me blâmer au sujet de la vie de ces pauvres poissons, je l'ai déjà suffisamment sur la conscience – ... pas tant que ça, j'ai juste envie de faire bonne figure. « Heureusement que les poissons m'entendent pas penser. » La demoiselle assise sur le banc à côté de moi tourne la tête dans ma direction, un peu surprise de me voir parler tout seul, je suppose. Mais bon, les gens font ça de nos jours, c'est pas comme si j'étais réellement détraqué... et même si c'était le cas, je vivais avec depuis des siècles alors un de plus ou un de moins... « Je disais : heureusement que les poissons m'entendent pas penser, parce que j'ai un dragon qui en mange tous les jours. C'est moi qui l'emmène pêcher la plupart du temps – vous savez il peut pas voler tout seul – mais ça veut dire, en soi, que je suis un... comment ils appellent ça ? » Je fronce des sourcils. Les langues qui évoluent, c'est un peu compliqué à suivre, je ne vais pas vous mentir. Un beau jour on apprend un mot, et le suivant – bon, peut-être 10 ans plus tard, mais on est pas à la décennie près... – on te révèle que non, plus personne ne dit ça comme ça. L'autre jour, y'a un sale gosse qui s'est foutu de ma gueule, j'ai cru que j'allais lui tirer une flèche entre les deux yeux... avant de me rappeler que faire tomber amoureux des gamins de six ans, c'est vraaaaiment pas intéressant – plus sérieusement : je l'aurais fait si sa mère était pas venue le chercher.

« ... Non vraiment t'es chiant meeeec ! » ... wait. Je la connais cette voix... non ? Je regarde autour de moi, dans l'espoir de trouver quelque chose et– OH MON DIEU UNE BLEUE. Au loin, je vois que s'agite la copine de mon oncle – bon techniquement ils ne sont pas ensemble, mais j'aime bien dire ça comme ça étant donné que je n'ai pas de lien de parenté avec mademoiselle Iris. Donc si elle n'est pas ma tante, elle est la copine de mon oncle, CQFD. Je bondis du banc de corail, ce qui fait sursaut– « OH PAR LES DIEUX. CE BANC EST EN CORAIL. C'EST FABULEUX. » Vite, je fais un tour du banc et l'inspecte en détail, en me baissant, me relevant, en cognant dessus, en passant une main tout doucement... waaaaw un banc en corail, j'ai jamais vu ça ! « OH HEY IRIS. REGAAARDE LES BANCS SONT EN CORAIL. EN C-O-R-A-I-L. » Avant qu'elle n'ait le temps de se retourner, je lui saute dessus en passant un bras autour de ses épaules, aussi familièrement que j'avais l'habitude de le faire. Je pointe du doigt le banc sans tenir compte de sa réaction, en m'exclamant comme si j'avais fait la découverte du siècle. « T'saurais pas comment on appelle le mec qui tue plein de gens en même temps ? » je l'interroge, l'air on ne peut plus sérieux. Je la regarde en biais, en esquissant un sourire en coin. « Eh t'aurais pas rapetissé toi ? » Je me rappelle une époque où j'étais encore un gamin, qu'elle me dépassait de deux têtes mais que j'étais déterminé à dire à tout le monde que j'allais me marier avec elle quand je serai plus grand qu'elle.

D'un côté, je compatis pour Iris.
C'est vrai quoi, ça doit pas être facile pour elle de nous voir tous grandir autour d'elle et rester petite.
Bon allez stop, j'commence à devenir méchant... mais n'empêche que c'est marrant.
N'empêche qu'elle arrive à trouver des excuses mine de rien ! Je suppose que c'est l'habitude, quand on a Hermès qui te descend tous les jours t'as pas le choix... Je marmonne un « Okaay on va dire ça comme ça... » moqueur quoique purement amical. Elle est marrante Iris, quand j'pense que j'étais amoureux d'elle quand j'étais petit ! Je sens mes joues chauffer légèrement, c'est un peu gênant d'y repenser et Grand-Père sait à quel point j'ai le rougissement facile. Je passe un bras nerveux sur mon visage et baisse les yeux vers Iris qui me fixe avec des yeux de poisson... vu qu'elle regarde le sommet de ma tête, je suppose qu'elle avise quelle taille je fais. « Un mètre quatre-vingt. » je lui chuchote, comme si je lui soufflais une réponse que les autres devaient pas entendre. J'éclate de rire à sa réponse, et commence à raconter ce que je pense des bancs en corail jusqu'au moment où je remarque qu'elle a le regard qui plane derrière moi.

Curieux, je décide de me tordre le cou pour voir ce qui attire son attention. Au loin, il y a un petit banc de poissons argentés dont les écailles m'aveuglent un peu à cause des reflets... du soleil... ce qui est assez étrange puisqu'on est au fond de l'océan. J'ai juste le temps de me pencher sur la question et Iris m'attrape par le bras et commence à courir. Dans la mesure du possible, étant donné qu'on est sous l'eau. J'ai l'impression de courir sur la plage, là on les vagues mordent sous le sable. Mes pattes sont lourdes, c'est assez inconfortable dans l'ensemble... « C'est quoi ça ? Tu les connais ? » je lui demande. Sait-on jamais, si ça se trouve elle a contrarié les poissons, j'en sais rien moi. En partant du principe où je nourris mon dragon avec uniquement des poissons - bon OK, un peu de malbouffe aussi mais pas souvent - c'est p'têt après moi qu'ils en veulent ?

Les cheveux d'Iris volent dans tous les sens quand elle se jette derrière deux rochers placés devant une petite cavité dans le sable. Je reste derrière elle, accroupi là aussi dans la mesure du possible puisque mes jambes sont un peu trop longues et que ça sert pas à grand chose que je me mette là. « Hermès élève des poissons ? » que je m'exclame, et c'est à mon tour d'avoir un regard de pure surprise. Non non je vois pas le style... mais je fais comme si. Une Iris qui t'explique ce qui se passe dans sa tête, c'est assez intense, dans le genre viens-on-essaye-de-faire-exploser-ton-cerveau-ça-peut-être-marrant tu fais difficilement mieux. « Ta vie ça doit pas être facile avec Hermès. » je fais remarquer une fois que les poissons sont partis. Je baisse la tête vers Iris qui est assise entre moi et le rocher derrière lequel on s'est cachés. Chaque fois qu'on me parle de lui, je me dis qu'Hermès, c'est le grand-frère que j'ai jamais eu. Les gens le savent pas en général, mais ça n'étonne personne quand je leur dit.

Je me laisse tomber sur les fesses les premières sur le sable et replie un peu mes jambes trop longues pour rester recroquevillé, et me met ainsi en tailleur. Je me gratte l'arrière de la tête comme chaque fois que je me retrouve à parler d'un sujet de conversation un peu délicat, puis re-fixe Iris. « T'sais, c'est Hermès qui m'a appris la plupart des trucs que je sais. » Hermès, c'était celui qui venait me chercher dans ma chambre et qui me disait « hey boy, tu viens ? on va mettre des pétards dans les chiottes d'Héphaïstos ! » et que j'aurais suivi jusqu'au bout du monde, parce qu'il était juste... trop cool. Du point de vue d'un gosse, c'est vraiment génial d'avoir un modèle autre que son père... enfin Papa est pas mal dans le genre, mais lui il fait pas exprès d'être comme ça. « Qu'est ce que tu fais là ? T'as vraiment pas l'air de sentir bien ici... » je désigne d'un geste de la tête les poissons qui viennent de passer leur chemin. Pour se faire attaquer par un banc de poissons... soit elle était une habituée et elle avait eu des histoires avec eux, soit au contraire elle savait pas qu'un poisson c'était pas si teigneux que ça.

En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, Eros s'était improvisé psy. Iris était allongée sur le sable, regardant dans le vide comme si elle s'était trouvé dans un de ces sofas comfortables –comme il avait pu le voir dans les séries et autres films dont il était très friand– et lui se trouvait assis à l'écouter déballer sa vie comme si c'était normal. Eros avait toujours su qu'Hermès était invivable lorsqu'Iris était dans les parages, mais pas à ce point. « Il t'a vue à poil ? » Iris et Hermès avaient toujours été un extrême aux yeux d'Eros : malgré les siècles passés ensemble ils n'avaient toujours pas fait  un seul pas l'un vers l'autre et pourtant ils ne pouvaient pas être plus proches. Ils n'étaient même pas amis, et leur relation était juste indescriptible. « Un mec gentil ne suivra pas ton rythme, t'en es consciente ? » lui demanda-t-il finalement, mais elle ne lui accorda pas de réponse, trop occupée à se plaindre. Elle poursuivit sur la lancée, les plaintes se mêlant les unes aux autres si bien que le dieu de l'Amour dut s'accrocher pour comprendre ce qui la turlupinait de la sorte, jusqu'à ce qu'il mette le doigt dessus. Hermès avait réalisé qu'Iris était jalouse. C'était ça son problème : il avait une petite longueur d'avance sur elle.

Il s'apprêtait à lui faire part de ses observations quand elle changea radicalement de sujet. Il sentit ses joues chauffer légèrement –il était tellement facile de destabiliser Eros qu'il devait s'estimer heureux que ce ne soit qu'Iris qui se trouvait devant lui– et balbutia quelques mots incompréhensibles avant de prendre une grande inspiration et poser la question la plus simple possible. « D'après... les gens ? » Eros n'avait jamais été du genre à étaler sa vie privée. Certes il était de notoriété publique que sa petite amie était l'ex-princesse mais il ne s'attendait pas à ce que l'on parle de lui comme s'il avait été une de ces célébrités que les adolescents suivaient. Ils s'assit plus confortablement et commença à dessiner des cercles sur le sable. « Avec Psyché, tout est toujours venu très naturellement. » Il ne savait pas trop par où commencer, c'était un peu comme si sa grande sœur venait de lui demander de parler de sa vie sentimentale... « Il y a des couples pour qui ça ne vient jamais, ce côté naturel ; moi je les vois tout le temps, les couples amoureux m'apparaissent en rêver les faux amoureux ce sont mes cauchemars. » Autant dire que toutes les nuits, c'était comme s'il regardait une série pour ado, décousue au possible et carrément épuisante. Enfin pas tant que ça ; après tout il en oubliait la moitié au réveil. « Je pense que c'est ça qui est magique avec elle. Il y a des jours où j'ai l'impression qu'on est rien de plus que deux potes qui s'amusent, et d'autres où j'ai envie de la demander en mariage ! » Il avait le même éclat dans les yeux que les enfants enthousiastes, tout ça parce qu'il était amoureux.

Il effaça ce qu'il avait dessiné et recommença par dessus, en pensant que peut-être il pourrait rendre une petite visite à sa princesse lorsqu'il remonterait sur l'Olympe, juste avant de rentrer chez lui. Le jeune homme tourna ensuite la tête vers Iris qui regardait encore dans le vide –peut-être était-elle en pleine réflexion, son cerveau était toujours plus actif que la moyenne– et claqua des doigts pour attirer son attention. « Tu m'fais signe le jour où tu trouves quelqu'un ? J'ai pas trop envie de l'apprendre dans un rêve, je me sentirais spoilé un peu... » Il aurait pu formuler la demande autrement, notamment en lui demandant de le prévenir quand elle réaliserait que "Hermès était l'homme de sa vie" mais ce serait brusquer les choses, et ce n'était pas son intention. « T'as jamais songé à... je sais pas, rencontrer un mortel ? » Eros mieux que quiconque savait que l'amour ne se trouvait pas nécessairement sur l'Olympe, mais Iris y avait-elle réfléchi ? Après tout elle méritait d'être heureuse sur ce plan, et puisque c'était le domaine d'Eros, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne lui vienne pas en aide. Peu importe combien il avait envie de voir sa relation avec Hermès évoluer, l'important était qu'elle soit heureuse. Avec ou sans lui.