Entre chasseurs et proies [PV Friederike ♥]

Nayla suivait une piste qui l’avait menée jusque dans la forêt. Elle ne savait pas exactement ce qu’elle cherchait, mais son instinct lui avait signalé un danger alors qu’elle se reposait au lac. Il y avait une sorte d’anomalie, elle n’en connaissait pas la nature, mais elle n’aimait pas ça. Pour protéger son habitat, elle avait donc décidé de repérer ce qui se cachait. Mais ce quelque chose devait se déplacer, car plus elle avançait, plus elle perdait la trace. A présent, elle se retrouvait entourée d’arbres feuillus, dans un environnement qu’elle n’avait pas l’habitude de fréquenter. Voilà qui était fâcheux. Ses sens développés au aguets, elle guettait le moindre mouvement, le moindre signe suspect. Hélas, elle avait dû suivre la mauvaise direction, car elle ne sentait plus rien. Elle était bien meilleure pisteuse dans l’eau, elle devait le reconnaître. Dépitée, elle s’assit sur une vieille souche, au milieu d’une petite clairière.

Ces derniers temps, sa vie était plutôt calme. Depuis sa rencontre avec la déesse Artémis, il ne s’était rien déroulé de particulier. Ah si, elle avait enfin retrouvé le jeune homme qui l’avait libéré en compagnie d’une jeune fille. Un individu charmant, bien éduqué, qui lui témoignait un grand respect. Et c’était réciproque, d’autant plus qu’elle lui serait toujours reconnaissante. Elle avait toujours une dette envers lui, même s’il lui avait assuré qu’elle était payée. Là-dessus, la kirin était un peu perdue, mais bon. Installée en tailleur, sa position favorite sur terre, elle cueillit une fleur et la contempla. Une si jolie chose ! Dommage que les humains de la Terre soient aveugles et passent leur temps à saccager leur habitat. C’était révoltant, hélas Nayla n’y pouvait rien. Si les dieux ne se remuaient pas pour changer les choses, c’est qu’ils devaient avoir leurs raisons.

Un bruit étouffé la tira de sa contemplation. Elle releva la tête et scruta les alentours de ses yeux bleus. Avait-elle rêvé ? Elle resta silencieuse et immobile pendant une minute, mais elle n’entendit rien de suspect. Elle devait s’être trompé… cela lui arrivait parfois, après tout elle n’était pas parfaite. Elle relâcha son attention et commença, en arrachant de longs brins d’herbes, à tresser une petite couronne. Elle y accrocha la fleur au centre, et admira son œuvre. C’était sa mère qui lui avait appris à tresser avec à peu près tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. C’était facile, rapide, et reposant. Elle s’apprêtait à en faire une nouvelle lorsqu’elle entendit une branche craquer sur sa gauche. Glissant la couronne dans son petit sac en bandoulière, elle se releva avec grâce et se dirigea prudemment vers l’origine du bruit.

Soudain, elle la sentit à nouveau. Cette espèce d’anomalie. Son instinct lui criait que quelque chose de néfaste approchait. Elle ne savait pas exactement à quoi s’attendre, elle n’aimait pas tellement ça. Elle avait retrouvé sa piste. Comme quoi, patience et longueur de temps font plus que force et que rage. Sur ses gardes, elle reprit sa chasse, attentive au moindre signe suspect. Elle ne savait pas où tout ceci la mènerait, mais Nayla n’allait pas laisser un danger quelconque menacer son habitat. Les craquements se firent de plus en plus nombreux et de plus en plus proches. Elle fronça les sourcils. Cela ressemblait à une course effrénée, comme si une créature cherchait à échapper à un poursuivant. Le danger se rapprocha d’elle puis la contourna. La kirin s’immobilisa à la lisière de la clairière et se retourna, mue par son instinct.

Elle vit surgir une jeune fille loin sur sa gauche. Une créature d’un noir malsain la poursuivait. Les traits de Nayla se durcirent. Qu’est-ce qu’un Sans-cœur faisait ici, sur l’île ? Leur présence était rare mais annonciatrice d’ennuis. Elle n’aimait vraiment pas ça. D’autant plus que la maudite bête n’était pas seule. D’autres l’accompagnaient. Elles avaient pris en chasse cette pauvre fille, pour lui voler son cœur. Nayla ne laisserait pas une telle chose se produire. Elle se transforma en kirin et rugit pour attirer l’attention des créatures. Ces dernières tournèrent leur tête vers elle, s’arrêtèrent pour se concerter, puis reprirent leur course. Elles avaient jugé que la jeune fille était une proie plus facile qu’un animal mythologique enragé. Contrariée, Nayla se mit à galoper pour leur barrer le chemin. Mais, comprenant qu’elle n’arriverait à rien de la sorte, elle ouvrit sa gueule et, en visant soigneusement, elle cracha un puissant jet d’eau sur ses proies. Celles-ci furent projetées contre des arbres sous la violence de l’impact. Nayla se positionna ensuite entre la jeune fille et les Sans-Cœurs, sa queue fouettant sauvagement l’air.

« Est-ce que ça va ? » demanda-t-elle à la jeune fille par télépathie, sans se retourner.